Britannicus (Racine)

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Britannicus

Illustration de Britannicus

Auteur Jean Racine
Genre Tragédie
Pays d’origine France France
Lieu de parution Paris
Éditeur Claude Barbin
Date de parution 1670
Date de la 1re représentation 13 décembre 1669
Lieu de la 1re représentation Hôtel de Bourgogne
Illustration : Édition princeps
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Britannicus est une tragédie en cinq actes (comportant respectivement 4, 7, 9, 4 et 8 scènes) et en vers (1 768 alexandrins) de Jean Racine, représentée pour la première fois le 14 décembre 1669 à l’Hôtel de Bourgogne.

Britannicus est la deuxième grande tragédie de Racine. Pour la première fois, l’auteur prend son sujet dans l’histoire romaine. L’empereur Claude a eu un fils, Britannicus, avant d’épouser Agrippine et d’adopter Néron, fils qu’Agrippine a eu d’un précédent mariage. Néron a succédé à Claude. Il gouverne l’Empire avec sagesse au moment où débute la tragédie. Racine raconte l’instant précis où la vraie nature de Néron se révèle : sa passion subite pour Junie, fiancée de Britannicus, le pousse à se libérer de la domination d’Agrippine et à assassiner son frère adoptif.

Comme c’est le cas généralement chez Racine, Néron est poussé moins par la crainte d’être renversé par Britannicus que par une rivalité amoureuse. Son désir pour Junie est empreint de sadisme envers la jeune femme et envers tout ce qu’elle aime. Agrippine est une mère possessive qui ne supporte pas de perdre le contrôle de son fils et de l’Empire. Quant à Britannicus, il donne son nom à la pièce mais son personnage paraît un peu en retrait par rapport à ces deux figures.

Le succès n’est arrivé que peu à peu. Britannicus est aujourd’hui la deuxième pièce de Racine la plus souvent représentée à la Comédie-Française après Andromaque, et c’est l’une des pièces les plus souvent étudiées au lycée.

Sommaire

[modifier] Britannicus ou la tragédie du pouvoir

En 1669, la France vit sous la monarchie absolue de Louis XIV ; son pouvoir, célébré par de nombreuses fêtes, est à son apogée et oriente dans le domaine théâtral le goût du public aristocratique vers l’expression et l’analyse des sentiments plutôt que vers l’exaltation des rêves et des actions héroïques (le déclin du théâtre cornélien l’atteste). Ainsi, en choisissant l’accession au pouvoir de Néron, Racine peint surtout les aspects passionnels et les exigences intimes et contradictoires ; d’ailleurs pour éviter tout rapprochement malencontreux avec son époque, le dramaturge précise dans sa première préface qu’il ne s’agit pas de représenter « les affaires du dehors. Néron est ici dans son particulier ». Cette précaution prise, Racine met malgré tout en scène les jeux et les enjeux liés à la quête du pouvoir et montre que celle-ci anime l’action tragique surtout lorsque la nature du pouvoir est tyrannique. Ainsi, à travers Britannicus, Racine propose le spectacle, qu’il veut édifiant, d’une nature humaine plongée sans cesse au cœur d’une lutte entre le bien et le mal.

[modifier] Résumé de la pièce

  • Acte I - Agrippine, au petit matin, attend une entrevue avec son fils, l’empereur Néron, qui, sans prévenir sa mère, vient d’enlever Junie, l’amante de Britannicus ; celui-ci, fils de Messaline et de Claude (mort dans des conditions douteuses, sans doute empoisonné par Agrippine), est à ce titre prétendant légitime au trône, mais Agrippine l’a écarté du pouvoir au profit de Néron, né d’un premier mariage.*
Néron, par l’intermédiaire de son gouverneur Burrhus refuse l’entrevue. Agrippine, inquiète de voir s’affaiblir la tutelle qu’elle exerce sur son fils, informe Britannicus du sort de Junie et lui propose son soutien contre Néron. Britannicus accepte, encouragé par Narcisse, son gouverneur, en vérité un traître à la solde de Néron.
  • Acte II - Averti par Narcisse du complot qui se trame, Néron projette de répudier sa femme Octavie pour épouser Junie. Celle-ci, malgré les galanteries de Néron, lui refuse sa main. Néron lui ordonne alors de rompre avec son amant, dont la vie dépendra de cet entretien. Elle doit affecter devant Britannicus une froideur qui le désespère sans pour autant réussir à apaiser Néron, qui observe la scène en cachette.
  • Acte III - Tandis que Burrhus ne parvient à apaiser ni Agrippine ni Néron, Junie révèle à Britannicus le stratagème de Néron. Mais ce dernier, averti par Narcisse, survient et fait emprisonner son rival, tout en maintenant Junie enfermée au palais.
  • Acte IV - Agrippine rencontre enfin Néron et le contraint, par un long plaidoyer-réquisitoire, à lui promettre de se réconcilier avec Britannicus lors d’un festin prochain, promesse qui n’est que feinte de la part de Néron. Si les adjurations de Burrhus parviennent à ébranler Néron, Narcisse finit toutefois par le confirmer dans sa décision de tuer son rival.
  • Acte V - Tandis qu’Agrippine se félicite de sa victoire sur Néron, Burrhus vient annoncer que Britannicus a été empoisonné lors du festin : Narcisse est déchiré par la foule, Junie s’enfuit chez les vestales, et Néron, maudit par sa mère, s’abandonne à un désespoir farouche.

[modifier] Discussion autour de l’œuvre

[modifier] Le choix du titre

Plutôt que Britannicus, victime assez insignifiante de Néron et d'Agrippine, Racine aurait dû donner à sa tragédie le nom de l'un ou l'autre des deux monstres qui s'affrontent à travers lui (Néron et Agrippine). Mais la tragédie porte le nom de Britannicus et on a aujourd'hui du mal a comprendre ce choix, pourtant il s'explique par la nature du héros racinien que représente Britannicus : un héros pathétique au discours amoureux faible et à la cécité politique du fait de la candeur de Britannicus, qui paraît ridicule de plus il intègre des traits d'adolescent inconscient[réf. nécessaire].

[modifier] Frères ennemis

« Tout ce que j'ai prédit n'est que trop assuré. Contre Britannicus Néron s'est déclaré. L'impatient Néron cesse de se contraindre, Las de se faire aimer, il veut se faire craindre. »
    — Racine, Britannicus I, 1, 9-12

« J’embrasse mon rival, mais c'est pour l'étouffer »
    — Racine, Britannicus vers 1314

Ce thème qui est relaté dans la pièce oppose droit du sang et droit de la loi en fait c'est l'opposition Britannicus / Néron (Claude avait reconnu Néron comme fils) tandis que Britannicus était le fils naturel de l'empereur Claude et de sa troisième femme Messaline. Et Claude, jusqu'à sa mort, avait toujours été un bon empereur, respectant la loi. C'est pourquoi Racine décide de montrer Néron la nuit de son premier crime. En tuant Britannicus, son rival le plus dangereux l'empereur se débarrasse de l'élément qui empêche à sa toute-puissance tyrannique de s'affirmer.

[modifier] Passion du pouvoir ou pouvoir de la passion

Cette pièce est une tragédie politique romaine, la grandeur romaine constitue la toile de fond historique.

Néron apparaît comme un maître absolu, régnant sur les autres et étant le seul au fait de ses propres actions et intrigues, trouvant peut-être par là une compensation à la tyrannie de son amour pour Junie, dont il est esclave. En effet, en se débarrassant de sa mère, de son conseiller vertueux (Burrhus) et de son demi-frère Britannicus, ennemi politique et amoureux, il est le maître du destin de tous les personnages, et comparable à un petit dieu terrestre. Le pouvoir est là pour faciliter le triomphe des sentiments. Néron, au détriment de son image et de sa gloire, n’hésite pas à utiliser contre son rival et contre celle qu’il aime tous les moyens dont il dispose grâce à son statut. La passion l’aveugle au point qu’il refuse d’entrer dans le partage proposé par sa mère : il n’est pas question pour lui de monnayer, auprès de Britannicus, la succession à la tête de l’empire contre la possession de Junie, car son désir l’emporte résolument sur son ambition politique. Et pour parvenir à ses fins, il n’a aucun scrupule à user des procédés les plus déshonorants, à espionner, par exemple, caché derrière un rideau, l’entretien entre Britannicus et Junie (Acte II, scène 6). On devine à travers le thème de la passion du pouvoir et de l'usage du pouvoir les décadences nombreuses a venir et la folie des princes, l’instabilité politique et l'expansion territoriale démesurée.

[modifier] Un regard sur l'Antiquité

Racine a choisi de mettre en scène un épisode clé du règne de Néron. En 54 il a été acclamé empereur par l'armée, à dix sept ans, grâce à sa mère Agrippine qui avait empoisonné Claude et écarté Britannicus du trône (acte IV, scène 2) Avec Britannicus, Racine cherchait à réorganiser l'Histoire ; tout en maintenant une intrigue politique, il y superposait et incarnait un conflit psychologique.

« J'avais copié mes Personnages d'après le plus grand Peintre de l'Antiquité, je veux dire d'après Tacite. »
    — Racine, Britannicus Seconde préface de Racine

Les sources de Racine sont Tacite et Suétone pourtant il invente un personnage en la personne de Junie :

« Cette Junie était jeune, belle [...]. Elle aimait tendrement son Frère [...] »
    — Racine, Britannicus Première préface

Il se sert d'une Junie présente dans les sources de Tacite.

Par ailleurs, dans les deux préfaces, le poète avoue la modification historique qu'il a opérée sur cette héroïne en la faisant entrer dans les vestales. L'enlèvement de Junie par Néron, et l'amour réciproque de Britannicus et de Junie, qui ne sont, il faut l'avouer, que de pures inventions du poète, l'entrée chez les vestales ne paraît guère une modification considérable.

« L’Histoire est bel et bien présente dans la pièce ; la férocité et l'orgueil accablants d'Agrippine, la résistance acharnée de Néron à cette pression, tout cela est historique et fidèlement reproduit dans le Britannicus racinien. Simplement, ce conflit est intériorisé chez Néron ; l'autorité maternelle d'Agrippine est doublée d'un pouvoir politique, de sorte que l'histoire intérieure de Néron — comment naître au monde — est parfaitement encadrée par une intrigue politique, en bref, par l'Histoire. »
    — Hirotaka Ogura


[modifier] Liens externes

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