Gironde (Révolution française)

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Les Girondins à la prison de la Force après leur arrestation. Gravure de 1845
Les Girondins à la prison de la Force après leur arrestation. Gravure de 1845

La Gironde, est le nom donné à un groupe politique de la Révolution française qui siégea à gauche à l’Assemblée législative [1] et à droite (en face des Montagnards) à la Convention nationale, [2] parce qu’il était composé de plusieurs députés des bords de la Gironde[3]. Ils étaient en majorité issus de la bourgeoisie provinciale des grands ports côtiers. Appelés à l’époque Brissotins, Rolandistes ou Rolandins, l’appellation de Girondins est moins ancienne et ne fut popularisée qu’au début du XIXe siècle, notamment par Lamartine dans son Histoire des Girondins.

« A la fin de 1791, le parti des Girondins était encore au berceau; il ne pouvait encore figurer, dans l'Assemblée, que par, Brissot, Vergniaud, Isnard, Gensonné, Condorcet, et hors de l'Assemblée, que par Buzot, Clavière, Roland... »[4]

Ses membres, pour la plupart inscrits au club des Jacobins, à Paris ou en province, constituaient l'aile la plus avancée de l'Assemblée législative, avant de représenter l'aile droite de la Convention nationale face aux Montagnards[5], qui étaient en force parmi les députés de Paris, et incarnés par les figures de Robespierre, Danton ou Marat.

Leur affrontement violent avec le groupe des Montagnards domine les premiers mois de la Convention[6].


Sommaire

[modifier] Division sur la question de l’opportunité de la guerre

[modifier] Causes

Voyant dans la Révolution française un système qui affaiblissait la France, les puissances européennes étaient, au début, restées assez passives, mais après Varennes (juin 1791), elles manifestaient unanimement leur hostilité à la Révolution. Le 16  février  1792 la Prusse et l'Autriche avaient signé un pacte d'alliance. L'Espagne, la Russie et la Suède rappelaient leurs ambassadeurs. Voyant alors dans la guerre le salut de la République, les Girondins prônèrent la guerre contre ceux qui, en Europe, encourageaient la résistance aux lois révolutionnaires ou n’observaient pas un gage de neutralité en désarmant les émigrés.[7]

[modifier] Le Ministère Girondin du 15 mars 1792

Voulant affaiblir le roi qu'ils soupçonnaient de trahison, les Girondins décidèrent de faire tomber le ministère Feuillant (modéré) que celui ci avait constitué; le 15  mars  1792 ils l'emportèrent[8]. Louis XVI fut contraint de former un ministère girondins avec Dumouriez aux Affaires Étrangères, Roland à l'Intérieur, Clavière aux Finances et plus tard (en mai) Servan à la Guerre.

Ces nominations ne faisaient certes pas l'affaire des Montagnards, à vrai dire encore fort peu étoffés, (Aux Jacobins même, Marat, Robespierre, Billaud-Varennes étaient presque seuls) et étaient hostiles à la Guerre, qui risquait de marquer un coup d'arrêt à l'escalade de la Révolution.[9]

[modifier] Les débats sur la guerre

Les questions de l'opportunité de la guerre, sont débattues pendant plusieurs mois, de octobre 1791 à avril 1792. L'armée des émigrés s'agitant près des frontières françaises, donna l'occasion aux Girondins de mettre en pratique leur idée d'étendre le message de la Révolution, aux peuples d'Europe, soumis à « l'esclavage des tyrans ». Ils portent donc le problème à l'assemblée, le 22 octobre, avec un discours de Vergniaud et, le 31 octobre suivant avec une intervention d'Isnard. Le 9 novembre, l'assemblée décrète que tous les émigrés doivent rentrer en France avant le 1er janvier  1792. Dans son discours du 16  décembre  1791 à l'assemblée qui ouvre le grand débat sur la guerre, le girondin Brissot déclare: «... Et nous dont les frontières sont menacées, dont les réquisitions sont rejetées, nous, hommes libres, nous balancerions. La défiance est un état affreux. Le mal est à Coblentz (...) Le pouvoir exécutif va déclarer la guerre: il fait son devoir, et vous devez le soutenir quand il fait son devoir...» Mais, dans l'immédiat, rien ne menace la France au point de se lancer dans l'aventure d'une guerre contre les puissances européennes.

Quand en novembre 1791, Robespierre rentre à Paris, venant d'Arras, il n'est plus député[10] mais demeure l'une des principales figures des Jacobins, dont il a assuré la cohésion au moment de la scission des Feuillants[11], malgré l'afflux des nouveaux députés girondins. Il est élu à la présidence du Club le 28  novembre  1791.

Dans un premier temps, Robespierre se prononce pour la guerre[12], au contraire de Billaud-Varenne. Puis, modifiant sa position, il s'oppose à Brissot dans plusieurs discours.

[modifier] La division des Montagnards

Entre la France révolutionnaire et l'Europe dynastique la guerre paraît inévitable. La seule question qui se posait était le choix du moment. Robespierre, le 12 décembre, aux Jacobins, dans un nouveau discours, modifie sa position et conclut:« La guerre est le plus grand fléau qui puisse menacer la liberté dans les circonstances où nous sommes ». Mais en ces mois décisifs qui suivront, il ne fera aucune contre-proposition à la guerre, et sur ce sujet ses amis Jacobins sont trés divisés.

Les partisans de la guerre semblent l'emporter. Pourtant dans ses différents discours aux Jacobins, Robespierre à cette période, paraît trés réaliste sur les conséquenses d'une guerre dans l'immédiat: « Domptons nos ennemis du dedans et ensuite marchons à tous les tyrans de la terre... » ou bien « La plus extravagante idée qui peut naître dans la tête d'un politique est de croire qu'il suffise à un peuple d'entrer à mains armées chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n'aime les missionnaires armés... ». (Extrait du discours du 2  janvier  1792 aux Jacobins.) Mais il ne sera pas suivi. Même Couthon, Jacobin et ami de Robespierre, écrit: « Le plus grand nombre est pour la guerre. Et je crois que c'est ce qui convient le mieux »

[modifier] La guerre aux rois

Pendant ce temps les Girondins, eux, agissent et entraînent si bien, que la presque totalité de l'assemblée votera la guerre le 20  avril  1792. (7 votes seulement sur 750 seront négatifs).[13]

Les Girondins ont voulu la guerre, ils ont su entraîner la France dans cette aventure, croyant que la guerre résoudrait les nombreux problèmes intérieurs que la Révolution avait fait naître mais peut-être sans assez travailler les problèmes de fond, comme la capacité du pays à soutenir, sans allié, un conflit contre les rois coalisés, tout en voulant « révolutionner » l'Europe, ni même penser aux conséquenses qu'un conflit pourrait avoir sur la Révolution elle même. Il suffira des revers subis les premiers jours, pour mettre les Girondins en mauvaise posture à l'assemblée. [14]Entre Robespierre et Brissot le fossé s'élargit mais, même si la tension commence à monter, ils se rapprocheront à nouveau au Club des Jacobins. Ce n'est pas encore la période des affrontements terribles où Montagnards et Girondins voudront se détruire.

[modifier] Les Girondins: la Révolution et la politique

[modifier] La journée du 20 juin 1792

Le 13 juin le roi met son veto aux décrets votés par l'assemblée nationale et renvoie les ministres Girondins. En représailles et afin de faire plier le roi, ces derniers organisent la journée « pacifique » du 20 juin. La date n'est pas choisie au hasard: c'est l'anniversaire du Serment du jeu de paume et il y a un an le roi tentait de s'échapper. Très vite les événements vont dépasser les limites et les débordements iront au delà de ce qu'avait prévu Pétion, le maire de Paris, ainsi que les municipaux. La manifestation sera un échec sur le fond, Louis XVI, malgré l'invasion des Tuileries et les pressions subies, ne revient pas sur sa décision de ne pas signer les décrets et de reprendre les ministres Girondins renvoyés. Pétion sera congédié le 8 juillet, pour ne pas avoir su maintenir l'ordre, mais il retrouvera son poste le 13 juillet suivant.[15]

La Montagne n'y participant pas, cet échec aura des conséquences négatives pour les Girondins; non seulement cela fera monter d'un cran l'antagonisme entre patriotes et monarchistes, mais encore la manifestation du 20 juin conduira les « sans culottes » des faubourgs à l'assemblée. Des chefs sont apparus, (Santerre)[16] ces hommes n'oublierons pas le chemin des Tuileries.[17] Si les Montagnards refusèrent de s’associer à la la journée du 20 juin 1792, ils préparèrent l' insurrection du 10 août, instaurant une Commune insurrectionnelle à Paris et réclamant une Convention.

L'évènement politique qui se produit ce jour là doit-être analysé en terme de rupture; si les sections parisiennes font leur entrée dans la salle du Manège, c'est qu'elles sont en train de faire dans la vie politique.[18]

Même si cela n'est pas visible dans l'immédiat, les Girondins sortiront affaiblis de cette journée. Les deux partis se trouvent dressés l’un contre l’autre avant l’ouverture de la Convention nationale. Les Montagnards sauront s'appuyer sur la Commune et en tirer parti dans les luttes politiques qui suivent.

[modifier] Avril-mai 1793 : la lutte ultime entre Girondins et Montagnards

Ce furent d’abord les Girondins qui firent décréter l’arrestation de Marat par la Convention nationale le 13 avril 1793; mais celui-ci fut acquitté par le Tribunal criminel extraordinaire et regagna l’Assemblée triomphalement le 24 avril 1793, puis, afin d’enquêter sur les exactions de la Commune de Paris et de veiller à la sécurité de l’Assemblée, ils firent nommer une Commission des Douze avec pouvoir d’arrestation.

Hébert, substitut de la Commune de Paris, fut arrêté. La Commission des Douze cassée puis rétablie. Les Montagnards, dans les clubs, firent appel au peuple de Paris.

Forte de l’appui de 36 sections, la Commune organisa les journées d’émeute des 31 mai et 2 juin 1793. La Convention nationale cernée par des insurgés commandés par Hanriot, chef de la garde nationale, vota l’expulsion de vingt-neuf députés girondins et de deux ministres.

Profitant de l'indécision de l'Assemblée sur leur sort, les 6 et 9 juin, 75 députés protestent contre cette mesure; ils sont restés dans l'histoire sous le nom des « 73 ». La plus grande part sont décrétés d'arrestation.

Placés en résidence surveillés, plusieurs d’entre eux réussirent à s’évader et tentèrent de soulever la province, à l’instar d’Élie Guadet, avec peu de succès dans l’immédiat, si ce n’est, peut-être, l’assassinat de Marat par Charlotte Corday.

[modifier] Répercussions

Pourtant le coup de force contre l’élite girondine fédéraliste de la Convention est durement ressenti dans le sud du pays : Lyon, Bordeaux, Marseille et d’autres font sécession à partir de juin 1793, amorçant une véritable « révolte des provinces » pour défendre le fédéralisme.

La rébellion fut rapidement matée, obligeant les chefs à se suicider (Clavière, Roland) ou à s'enfuir en Gironde, où, après des mois de traque, certains sont capturés et exécutés (Barbaroux, Élie Guadet), tandis que d'autres mettent fin à leurs jours (Buzot, Pétion).

Le procès des vingt et un Girondins, non évadés, (Brissot, Vergniaud, Gensonné, Viger, Lasource, etc.) occupa les audiences du Tribunal révolutionnaire des 24-30 octobre 1793. Tous furent condamnés à mort et guillotinés le 31 octobre 1793.

Le 18 décembre 1794, quelques fugitifs (Isnard, Lanjuinais, Louvet) et l'essentiel des « 73 » (Louis-Sébastien Mercier, Jacques-Marie Rouzet) sont réintégrés sur les bancs de la Convention nationale, suivis le 8 mars 1795 par Bresson, Chasset, Defermon, Gamon, Savary et Vallée.

[modifier] Notes et références

  1. La législative durera du 1er octobre  1791 au 20  septembre  1792.
  2. La Convention nationale durera du 21  septembre  1792 au 26  octobre  1795
  3. Les Girondins viennent de toute la France, du Nord comme du Midi, ils représentent cependant surtout les régions périphériques : Normandie, Bretagne, Sud-ouest, Languedoc, Sud-est.
  4. Histoire de la Révolution française: Louis Blanc, chapitre II Les Girondins p.598 tome I. Imprimerie Lahure Paris 1860.
  5. Les Montagnards devaient leur nom au fait qu'ils étaient intallés sur les gradins les plus hauts de l'Assemblée.
  6. Sur le fond c'est deux politiques qui s'affrontent, la mésentente date donc de la question sur la guerre dès la fin de 1791, mais elle s'affirmera avec netteté en janvier 1793, lors du procés du roi.
  7. Pour des raisons différentes tout le monde voulait la guerre, depuis les Girondins et Marie Antoinette, jusqu'à François II d'Autriche - qui venait de succéder à son père Léopold plutôt pacifique - et qui voit dans la Révolution l'ennemie à abattre. Mais rien n'oblige la France à déclarer la guerre, cette situation dure depuis des mois et peut durer encore longtemps. (Les grandes heures de la Révolution française, G. Lenotre, André Castelot tome II p.21-22. Perrin 1963).
  8. Le ministre de la Guerre, de Lessart, proche du roi, a été accusé de cacher certaines nouvelles à l'assemblée. Ainsi les Girondins tenait là le motif pour faire tomber le ministère de Louis XVI et imposer le leur. Ce ministère allait les aider à parvenir à la guerre.
  9. Girondins et Montagnards: la lutte à mort. Guy Chaussignand-Nogaret « l'Histoire » No 100, mai 1987.
  10. Robespierre avait siégé à la Constituante (9  juillet  1789 - 30  septembre  1791) qui avait décrété qu'aucun de ses membres ne pourraient faire parti de l'Assemblée Législative; tous les hommes qui siégeraient à cette dernière seraient des hommes nouveaux.
  11. Du nom du couvent des Jacobins où certains députés louèrent une salle, pour être au plus près de la salle du Manège, où siégera l'assemblée pendant prés de quatre ans. Après le 9 Thermidor, la salle est fermée. Elle disparaît définitivement en 1799. À cette date, le mot « jacobin » était devenu synonyme de « terroriste ».
  12. « Il faut dire à Léopold : vous violez le droit des gens en souffrant ces rassemblements de quelques rebelles [les émigrés] que nous sommes loin de craindre mais qui sont insultants pour la nation. Nous vous sommons de les dissiper sans délais, ou bien nous vous déclarerons la guerre au nom de la nation française et au nom de toutes les nations ennemies des tyrans », discours du 28 novembre aux [[Club des Jacobins|Jacobins].
  13. Déclarée au « roi de Bohème-Hongrie, » c'est à dire à l'empereur du Saint Empire romain germanique (L'Autriche.) La guerre comprenait aussi la Prusse qui était l'alliée de François II. Cette guerre, qui devait durer 23 ans, allait entraîner toutes les nations d'Europe. Ce même jour, Condorcet présente à l'assemblée son grand projet d'instruction publique.
  14. Pendant les cinq mois qui suivront, la France ne subira que revers après revers et c'est en grande partie de la peur de la défaite et de l'invasion, que naîtront les journées du 10 août et du 2 septembre, avec leurs conséquences.
  15. Il se représentera à l'élection suivante et sera réélu maire de Paris le 15 octobre, mais il démissionnera pour pouvoir rester député aprés son election à la convention
  16. Santerre sera promu commandant général de la garde nationale parisienne à la place de Mandat massacré juste avant que ne débute la journée du 10 août. Vieilles maisons - vieux papiers, 3e série G. Lenotre. Perrin 1906.
  17. Robespierre: Histoire d'une solitude. Max Gallo, p.165. Perrin 1968.
  18. Lazare Carnot. Jean et Nicole Dhombres p. 276. Fayard 1997.

[modifier] Bibliographie

  • Albert Mathiez, Girondins et Montagnards, 1re édition : Firmin-Didot, Paris, 1930, VII-305 p. –  Réédition en fac-simile : Éditions de la Passion, Montreuil, 1988, VII-305 p. (ISBN 2-906229-04-0)
  • Jeanne Grall, Girondins et Montagnards : les dessous d’une insurrection : 1793, Éditions Ouest-France, Rennes, 1989, 213 p. (ISBN 2-7373-0243-9)

[modifier] Voir aussi