Carlos Castaneda

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Auteur américain, Carlos Castaneda est né le 25 décembre 1925 à Cajamarca au Pérou et mort le 27 avril 1998. Il est étudiant en anthropologie à l'université de Los Angeles en 1960 lorsqu'il aurait fait la rencontre de don Juan Matus (pseudonyme), un Indien se présentant comme un Yaqui, dont il devint l'élève. L'ensemble de son œuvre découle des expériences et enseignements tirés de cette rencontre, dont la réalité est aujourd'hui encore vivement discutée.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] L'enfance

La propre vie de Castaneda est mal connue, celui-ci l'ayant entourée d'une aura de mystère. Il prétend être né à Sao Paulo, au Brésil en 1931, avoir passé la plus grande partie du début de sa vie en Argentine, avant de se rendre aux États-Unis pour suivre des études d'anthropologie. En fait, les documents du bureau de l'immigration disent qu'il est né à Cajamarca, au Pérou. Selon Castaneda, sa mère serait décédée lorsqu'il avait 22 ans et son père, César Arana Burungaray, aurait été joaillier, ou homme politique. Des journalistes du magazine américain Time ont pourtant retrouvé les parents de Castaneda au Pérou. Ceux-ci connaissaient parfaitement sa date de naissance, ainsi que l'histoire de leur famille, contrairement aux affirmations de Carlos Castaneda. Sa mère décrit son fils comme un « gros menteur » dans son enfance. Carlos Casteneda suit des cours à l'Académie des beaux-arts de Lima, puis se lance dans les arts plastiques. Il affirme avoir quitté son pays pour la Californie afin de fuir « une Chinoise qui fumait de l'opium ». Il prétendit aussi avoir été membre des Special Forces américaines, ce qu'aucun document n'a jamais corroboré. D'après le Time, Castaneda aurait eu une fille naturelle avant son départ du Pérou.

[modifier] Ses études à l'UCLA et sa carrière d'anthropologue

Carlos Castaneda obtient un doctorat en anthropologie à l'Université de Los Angeles en 1970.

Carlos Castaneda a écrit douze livres autobiographiques qui racontent son expérience de la sorcellerie indienne sous la conduite du sorcier toltèque yaqui don Juan Matus. Ses livres relatent non seulement des éléments autobiographiques, mais sont considérés par certains comme un réel vecteur de l'enseignement chamanique de la tradition toltèque, telle qu'elle a été redéfinie par les naguals don Sebastian, don Santisteban, don Rosendo, don Lujan, don Elias Ulloa, don Julian Osorio et don Genaro Flores. À l'écoute de son maître, Carlos Castaneda prend note de la leçon initiatique d'une culture qu'il suppose être celle partagée par l'ensemble yaquis. (Il pondérera son propos dans la préface du Voyage à Ixtlan.)

Ses ouvrages, connaissant un immense succès, furent l'occasion d'une vulgarisation d'une certaine forme de la pensée chamanique. Cependant, le langage éminemment symbolique retranscrit par Castaneda d'après les paroles du fameux chaman toltèque reste particulièrement métaphorique, et de cette pensée Carlos Castaneda ne déterminera ni la structure ni ne présentera systématiquement l'ontologie.

A partir du milieu des années 1980, Carlos Castaneda transmet Passes magiques , un aspect de la connaissance des chamans du Mexique ancien jusque-là inconnu, et récusé par les Indiens eux-mêmes. Cette partie de son œuvre, ainsi que les ouvrages qu'il publiera dès lors, sont extrêmement controversés au sein même de la communauté de ceux qui prêtent foi au contenu de son œuvre antérieure.

[modifier] Incertitudes sur son existence

De nombreuses personnes ont essayé de rencontrer Castaneda. Adresse inconnue, photos interdites, il existe de lui quelques photos et dessins dont l'authenticité est toujours mise en doute. Il existe quelques très rares interviews, mais certains s'accordent à dire qu'elles étaient minutieusement orchestrées, et que leur but était moins un projecteur sur le personnage que la clarification de la doctrine. D'autres essayent même de l'atteindre par son plan métaphysique[1].

[modifier] Mystère sur sa mort

Castaneda est d'abord mort le 27 avril 1998, selon la presse ; qui précise plus tard, « autour du 27 avril 1998 ». Il existe une incertitude de trois jours autour de la date de sa mort, le corps aurait même disparu pour finir par être retrouvé. Le tout annoncé officiellement le 19 juin 1998, un mois et demi plus tard. Ce flou serait dû à l'existence d'un fils qui aurait demandé un black-out pour raisons testamentaires. Le corps est incinéré, et ses cendres sont dispersées au-dessus du désert mexicain dans la plus grande discrétion et à l'étonnement général. Le Los Angeles Times dira qu'il est mort comme il vivait « dans le calme, le secret et le mystère ».

[modifier] Œuvre

Dans ses ouvrages, Carlos Castaneda fait le récit de son initiation, par un certain don Juan Matus, au savoir des chamans du Mexique ancien. Pendant plus de dix ans, il aurait rendu de nombreuses visites au sorcier et à son clan, constitué d'hommes et de femmes tous impliqués entièrement dans la quête d'un but abstrait défini par les « voyants » de leur lignée : la liberté absolue ou la possibilité de conserver intacte leur conscience dans l'au-delà.

Carlos Castaneda décrit son immersion dans le monde de don Juan sur une longue période — période qui trouve son paroxysme au moment où don Juan Matus et son clan décident de quitter ce monde, laissant derrière eux une nouvelle génération d'apprentis, à leur tour entièrement impliqués dans la quête de la liberté absolue.

Le résultat de cet apparent effort de reconstitution et de clarification est à présent connu sous deux formes : ses ouvrages, puis la pratique de la « tenségrité ». Ses ouvrages font état d'une philosophie (voir ci-dessous) dont l'objet est la quête de la « Connaissance », déterminisme d'ordre ésotérique qui apporterait au « sorcier » des pouvoirs inconnus au commun des mortels, dont à terme celui de l'immortalité. À la fin de son apprentissage, et conformément à une très antique tradition, consécration qui confirme la réussite des adeptes, Casteneda doit sauter dans un ravin, selon la trame de l'enseignement du « nagual » : « Si tu n'as pas réussi à assembler un autre monde avant d'arriver au fond, tu es mort. »

Dans le courant des années 1980, Carlos Castaneda et trois femmes, tous prétendûment apprentis de don Juan Matus, décident de diffuser, « pour quiconque était sincèrement intéressé », un des pans de la connaissance des chamans : les Passes magiques. Selon Carlos Castaneda, ces « passes magiques » sont la modernisation de « mouvements » découverts et développés par les chamans du Mexique ancien durant des milliers d'années. Ces mouvements furent regroupés par Carlos Castaneda sous le terme « tenségrité », terme issu de l'architecture qui combine les mots tension et intégrité. À sa mort, un nombre important de sociétés commerciales revendiquèrent la légitimité d'enseigner la tenségrité. Aujourd'hui la société Cleargreen, fondé par Carlos Castaneda lui-même, est chargée d'enseigner la tenségrité.

[modifier] Authenticité du récit

Une vaste polémique fait rage depuis des décennies sur l'authenticité du récit de Castaneda. Supposée être une autobiographie et présentée comme telle, de nombreuses voix se sont élevées en criant à l’imposture car l’œuvre ne serait que le roman d’un écrivain facétieux dont la seule qualité serait une imagination illimitée. Il serait trop long d'énumérer tous ses détracteurs, ainsi que tous ses défenseurs. Si des éléments restent bel et bien invérifiables (Castaneda présente son « travail » d'anthropologue d'une façon qui se départ trop fortement des précautions et de la rigueur de l'anthropologie traditionnelle), il existe de très fortes présomptions de fraudes et de mystifications, résumées par Christophe Bourseiller dans son ouvrage La Vérité du mensonge.

L'acteur, poète et réalisateur chilien Alejandro Jodorowsky tranche le débat d'une façon facétieuse et élégante : soit les récits sont vrais, et Castaneda est un grand initié, soit il a tout inventé, et alors c'est un génie littéraire.

[modifier] Existence de don Juan Matus

Dans les années 1970, Castaneda, est considéré par certains comme le messie d'une nouvelle religion, et est crédité d’une œuvre naissante cautionnant l’usage des substances « psychédéliques », à la manière d'Antonin Artaud, d’Aldous Huxley ou de Timothy Leary. De nombreuses personnes partent donc vers le Mexique central, à la recherche de don Juan, son maître à penser et inspirateur. Le pays est ratissé pendant des années, l’homme reste introuvable.

Un témoignage de poids viendra un temps alourdir cette présomption de farce. Une femme, se présentant comme l'ancienne compagne de Castaneda, viendra cautionner l’hypothèse de l’imposture[2]. Mais analysé par certains spécialistes de la biographie de Castaneda son témoignage sera considéré comme fébrile, contradictoire et entaché d'intérêts subjectifs (source ?).

[modifier] Plagiats

Comme l'a largement démontré Richard De Mille, de nombreux passages des récits de Carlos Castaneda se sont avérés être des plagiats de travaux sérieux d'étudiants ou d'anthropologues de l'UCLA[3]. Le problème n'est pas seulement que les idées étaient semblables d'un ouvrage de Castaneda à celui d'un auteur antérieur : des paragraphes entiers contiennent des phrases quasiment identiques, dans leur découpage comme dans leur syntaxe. Par exemple la notion des « Quatre ennemis d'un homme de Connaissance », décrite dans l'œuvre de Castaneda, est presque certainement pillée d'un livre de Barbara Myerhoff, publié quelques années auparavant.

[modifier] Incohérences géographiques

Le désert sonoran évoqué dans les œuvres de Carlos Castaneda ne ressemble que très vaguement au vrai désert (Castaneda ne mentionne jamais certains animaux - insectes de peyotl, cochons sauvages - qui sont pourtant partout) et le comportement des animaux n'est pas juste (les souris crient sans être blessées pour attirer un puma...).

[modifier] Dimension commerciale

Les ouvrages de Carlos Castaneda ayant été un immense succès commercial, celui-ci s'est vu accuser d'exploiter un « filon » initialement très mince. Les écoles relatives aux enseignements de Castaneda, notamment celles sur la tenségrité, prolifèrent après sa mort. Cette phase commerciale (certains tarifs pratiqués sont exorbitants) accrédite à nouveau la thèse de l'imposture. Mais les défenseurs ont des arguments ; les stages ne sont qu'une récupération étrangère, à but essentiellement lucratif, non conformes à l'esprit de l'œuvre, calqués sur un yoga américanisé.

[modifier] Contradictions chronologiques

De très nombreuses incohérences chronologiques apparaissent lors d'une analyse interne de l'œuvre de Castaneda. Il n'est pas possible que les livres L'Herbe du diable et Le Voyage à Ixtlan soient véridiques... simultanément. De fait, l'un de ces récits au moins contient une certaine part d'invention, dépassant les nécessaires contraintes de la forme romanesque.

Les quelques exemples suivants sont tirés du livre de Richard De Mille, Castaneda's Journey[4].

  • Dans L'Herbe du diable (1965), Castaneda rencontre une sorcière sous la forme de don Juan lui-même. Dans ce récit, Castaneda se rappelle vaguement qu'en 1961 don Juan avait promis d'en dire plus sur « la Catalina », et des moyens pour l'assassiner « un jour ». En 1965, selon L'Herbe du diable, rien d'autre ne s'est passé depuis ce jour-là. Cependant, en 1962, selon Le Voyage à Ixtlan, Castaneda a vu la Catalina six fois, et a même été attaqué par elle.
  • Semblablement dans l'un des récits, Castaneda explique avoir « vu » un lieu bénéfique sur la terre, aux abords de la maison de don Juan, en 1962. L'autre récit énonce qu'en 1968 seulement, Castaneda remarque pour la première fois que don Juan disait le mot « vu » avec une inflection particulière (il lui demande alors ce qu'il entend par là).

De tels exemples sont très nombreux. Les détracteurs disent que, clairement, Castaneda a au moins inventé Le voyage à Ixtlan, sinon don Juan. Ceux qui persistent à croire en l'existence de don Juan supposent que Castaneda a simplement fait quelques erreurs dans ses notes de terrain.

[modifier] Philosophie

L'œuvre comprend une philosophie complexe, qui émane du récit, et dont une part importante est totalement inédite, selon les arguments des défenseurs de l'authenticité. Elle a un caractère de révélation, au sens de divulgation, d'une ancienne tradition cachée.

À l'inverse, ses détracteurs considèrent qu'elle représente une approche protéiforme du monde qui peut certes se laisser cataloguer comme religion, comme philosophie, comme métaphysique, ou comme art de vivre, mais qui est avant tout une création, une sorte de syncrétisme, même si elle ne se réclame d'aucune religion ou philosophie existantes.

Aspects nihilistes

L'Univers est sans Dieu, vide, glacial et, paradoxalement, indescriptible. Il n'est constitué que de champs d'énergie, originaires d'une unique source, métaphoriquement appelée « Aigle », dont la conscience humaine n'est qu'une infime émanation. La vie humaine n'est qu'un enrichissement de la conscience dévorée par l'Aigle après la mort (voir également Saturne dans la mythologie grecque, et les notions de théosophie : « la vie est prêtée »).

Aspects de rédemption

Dans l'œuvre tardive de Castaneda, l'homme peut échapper à son destin de voir sa conscience dévorée sous certaines conditions, très précises et parfaitement modélisables. Cette unique condition s'appelle « vivre en guerrier » (voir ci-après). Elle correspond à un mode de vie très rigoureux, qui consiste à accumuler une réserve énergétique suffisante pour offrir à l'Aigle un placebo, le contourner et ainsi conserver sa conscience pour une durée pouvant être illimitée. Dans ce cas, le guerrier « ne meurt pas ».

Aspects gnostiques et d'élitisme

Il existe un déterminisme supérieur, nommé « Connaissance », inaccessible au commun des mortels. Cette Connaissance est cachée (ésotérisme). Un « sorcier » seul peut prétendre y accéder, mais il aura été, auparavant, prédestiné comme tel. Une conscience supérieure, appelée l'« Esprit », le désigne comme tel par un ou plusieurs présages. Mais seul un sorcier expérimenté, appelé « nagual », sait lire ces présages et reconnaître un futur apprenti.

Aspects de désintéressement

Seul un apprenti désigné par l'Esprit peut être formé à acquérir la Connaissance. Toute autre formation est vaine, et le nagual mettrait en danger n'importe qui d'autre que le prétendant naturel, et se mettrait lui-même en danger, les énergies en jeu étant très élevées. Le nagual est désinteressé (la rémunération n'a aucun sens), bien que cette prise en charge lui soit cependant profitable comme perfectibilité de sa voie de guerrier. Néanmoins, et toujours paradoxalement, n'importe qui peut s'engager, seul, dans la voie de guerrier, s'il est conscient de l'inconfort extrême de cette voie.

Aspects védiques

Bien que vide, l'Univers est pourvu d'une substance neutre impersonnelle, appelée l'« Intention ». L'Intention n'a rien à voir avec la volonté, mais un sorcier peut la polariser au moyen de sa propre intention. Il appelle l'Intention par les yeux. Le rapport entre l'Intention et l'intention est analogue à celui existant entre l'âme cosmique et l'âme individuelle, dont le processus, ahamkara, se trouve décrit dans les Veda. Cette substance est aussi appelée « Nagual » (homonyme du terme précédent), et va renvoyer, comme un miroir, l'image solidifiée appelée « Tonal ». C'est ainsi que les sorciers accomplissent ici-bas des actes prodigieux, des actes magiques.

Aspects phénoménologiques

La base de la « sorcellerie » est le mouvement du point d'assemblage. La constitution énergétique de l'Univers peut se décomposer en un nombre quasi infini de filaments, ayant chacun conscience d'eux-mêmes. Le point d'assemblage permet de se connecter sur certains d'entre eux, créant ainsi notre perception du monde. La position du point d'assemblage d'un homme commun est sensiblement la même pour toute l'humanité. Un sorcier peut bouger ce point pour accéder à d'autres filaments habituellement inaccessibles. Sa perception du monde change, tout en restant parfaitement réelle (pratique nommée « stopper-le-monde »). Cet art s'appelle l'« art de traquer » ou l'art de la folie contrôlée. À l'extrême, il peut même ne plus assembler les filaments de ce monde pour assembler ceux d'un autre.

Aspects dualistes, non dualistes et d'unité

L'œuvre de Castaneda se distingue par une polarité Nagual-Tonal (voir définition ci-dessus). Un homme normal ne connaît que le Tonal, étant éduqué à cette perception, qui se stabilise à l'âge adulte pour devenir sa vision courante de l'Univers. Un sorcier connaît l'existence du Nagual, structure totalement indescriptible et complémentaire (parviendrait-on à la décrire, elle deviendrait Tonal, voir aussi taoïsme). Même indescriptible, le Nagual est un domaine expérimentalement tangible. Un sorcier ne privilégiera pas l'un au détriment de l'autre, mais s'efforcera d'unifier les deux, pour atteindre la « totalité de soi-même ». À noter que le dualisme conventionnel Bien-Mal, tout comme la moralité, n'a aucun sens chez Castaneda. Sur cet aspect l'œuvre s'apparente bien aux récits épiques orientaux, comme le Mahabharata, pour lesquels les notions de Bien et de Mal sont inconnues.

Aspects démonologiques et de possession

L'enchevêtrement des structures énergétiques de l'Univers occasionne des transferts très pénétrants. La conscience de l'homme se trouve violée en permanence par des incursions étrangères d'énergie, ressenties comme changements humoraux plus ou moins puissants, appelées « êtres inorganiques », la plus virulente étant l'« ombre », entité obscure capable de substituer sa conscience à la nôtre, pour exacerber le pire ennemi du sorcier, sa propre autocontemplation, et se nourrir de ses effets funestes. Certains sorciers parviennent à contrôler ces énergies étrangères, et en font leur « allié ». Même si l'alliance avec les êtres inorganiques est déconseillée, la composition avec eux est incontournable, car ce sont eux qui apportent l'énergie dont nous avons besoin. Ils agissent sur un homme normal alors qu'il croira agir de sa propre volonté. Le sorcier, conscient de la présence furtive de l'énergie étrangère, la capte, mais conserve sa propre volonté. Ce procédé, consécration d'un « homme de Connaissance », est appelé l'« ultime art de traquer ».

Aspects d'immanence et de déterminisme

Bien que l'objectif du sorcier soit la liberté absolue, il n'en demeure pas moins que le travail visant à l'acquérir s'effectuera dans un ensemble de règles très précises, formant un tout homogène et cohérent appelé « voie du guerrier » (voir ci-après). En outre, cette voie présuppose la détermination d'un objectif, prenant impérativement en compte la Nature du guerrier, c'est-à-dire l'ensemble de ses prédispositions. Castaneda nomme ce déterminisme La « voie du cœur ». Ses détracteurs y voient une forte similitude avec toute la littérature orientale antique, notamment le Mahabharata, où le dharma, la « nature » d'un individu, constitue le principe fondateur.

Aspects divinatoires

Ayant acquis la capacité à bouger son point d'assemblage, un sorcier peut avoir le pouvoir de percevoir son environnement sous sa forme énergétique. Cette perception ne se fait pas avec les yeux, mais avec le corps, qui doit être, comme condition nécessaire, sans être suffisante, en excellente santé. Cet acte s'appelle « voir ». Par ce procédé, don Juan arrive tout au long de la formation, à connaître l'état émotionnel de Castaneda, mais aussi les traces de son passé. « Voir » est utilisé par les sorciers, par simple focalisation, pour connaître des personnes ou groupes de personnes déterminés, des étapes d'histoire, reconnaître des lieux bénéfiques ou maléfiques, ressentir le danger ou l'aspect favorable d'une situation. À la fin de son apprentissage, Castaneda va « voir » les sorciers anciens, race totalement disparue, et va finir par les rejoindre malgré les avertissements répétés de don Juan.

[modifier] Pragmatisme et voie du guerrier

La finalité ultime dans une mythologie saturnienne

Les fibres lumineuses constitutives de l'Univers émanent d'une source unique: l'« Aigle ». Tout comme dans la doctrine théosophique de Blavatsky, chez Castaneda la vie n'est qu'un prêt. La conscience est prêtée par l'Aigle, qui la réabsorbe après que la vie terrestre l'a enrichie. Nous sommes dans une mythologie saturnienne, où le maître du temps finit par dévorer ses enfants. L'identification à cette mythologie est d'autant plus flagrante que l'on y retrouve la pierre emmaillotée offerte au Dieu pour le duper. Ici la pierre est la récapitulation: par une technique d'introspection chronologique, introspection visant à défaire les nœuds énergétiques qu'il a générés durant sa vie, l'adepte va reconstituer une image de sa vie, qu'il offrira à l'Aigle au moment du face à face. Correctement réalisée, cette récapitulation sera acceptée par l'Aigle, qui laissera alors passer le sorcier. On appelle cette manœuvre le « don de l'Aigle », le sorcier devenant détenteur du cadeau suprême: la continuité de la conscience à durée illimitée, c'est-à-dire l'immortalité physique. À noter que cette finalité ultime diffère d'un grand nombre de doctrines orientales ou occidentales, comme par exemple la métempsychose pythagoricienne de transmigration des âmes. Ici, la réalisation ne se fait pas dans un quelconque au-delà, elle se fait sur le plan terrestre. Dans leur quête de l'infini, les sorciers emportent avec eux le plan terrestre, c'est-à-dire qu'ils voyagent avec leur corps physique, sans laisser la moindre dépouille à leur départ.

La détermination de l'objectif

Il existe une phase très ingrate de l'apprentissage où l'élève n'est plus un homme commun, mais pas encore un sorcier. Il a dépassé les valeurs conventionnelles du monde, qui n'ont plus de sens pour lui, mais n'a pas encore atteint les prémisses de la connaissance. Cette phase est pour lui particulièrement dangeureuse et déroutante.

« Un guerrier sélectionne les éléments qui constituent son monde, car chacun des éléments constitue un bouclier (...). Les gens sont affairés à faire ce que les gens font, voilà leurs boucliers (...). Maintenant, pour la première fois, tu n'es plus à l'abri dans ton ancien mode de vie. » (Carlos Castaneda, A Separate Reality).

Le processus des sorciers est donc de reboucher la trouée (dans laquelle s'engageait la mort dès son ouverture), par une réorganisation basée sur « la-voie-qui-a-du-cœur », afin d'éviter cette ouverture au néant : « Un simple coup d’œil sur l’éternité qui se trouve à l’extérieur du cocon suffit à perturber le confort que nous procure notre inventaire. La mélancolie qui en résulte peut engendrer la mort.» L'objectif premier, en tant que réorganisation du bouclier, n'est que la protection indispensable lorsque le sorcier considère le Tonal, et désire le transcender.

Il existe cependant, au-delà de cette réorganisation, un objectif ultime et irrationnel, inconcevable par représentation, mais dont l'acquisition est pourtant indispensable pour l'accession à la connaissance. Cet objectif, appelé « noyau abstrait », est partie d'un patrimoine mythique. Expérimenter ce patrimoine est la seule façon de parvenir au but ultime des sorciers, le maniement de l'Intention, domaine pour lequel la transmission orale était totalement inadaptée. On dit alors que le guerrier possède un « objectif abstrait ».

Les déterminants de la voie du guerrier

Le « système Castaneda » consiste en une gestion draconnienne de sa propre énergie. L'« ombre » nous prête, à notre insu, sa conscience pour nous faire faire des actes destinés à exacerber notre autocontemplation, qui va générer nos sursauts énergétiques dont se nourrira l'entité. La vie d'un individu normal consiste à se vider de son énergie toute sa vie dans des combats fallacieux (qui pourront être faussement interprétés comme « actes guerriers ») par le biais de son autocontemplation qui sera le canal de cette fuite énergétique.
Ses détracteurs notent à ce sujet la similitude flagrante avec le logion 101 de l'Évangile de saint Thomas : « Le Royaume du Père est pareil à une femme qui porte un vase plein de farine et qui s'en va par un long chemin. L'anse du vase s'est brisée: la farine s'est répandue derrière elle sur le chemin sans qu'elle le sache et sans qu'elle sache y remédier. Lorsqu'elle est arrivée à sa maison, elle a posé le vase et elle a trouvé qu'il était vide. »

L'acte guerrier consiste en premier lieu à endiguer cette fuite énergétique, en considérant l'autocontemplation comme le pire ennemi. Selon ses détracteurs, d'autres religions font déjà le même type de recommandations : les Pères de l'Église ont répertorié sept péchés capitaux, les religions orientales stipulent que si un acte doit être parfait, il ne faut pas s'attacher aux fruits de l'acte.

Le monde ambiant étant source de dispersion, le guerrier doit aborder ce monde en suivant des déterminants très précis.

Le processus de validation du consensus particulier

Le processus mis en place par don Juan consiste à isoler des perceptions de la vie ordinaire pour établir des corrélations avec les états de conscience modifiés. La perception de la réalité ordinaire migre vers une perception spécifique et personnelle. Cette vision est nommée pour la circonstance « stopper-le-monde ». Ce mouvement vers le consensus particulier qui, à terme, permet l'abandon de la perception habituelle pour accéder aux fibres lumineuses habituellement hors du champ couvert par le point d'assemblage.

Les rapports à la drogue

Le premier livre de Castaneda (L'Herbe du diable et la petite fumée) fait état d'une voie de connaissance nécessitant la consommation d'un certain nombre de drogues. L'idée est d'acquérir la maîtrise d'un stade donné de la voie en créant des rapports privilégiés avec l'allié le mieux à même d'enseigner sur ledit stade. L'allié, contenu dans la drogue (par exemple Datura inoxia ou Psilocybe mexicana), devient momentanément professeur particulier.

Les défenseurs de la consommation, modérée ou non, de substances psychédéliques y ont vu une caution de leur pratique.
L'enseignement se base sur le mouvement du point d'assemblage, il fait aussi état de la prédisposition personnelle à cette fin. Certains sorciers, et notamment la plupart des sorcières, possèdent les capacités naturelles d'effectuer ce mouvement.

Castaneda a toujours été vu par son maître, don Juan, comme étant « bouché ». La prise de drogues fut l'ultime recours pour faire bouger son point d'assemblage. Les substances psychédéliques ne lui furent administrées qu'en début de formation, et à titre exceptionnel, de façon à lui faire percevoir des potentialités qu'il ne pouvait imaginer, et encore moins accepter. Don Juan explique qu'elles sont dangereuses pour le corps, et qu'une excellente santé du corps est indispensable, notamment pour « voir ».

Après cette phase psychotrope, l'accès à la « conscience du côté gauche » (nom donné à l'état de conscience accrue, atteint précédemment par la drogue) se fait par un « coup » dans le dos, donné par don Juan (ledit coup ne l'a jamais touché physiquement, il s'agit en fait d'une secousse au « corps énergétique »). À un stade plus avancé de la formation, Castaneda finit par « basculer du côté gauche » sans aucune intervention extérieure.

[modifier] Glossaire

  • Guerrier : individu qui s'engage à respecter un déterminisme très précis dans le but de devenir sorcier . L'essentiel de ce combat se fait contre soi-même.
  • Intention : clé de voûte et objectif ultime du sorcier. La capacité d'un sorcier à manipuler l'Intention lui ouvre toutes les portes de l'univers. Ce terme est quasiment indéfinissable, il pourrait peut-être se comparer à la foi, ou, en alchimie, au soufre, semence active de création. « Pour que la magie puisse s'emparer de nous, il faut chasser le doute de notre esprit » (voir La Force du silence, C. Castaneda)
  • Nagual (1) : sorcier arrivé à un état avancé de la Connaissance. Seul un Nagual peut diriger des guerriers ou des guerrières. Son autorité s'impose non par une réglementation particulière mais par des capacités pragmatiques qui s'imposent de fait.
  • Nagual (2) : substance neutre de l'Univers qui s'oppose au Tonal, indescriptible par définition, puisque sa description la relègue immédiatement dans le rang du Tonal. Probablement comparable au Tao
  • Ombre : entité inorganique très puissante qui s'introduit dans la conscience pour y substituer la sienne, en nous faisant faire des actes que nous croyons nôtres. Son objectif est de se nourrir de notre énergie. L'ombre apparaît très tardivement dans l'œuvre de Castaneda. (voir Le Voyage définitif, C. Castaneda)
  • Point d'assemblage : selon Castaneda, la structure énergétique de l'homme (qu'un sorcier peut voir) est composée d'un œuf lumineux dont la forme et les couleurs déterminent l'état énergétique de l'individu. À un endroit précis de cet œuf existe un point qui capte certaines fibres de l'univers ; c'est le point d'assemblage. Il détermine la façon dont l'individu perçoit l'univers. Lorsque le point d'assemblage bouge, la perception de l'univers de l'individu change. Il n'existe aucune notion de moralité dans cette notion : si la position du point d'assemblage est à peu près la même pour l'humanité entière, position qualifiable de « normale » ou « normative », elle peut être très différente pour un sorcier, sans qu'une différence prévale sur une autre. L'art de traquer et l'art de rêver sont les deux modes de déplacement du point d'assemblage. La pratique de l'un ou l'autre dépend du tempérement spécifique d'un individu. Les mâles ont des capacités moyennes dans les deux arts, et les femelles seules excellent à l'un ou l'autre. Un traqueur est un sorcier qui a avant tout la faculté de fixer le point d'assemblage à un endroit déterminé, et qui le déplace délibérément par la modification systématique de son comportement. Un rêveur est un sorcier qui a la faculté de déplacer spontanement et radicalement son point d'assemblage par sa pratique de rêver, et qui le fixe en portant une attention soutenue mais détachée au nouvel environnement qu'il a assemblé.
  • Rêveur, rêveuse : voir Point d'assemblage.
  • Sorcier, sorcière, sorcellerie : Castaneda explique qu'il a délibéremment employé ce terme à la place de chaman, chamane, chamanisme pour éviter la connotation anthropologique et favoriser l'idée de la réalité non ordinaire. Le sorcier est défini par sa capacité à « bouger le point d'assemblage ». Il est à un stade avancé de l'acquisition de la « Connaissance ». D'autres termes conviendraient, d'après Castaneda, tout aussi bien : « magie », « quête de la liberté totale », « maîtrise de l'intention », « nagualisme ».
  • Tonal : partie descriptible de l'Univers, opposée au Nagual. Selon Castaneda, même Dieu, pure représentation humaine, est un élément du Tonal.
  • Traqueur, traqueuse : voir Point d'assemblage.
  • Voie du guerrier : voir paragraphe Les déterminants de la voie du guerrier dans #Pragmatisme et voie du guerrier.
  • Voir : capacité à percevoir l'environnement, voire même l'Univers, sous sa forme énergétique. L'acte de voir se fait par le corps.

[modifier] Notes

  1. Véronique Skawinska, Rendez-Vous sorcier avec Carlos Castaneda, Éditions Denoël, 1989, ISBN 2207236315.
  2. Margaret Runyan Castaneda, A Magical Journey with Carlos Castaneda, Millenia Press, 1977.
  3. Voir aussi <http://www.karmapolis.be/pipeline/castaneda.htm
  4. Richard De Mille, Castaneda's Journey, 1976, pages 170-171.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Article connexe

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

Titre anglais Titre français Date de parution ISBN
The teachings of Don Juan L'Herbe du diable et la Petite Fumée 1968 ISBN 2-264007257
A Separate Reality Voir 1971 ISBN 2-070323102
Journey to Ixtlan Le Voyage à Ixtlan 1972 ISBN 2-070324915
Tales of Power Histoires de pouvoir 1974 ISBN 2-070328031
The Second Ring of Power Le Second Anneau de pouvoir 1977 ISBN 2-070329151
The Eagle's Gift Le Don de l'Aigle 1981 ISBN 2-070402770
The Fire from Within Le Feu du dedans 1984 ISBN 2-070405095
The Power of Silence La Force du silence 1987 ISBN 2-070714594
The Art of Dreaming L'Art de rêver 1993 ISBN 2-266066323
Magical Passes Passes magiques 1998 ISBN 2-268030547
The Wheel of Time La Roue du temps 1999 ISBN 2-268032787
The Active Side of Infinity Le Voyage définitif 2000 ISBN 2-268034631
  • Taisha Abelar, Le passage des sorciers : Voyage initiatique d'une femme vers l'autre réalité, avant-propos par Carlos Castaneda, Seuil, 1998, ISBN 2020219484
  • Florinda Donner-Grau, Les portes du Rêve, préface de Carlos Castaneda, Éditions du Rocher, ISBN 2268021351
  • Victor Sanchez, Les Enseignements de don Carlos : Applications pratiques de l'œuvre de Castaneda, Éditions du Rocher, 1996, ISBN 2268022706
  • Victor Sanchez, La Récapitulation chamanique : Soigner son passé pour libérer son esprit, Éditions du Rocher, 2001, ISBN 2268039080
  • Véronique Skawinska, Rendez-vous Sorcier avec Carlos Castaneda, rencontre avec Carlos Castaneda, Éditions Denoel, 1989, ISBN 2207236315
  • Christophe Bourseiller Carlos Castaneda, La Vérité du mensonge, Éditions du Rocher, 2005.

[modifier] Livres sur Castaneda

  • Castaneda, la voie du Guerrier, de Bernard Dubant et Michel Marguerie
  • Castaneda, le saut dans l'inconnu, de Bernard Dubant et Michel Marguerie, Éditions Guy Trédaniel, Paris, 1982, ISBN 0-85-707-085-3
  • Conversation de fond avec Carlos Castaneda, de Carlos Castaneda, Graciela N.V Corvalan et Eva Martine, Editions Le Cerf, 1992.
  • Carlos Castaneda, ombres et lumières, de Daniel C. Noël
  • Rencontres avec le Nagual - Conversations avec Carlos Castaneda, de Armando Torres, Editions Alphée, 2007.