Ernest Mercier

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Ernest Mercier est un industriel français, directeur de la Compagnie française du pétrole (CFP), ancêtre du groupe pétrolier français Total. Il est né en 1878 à Constantine (Algérie, alors française), et est décédé en 1955.

Sommaire

[modifier] Jeunes années et guerre de 1914

Son grand-père Stanislas Mercier, un républicain protestant originaire du Doubs quitte la métropole pour s’établir en Algérie. Son père Ernest Mercier senior (1840-1907), maire radical de Constantine, aura cinq enfants dont Ernest Mercier junior, le troisième de la fratrie. Ce dernier, après des études à Polytechnique, choisit de faire carrière dans la marine. Il est envoyé au port de Toulon, dont il modernise les installations, notamment le réseau électrique. Pour se perfectionner, il suit entre 1905 et 1908, les cours de l’École Supérieure d’Electricité (Supélec). C’est à cette époque qu’il épouse Madeleine Tassin (1881-1924) la fille d’un sénateur républicain. Il est alors remarqué par Albert Petsche et quitte l’administration pour le secteur privé électrique.

Pendant la première guerre mondiale, affecté dans la marine, il combat dans les Balkans et les Dardanelles. Pour Kuisel [1] c’est quelqu’un qui à l’ « esprit du front ». Blessé alors qu’il commande sur le Danube des troupes roumaines, il est rapatrié sur Paris où il devient l’agent de liaison de Louis Loucheur, ministre de l’armement de George Clemenceau, avec les généraux Ferdinand Foch et Philippe Pétain ainsi qu’avec les troupes américaines. Après guerre, pour les Anglo-américains, il demeurera le colonel Mercier. Quand Louis Loucheur est nommé ministre des zones libérées, Mercier le suit et s’occupe des usines allemandes dépendant de la commission de contrôle militaire.

[modifier] L’industriel de l'électricité et du pétrole

Les deux grands secteurs où il va être actif, l’électricité et le pétrole, sont à la fois alors les plus nouveaux, et ceux qui dans les années vingt tireront l’économie française.

En 1919, il joue un rôle clef dans la fondation de l’Union d’électricité qui unit diverses petites sociétés de la région parisienne [2]. Dans l'entre-deux-guerres, il sera un acteur important du domaine de l'énergie électrique en France, à travers le Groupe de Messine, construisant centrales thermiques et barrages hydro-électriques.

En 1923, il est chargé par Raymond Poincaré sur la suggestion de Louis Pineau, son conseiller aux affaires pétrolières et de Louis Loucheur, ministre de la reconstruction de dynamiser et de restructurer le secteur pétrolier en bâtissant une entreprise d’une taille suffisante pour être l’opérateur de référence dont le pays avait besoin. En effet, la guerre et le développement des transports mécaniques ont montré à la fois l’importance stratégique de ce secteur et la faiblesse de la France dans ce domaine. La Compagnie française des pétroles (CFP) est fondée en mars 1924. Une loi votée en 1931 donnera 35% de son capital, alors entièrement privé, à l’État, mais Mercier se satisfera d’avoir réussi à éviter une loi donnant à ce dernier un contrôle total sur l’entreprise. À partir de son premier actif, 25% des parts de la Turkish Petroleum Company, la CFP se développe grâce à l’exploitation de pétrole près de Kirkouk en Irak, puis en Colombie et au Venezuela. La CFP avait aussi des intérêts en Roumanie (Steaua Roumania). Mercier renforce l’intégration verticale de son groupe en construisant des moyens de transport pétrolier et des raffineries à Gonfreville, près du Havre et sur l’étang de Berre, près de Martigues. [3].

[modifier] L’industriel engagé

En décembre 1925, il fonde le Redressement français, un mouvement patronné par le maréchal Foch destiné à « rassembler l’élite et éduquer les masses » [4]. Ce mouvement avait deux grands objectifs : faire adopter par la France ce que nous appelons un mode de régulation fordiste (forte productivité, salaires élevés et consommation de masse) et moderniser les institutions et la vie politique. Si ses idées économiques ainsi que politiques étaient appelées à un grand avenir, dans l’entre-deux-guerres, il ne réussit à convaincre ni les autres patrons (trop malthusiens) ni les hommes politiques. Il faut dire que sa vision élitiste de la technocratie, issue de sa formation à polytechnique et de l’influence du maréchal Lyautey avait des aspects qui pouvaient et peuvent encore susciter des réserves même si elle est devenue maintenant dominante. Le peu de succès de son entreprise, sa mise en cause dans les évènements du 6 février 1934, qu’il décrivit comme la victoire de l’« esprit du front » [5], l’échec du gouvernement d’union nationale de Gaston Doumergue (novembre 1934)) dont il attendait beaucoup, furent certainement des éléments qui le conduisirent à dissoudre, en 1935, le Redressement français. Il cesse alors d’être le porte-parole [6] des polytechniciens modernisateurs ce rôle passant, d'une certaine manière, à Louis Marlio et à Auguste Detœuf autour de la revue Nouveaux Cahiers.

Il continue à être actif dans le domaine de la politique étrangère. À la mort de Louis Loucheur, en 1931, il prend la tête du comité français Pan-européen. En 1932, un comité d’experts se réunit sous les auspices du Redressement français et préconise une alliance avec l’Angleterre pour faire pression sur les allemands. En 1934, il préconise un rapprochement avec l’URSS de manière à encercler l’Allemagne. C’est dans cette optique, semble-t-il, qu’il a donné une conférence sur la Russie en 1936 au Centre polytechnicien d’études économiques qui poursuivit l’œuvre du groupe X-Crise. Si, en 1938, il participe encore au colloque Walter Lippmann, il n’y a, semble-t-il, aucun rôle actif, et peut-être a-t-il été surtout attiré parce que les problèmes y étaient abordés dans une optique qui dépassait le cadre français.

[modifier] La seconde guerre mondiale et après

En mai 1940, l’ambassadeur américain [7] à Paris lui demande d’organiser la distribution de l’aide offerte par la Croix Rouge américaine. Même si le régime de Vichy compte d'anciens membres du redressement français comme Raphaël Alibert (ministre de la justice) ou Hubert Lagardelle, Ernest Mercier ne collabore pas. Il pensait que c’est en partie par vengeance que Yves Bouthillier, un ancien du redressement français alors ministre des finances, avait crée une législation limitant le nombre de postes d’administrateur qu’une personne pouvait occuper [8] qui le força à quitter la CFP. Ayant épousé en seconde noces en 1927, Marguerite Dreyfus la nièce d’Alfred Dreyfus, il fut également l'objet d’attaques antisémites. Il n’échappa à la déportation que parce que le jour où il devait être arrêté, il était hospitalisé victime d‘un empoisonnement du sang. Il fit partie par la suite du même réseau de résistance qu’Auguste Perret l’architecte et qu’André Siegfried.

En novembre 1944, il participe à la conférence de Rye une conférence d’hommes d’affaire internationaux destine à faire « une étude préliminaire des bases économiques de la paix ». En 1946, quand les compagnies d’électricité qu’il a dirigées sont nationalisées pour former l’EDF, sa carrière de dirigeant d’entreprise prend fin. Il continuera à présider la branche française de la Chambre de commerce internationale et siègera au conseil d’administration de certaines sociétés tandis que Mercier l’ingénieur poursuivra des recherches sur les turbines électriques.

[modifier] Notes et références

  1. Kuisel 1967, p.5
  2. Ernest Mercier et la CFP, Tristan Gaston-Breton, Les Échos, 27 juillet 2006
  3. Ernest Mercier et la CFP, Tristan Gaston-Breton, Les Échos, 27 juillet 2006
  4. cité in Kuisel 1967, p.49
  5. Sur ce point voir Kuisel, 1967, pp.102-111
  6. Sur les différences de sensibilité entre Mercier, Marlio et Detoeuf, voir (Morsel, 1997, p.107)
  7. Il s'agit de William Bullitt (1891-1967) qui, avant d'être en poste à Paris (1936-1940), a été le premier ambassadeur des États-Unis en Union soviétique (1933-1936)
  8. Kuisel, 1967, p.148

[modifier] Bibliographie

  • Marguerite Mercier-Dreyfus (1958), Ernest Mercier - une grande destinée, Séfi
  • Richard F. Kuisel (1967), Ernest Mercier French Technocrat, University of California Press
  • Morsel Henri (1997), « Louis Marlio, position idéologique et comportement», in Grinberg I. et Hachez-Leroy F., L’âge de l’aluminium, Paris, Armand Colin, pp.106-124.
  • Tristan Gaston-Breton (2006), Ernest Mercier et la CFP, Les Echos : http://archives.lesechos.fr/archives/2006/lesechos.fr/07/27/200079955.htm
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