Théorème de Wedderburn

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Joseph Wedderburn
Joseph Wedderburn

Le théorème de Wedderburn est, en mathématiques et plus précisément en Algèbre un théorème sur les corps.

Il stipule que tout corps fini est commutatif.

Il a été nommé en l'honneur de Joseph Wedderburn (1882 - 1948) pour son article de 1905 proposant trois démonstrations de ce théorème.

Remarque sur la terminologie : la définition anglosaxone équivalente field d'un corps demande que la multiplication soit commutative. Elle abolit la distinction entre corps commutatif et corps. La convention la plus usitée en France[1] est de préciser si le corps est commutatif ou non, même si elle n'est pas générale. C'est celle utilisée dans cet article.

Sommaire

[modifier] Enoncé du théorème

  • Tout corps fini est commutatif.

[modifier] Histoire

Le développement de la théorie des corps finis démarre vers la fin du XIXe. La théorie des représentations des groupes finis[2] amène Frobenius (1849 - 1917) à s'intéresser aux corps de caractéristique fini différents des corps premiers (c’est-à-dire engendré par l'unité de la multiplication). La théorie de Galois et l'automorphisme de Frobenius permettent rapidement la détermination de la structure des extensions finies de Fp le corps fini à p éléments. La classification des corps finis abéliens est rapide. Leonard Dickson (1874, 1954), professeur à l'université de Chicago publie[3] la première étude systématique. Oswald Veblen travaille à cette époque sur les géométries sur des structures finies dans la même université. Joseph Wedderburn les rejoint en 1904 et travaille en étroite collaboration avec eux.

En 1905, de retour en Europe, Wedderburn publie un article proposant trois preuves de la commutativité de tous les corps finis. Si les deux dernières découlent directement des travaux de Dickson, que Wedderburn connaissait, la première convainc la communauté de la paternité de Wedderburn sur le théorème. Ce n'est que plus tard que la première preuve apparut comme incomplète[4].

[modifier] Démonstration

Dans ce paragraphe, K est un corps fini non commutatif et p sa caractéristique. La démonstration proposée est une démonstration par l'absurde, elle[5] est dûe à Ernst Witt en 1931.

[modifier] Extension algébrique

Icône de détail Article détaillé : Extension algébrique.

Comme tout corps, K contient un corps premier, (c’est-à-dire le plus petit sous-corps contenant 0 et 1). Sa caractéristique est non nulle car le corps est fini, K contient donc Fp. Ce corps est commutatif car isomorphe à Z/pZ. Soit Z le centre du corps K et q son cardinal. Z est un corps commutatif. Comme K est de cardinal fini, il est muni d'une structure d'espace vectoriel de dimension finie d sur Z. Son cardinal est donc égal à qd.

Tout sous-corps K' de K contenant Z est un espace vectoriel sur Z donc son cardinal est aussi une puissance de q et K est un espace vectoriel sur K' donc le cardinal de K est une puissance de K' . Ceci démontre que la dimension de K' est un diviseur de celle de K sur Z.

Soit x un élément de K et Zx l'ensemble des éléments de K commutant avec x. Zx est un sous-corps de K contenant Z. Si dx est la dimension de Zx sur K alors dx est un diviseur de d.

  • Soit q le cardinal du centre de K et Zx l'ensemble des éléments de K commutant avec x. Zx est de cardinal une puissance dx ième de q. De plus si d est l'entier tel que le cardinal de K est égal à qd alors dx divise d.

[modifier] Action par conjugaison

Icône de détail Article détaillé : Action par conjugaison.

K*, le groupe des éléments inversibles muni de la loi multiplicative, est partitionné par l'action de conjugaison. L'action de conjugaison est l'action de groupe qui fait opérer K* sur lui même par la loi *:

\forall g,x \in K^* \quad g*x = g.x.g^{-1} \;

La Formule des classes indique que la classe de x est de cardinal celui du K* divisé par celui de Zx*, car le centralisateur de x dans K* est le sous-corps des éléments commutants avec x exceptée la valeur zéro. Les éléments de Z* ont une classe réduite à un élément. Le Cardinal de K* est égal à la somme des cardinaux des différentes classes de conjugaison. On obtient, si (xi) est une suite de représentants des k classes de conjugaison différentes de celles ne contenant qu'un singleton élément de Z*:

Card (K^*)=Card(Z^*)+\sum_{i=1}^k\frac{Card (K^*)}{Card (Z_{x_i}^*)}\;

Cette formule, d'après les valeurs calculées au premier paragraphe donne:

q^d -1=q-1+\sum_{i=1}^k\frac{q^d -1}{q^{d_{x_i}} -1}\;

Cela permet de définir la fraction rationnelle et l'égalité suivantes:

F(X)=X^d -1-\sum_{i=1}^k\frac{X^d -1}{X^{d_{x_i}} -1}\quad et \quad F(q)=q-1\;

[modifier] Polynôme cyclotomique

Icône de détail Article détaillé : Polynôme cyclotomique.

La théorie des polynômes cyclotomiques à coefficients dans les nombres rationnels démontre l'égalité suivante, si Φe[X] désigne le polynôme cyclotomique d'indice e.

X^n-1=\prod_{e|n}\phi_e[X] \;

Le polynôme cyclotomique admet pour racine toutes les racines primitives de l'unité. Le dénominateur de chaque fraction rationnelle ne possède aucune racine primitive d-ième de l'unité car tous les dx divise strictement d (si ce n'était pas le cas, alors le cardinal du centralisateur de x serait égal à celui de K* et x serait un élément de Z*). Chacune des fractions est donc un polynôme multiple du polynôme cyclotomique d'indice d. C'est aussi le cas pour le premier terme. F[X] est donc un polynôme multiple du polynôme cyclotomique d'ordre d. La division euclidienne de F[X] par Φd[X] dans les rationnels n'a pas de reste, la division euclidienne de F[X] par Φd[X] dans les entiers est possible car Φd[X] est unitaire et à pour reste le même que celui la division dans les rationnels (car le reste est unique). Le reste étant égal à zéro, on en déduit que F[X] est le produit de Φd[X] par un polynôme à coefficients dans Z. On a démontré que:

 \exists Q[X] \in \mathbb Z [X] \quad F[X]=Q[X].\phi_d[X]

[modifier] Conclusion

Le trait vert correspond à q-1 et le rouge (q-u)
Le trait vert correspond à q-1 et le rouge (q-u)

Au point q, F[X] prend la valeur q - 1. Q[X] ne peut être nul et, comme il est à coefficients entiers sa valeur, en valeur absolue, est au moins égal à 1. Ce qui démontre que :

|\phi_d[q]|\le q-1

Or Φd[q] est le produit des termes q - z quand z décrit l'ensemble des racines primitives d ieme de l'unité (les racines primitives de l'unité sont celles de Φd[X] et le polynôme est unitaire). Cela démontre que au moins un des facteurs est plus petit, en valeur absolue à q - 1, il existe donc au moins une racine d-ième primitive de l'unité u et un entier strictement supérieur à un (car Z contient au moins deux éléments 0 et 1 tel que:

|q-u|\le q-1

Or cette majoration est impossible, ce qui termine le raisonnement par l'absurde. La figure de droite illustre cette impossibilité. La valeur de q - 1 est illustrée en vert, celle de q - u en rouge. A la fois l'abscisse et l'ordonnée en valeur absolue du trait rouge sont supérieures à celle du trait vert, car on remarque que u ne peut être égal à 1 car c'est une racine primitive.

[modifier] A voir

[modifier] Notes

  1. N. Bourbaki Algèbre commutative. Chapitre 5 Hermann 1964
  2. Ferdinand Georg Frobenius, Sur le caractère du groupe Académie de Berlin 1896
  3. Leonard Dickson Linear Groups With an Exposition of the Galois Field Theory 1901
  4. K. H. Parshall In pursuit of the finite division algebra theorem and beyond: Joseph H M Wedderburn, Leonard E Dickson, and Oswald Veblen Arch. Internat. Hist. Sci. 33 p274-299 1983
  5. Ernst Witt Uber die Kommutatitivät endlicher Schiefkörper Abh. Math. Sem. Univ. Hambourg vol. 8 p413 1931

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Références

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