Voici le temps des assassins

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Voici le temps des assassins est un film français de Julien Duvivier, sorti en 1956

Sommaire

[modifier] Résumé

Ce qui suit dévoile des moments clés de l’intrigue.

À Paris, André Chatelin, restaurateur aux Halles, mène une vie sans histoire jusqu'à l'arrivée de Catherine, fille de Gabrielle, son ancienne épouse. Elle annonce la mort de sa mère et se dit sans ressources. Chatelin l'accueille sous son toit, puis l'épouse. Gérard, jeune étudiant que Chatelin considère comme son fils, devient l'amant de Catherine qui l'a brouillé avec Chatelin. Elle lui demande de tuer le restaurateur, il refuse. Elle l'assassine. Ayant découvert que Gabrielle vit toujours, déchue et droguée, Chatelin se rend compte de la noirceur d'âme de Catherine qui lui a toujours menti. César, le chien de Gérard, fera justice.

[modifier] Commentaire

[modifier] Voici le temps du pessimisme

On a beaucoup écrit sur le pessimisme de Julien Duvivier et sur la noirceur de ses films: celui-ci en est peut-être la quintessence.
La superbe photo noire, blanche et grise d’Armand Thirard nous plonge dans un univers crépusculaire, sinon sépulcral. Duvivier ne nous montre jamais le soleil, mais un vague lampion vaincu par les ombres. Ses protagonistes s’agitent en une saison moribonde, une espèce de torpeur humide comme celle qui stagne autour des eaux marécageuses ou pourrissantes des égouts, alimentées par les fluides animaux, viscéraux, écoulés depuis les Halles de Paris, ventre agité de luttes intestines et carnassières. C’est une vision saisissante de l’automne de la vie avant que les ciseaux machiavéliques des harpies Catherine, Gabrielle ou de la mère Chatelin (et son fouet à sorcières, scène d’anthologie) n’achèvent leurs destruction et autodestruction. Elles taillent en pièces le roc Chatelin-Gabin, celui qui donnait à manger sans trop savoir pourquoi (parce qu’il faut bien vivre, vaille que vivre) et font un sort à Gérard, incarnation éphémère d’une fragile jeunesse et d’un possible futur.

Il faut rendre hommage à Duvivier pour son choix de tourner en décors naturels. Il restitue admirablement la vie grouillante des anciennes Halles, sur fond des non moins admirables pavillons Baltard anéantis par d’autres démolisseurs, destruction dont Paris porte encore les stigmates plus de 30 ans après leur disparition. Les rares instants animés d’un semblant de chaleur humaine sont les séquences d'ensemble au restaurant et à la guinguette des Chatelin, scènes que Duvivier évite de transformer en iconographie parisienne. Des personnages magnifiquement dessinés, dans l'humanité comme dans la noirceur, une excellente histoire et un très intelligent scénario font de ce film l'un des meilleurs de Duvivier.

[modifier] Fiche technique

  • Titre : Voici le temps des assassins (extrait des Illuminations (Matinée d'ivresse) d'Arthur Rimbaud)
  • Réalisation : Julien Duvivier
  • Scénario : Julien Duvivier, Maurice Bessy, Charles Dorat
  • Adaptation, dialogue : Julien Duvivier, Charles Dorat, Pierre-Aristide Bréal
  • Assistants-réalisateur : Michel Roumanoff, Gérard Renateau
  • Musique : Jean Wiener
  • Chanson : La Complainte des assassins est interprétée par Germaine Montéro, paroles de Julien Duvivier et musique de Jean Wiener (Éditions Enoch et Cie)
  • Images : Armand Thirard
  • Opérateur : Louis Née, assisté de Jean Dicop et Robert Florent
  • Ingénieur du son : Antoine Archimbaud
  • Assistant son : Jacques Gerardot
  • Décors : Robert Gys, assisté d'Yves Olivier, Fred Marpeaux
  • Montage : Marthe Poncin
  • Scripte : Denise Morlot
  • Maquillage : Gérard Bouban
  • Coiffures : Yvonne Gaspérina
  • Accessoiristes : Albouze et Protat
  • Photographe de plateau : Roger Corbeau
  • Costumes : Jacques Cottin
  • Administrateur : Roger Morand
  • Tirage : Laboratoire Franay LTC Saint-Cloud
  • Trucage : LAX
  • Régisseur général : Tonio Sune
  • Régisseur extérieur : Georges Kougoucheff

[modifier] Distribution

  • Valérie Vivin : Minette
  • Liliane Ernout : la serveuse blonde de la guinguette
  • Monique Vita : Françoise Gardel
  • Jacques Fayet : le copain de Gérard
  • Catherine Fath : une dineuse
  • André Philip
  • Sophie Saint-Rapt
  • Nadine Basile (scène coupée au montage)
  • Paul Barge : le garçon d'étage de l'hôtel
  • Jacques Bertrand : Félix, le livreur
  • Robert Blome : un homme de passage aux Halles
  • Raymond Bour : un curieux
  • Henri Coutet : l'homme qui annonce l'accident
  • Max Dalban : un fort-des-halles
  • René Hell : le garde champêtre
  • René Lacourt : un pêcheur à la ligne
  • Jean-Louis Le Goff : le brigadier de gendarmerie
  • Albert Medina : M. Passart
  • Eugène Stuber : un consommateur
  • Jimmy Perrys : un homme le long de la rivière
  • Georges Tat
  • Laura Lor
  • Le chien César

[modifier] Autour du film

  • Danièle Delorme[1] : « Le film Voici le temps des assassins qui immortalisa notre jeunesse et un certain cinéma. J’avais une passion pour Julien Duvivier et pour tous ses films bien que je ne sois pas de la même génération. Je n’imaginais donc pas qu’il puisse faire appel à moi et lorsqu’il me demanda à me rencontrer, je me sentis dans mes petits souliers. Ce premier rendez-vous est encore très présent dans ma mémoire. Duvivier était très impressionnant, sec, précis. Il me parla d’une traite de son film, me demanda de lire le scénario pour lui donner rapidement ma réponse. À prendre ou à laisser : apparemment d’autres actrices étaient déjà sur les rangs.
    Sidérée par la pression qu’il mettait sur mes épaules, je lus tout le script dans ma voiture garée le long d’un trottoir. Plus j’avançais dans sa lecture, moins je comprenais pourquoi Duvivier avait pensé à moi. Cette diabolique jeune femme au visage d’ange capable de mensonge, de sournoiserie, de meurtre, je pouvais donc la jouer ? Manipuler Gabin, le mener par le bout du nez, en faire mon jouet, était-ce possible ? Y croirait-on ? Le défi était de taille. Je dis oui immédiatement, sentant que ce rôle pourrait peut-être me projeter vers autre chose. Et puis, tourner avec Gabin, comment ne pas courir ?
    Le tournage s’étalait sur dix semaines. Sur le plateau de Billancourt, on avait reconstitué les vieilles halles de Paris. Décors à l’identique comme on les fabriquait à l’époque. Et, sur quelques mètres carrés, une petite chambre avec le lit nuptial pour Jean, restaurateur des Halles, et moi, sa jeune épousée. […] Perché sur son tabouret, Duvivier gardait les yeux fixés sur nous comme un oiseau de proie. […] Oui, ce fut un vrai cadeau pour moi que cette histoire glauque d’un restaurateur abusé par une meurtrière qui se faisait déchiqueter par le chien de sa victime. Personnellement, j’en ai gardé un grand souvenir. On apprend beaucoup auprès des grands. Ce film fait partie des « classiques », et les spectateurs le demandent souvent lorsqu’ils souhaitent revoir « un » Gabin ou « un » Duvivier. Il y a encore un an, il fut projeté sur un écran en plein air et le public semblait impressionné par cet univers crépusculaire (magnifique photographie en noir et blanc d’Armand Thirard !), ému, tour à tour, par la gouaille et la noirceur des films des années 1950. »

[modifier] Vidéographie

  • 2004 : Voici le temps des assassins de Julien Duvivier - Durée 110 mn - 1 DVD Zone 2 - René Chateau Vidéo.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Extrait de ses mémoires Demain, tout recommence, Éditions Robert Laffont, Paris, 2008, (ISBN 9782221110157)