Crise économique argentine

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L'expression crise argentine désigne la dernière grande crise économique qui a eu lieu en Argentine entre 1998 et 2002, dont les conséquences se ressentent encore en 2006.

Sommaire

[modifier] Situation de 1945 à 1998

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'Argentine est la cinquième puissance économique mondiale. Sous le régime péroniste en place entre 1946 à 1955, elle connait une prospérité sans précédent. L'État joue alors un véritable rôle d'État providence en favorisant notamment les nationalisations d'entreprises, la subvention des transports publics, l'aide à l'accès à la propriété privée et la protection sociale.

À la suite de la mort de Perón le 1er juillet 1974, pendant son troisième mandat, Isabel Martínez de Perón, sa femme et vice-présidente, prend le pouvoir. Une période de trouble s'ensuit pendant deux ans. Le 24 mars 1976, le commandant en chef des armées, le général Videla, fait un coup d'État : la junte militaire, qui tuera et fera disparaître 30.000 citoyens, arrête la politique péroniste de subventions publiques. Les économistes de l’École de Chicago conseillent le pouvoir en place. Leur doctrine prône la privatisation de nombreux secteurs économiques et le contrôle de l'inflation. Carlos Saúl Menem, président de 1989 à 1999, affirmera : « l'État fédéral ne devra plus s'occuper que de la justice, de l'éducation, de la santé, de la sécurité et des relations internationales. »[1]

La croissance du PIB, négative en moyenne au cours des années 1980 (-0.5 % en moyenne), dépasse 10 % en 1991 et 1992, et reste très forte entre 1991 et 1998[2].

L'économie est "dollarisée" en 1992 (création d'une nouvelle monnaie arrimée sur le dollar, le nouveau peso à compter du 1er janvier 1992, en remplacement de l'austral, lui-même créé en 1985), ce qui ramène le taux d'inflation de 140 % en 1990 à des valeurs inférieures à 10 % en 1992.

Toutefois la politique de privatisation profite avant tout à aux firmes étrangères (implantations de Suez, Ford, Carrefour,..) et le gouvernement est accusé de brader les entreprises nationales aux étrangers ; l'allègement du secteur public est douloureux. Les inégalités explosent : les classes aisées ayant des capitaux à l'étranger s'enrichissent fortement, la classe moyenne profite de la période de prospérité de 1992 à 1998. Cependant, la grogne est forte au sein des « laissés-pour-compte » du miracle économique et des retraités, dont la pension de retraite a été réduite à peau de chagrin.

En parallèle, à cause de la monnaie surévaluée, le déficit de la Balance courante s'accroit.

En 1995, la crise économique mexicaine (« crise Tequila ») provoque une crise de confiance envers les économies des pays émergents.

[modifier] Aperçu

Entre 1998 et 2002, la situation économique en Argentine empirait de jour en jour. Les deux points critiques de la crise furent, d'une part, la récession de 1998/99 et l'effondrement du système financier de 2001/02. Au total, entre 1998 et 2002, le Produit intérieur brut (PIB) de l'Argentine a diminué de 21 %. Les conséquences sociales furent désastreuses : au pire de la crise (au milieu de l'année 2002), le taux de pauvreté dépassa 57 %, et le taux de chômage atteignit 23%. Depuis le milieu de l'année 2002, l'économie du pays a pu néanmoins se rétablir ; depuis 2003, le pays a même retrouvé le chemin de la croissance (croissance du produit intérieur brut (PIB) en 2003 : 8.9 %, 2004: 8.8 %).

[modifier] Origines de la crise

Pour les médias, les responsabilités de la crise sont bien établies : il s'agit des anciens présidents Carlos Menem et Fernando de la Rúa, ainsi que du ministre de l'économie Domingo Cavallo. Cependant, la crise résultait en fait de la conjonction de plusieurs effets complexes. Parmi ceux-ci, doivent être mentionnés :

  • La surévaluation du peso. En 1991, le ministre de l'économie Cavallo indexa d'abord l'austral, puis, après sa réintroduction, le peso argentin sur le dollar US. Le taux de change fixe était de 10 000 Austral par Dollar US. Cette mesure mena d'abord à une baisse de l'inflation. Deux années auparavant, lors de la crise d'hyperinflation de 1989, l'inflation avait atteint des valeurs à trois chiffres par mois. Cependant, une inflation de près d'une dizaine, voire plusieurs dizaines de pourcents, demeura, inflation qui eut pour effet de maintenir assez élevé le prix des produits argentins sur le marché mondial. Cela conduisit, en particulier pendant la deuxième moitié des années 1990, à un excédent d'importations et à un solde négatif de la balance commerciale, qui ne put être palliée que par de l'endettement. Aujourd'hui, la politique monétaire de l'Argentine de l'époque est beaucoup critiquée. On lui reproche de ne pas avoir abandonné la parité 1:1 avant 1998, ce qui était encore possible, au profit d'un mécanisme de taux de change flexible ; la crise n'aurait ainsi pas été aussi dramatique. D'autant que cet effet a été encore aggravé par la valeur élevée du dollar à la fin des années 1990.
  • Un taux d'endettement très élevé. Déjà, depuis la dictature militaire des années 1970, l'endettement de l'Argentine avait rapidement augmenté. Sous le mandat de Carlos Menem, il continua d'augmenter, surtout à cause du solde de la balance commerciale presque toujours négatif. Cet accroissement était certes modéré, mais il est resté constant, portant l'endettement jusqu'à une valeur de 55 % du PIB de l'Argentine.
  • L'effet domino après la crise du Mexique et du Brésil. En 1995, après la « crise Tequila », le Mexique dévalua sa monnaie ; le même phénomène se produisit au Brésil en 1998. Cela eut pour conséquence de baisser les prix des produits de ces deux pays permettant aux exportateurs mexicains et brésiliens de gagner des parts de marché au détriment des entreprises argentines. Cela eut des conséquences désastreuses pour les secteurs économiques argentins orientés vers l'exportation. De plus, certaines entreprises argentines et certains groupes multinationaux délocalisèrent leur production au Brésil, ce qui fit monter encore le taux de chômage.
  • La dénationalisation de l'économie. La vague de privatisations du début des années 1990 mena à une situation où des pans entiers de l'économie de l'Argentine étaient détenus par des investisseurs étrangers. Ceci exposait le pays à la spéculation et à la fuite des capitaux, phénomène qui contribua de manière significative à la crise bancaire en 2001.
  • Le manque de confiance en l'économie argentine. Au vu de l'histoire assez instable de l'économie argentine, les Argentins étaient devenus assez méfiants vis-à-vis du système bancaire. Cela engendra des réactions de panique, en particulier après la nouvelle loi bancaire de la fin de l'année 2001 et la dévaluation qui s'ensuivit, contribuant ainsi à miner encore un peu plus l'économie.

[modifier] Histoire de la crise

[modifier] La récession de 1998/99 et la stagnation de 2000

En 1997 et en 1998, le voisin brésilien traversait une crise importante, qui conduisit à une dévaluation drastique de sa monnaie, le Réal brésilien, d'environ la moitié de son ancienne valeur. Les effets de cette mesure ne tardèrent pas à se faire sentir en Argentine. D'une part, le Brésil étant le principal partenaire économique de l'Argentine (les deux pays sont membres de la communauté économique Mercosur), la crise brésilienne eut des effets négatifs importants sur le commerce extérieur argentin. Et d'autre part, la dévaluation de la monnaie brésilienne rendit le Brésil beaucoup plus compétitif sur le marché mondial, et handicapa donc les entreprises exportatrices argentines.

Ensuite, les importations depuis le Brésil commencèrent à augmenter. Parallèlement, les produits argentins étaient de plus en plus souvent remplacés par des produits brésiliens sur le marché mondial, et beaucoup d'entreprises délocalisèrent leur production vers le Brésil. Finalement, les investissement étrangers étaient en diminution constante, à cause de prévisions pessimistes pour l'ensemble de la région.

Ces circonstances conduisirent en 1999 à une récession (baisse du PIB de 4 %). En 2000, l'économie ne parvenait toujours pas à se rétablir de la crise, et stagnait malgré un crédit de plusieurs milliards (désignés par le terme Blindaje) accordé par le Fonds Monétaire International (FMI), ainsi que par des banques privées.

En corollaire à la crise, le chômage augmenta, ce qui engendra de plus en plus de protestations et de manifestations de chômeurs. Les manifestants s'organisèrent rapidement, et plusieurs organisations protestataires furent créées. Les protestataires se nommèrent eux-même les Piqueteros et devinrent, à partir de 2001, un élément important du paysage politique argentin.

Une autre conséquence fut l'augmentation du nombre de personnes sous-employées, en particulier des employés dans ce qui est appelé le secteur informel. Les médias se sont beaucoup intéressés aux Cartoneros, des personnes qui fouillent les poubelles à la recherche de matériaux recyclables, le plus souvent du papier et du carton, pour ensuite les revendre. Malgré cette renaissance du recyclage, on n'observe que des initiatives locales en matière de tri des ordures. Pourtant, dans certaines villes comme Córdoba par exemple, les Cartoneros ont été réunis en coopératives et chargés officiellement par les villes du tri des ordures. Ainsi, ils peuvent exercer leur activité, qui était auparavant très informelle et relevait en partie d'une organisation de type mafieuse, dans un cadre régulé et contrôlé.

Un phénomène particulier de cette phase fut l'émission de bons d'endettement par plusieurs provinces, ainsi que par l'État (dont les bons s'appellent LECOP). C'est ainsi qu'étaient payés certains fonctionnaires et employés de l'État, soit au total 50 % de la masse salariale. Ils avaient l'apparence de billets de banque et étaient acceptés comme moyen de paiement dans beaucoup de magasins, même si souvent une surtaxe était alors ajoutée. Ils représentaient, à l'apogée de la crise en 2001/02, une part considérable de la monnaie en circulation en Argentine.

A cette époque furent aussi créés beaucoup de cercles d'échange qui suivaient en partie l'idéologie de l'économie libre (économie sans intérêts), bien que la plupart se contentaient de pratiquer l'échange de biens alimentaires et de services, et ce dans le but de compenser la baisse constante du pouvoir d'achat (le salaire réel diminuant du fait de la forte inflation). À partir de 2001, ces cercles devinrent un véritable phénomène de masse, et pratiquement chaque quartier de chaque ville avait à cette époque son propre cercle d'échange. L'organisation centrale Red Argentina de Trueque alla jusqu'à émettre en 2001 une monnaie privée nommée Crédito, qui pouvait même parfois servir pour l'achat de biens immobiliers.

[modifier] Rumeurs de dévaluation - L'ère Cavallo (janvier - novembre 2001)

A cause de la stagnation économique de l'économie et du solde de la balance commerciale constamment négative, les voix en faveur d'une dévaluation de la monnaie commencèrent à se faire entendre de plus en plus fort. Le gouvernement leur répondit par un refus catégorique, arguant du risque pour le pays d'être victime de fuite des capitaux et d'attaques spéculatives. A présent, beaucoup de détracteurs de la politique argentine d'alors constatent qu'une dévaluation ordonnée et planifiée à ce moment aurait eu de nombreuses conséquences positives, par rapport à ce qui s'est effectivement passé.

Domingo Cavallo, dont plusieurs prédécesseurs au poste de ministre de l'économie avaient terminé leur carrière en prison, avait un plan pour sortir de la parité fixe 1:1. Cette indexation devait être remplacée par un mécanisme complexe qui devait coupler la valeur du Peso non seulement au Dollar mais aussi à l'Euro. Au lieu d'une indexation sur une seule monnaie, le Peso aurait été lié à un panier de monnaie.

Ceci fut d'abord introduit dans le commerce intérieur pour les transactions financières, ce qui se traduisit par une dévaluation de 5 à 8 %. D'après ce nouveau mécanisme, la valeur du Peso devait être établie à 50 % sur la base du Dollar et à 50 % sur la base de l'Euro. Par exemple :

  • si un euro vaut 0.83 dollars, le Peso vaut (0.5X0.83)+(0.5X1)=0.915 Dollars US
  • si un euro vaut 1.08 dollars, le Peso vaut (0.5X1.08)+(0.5X1)=1.04 Dollars US

Ce nouveau taux de change aurait alors été introduit dans toutes les transaction financières, quand le taux de change de l'euro au dollar aurait atteint 1 (alors, 1euro=1dollar=1peso). En tout cas, cela n'aurait apporté que de vrais avantages, si l'euro —qui était très bas à cette époque— devait atteindre la parité avec le dollar pour rechuter ensuite. Aujourd'hui il est clair que l'euro, après avoir atteint la parité avec le dollar, a continué d'augmenter. Le nouveau régime de taux de change n'aurait par conséquent apporté que des inconvénients pour l'économie argentine, étant donné que la majorité du commerce extérieur de l'Argentine est réalisé dans la zone Dollar et non dans la zone euro. C'est pourquoi les détracteurs du plan Cavallo proposèrent d'inclure également le Réal brésilien dans la corbeille monétaire, puisque la majeure partie du commerce extérieur argentin était réalisé avec le Brésil.

Au cours de l'année 2001, il semblait que l'économie allait pouvoir s'en tirer à bon compte, la croissance économique glissant même vers des valeurs légèrement positives.

Il est possible que le déclencheur final de la reprise de la récession fut la dépression économique mondiale qui fut observée après le 11 septembre 2001, qui diminua encore la confiance accordée par les investisseurs au marché, et ce à l'échelle mondiale mais plus encore dans les pays en crise comme l'Argentine.

[modifier] Fuite des capitaux, chaos bancaire et dévaluation (novembre 2001 - avril 2002)

Lorsque le ministre de l'économie Domingo Cavallo annonça, à la fin novembre 2001, que l'objectif budgétaire donné par le FMI n'était pas atteint, ce dernier refusa de transférer, comme c'était prévu, une somme de 1,25 milliards de dollars. Cette mauvaise nouvelle fut la cause d'une terrible perte de confiance en l'économie argentine, se traduisant par une fuite rapide des capitaux qui entraîna le système bancaire dans une grave crise. Afin d'éviter le chaos complet, Cavallo introduisit au début du mois de décembre le Corralito, qui limitait les retraits d'argent depuis un compte courant à 250 pesos par semaine. Le but était d'empêcher les argentins de changer leur monnaie en dollars, sans quoi le système bancaire ne pourrait bientôt plus fournir les comptes courants et les comptes d'épargne.

Cependant, le Corralito aggrava encore la crise de confiance en l'économie, en Argentine comme à l'étranger, et provoqua la colère de la classe moyenne (ruinée par la forte inflation), qui l'exprima d'abord par une grève générale le 13 décembre, et finalement les 19 et 20 décembre par une série de manifestations massives, parfois violentes (Cacerolazo), qui firent 28 morts. Cette crise sociale poussa Cavallo à démissionner, imité, quelques jours plus tard, par le président Fernando de la Rúa.

Le péroniste Adolfo Rodríguez Saá occupa provisoirement la fonction de président. Durant son mandat qui ne dura que cinq jours, il prit des mesures précipitées qui contrarièrent non seulement ses collègues de parti, mais aussi le peuple. Le refus de quelques gouverneurs de provinces de le soutenir dans sa politique économique le poussa finalement à se retirer le 31 décembre 2001. Il prévoyait notamment un plan d'économie drastique pour le budget de l'État, ainsi que la création d'une seconde monnaie (l'Argentino). Le seul élément de sa politique économique qui sera maintenu par ses successeurs fut la déclaration d'insolvabilité (défaut de paiement) face aux créanciers du pays.

Évolution du taux de change du peso argentin vers le dollar US à partir de décembre 2001
Évolution du taux de change du peso argentin vers le dollar US à partir de décembre 2001

Le peroniste Eduardo Duhalde le remplaça un jour plus tard. Les experts en économie de son entourage décidèrent d'entamer une dévaluation du peso. L'ouverture des banques fut interdite plusieurs jours, afin d'enrayer la vague d'achat de dollars. La dévaluation du peso fut fixée à 28 % (1.40 Peso = 1 Dollar), mais ce cours "officiel" ne s'appliquait qu'au commerce extérieur. Pour le commerce intérieur, le taux de change pouvait varier librement ("cours libre").

Le succès de la dévaluation ne fit pas illusion. Le "cours libre" s'envola, suite à une vague d'achats massifs, pour atteindre en quelques jours deux pesos. Cela poussa le gouvernement à abolir le taux "officiel", ce qui alimenta encore la panique et la vague d'achats, et tira encore le taux de change vers le haut.

Devant le dilemme posé par les conséquences dramatiques de la dévaluation du peso sur le système bancaire, une mesure stricte fut décidée, qui allait être connue sous le nom de Corralón. Cette mesure consistait à convertir tous les comptes courants, au dessus d'un certain seuil, en comptes d'épargne à revenu fixe, dont la date de restitution avait été repoussée à 2010 (empêchant ainsi les retraits d'argents). La situation des comptes en dollars, introduit sous le mandat de Menem, se révéla particulièrement problématique, car leur valeur s'en serait trouvée démultipliée. Ainsi, il fut décidé que les comptes en dollars seraient traités comme des comptes en pesos avec une valeur de 1,4 peso pour 1 dollar, et qu'ils ne pouvaient être restitués que sous des délais de plusieurs mois, voire plusieurs années dans le cas des comptes disposant de sommes importantes. En revanche, les dettes pouvaient être remboursées immédiatement au taux de change 1:1. Cette Pesification asymétrique occupa beaucoup les tribunaux argentins, à la suite de quoi il fut établi que même les dettes pouvaient être converties à un taux 1:1 (plus un indice d'inflation, le CER).

Toutes ces mesures conduisirent encore à une perte de confiance en l'économie, si bien que le cours du dollar atteignit 3,50 Pesos en avril 2002. En achetant des Pesos, la banque centrale parvint tout de même assez rapidement à abaisser le taux de change à 2,80.

[modifier] Précarité de l'économie (avril - août 2002)

Dans les mois qui suivirent, le gouvernement conçut fébrilement des solutions pour essayer de résoudre la crise. Pour apaiser la population, fut créée une aide sociale de 100, et un peu plus tard 150 pesos adressée aux chefs de famille au chômage (le plan Jefes y Jefas de Hogar). En fait, étant donnée l'inflation, ce montant était avant tout symbolique. Le cours du Peso continuait à varier, et atteignit vers le milieu de l'année des valeurs de près de 4 pesos, valeurs auxquelles il stagna grâce à des actions massives de soutien du Peso de la part de la banque centrale, qui acheta des Pesos.

En définitive fut appliqué le Plan Bonex II ou Plan BODEN, par lequel les comptes en dollars étaient convertis en une large palette de valeurs avec une durée de validité de 5 à 10 ans (Boden).

Le Corralón étouffa aussi des pans entiers de l'économie, comme par exemple le marché immobilier et l'industrie automobile. Ainsi mesurait-on au début de l'année 2002 une récession de 12 % du PIB.

[modifier] Apaisement de la crise et rétablissement timide de l'économie

Depuis août 2002 , l'indice boursier Merval ne cesse d'augmenter. Le point mis en valeur marque le début des troubles au moment de la fin du mandat de De la Rúa (19/12/2001).
Depuis août 2002 , l'indice boursier Merval ne cesse d'augmenter. Le point mis en valeur marque le début des troubles au moment de la fin du mandat de De la Rúa (19/12/2001).

Au cours de la seconde moitié de l'année, des signes d'un rétablissement de l'économie commencèrent pour la première fois à être visibles. Le cours du peso se stabilisa à un niveau d'environ 3,80 pesos pour 1 dollar, ce qui apportait déjà plus de sécurité dans les projets des entreprises.

Fin 2002, l'économie montrait une évolution clairement positive, les effets positifs de la dévaluation devenant réellement observables (principalement, la compétitivité des produits argentins sur le marché international). Début 2003, le Corralito, le Corralón et, peu après, la plupart des monnaies alternatives furent abolies, au moyen de bons de dettes (par exemple LECOP), ce qui relança la consommation. Cependant, le président Duhalde annonça de nouvelles élections, afin que les institutions étatiques reprennent leur légitimité.

En mai 2003, Néstor Kirchner remporta les élections présidentielles au deuxième tour, son adversaire Carlos Menem ne s'étant pas présenté. Il fait partie de l'aile gauche du parti peroniste. Par ses actions, il se constitua une image de "fonceur", maintenant toutefois l'essentiel de la politique économique de ses prédécesseurs. Le taux de croissance de l'économie fut maintenu dans des valeurs positives, atteignant même 8,9 % en 2003.

[modifier] Crise de l'énergie (2004)

Depuis la fin 2003, on continue d'observer des pénuries d'énergie, qui trouvent leur origine dans le taux de croissance relativement élevé de l'économie, le prix du pétrole également très haut, et le manque d'investissement dans l'infrastructure énergétique.

Ainsi, les fournisseurs en énergie ont déjà, à plusieurs reprises, coupé le courant dans des quartiers entiers, à Buenos Aires et dans d'autres villes. Cela n'affectait pas seulement des zones résidentielles, mais aussi des zones industrielles.

Pour remédier à ces pénuries d'énergie, des mesures draconiennes ont parfois été prises. Ainsi, les ménages qui ne respectaient pas un certain quota d'économies par rapport à l'année précédente dans leur consommation de gaz ou d'électricité se voyaient infliger une majoration, allant parfois jusqu'à 100 %.

De plus, vers le milieu de l'année 2004, huit des vingt-trois provinces ont rétabli le changement d'horaire en hiver (l'heure d'hiver et l'heure d'été avaient été abandonnées dans les années 1980). Il s'agissait des provinces de Mendoza, La Rioja, San Juan, Tucumán, Chubut, San Luis, Catamarca, Santa Cruz et Terre de Feu. Tucumán a toutefois fait marche arrière peu après.

Par ailleurs, les exportations de gaz naturel vers le Chili furent réduites de 40 %, ce qui engendra encore des problèmes énergétiques dans ce pays.

Au début du mois de septembre 2004, la situation du marché énergétique retrouva sa stabilité, en particulier à cause de la hausse progressive des températures et des efforts en matière d'économie d'énergie.

Vers la fin de l'année 2004, plusieurs contrats ont été signés avec des entreprises du secteur énergétique, et une société publique de gestion du pétrole a été créée, afin d'éviter qu'une telle situation se reproduise en 2005.

[modifier] Le conflit avec les créanciers privés (2002/05)

Inflation mensuelle de l'Argentine en 2002
Inflation mensuelle de l'Argentine en 2002

Une grande partie des dettes argentines sont détenues par des créanciers privés. Étant donné qu'après 2002, l'Argentine n'affichait plus la volonté de rembourser ses dettes vis-à-vis des créanciers privés, des plans de Conversion de dette (canje) furent élaborés. En ce qui concerne les créanciers supranationaux comme la Banque mondiale ou le FMI, par contre, l'Argentine a toujours remboursé intégralement ses dettes (avec toutefois un peu de retard).

En 2004, des propositions prévoyant une réduction de capital de 75 %, et plus tard 65 %, ont été à plusieurs reprises soumises aux représentants des créanciers. Ces propositions se sont heurtées au refus des créanciers étrangers qui réclamaient plus de 55 % du volume des dettes, et altérèrent les relations entre l'Argentine et le FMI. Au moyen de plusieurs missions diplomatiques, l'Argentine parvint toutefois à convaincre la plupart des groupes de créanciers, excepté pour les allemands et surtout les italiens, qui seront opposés au projet jusqu'au bout.

Le processus de la conversion de dettes devait, à l'origine, débuter fin novembre 2004, mais il ne commencera qu'en retard le 12 janvier 2005. Il conduisit à une réduction du capital de seulement 50 % en moyenne ; cela a été rendu possible par l'introduction de trois nouveaux types de bons, parmi lesquels les créanciers devaient choisir.

Les trois types de valeurs sont :

  • le Bono Par sans réduction de capital
  • le Bono Cuasi Par avec une réduction de 30 %
  • le Bono de Descuento avec une réduction de 70 %

Les trois types de bons avaient ceci en commun qu'ils impliquaient une détérioration essentielle de la position juridique des créanciers. En particulier, contrairement aux prêts antérieurs, aucune juridiction allemande n'est précisée : cela signifie que, dans le cas où l'Argentine n'honorerait à nouveau plus ses dettes, il faudrait porter plainte avec les juridictions et législations étrangères.

Alors que le Bono Par n'offre qu'un taux d'intérêt très faible et un délai de paiement élevé, le Bono de Descuento a le taux d'intérêt le plus élevé et le délai de paiement le plus court. Encore une fois, une partie des bons sont liés au taux d'inflation, mais comptée en Pesos argentins et non plus en Dollars US. D'après le journal Clarín, ces bons représentaient après la fin de l'offre de conversion des dettes, environ 40 % des bons.


Le ministre de l'économie argentin Roberto Lavagna insista plusieurs fois sur le fait que ceci serait l'unique et dernière offre proposée par l'Argentine aux créanciers. Le premier groupe de créanciers à entrer en négociations pour le projet fut celui des créanciers argentins, dont une grande partie des titres de dettes portaient sur la caisse de retraite (AFJP).

Vers le milieu du mois de février 2005, les négociations étaient terminées. À la fin de la période de conversion des dettes, le 25 février 2005, 76.15 % des créanciers avaient accepté l'offre.

Après la fin de l'offre, des demandes isolées se firent entendre, aussi bien de la part de groupes de créanciers que du FMI, exigeant une nouvelle offre de conversion de dettes. Le gouvernement argentin précisa bien qu'il n'accéderait pas à ces réclamations.

[modifier] Perspectives

Taux de croissance anuel du PIB
Taux de croissance anuel du PIB

Depuis le milieu de l'année 2003, la croissance économique a gardé des valeurs élevées, ce qui doit avant tout être attribué aux effets positifs de la dévaluation, qui renforça les exportations et favorisa la substitution des importations par les produits de l'industrie argentine.

Cependant, la crise n'est probablement pas encore tout à fait terminée. Le taux de pauvreté (23.4 % en janvier 2007) et le taux de chômage (8.7 % en janvier 2007) restent toujours élevés, et on ne peut pas encore vraiment prédire si les structures néo-féodales de la société argentine et de la politique du gouvernement Kirchner, véritables freins au développement, vont être surmontées.[réf. nécessaire]

La question de savoir si les litiges actuels entre l'Argentine, le FMI et les créanciers privés vont être résolus est également décisive, même si pour l'instant, après la conversion des dettes de février 2005, les voix optimistes sont dominantes, et l'Argentine est soutenue par une grande partie des états du G7, parmi lesquels l'Allemagne.

Toutefois la reprise économique semble se préciser avec encore 8 % de croissance de l'activité en 2005 (troisième année consécutive de forte hausse).

[modifier] Chiffres clés

  • La dette publique a dépassé les 140 milliards de dollars.
  • Les quatre années de récession ont conduit à un recul de 21 % du PIB entre 1998 et 2001.
  • Au plus fort de la crise, le taux de pauvreté a atteint 57 % (2002)…
  • …et le taux de chômage 23 %.
  • Cinq présidents se sont succédé à la tête du pays en un peu plus d'un an.

[modifier] Notes et références

  1. source : Universalis v.11
  2. (en) Lessons from the crisis, FMI, 2003 : page 6 et 7

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

Armony, Victor: "L'Énigme argentine. Images d'une société en crise", Montréal, Athéna, 2004.

  • (de) Birle, Peter / Carreras, Sandra (Hrsg.): Argentinien nach zehn Jahren Menem. Wandel und Kontinuität, Frankfurt a. M.: 2002, ISBN 3893545867
  • Brand, Ulrich (Hrsg.) / Armborst, Stefan (Übersetzer): Que se vayan todos, 2003, ISBN 3935936192
  • (de) Huppertz, Cornelius: Korruption in Argentinien. Eine netzwerkanalytische Erklärung der Finanzkrise - Schriften zur internationalen Politik, Bd. 8, Verlag Dr. Kovac, Hamburg: 2004, ISBN 3-8300-1359-0
  • (de) Jost, Christoph: Argentinien: Umfang und Ursachen der Staatsverschuldung und Probleme der Umschuldung in: Auslandsinformationen 11/2003, Konrad-Adenauer-Stiftung: Sankt Augustin, ISSN 0177-7521 (zum Herunterladen: [1])
  • (de) Schweickert, Rainer: Neue Krise – alte Probleme in: Brennpunkt Lateinamerika 17/2002, Institut für Iberoamerika-Kunde: Hamburg, ISSN 1437-6148 (zum Herunterladen: [2])
  • (en) o.A.: A survey of Argentina in: The Economist vom 15. Juni 2004, Economist Group: London, ISSN 0013-0613

[modifier] Liens externes

  • (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Argentinien-Krise ».