Exode palestinien de 1948

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Réfugiés palestiniens lors de l'exode de 1948.
Réfugiés palestiniens lors de l'exode de 1948.

L'exode palestinien de 1948 (arabe : الهجرة الفلسطينية al-Hijra al-Filasteeniya) fait référence à l'exode de la population arabe palestinienne durant la guerre de Palestine de 1948.

Durant ce conflit, plus de 700 000 Arabes palestiniens quittèrent ou furent expulsés de leurs villes et villages[1] et se virent refuser tout droit au retour sur leurs terres tant pendant qu'après le conflit.

La proportion entre les Palestiniens ayant fui ou ayant été chassés, les causes et les responsabilités de l'exode, son caractère accidentel ou intentionnel, ainsi que le déni de leur droit au retour après les combats sont un sujet hautement débattu tant entre les commentateurs du conflit israélo-palestinien qu'entre les historiens spécialistes des événements de cette époque.

Cet exode est également à l'origine de la problématique actuelle des réfugiés palestiniens qui constitue l'un des contentieux des conflits israélo-arabe et israélo-palestinien.

Sommaire

[modifier] Contexte

[modifier] Sionisme, pan-arabisme et nationalismes

Historiquement, le conflit s'inscrit dans le cadre d'un antagonisme croissant entre la communauté juive et la communauté arabe de Palestine.

À partir de 1920 et du contrôle de la Palestine mandataire par les Britanniques, celle-ci connaît une immigration croissante de Juifs ayant pour aspiration la fondation d'un État juif en Palestine. Face à ceux-ci, les dirigeants arabes affichent leur propre nationalisme, souvent pan-arabe et mènent une opposition de plus en plus forte, marquée par des émeutes en 1920 et 1929 qui font plusieurs centaines de morts.

Ce sont deux types de sociétés (l'une principalement industrielle et l'autre principalement agricole et pastorale), deux cultures (l'une occidentale[2] et l'autre orientale) et deux nationalismes inconciliables qui s'affrontent et qui affrontent également l'"occupant" britannique. Selon l'historien Henry Laurens, la problématique est d'autant plus délicate que malgré l'essor économique provoqué par l'implantation sioniste les protagonistes sont confrontés à un "jeu à somme nulle"[3], en ce sens que la capacité d'accueil du territoire est pleinement utilisée et qu'en conséquence toute augmentation de l'espace vital de l'un ne peut se faire qu'au détriment de celui de l'autre.

En rouge bordeaux, les pays ayant voté contre le Plan de partition de la Palestine, en vert, ceux ayant voté pour et en jaune, les pays n'ayant pas voté. Le monde arabe est unanimement opposé au plan.
En rouge bordeaux, les pays ayant voté contre le Plan de partition de la Palestine, en vert, ceux ayant voté pour et en jaune, les pays n'ayant pas voté. Le monde arabe est unanimement opposé au plan.

L'opposition arabe culmine avec la Grande révolte de 1936-1939. Menée par les nationalistes palestiniens, elle s'oppose à la fois au sionisme, à la présence britannique en Palestine et aux politiciens se revendiquant d'un nationalisme pan-arabe. La répression britannique est sanglante et la réaction des organisations sionistes violente. À son terme, les nationalistes arabes palestiniens obtiennent toutefois des Britanniques une diminuation drastique de l'immigration juive traduite par le Livre blanc de 1939. Mais les conséquences sont lourdes. La révolte a fait près de 5000 morts côté arabe et 500 côté juif. Les différentes organisations sionistes paramilitaires se sont renforcées et la plupart des membres de l'élite politique arabe palestinienne ont été arrêtés et contraints à l'exil. Parmi ceux-ci, le chef du Haut Comité arabe, Hadj Amin al-Husseini se réfugie en Allemagne nazie où il cherchera soutien à sa cause.

Après la Seconde Guerre mondiale, suite à la Shoah et au problème des personnes déplacées en Europe, le mouvement sioniste attire la sympathie de l'Occident. En Palestine, les groupes de la droite sioniste, l'Irgoun et le Lehi, mènent à leur tour une campagne de violence contre l'"occupation" britannique. Les nationalistes arabes palestiniens se réorganisent mais restent très en retard par rapport aux juifs. Toutefois, l'affaiblissement des puissances coloniales a renforcé les puissances arabes et la Ligue arabe récemment formée a repris à son compte les revendications nationalistes palestiniennes et lui sert de porte-parole.

La diplomatie ne parvient pas à concilier les points de vue. En février 1947, le Britanniques annoncent qu'ils ont décidé d'abandonner leur mandat sur la région. Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale de Nations-unies vote un Plan de partage de la Palestine avec le soutien des grandes puissances mais sans le soutien des Britanniques et contre l'ensemble des pays arabes.

[modifier] La guerre de Palestine de 1948

Icône de détail Article détaillé : Guerre de Palestine de 1948.

Le lendemain du vote, la guerre civile éclate entre la communauté juive et la communauté arabe de Palestine. Le 15 mai, après le retrait britannique, la guerre civile se transforme en une guerre entre Israël et les États arabes voisins.

C'est durant ce conflit que se produit l'exode palestinien. Les événements relatifs à la guerre et importants pour la compréhension sont présentés dans la suite en parallèle avec les différentes étapes de l'exode.

[modifier] Les controverses sur le contexte

Faire une synthèse des éléments principaux du contexte qui permettrait d'avoir une lecture claire et objective des événements liés à l'exode n'est pas simple car la polémique entre historiens porte également sur l'importance voire la réalité qu'il faut apporter à tel ou tel élément du contexte.

L'historien Benny Morris considère que l'exode palestinien était presque « inévitable ». Il avance les causes contextuelles suivantes : l'enchevêtrement géographiques des populations juives et arabes; l'histoire de leur antagonisme depuis 1917; le rejet par les deux parties de toute solution binationale; la profondeur de l'animosité arabe envers les juifs et leur crainte d'être soumis à l'autorité sioniste; les faiblesses structurelles de la société arabe palestinienne (désorganisée, sans cohésion sociale, sans leader, sans structure nationale, sans aspiration nationaliste partagée, ...) au contraire du Yichouv[4].

Il a également développé une thèse selon laquelle un aspect fondamental du contexte de l'exode palestinien est l'idée du transfert dans la pensée sioniste[5]. Il considère que les événements de l'époque doivent être lus en gardant à l'esprit qu'un état juif viable ne pouvait voir le jour et subsister avec une trop importante minorité arabe et donc que son transfert hors de l'État était indispensable. Toutefois, il insiste que selon ses travaux, si le soutien des autorités sionistes à l'idée de transfert est « incontestable », « les connexions entre ce soutien et ce qui s'est réellement passé durant la guerre est beaucoup plus tenu que ce que les propagandistes arabes laissent penser »[6].

Dans les éléments essentiels pour comprendre le contexte, il rajoute « qu'on ne peut pas souligner de trop que les événements (...) [liés] à l'exode arabe palestinien se produisirent en période de guerre (...) »[7]. Il va plus loin et insiste tant dans l'introduction de son ouvrage que dans sa conclusion sur un aspect contextuel controversé : « la peur du Yichouv que les Palestiniens et les États arabes, s'il leur en était donné l'occasion, avaient l'intention de reproduire une version de l'Holocauste à l'échelle du Moyen-Orient[8] et que « l'invasion de la mi-mai 1948 menaçait le Yichouv d'extinction »[9], ce qui influença certaines décisions des autorités juives.

Ce contexte est remis en question par d'autres historiens post-sionistes tel Ilan Pappé et Avi Shlaim ainsi que par les historiens palestiniens dont par exemple Walid Khalidi et Nur Masalha. Ils considèrent que le second point est inexact et que la communauté juive n'a jamais été confrontée à un véritable danger d'extermination car l'armée juive, la Haganah, disposait d'une supériorité incontestable. Selon eux également, Morris ne va pas assez loin dans le développement de sa thèse concernant le transfert. Au-delà d'une pensée, ils estiment que l'idée du transfert était en réalité un pilier dans l'idéologie sioniste[10].

Des critiques vont également diamétralement dans l'autre sens. Selon Shabtai Teveth, un biographe de David Ben Gourion ainsi que selon l'historienne israélienne Anita Shapira, jamais ce dernier n'a soutenu l'idée de transfert. Efraïm Karsh partage ce point de vue et considère que le travail de Morris n'a pas été honnête à ce sujet. Au niveau du contexte, il insiste plutôt sur la réalité du danger d'extermination auquel aurait était confronté le Yichouv et sur le fait qu'il s'agissait, avant tout, d'une guerre et que les exodes sont propres à toute guerre[11]. L'historien israélien Yoav Gelber considère aussi qu'il importe d'avoir en tête qu'il s'agissait d'une guerre et il souligne la fragilité de la société palestinienne pour y faire face. Toutefois, il ne fait aucune référence pro ou contra l'idée de transfert. Il critique également les nouveaux historiens qui selon lui font absraction dans leurs thèses des relations conflictuelles qu'ont connus les sionistes et les arabes avant 1948[12].

[modifier] Chronologie des événements

La structure avec laquelle les faits sont présentés varie également suivant les historiens.

Benny Morris distingue quatre vagues de réfugiés auxquelles il donne des causes différentes. Ilan Pappé analyse les faits en deux phases : la première coïncide avec celle de Morris et il englobe les trois autres en une seule et unique phase. Yoav Gelber n'utilise que deux phases également mais différentes de celles de Pappé : la première coïncidant globalement avec les deux premières de Morris et la seconde avec les deux dernières. La plupart des commentateurs parlent des réfugiés palestiniens et englobent le tout en une seule problématique.

Il n'y a toutefois aucune polémique autour de ces découpages.

[modifier] Première vague ( décembre 1947 - mars 1948 )

[modifier] Montée de violence

Dès le lendemain du vote du Plan de partition à l'ONU, les explosions de joie dans la communauté juive sont contre-balancées par l'expression de mécontentement au sein de la communauté arabe. Rapidement la violence éclate et va aller croissant : des attentats, représailles et contre-représailles faisant des dizaines de victimes vont se succéder sans que personne ne parvienne à les contrôler.

Sur la période de décembre 1947 et janvier 1948, on compte près de 1000 morts et 2000 blessés[13]. Fin mars, un rapport fait état de plus de 2000 morts et 4000 blessés[14].

Dès janvier, sous l'œil indifférent des autorités britanniques, les opérations prennent une tournure plus militaire avec l'entrée en Palestine de plusieurs régiments de l'Armée de libération arabe qui se répartissent dans les différentes villes côtières et renforcent la Galilée et la Samarie[15]. Abdel Kader al-Husseini arrive également à la tête de plusieurs centaines d'hommes de la Jihad al-Muqadas et après en avoir recruté plusieurs milliers d'autres organise le blocus de Jérusalem où de violents combats ont lieu[16].

Tandis que la population juive a reçu des instructions strictes l'obligeant à tenir à tout prix sur tous les terrains[17], la population arabe est plus soumise à la situation d'insécurité que connaît le pays.

[modifier] L'exode des classes supérieures

La « panique grandit dans les classes aisées arabes et on assiste à un exode régulier de la part de ceux qui peuvent s'offrir de quitter le pays »[18].

De décembre 1947 à janvier 1948, ce sont 70 000 Arabes environ qui vont fuir l'insécurité et les agglomérations[19]. Fin mars, le total des réfugiés se montera à 100 000 environ[20].

Ces gens constituent la première vague, celle-là principalement volontaire, des réfugiés palestiniens du conflit. Les combats entre Juifs et Arabes ne sont qu'un aspect. Le chaos qui s'installe suite à l'effondrement graduel des services publics, à l'insécurité et la disparition de l'État de droit en conséquence de la démission des Britanniques ne font qu'empirer les choses. La fuite des classes moyennes et supérieures entraîne la fermeture des écoles, des cliniques, des hôpitaux, des commerces… et engendre chômage et appauvrissement[21]. Selon Gelber, cette vague est à la base, avec le départ des Britanniques, de l'effondrement de la structure sociale palestinienne qui annonce la deuxième vague de réfugiés[22].

Parmi ceux-ci on trouve principalement les membres des classes moyennes et supérieures, dont la plupart des familles des représentants du Haut Comité arabe ou des dirigeants locaux[23]. Partent également les étrangers Arabes installés en Palestine. Via les ports d'Haïfa et de Jaffa ou l'aéroport de Lydda[24], toutes ces familles vont s'installer dans les capitales voisines[25]. Elles espèrent certainement retourner une fois les hostilités terminées comme ce fut le cas lors de la Grande Révolte de 1936-1939[26], [27].

Ces chiffres sont néanmoins trop importants pour ne concerner que les étrangers Arabes et les riches Palestiniens. Il faut y rajouter les fallahin ayant récemment migré depuis leurs villages voisins et non encore complètement installés[28] ainsi que les habitants de certains villages situés dans la zone attribuée aux Juifs par le plan de partage[29].

[ rajouter quelques mots sur les centres urbains ]

[modifier] Exode rural

Le départ commence en décembre dans quelques villages pour devenir constant en janvier et février bien que toujours de faible envergure. En mars, dans certaines localités comme au nord de Tel-Aviv, il se transforme en un véritable exode. La plupart du temps, l'émigration est confinée aux zones adjacentes aux centres de concentrations juives principales.

Les causes sont les attaques de représailles de la Haganah (et dans une faible mesure de l'Irgoun et du Lehi) ou bien la peur de telles attaques. Les ordres des autorités arabes (l'Armée de Libération arabe) d'évacuer certains villages contribuent également aux départs. Plusieurs communautés sont aussi encerclées et expulsées par des unités de la Haganah bien que la politique de la Haganah est de ne pas expulser[30]. Des intimidations venant de troupes de l'Irgoun ainsi que d'irréguliers arabes précipitent aussi certains départs[31].

Durant cette période, l'exode rural se produit principalement le long de la plaine côtière. Il concerne particulièrement les bédouins dont plusieurs dizaines de campements sont évacués[32], ainsi que plusieurs villages[33]

En février, Yossef Weiz, une personnalité controversée, prend des initiatives avec les pouvoirs militaires et civils locaux dans la vallée de Beissan pour favoriser l'expulsion de bédouins qui y squattent des terres possédées par les Juifs. Fin mars, il fait pression sur Israël Galili et David Ben Gourion pour implémenter une politique nationale d'expulsion sur le territoire attribué aux Juifs par le plan de partage mais ses propositions sont rejetées[34].

[modifier] Expulsions

Durant cette période, selon Morris, une seule expulsion fut autorisée. Le 31 décembre, suite à une attaque du Lehi qui fait 2 morts et 8 blessés, les habitants de Qisarya (Césarée) au sud de Haïfa quittent le village. La Haganah décide alors d'occuper le site (dont les terres sont propriétés juives et de l'Église orthodoxe). Néanmoins, les commandants craignent d'être chassés par les Britanniques et demandent l'autorisation de raser le village. Yitzhak Rabin, le chef des opérations du Palmach local s'y oppose mais son avis n'est pas suivi par le commandement. Le 20 février, le 4e bataillon du Palmach démolit les maisons après que les 20 derniers habitants du village soient évacués[35]. En 1947, le village comptait plus d'un millier d'habitants[36].

[modifier] Synthèse

Il n'y a pas de polémique sur l'analyse des événements qui poussèrent les Palestiniens de la première vague à l'exode. Les historiens[37] décrivent tous un exode principalement "volontaire" dans le chef des arabes palestiniens.

Ce sont donc environ 100 000 arabes palestiniens, principalement membres des classes aisées des agglomérations entraînant avec eux une certaine proportion de fellahins qui ont fui de leur propre chef entre décembre 1947 et mars 1948.

Gelber donne les causes suivantes pour expliquer cet exode "volontaire" : la détérioration des conditions générales de vie (p.76), la terreur provoquée par les attaques de la Haganah, de l'Irgoun et du Lehi (p.77), la présence de bandes arabes incontrôlées qui génère une atmosphère de non-droit (p.77), le mauvais exemple donné par les dirigeants arabes (p.77), la crainte de répresailles de la Haganah suite à des attaques (p.78), la fuite face à des combats (p.78), le fait que les civils sont priss pour cible par les belligérants (p.79), la situation économique difficile (p.79), un effet de la propagande de la Haganah (p.80), l'évacuation de certaines villages par l'Armée de libération arabe (p.80) et l'expulsion de Césarée (p.80).

[modifier] Deuxième vague ( avril - juin 1948 )

[modifier] Offensive de la Haganah

Icône de détail Article détaillé : Massacre de Deir Yassin.

Début avril, la Haganah qui était restée en retrait passe à l'offensive et les armées arabes entrent en guerre le 15 mai. Ces événements sont accompagnés par un exode massif de 250 000 à 300 000 palestiniens, soit de 35% à 45% du total de la guerre.

C'est généralement à cette vague que l'on fait référence quand on parle de l'exode palestinien de 1948. Elle fut aussi la plus médiatisée et largement relayée dans la presse de l'époque.[38]

[modifier] Troisième vague (juillet - octobre 1948)

[modifier] Quatrième vague (octobre - novembre 1948)

[modifier] Le nettoyage des frontières (novembre 1948 - 1950)

Après la guerre et jusqu'en 1950, l'armée israélienne « nettoie » ses frontières de certains villages arabes, entrainant l'expulsion de 30 à 40 000 civils palestiniens[39].

[modifier] Solutions au problème des réfugiés

[modifier] Causes de l'exode

[modifier] Causes

L'appréciation des causes de cette seconde vague est l'épisode le plus sujet à controverses et à polémiques de la guerre de 1948. Il ne fait l'objet d'aucun consensus entre historiens et encore moins entre les commentateurs pro-palestiniens ou pro-israéliens. La polémique a été ramenée au devant de la scène fin des années 1980 par la publication des travaux de l'école des nouveaux historiens, également appelés post-sionistes.

En 1988, suite à l'ouverture des archives militaires israéliennes, l'historien Benny Morris a publié une étude sur le sujet qu'il a complétée par la suite : The Birth of the Palestinian Refugee Problem Revisited. Morris y répertorie notamment tous les faits liés à l'exode palestinien dont il a pu prendre connaissance et liste l'ensemble des causes ayant provoqué l'exode selon ses recherches. Si les conclusions et certaines de ses analyses sont sujets à controverses, les faits qu'il rapporte n'en font pas l'objet.

Parmi les causes et les éléments déclencheurs et accélérateurs de la seconde vague de réfugiés, Morris rapporte dans ses conclusions[40] :

  • L'offensive juive. C'est selon lui le facteur principal comme le démontre le fait que chaque exode se produisit aux moments immédiats d'un assaut militaire tant pour les villes, dont aucune ne fut abandonnée avant l'assaut principal de la Haganah ou de l'Irgoun, que pour les villages.
  • Un effondrement de la société palestinienne. En particulier dans les villes, l'effondrement de l'administration, de l'ordre et de la loi, les problèmes d'approvisionnement, l'isolement et les harcèlements par les forces juives contribuèrent à démoraliser les habitants et les pousser au départ.
  • La démission des chefs. Le départ à l'approche des combats des leaders politiques et militaires donnèrent un (mauvais) exemple à suivre à la population qui les imita. Ce phénomène eut lieu principalement dans les villes et non les villages.
  • Un effet boule de neige. Plus de villes étaient précédemment tombées et plus les villes suivantes tombèrent facilement. L'effet était encore accentué quand les villages aux alentours étaient déjà tombés car l'isolement engendré minait le moral des habitants.
  • Le facteur atrocité. L'impact du massacre de Deir Yassin et la description exagérée qui en fut faite par les stations de radio arabes pendant des semaines mina le moral des Arabes, en particulier dans les campagnes.
  • Des expulsions. Selon Morris, aucun ordre opérationnel d'expulsion n'a été donné par la Haganah ou ses dirigeants durant cette période mais les opérations appelaient à la destruction de villages ou de groupes de villages; ce qui l'impliquaient. Dans les campagnes, de part la plus grande liberté d'actions donnée aux chefs militaires, les lignes directrices du Plan Daleth leur donnaient la possibilité de procéder à des expulsions et à raser des villages.
  • Des ordres d'évacuation. Le Haut Comité arabe et les états arabes encouragèrent à cette époque femmes, enfants et vieillards à se réfugier en lieu sûr et les commandants locaux ordonnèrent à plusieurs occasions l'évacuation de villages (comme autour de Jérusalem ou le long de la frontière syrienne) mais selon Morris, aucune évidence n'indique un appel à la fuite de leur part ou une volonté de provoquer un exode de masse.

[modifier] Analyses et controverses

Voir aussi : Plan Daleth

Benny Morris ne met aucune cause particulière en avant pour cette deuxième vague de l'exode palestinien. Il le considère comme dû à la conjonction de tous ces facteurs simultanément. De plus, il exclut catégoriquement une cause possible. Selon lui, cette deuxième vague "ne fut pas le résultat d'une politique générale, prédéterminée, du Yichouv"[41] bien qu'il souligne qu'"elle fut immédiatement vue comme un phénomène à exploiter"[42] dans le contexte de l'"idée du transfert dans la pensée sioniste"[43].

Ces analyses ne sont pas partagées pour tous les historiens ou commentateurs. Ces derniers mettent généralement en avant une cause qu'ils considèrent comme prépondérante parmi celles citées. De plus, la vision qu'à Morris sur le Plan Daleth et sur la thèse du transfert est très remise en question.

Dans son ouvrage La guerre de 1948 en Palestine[44], Ilan Pappé présente la controverse et les points de désaccord entre le point de vue de Morris, celui de l'historiographie israélienne traditionnelle et celui des historiens arabes. Tout comme Morris, il s'oppose à la version des historiens israéliens traditionnels qui voyaient comme cause principale et prépondérante de l'exode palestinien des ordres de fuite venant du Haut Comité arabe ou des dirigeants des pays arabes. Il partage aussi le point de vue de Morris en ce qui concerne l'opportunisme dont firent preuvent les autorités juives suite au départ de l'exode mais seulement en ce qui concerne la première vague de réfugiés. En effet, selon lui, "l'exode des Palestiniens, [dès la deuxième vague], résulte d'une action délibérée des dirigeants sionistes de Palestine"[45]. Il partage en cela l'avis des historiens palestiniens et en particulier de Walid Khalidi selon lesquels le Plan Daleth serait "un projet de destruction de la société palestinienne"[46].

Dans son ouvrage Palestine 1948 : war, espace and the emergence of the Palestinian refugee problem[47] Yoav Gelber considère quant à lui que la cause principale de la seconde vague des réfugiés fut l'effrondrement de la société arabe palestinienne qui sans le soutien administratif des Britanniques était trop fragile pour résister aux conditions de vie d'une guerre civile. Lui aussi conteste la vision des historiens israéliens tradionnels mais il rejette la vision des historiens arabes sur le Plan Daleth.

L'historien français Henry Laurens partage assez le point de vue de Yoav Gelber. "Le départ des autorités britanniques et la fuite des notables palestiniens accélèrent la décomposition de la société palestienne. (...) Dans les villes, l'effondrement de l'économie et la fin de l'ordre public accroissent le désarroi des habitants". Lui non plus ne considère pas le Plan Daleth comme un plan d'expulsion des arabes[48]. Dans son appréciation du travail de Morris, Dominique Vidal estime quant à lui que les autorités du Yichouv ont une responsabilité directe dans l'exode durant cette période[49].

Ces analyses, qui reflètent en bonne partie le débat au sein de l'école des nouveaux historiens, sont contestées par d'autres historiens, tel Efraïm Karsh. Selon ce dernier en particulier, "Morris donne une mauvaise présentation des documents, ne donne que des citations partielles, produit de fausses allégations et réécrit des documents originaux".[50]

La position des historiens soutenant la thèse d'une volonté déterminée du Yishuv d'expulser les Palestiniens s'est durcie ces dernières années. Ilan Pappé parle maintenant de nettoyage ethnique, un terme qui, il souligne, à une définition légale et précise et qu'il associe à l'ensemble de l'exode palestinien[réf. nécessaire]. Dominique Vidal penche également dans cette direction[réf. nécessaire]. Selon Benny Morris, ce durcissement des points de vue a dans le chef de Pappé en tout cas, un caractère uniquement politique[réf. nécessaire] et ne se base sur aucun matériel historique; argument que lui renvoie toutefois Pappé en déclarant que ses commentaires sont quant à eux motivés par "ses abominables vues racistes au sujet des Arabes en général et des Palestiniens en particulier" et sous-entendant que Morris est bon uniquement à fouiller les archives[réf. nécessaire].

[modifier] Annexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Documentation

[modifier] Notes et références

  1. Entre 700 et 720 000 selon les historiens, 711 000 selon l'ONU, 511 000 selon le gouvernement israélien, 900 000 selon les Palestiniens[réf. nécessaire].
  2. L'immigration juive est majoritairement composée de Juifs ashkénazes
  3. Henry Laurens (2005), p.70
  4. Benny Morris, Victimes (2003), p.278.
  5. Benny Morris (2003), pp.39-63
  6. Benny Morris (2003), p.6
  7. Benny Morris (2003), p.7
  8. Benny Morris (2003), p.7
  9. Benny Morris (2003), p.589
  10. Benny Morris (2003), p.5
  11. Les autorités israéliennes à l'époque et certains historiens aujourd'hui comparent l'exode palestinien au transfert de 1 500 000 Grecs et de 500 000 Turcs suite au traité de Lausanne qui met fin à la guerre greco-turque de 1924. Le problème des personnes déplacées suite à la Seconde Guerre mondiale est également pris en exemple ainsi que le transfert de population entre l'Inde et la Pakistan suite à leur indépendance en 1948.
  12. Yoav Gelber (2006)
  13. United Nations Special Commission (16 avril 1948), § II.5
  14. Yoav Gelber (2006), p.85
  15. Yoav Gelber (2006), pp.51-56
  16. Dominique Lapierre et Larry Collins (1971), chap.7, pp.131-153
  17. Dominique Lapierre et Larry Collins (1971), p.163
  18. United Nations Special Commission (16 avril 1948), § II.7.3
  19. Ilan Pappé (2000), p.125
  20. Benny Morris (2003), p.67
  21. Benny Morris (2001), pp.252-258
  22. Yoav Gelber (2006), p.98
  23. Benny Morris (2003), p.67
  24. Yoav Gelber (2006), p.77
  25. Yoav Gelber (2006), chap.5
  26. C'est le cas de la famille du célèbre Edward Said (Singh, Amritjit (2004). Interviews With Edward W. Said, (pp. 19 and 219), University Press of Mississippi)
  27. Yoav Gelber (2006), p.77
  28. Yoav Gelber (2006), p.76
  29. Voir les paragraphes suivant
  30. Benny Morris (2003), p.129
  31. Benny Morris (2003), p.125
  32. Arab al Balawina, Arab al Sawalima...
  33. Summeil, Abu Kishk, Sheik Muwannis, Jalil al Qibliya, Jalil al Shamaliya… (voir Benny Morris (2003), pp.125-133 pour une liste exhaustive.)
  34. Benny Morris (2003), pp.130-132
  35. Benny Morris (2003), p.130
  36. Voir le site palestineremembered qui donne une vision palestinienne des faits de 1948 et en particulier de l'exode [1].
  37. Shmuel Katz Battleground, Shapolsky, ISBN 0-9646886-3-8 , page 13; Efraïm Karsh, Yoav Gelber, Benny Morris et Ilan Pappé.
  38. Voir par exemple archives du New-York Times : : Despair is voiced by arab refugees
  39. Benny Morris, The Birth Of The Palestinian Refugee Problem Revisited, 2003, p.538.
  40. Benny Morris (2003), pp.262-265
  41. Benny Morris (2003), p.262
  42. Benny Morris (2003), p.263
  43. Benny Morris (2003), pp.39-61
  44. Ilan Pappé (2000), pp.124-140
  45. Ilan Pappé (2000), pp.124-127
  46. Ilan Pappé (2000), p.128
  47. Yoav Gelber (2006), pp.98-116
  48. Henry Laurens (2005), p.85
  49. Point de vue exprimé lors d'une conférence intitulée : Aux origines des événements La guerre de 1947-1949 se déroulant à Paris, le 9 novembre 2000.
  50. 'Benny Morris and the Reign of Error', Efraïm Karsh, The Middle East Quarterly, Vol. 4 No. 2, 1999), selon la wikipedia anglophone