Droit à naître des filles

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Dans certains pays, la naissance d'une fille est considérée comme un poids, en raison d'un coût (soins, habillement, nourriture...) qui n'apporte rien à la famille puisque la fille quitte ensuite ses parents pour enrichir un autre foyer, et de surcroît parfois même au prix d'une dot, alors que celle d'un garçon assure la continuité du foyer et de ses revenus. Pour s'éviter ces inconvénients, nombre de couple vivant dans ce type de culture choisissent, s'ils le peuvent, d'avoir des garçons plutôt que des filles. Ce choix peut prendre la forme d'un avortement dans le cas d'une grossesse, si l'on peut déterminer le sexe de l'enfant; d'infanticides à la naissance, ou de négligence des filles au profit des garçons.

Le phénomène existe en Asie, et prend des traits particuliers en Chine liés à l'Histoire depuis la révolution culturelle.

Le poids démographique de la Chine dans la population mondiale induit une disparité dans les années qui viennent : la situation porte atteinte au droit à naître des filles.

La structure sociétale dans certains pays d'Asie amène à une disparité des naissances, le droit à naître des bébés filles pesant moins lourd qu'une stratégie familiale visant à fournir un héritier mâle dans une perspective de perpétuation du patrimoine.

On retrouve cette situation dans les pays d'Asie du Sud-Est, mais également en Afghanistan et au Pakistan. Les traits propres à la Chine et à l'Inde font ici l'objet d'une description spécifique.

Une idylle enfantine, tableau de Bouguereau peint en 1900.
Une idylle enfantine, tableau de Bouguereau peint en 1900.

Sommaire

[modifier] Projections à l'échelle mondiale

« Selon les démographes, le déficit de femmes pourrait atteindre 200 millions en 2025 sur la planète. »
    — Projection publiée dans le Monde[1].

Les estimations actuelles (2008) concernant le déséquilibre portent sur 100 millions de personnes.

[modifier] Chine

Estampe décrivant la répartition des rôles de la vie communautaire dans la culture chinoise  traditionnelle.
Estampe décrivant la répartition des rôles de la vie communautaire dans la culture chinoise traditionnelle.

De façon traditionnelle, en Chine, la naissance d’une fille est considérée par les familles comme un désastre. Comme le veulent les traditions ancestrales, c’est par le garçon que se transmettra le nom et le patrimoine de la famille. Aussi, c’est lui qui restera, même après son mariage, auprès de ses parents et s’occupera d’eux à leur vieillesse.

Quant à la fille, elle est appelée à se marier un jour et quitter ainsi les siens. De ce fait, elle a toujours été perçue comme une charge, un fardeau lourd à supporter économiquement. Dès lors, on comprend l’ampleur des infanticides visant essentiellement les filles. En Chine, la politique de l'enfant unique en vigueur depuis les années 1960 a certes eu le mérite de freiner la démographie galopante mais, en même temps, elle a aggravé la situation des filles : « Puisqu’il ne faut avoir qu’un seul enfant alors ce sera forcément un garçon » : tel est le raisonnent des millions de parents. C’est ainsi que disparaissent « mystérieusement » chaque année en Inde et en Chine, des millions de filles.

Aujourd’hui, cela a pris des allures plus « douces », grâce aux progrès de la médecine. Le recours grandissant à l’échographie prénatale, y compris dans les campagnes, est la principale cause des interruptions volontaires de grossesse dans ces deux grands pays. Bien que la révélation par le médecin ou le radiologue du sexe du fœtus lors d'une échographie soit interdite par la loi, 90 % des IVG effectuées en Inde concernent des fœtus de sexe féminin.

En Chine, les conséquences sont alarmantes : un déséquilibre filles/garçons se creuse. En effet, aujourd'hui on compte 117 naissances masculines en moyenne pour 100 naissances féminines alors qu'au niveau mondial, 105 garçons naissent en moyenne, pour 100 filles : si bien qu'un grand nombre d’hommes ne trouveront jamais de femme pour créer une famille dans les années à venir.

Selon l'interview récente d'un responsable chinois, cette situation de rebond liée à la politique démographique ne changera pas dans un avenir proche.

[modifier] Inde

Migration pendulaire à Bombay. Depuis sa transition démographique, l'Inde a multiplié par 5 sa population, mais l'écart entre les naissances des garçons et des filles a été décuplé dans la même durée.
Migration pendulaire à Bombay. Depuis sa transition démographique, l'Inde a multiplié par 5 sa population, mais l'écart entre les naissances des garçons et des filles a été décuplé dans la même durée.

En Inde, une mère est honorée si elle donne le jour à un fils mais stigmatisée si c’est une fille, car cette naissance est jugée honteuse et signifie pour ses parents une catastrophe financière annoncée, car ils devront payer une dot importante pour la marier. A chaque grossesse, les femmes préfèrent donc vérifier le sexe du fœtus, et elles avortent plusieurs fois dans leur vie jusqu’à être sûre d’attendre un garçon. Des millions de fœtus féminins sont ainsi éliminés chaque année en Inde.

Ce sont désormais les régions prospères et les grandes villes, là où les dots sont élevées, qui voient naître le moins de filles : certains villages du Punjab affichent moitié moins de naissances de filles que de garçons. D’où un déficit croissant de femmes : au recensement de 2001, l’Inde comptait plus de 36 millions de femmes "manquantes". A Bombay, par exemple, il manque presque un quart de la population féminine [2] .

Cette situation a des conséquences considérables qui inquiètent les autorités publiques de voir des villages entiers d'hommes célibataires se constituer, avec les déséquilibres induits ; ainsi que des trafics d'êtres humains comportant des rapts qui sont apparus en réponse à cette situation.

[modifier] Japon

Sans être concerné par la politique de l'enfant unique qui caractérise la Chine, le Japon montre des traits de similitude de part ses traditions sociales qui célèbrent les garçons dans une famille au détriment des filles.

Le détail est relevé par la romancière Amélie Nothomb qui affirme[3] avoir pris conscience, à trois ans dit-elle, de l'acuité des problématiques de la condition féminine dans son pays d'adoption en dénonçant le caractère inique des traditions visant, lors d'une fête calendaire, à hisser des fagnons-carpes sur un mat indiquant au voisinage la présence de garçons dans la maisonnée.

[modifier] Le point de vue religieux

  • Une prière juive du matin débute par "Merci mon Dieu de ne pas m'avoir fait femme..." (baroukh ata adonaï che lo asani isha)
  • De même en Inde lors des mariages, on souhaite à la jeune mariée de nombreux fils mais pas de filles.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes

  1. source : Plantu, recueil Je ne dois pas dessiner..., 2006.
  2. Source : « Quand les femmes auront disparu. L’élimination des filles en Inde et en Asie », Bénédicte Manier, une enquête parue aux éditions La Découverte en 2006 .
  3. dans son roman très largement autobiographique Métaphysique des tubes

[modifier] Liens internes