Théorème de d'Alembert-Gauss
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En mathématiques, le théorème de d'Alembert-Gauss, simplement appelé théorème de d'Alembert ou encore théorème fondamental de l'algèbre, s'énonce de la façon suivante :
Théorème de d'Alembert-Gauss — Tout polynôme de degré supérieur ou égal à 1 à coefficients dans le corps des nombres complexes admet au moins une racine dans .
En d'autres termes, le corps des nombres complexes est algébriquement clos. On en déduit facilement par récurrence que tout polynôme de degré n > 0 est scindé, c'est-à-dire qu'il se factorise en produit de n polynômes du premier degré : on dit qu'il a exactement n racines (en tenant compte des ordres de multiplicité).
Ce théorème fut énoncé pour la première fois par Albert Girard. Jean le Rond d'Alembert en donna une démonstration presque complète, dans son Traité de dynamique. Carl Friedrich Gauss en donna la première démonstration rigoureuse au début du XIXe siècle.
La dénomination « théorème fondamental de l'algèbre » prête à confusion car il s'agit d'un théorème « exogène » à l'algèbre, au sens où l'on n'en connaît pas de démonstration qui évite de faire appel à des outils d'analyse.
Une preuve très concise repose sur le théorème de Liouville en analyse complexe. À cet effet, on considère un polynôme P à coefficients complexes, de degré au moins égal à 1. On suppose qu'il n'a aucune racine : dès lors, la fonction rationnelle 1 / P est entière et bornée (car elle tend vers 0 à l'infini) ; du théorème de Liouville, on déduit qu'elle est constante, ce qui contredit l'hypothèse sur le degré, et prouve ainsi par l'absurde l'existence d'au moins une racine de P.
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[modifier] Autres démonstrations
[modifier] Preuve directe
Soit P un polynôme de degré strictement positif à coefficients complexes. Notons
pour z dans et n > 0
D'après l'inégalité triangulaire, on a
On en déduit que
Notons
Il existe alors un réel R tel que pour tout on a . On en déduit que
Le disque D(0,R) étant compact, il existe un nombre complexe z0 de ce disque où la borne inférieure est atteinte. On a donc . Il ne reste plus qu'à montrer que m = 0 pour terminer la démonstration.
Supposons que ce n'est pas le cas. Notons pour
Soit k le plus petit indice non nul tel que . Et soit z1 une racine k-ième de . Notons: .
Alors pour où , on a:
D'après l'inégalité triangulaire, on a:
Donc pour , on a
Étant donné que pour tout
on a
- .
Par conséquent, quand r tend vers 0 tout en restant positif, le second membre devient strictement négatif car par hypothèse. Donc . Ce qui est absurde d'après la définition de . est donc une racine de .
[modifier] Par la théorie de Galois
Il existe une preuve presque purement algébrique du théorème fondamental de l'algèbre, valable dans tout corps réel clos. Elle n'utilise que la propriété topologique qui affirme que tout polynôme réel de degré impair possède une racine.
Elle se fonde sur le fait que le corps des nombres complexes est stable par extraction de racines carrés. En terme galoisien, cela signifie qu'il n'existe pas d'extension de degré deux des nombres complexes ou encore que les nombres complexes forment une clôture quadratique. Cette preuve utilise la théorie des groupes, plus précisément les propriétés des p-groupes ainsi que les théorèmes de Sylow[1]. Si elle utilise des outils plus puissants que ceux de la démonstration précédente, elle démontre aussi un résultat plus fort. Georg Frobenius (1849 - 1917), l'auteur de cette démonstration, prouve[2] non seulement que C est le seul sur-corps commutatif de dimension finie sur R, mais aussi que les quaternions forment l'unique autre sur-corps de dimension finie des nombres réels, qui lui n'est pas commutatif. Ici, seule la première partie est démontrée.
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- Tout polynôme réel de degré impair possède une racine :
En effet, si le polynôme réel est de degré impair, ses limites en plus et moins l'infini sont de signes opposés, le théorème des valeurs intermédiaires montre l'existence d'une racine.
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- Toute extension quadratique K du corps des nombres réels est isomorphe à celui des nombres complexes. :
Une extension quadratique est un sur-corps de R de dimension deux. Elle est toujours galoisienne c'est à dire qu'elle contient deux automorphismes de corps laissant R invariant. Ces deux automorphismes constituent le groupe de Galois, soit σ celui qui n'est pas l'identité. L'automorphisme σ2 est égal à l'identité car G ne contient que deux éléments et σ2 ne peut être égal à σ. Soit z un élément de l'extension qui n'est pas réel. L'élément z + σ(z) est stable par σ donc par tous les éléments de G, ce qui montre qu'il est élément de R, cette propriété est une conséquence directe du théorème fondamental de la théorie de Galois. Et z - σ(z) n'est pas réel, sinon z le serait. L'égalité :
montre que z - σ(z) possède un carré réel. Il est nécessairement négatif car sinon z - σ(z) serait réel. Il existe donc un réel r strictement positif tel que z - σ(z) = i.√r, et comme √r est un réel, i est élément de K. Ici i désigne l'un des deux éléments de K tel que i 2 est égal à -1. Une base de K est (1, i ), ce qui montre que K est isomorphe au corps des complexes.
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- Le corps des nombres complexes ne possède aucune extension quadratique :
Raisonnons par l'absurde, soit EC une telle extension. Le raisonnement précédent montre qu'elle est engendrée, en tant que C espace vectoriel, par 1 et une racine carrée d'un nombre complexe. Or toute racine carrée d'un nombre complexe est élément de C.
Une fois ces trois lemmes établis, démontrons qu'un polynôme réel irréductible P[X] de degré différent de 1 est de degré 2 et scindé dans C. Soit L son corps de décomposition et d la dimension de L en tant que R espace vectoriel. Un tel corps existe toujours, d est fini et L est une extension de Galois (cf l'article corps de décomposition). Elle est en effet séparable car R est un corps de caractéristique zéro donc parfait.
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- La dimension d est une puissance de 2 :
Soit G le groupe de Galois de L. L'ordre de G est égal à la d (cf l'article extension de Galois). Soit n l'exposant de 2 dans la décomposition en facteur premier de d. Un des trois théorèmes de Sylow montre qu'il existe un sous-groupe H d'ordre 2n. Le théorème fondamental de la théorie de Galois montre que l'ensemble des éléments de L laissant invariant H forme un sous-corps K de dimension d/2n sur R. Soit k un élément de K, le polynôme minimal de k est de degré un diviseur de d/2n. En effet, le sous-corps engendré par k est de dimension le degré du polynôme minimal et tout sous-corps de K possède, en tant que sous-espace vectoriel, une dimension qui divise celle de K (cf l'article Extension algébrique). Le polynôme minimal est de degré impair, comme tout polynôme à coefficients dans R de degré impair possède une racine, ce polynôme est de degré un car il est irréductible. Ceci montre que le corps K est de dimension 1 et que d est une puissance de 2.
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- Le corps L est isomorphe à C :
L'article tour d'extension quadratique montre que toute extension galoisienne de dimension une puissance de 2 est une tour d'extension quadratique. Comme L est différent de R car le polynôme est irréductible et de degré différent de un, L contient une extension quadratique, donc un corps isomorphe à C. Comme le corps C ne possède aucune extension quadratique, L est égal à un corps isomorphe à C.
Ainsi, l'extension L est de dimension 2, le polynôme P[X] est degré 2 et son corps de décomposition est isomorphe à celui des complexes. Démontrons maintenant le théorème, soit Q[X] un polynôme complexe non constant et z une racine (à priori dans une extension des complexes). La valeur z est algébrique sur C, C est une extension finie de R, on en déduit que z est algébrique sur R, c'est à dire qu'il existe un polynôme à coefficient dans R ayant z pour racine. Le résultat précédent montre que z est un élément de C, donc que Q[X] admet au moins une racine, ce qui termine la démonstration.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Références
- ↑ Voir A. Bouvier D. Richard Groupes observation théorie pratique, Editeur Hermann, (ISBN 2705613838) (Ouvrage épuisé)
- ↑ Georg Frobenius Über lineare Substitutionen und bilineare Formen Crelle, 84 p 343-405 1878
[modifier] Articles connexes
[modifier] Bibliographie
- Benjamin Fine, Gerhard Rosenberg, The fundamental theorem of algebra, Springer 1997, ISBN 0-387-94657-8