Économie solidaire

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Sous le terme d'économie solidaire se regroupent un certain nombre de mouvements et concepts différents. Bien que le terme fasse aujourd'hui débat, il recouvre, en plus des théories, des réalités de terrain. L'économie solidaire est généralement considérée comme appartenant au secteur de l'économie sociale et solidaire[1]. Toutefois la première se réfère plutôt à des organisations identifiées par leur statu et occupant une place importante dans la vie économique (banques, mutuelles, etc...) et la seconde à des activités visant à expérimenter de nouveaux "modèles" de fonctionnement de l'économie, tel le commerce équitable ou l'insertion par l'activité économique.

L'origine de la mouvance solidaire remonte au XIXe siècle[2] (mouvement coopératif). L'économie solidaire telle qu'elle est vue de nos jours possède plusieurs formes[3], certaines concrètes, qui vont du commerce équitable aux réseaux locaux d'échange.

Sommaire

[modifier] Exemples de structures d'économie solidaire

[modifier] Dans l'agriculture

Ces formes de l'économie solidaire sont essentiellement représentées par les actes de Commerce équitable, et par diverses formes de relations directes entre producteurs et consommateurs, dans un esprit « de village ». À ce dernier sujet, citons les AMAP, ou Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne, qui consistent en une association entre un producteur local (généralement affilié à l'agriculture biologique) et des consommateurs. La vente des productions s'y fait directement, par promesse des consommateurs d'acheter la production de l'agriculteur. Le jeu est dit « gagnant-gagnant », car le producteur gagne en évitant les intermédiaires et leurs prix trop bas, et les consommateurs gagnent sur le même point, mais aussi sur le transport et sur la qualité (méthodes de culture, fraîcheur des produits).

[modifier] Dans de nouvelles formes d'échange innovantes (monnaie locale complémentaire)

Ces formes d'économie solidaire font appel à des concepts monétaires d'utilisation locale, à la fois différents du concept de monnaie tel qu'il est pratiqué dans le cadre du capitalisme libéral et proche de lui dans la mesure où il s'agit de monnaies privées. En effet leur création n'est pas soumise à l'accord d'un organisme unique et étatique. Une particularité est toutefois que ces instruments de paiement sont décrits comme « gratuits » (i.e. leur prêt n'est pas soumis à l'intérêt) et « libres »

[modifier] Les SEL

Parmi les actions relevant de ce type d'économie à monnaie complémentaire, il y a en tout premier lieu les Systèmes d'échanges locaux, ou SEL (en anglais LET's:Local Exchange Trading Systems). Certains d'entre eux, tel que le Barter's Club ou Ithaca aux États-unis sont parfaitement intégrés au système capitaliste majoritaire, payent des taxes sur leurs échanges, et proposent même une conversion de leur monnaie propre en monnaie nationale.

L'intérêt de ces SEL ou LET's est de favoriser les échanges commerciaux locaux, en suppléant par leur monnaie locale le manque ou le coût de l'argent national. Le fait que les échanges au sein de ces réseaux ne soient en général pas soumis au régime fiscal national, car il n'y a pas de réel décompte des valeurs échangées, incite parfois les autorités locales à penser que certains échanges s'apparentent à de l'évasion fiscale. Parallèlement, certaines entreprises estiment que les SEL sont un système de concurrence déloyale, pour les mêmes raisons (pas de charges sur les « salaires » versés en monnaie complémentaire, pas de taxes sur les échanges, etc). Par conséquent, les SEL sont généralement tolérés par les administrations fiscales, à condition de rester de modestes structures d'entraide citoyenne.

Historiquement, les systèmes à monnaie complémentaire ont été plusieurs fois appliqués par des communautés sous autorités officielles (communes, cantons, ou leurs équivalents à l'étranger, par exemple Lignières en Berri (France, 1956); Marans (France, 1958); Wörgl (Autriche, 1933); Schwanenkirchen (Allemagne,1931)). À chaque fois cependant, les États concernés ont fait cesser l'expérience, malgré l'amélioration ressentie par les populations dans leur capacités à commercer, en constatant ce qui était à leur yeux une fraude fiscale (manquement aux paiements des droits et taxes sur le travail).

Toutefois, le concept renaît périodiquement, et en Allemagne en 2004, il existe une dizaine de monnaies régionales[réf. nécessaire], avec jusqu'à l'équivalent de 20 000 euros en circulation pour une seule valeur. La Bundesbank regarde ces monnaies d'un œil encore bienveillant, ce qui incite certaines caisses d'épargne (p. ex. la Sparkasse de Delitzsch-Eilenburg en Saxe) à rechercher des partenaires commerciaux intéressés à l'émission d'une monnaie complémentaire qui serait gérée par la caisse elle-même.

[modifier] Autres projets de monnaie

Une autre voie de l'économie solidaire avec monnaie complémentaire est celle de la double monétarisation, proposée par J.-M. Flament, avec le système du robin[4]. Le robin est une monnaie qui se gagne au cours d'actes solidaires et /ou philanthropiques, et qui est nécessaire pour obtenir le meilleur de la richesse proposée par la communauté, l'idéal étant d'être peu ou prou aussi riche en robin qu'en monnaie nationale. Le robin se veut, dans l'esprit de son inventeur, un moyen de pacifier ce qu'il estime être le « capitalisme sauvage », en favorisant l'action solidaire.

On peut aussi mentionner le Projet SOL, suggéré par Patrick Viveret, démarré en mars 2006 dans trois régions de France, visant à promouvoir des transactions parmi les acteurs de l'économie solidaire.

André-Jacques Holbecq propose également, dans son livre « Une alternative de société : l’écosociétalisme» [5] un modèle économique et monétaire qui fait l’objet d’un développement complet basé sur le sociétalisme [6] dont il est également l'auteur.

Une prospective des monnaies solidaires a été proposée par Bernard Lietaer dans son livre "The future of Money"

[modifier] Dans les échanges internationaux : le commerce équitable

Défini comme un partenariat commercial entre importateurs et consommateurs de pays du Nord et producteurs "marginalisés" de pays du Sud, le commerce équitable revendique depuis de nombreuses années son appartenance à une économie solidaire, responsable ou encore durable, selon ses acteurs et son courant.

Pour une présentation du commerce équitable, on se réfèrera à l'article portant se titre dans cette encyclopédie. Il faut juste souligner ici que l'affiliation du commerce équitable à une économie solidaire dépend de l'identité des acteurs concernés : en France, des fédérations comme Artisans du monde ou Minga revendiquent pleinement cette appartenance, tandis des opérateurs commerciaux comme Altereco ou Ethiquable préfèrent insister sur l'humanisation de la logique de marché, et donc sur la notion de responsabilité.


[modifier] Dans la finance et l'épargne

La finance solidaire participe pleinement de l'économie sociale et solidaire. Elle se distingue de la micro-finance en précisant ses objectifs : l'accroissement du capital social, tandis que la micro-finance est parfois utilisé comme simple instrument individuel palliatif à l'exclusion d'une population pauvre ou sans garantie du système bancaire.

L'épargne salariale est une pratique consistant à s'assurer que son épargne est (ré)investie dans des activités relevant de l'économie sociale et solidaire. Elle se distingue ainsi de la finance éthique, qui se contente d'exclure les entreprises les moins responsables des fonds d'épargne.


[modifier] Vers une économie d'un autre type

« Cohésion - solidarité - projet collectif », telles sont les valeurs de ce que doit être cette « Nouvelle Economie », qui se distingue du terme ayant émergé dans le cadre de la globalisation des échanges. En effet, elle est marchande puisqu'elle assure des services qui sont facturés, le prix peut tenir compte de la solvabilité du consommateur:
Dans le nord de la France, il existe une association qui propose un service de garde d'enfant, la prestation varie en fonction du quotient familial défini par la Caisse d'allocations familiales (CAF).

Bon nombre d'échanges se font par le biais d'actions considérées bénévoles (bien que se faisant avec contreparties), on peut citer des systèmes d'échanges locaux (les SELs) ou les réseaux d'échanges réciproques de savoirs.

L'économie solidaire a une triple originalité : une organisation interne de type associatif , une finalité sociale et une hybridation de ses ressources (recettes marchandes, aides publiques et contribution du bénévolat).

[modifier] Critiques

L'économie « solidaire » a notamment été critiquée par certains économistes et philosophes libéraux qui ont en particulier soulevé le risque qu'elle ait l'effet inverse de celui recherché, à savoir l'appauvrissement de tous et la dégradation des conditions de vie. Ainsi, l'économiste libéral Milton Friedman souligne que vouloir faire d'une entreprise autre chose que ce qu'elle est, à savoir une entité dont la finalité est de faire du profit, c'est obtenir l'effet exactement inverse : la pauvreté généralisée. Il résume cela de façon lapidaire en « la seule responsabilité sociale de l’entreprise c’est faire du profit »[7]. Ignorer les règles élémentaires de l'économie, c'est pour Friedman décourager l'effort et nuire surtout aux plus pauvres.

Dans La Révolte d'Atlas (1957), la philosophe Ayn Rand adopte une position proche, soulignant que vouloir ignorer les règles de base de l'économie au profit d'objectifs « sociaux » ou « solidaires » c'est aller à la catastrophe selon elle. Elle dépeint ainsi une usine dont les dirigeants décident de fonctionner suivant les principes d'une économie sociale ou solidaire, ce qui débouche sur le chômage et la pauvreté pour tous : plus aucune incitation n'est là pour motiver les travailleurs et la rémunération non au mérite mais selon les besoins a fait fuir les plus compétents tout en introduisant la jalousie et la haine[8].

Plus récemment, l'économiste libéral Pascal Salin soulignait dans Libéralisme (2000) que l'« économie sociale » ou sa composante « solidaire » ne permette pas à ses yeux un exercice clair des responsabilités individuelles et entrainaient une déresponsabilisation nuisible à tous car la liberté individuelle ne trouve plus sa contrepartie nécessaire dans la responsabilité. Il écrit ainsi : « On ne peut pas dire qu'il existe différents modes d'organisation de la responsabilité sociale (ou responsabilité à l'égard d'autrui) ; il y en a un seul : la définition des droits de propriété. Le marché en est la résultante éventuelle, mais ni nécessaire ni suffisante. S'il est fondé sur des droits de propriété, il est alors le seul système d'échange qui repose effectivement sur la responsabilité. Le secteur associatif, par exemple, l'économie sociale, si à la mode, sont des structures floues qui ne permettent pas l'exercice correct des responsabilités.»[9]

[modifier] Références

  1. C E G E S
  2. Alternatives Economiques Pratique n°22, Janvier 2006
  3. Alternatives Economiques Pratique n°22, Janvier 2006
  4. (fr) cf. à ce propos un site présentant le système robin.
  5. Ed. Yves Michel, 2005 et version web
  6. Présentation du sociétalisme sur le site wiki du sociétalisme
  7. Un oeil libertarien sur la RSE, la responsabilité sociale de l'entreprise, Québécois libre
  8. Ayn Rand, Atlas Shrugged, Signet Book, ISBN 0451191145
  9. Pascal Salin, Libéralisme, Odile Jacob, 2000, ISBN 9782738108098, pp.105-106

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Lien externe