Sohrawardi

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Cet article fait partie d'une série sur

l’islam

Religion
Religions abrahamiques :
judaïsme - christianisme - islam
Les Piliers de l'islam
La déclaration de foi
La prière - L’aumône
Le jeûne de Ramadan
Le pèlerinage à La Mecque
Les Piliers de la foi
Allah
Ses Prophètes - Le jugement dernier
Le destin
Histoire de l’islam
Mahomet
Abu Bakr as-Siddiq - Omar ibn al-Khattab
Uthman ibn Affan - Ali ibn Abi Talib
Prophètes dans l’islam
Imam - Calife
Branches de l’islam
Dar al-Islam
Chiisme - Sunnisme - Kharidjisme
Kalâm - Soufisme - Salafisme
Les Villes saintes de l'islam
La Mecque - Médine
Al Quds
Nadjaf - Kerbala
Constructions religieuses
Mosquée - Minaret
Mihrab - Qibla
Architecture islamique
Événements et fêtes
Hijri - Hégire
Aïd el-Fitr - Aïd el-Kebir
Mawlid - Achoura - Arbaïn
Religieux
Muezzin - Imam - Mollah
Ayatollah - Mufti
Textes et lois
Vocabulaire de l’islam
droit musulman - Écoles
Hisba
Coran - Hadith - Sourate
Charia - Sunna
Fiqh - Fatwa
Politique
Féminisme islamique
Islam libéral
Islam politique
Islamisme
Panislamisme

Shahab al-Din Yahya as-Sohrawardi (en persan : شهاب الدين يحيى سهروردى) est un philosophe mystique, fondateur de l'illumination, né en 1155 à Sohraward en Iran, mort le 29 juillet 1191 à Alep en Syrie. Son nom signifie l'habitant de Sohravard ou celui qui est de Sohravard. Son nom complet est : Shihab al-Dîn Yahyâ ibn Habbash ibn Amîrak abû'l Futuh.

Sommaire

[modifier] Sa vie

Il est né en 549 de l’hégire (1155 de l’ère chrétienne), dans une petite ville de Médie, Sohravard, au nord-ouest de la Perse. Très jeune, il part étudier à Maragha auprès du cheikh Madj al-Dîn Djilî qui eut aussi pour élève le philosophe Fakhr al-Dîn Razî. Sohrawardî étudie ensuite à Ispahan auprès de 'Umar ibn Shalan al-Sawâdj, dans un cercle de philosophes "hellénisants" proches de la pensée d'Avicenne. Après une crise religieuse provoquée par une vision d'extase où Aristote lui apparaît il se rapproche des soufis en cherchant à pratiquer autant l'expérience mystique (tâ'âlloh) que la connaissance pshilosophique (bath). Il adopte alors un mode de vie itinérant, fréquente les khanqas (« couvents » soufis), assiste fréquemment à leurs séances de danse et de musique (sama'i), qu'il recommande et apprécie lui-même pour parvenir à l'extase.

Son biographe Shahrazurî mentionne qu'à la fin de sa vie, il ne rompait plus le jeûne qu'une fois par semaine. Sharahzurî insiste aussi sur son indifférence aux vêtements, aux honneurs, aux apparences, ce qui peut-être le rapproche de certains courants malamati.

Sohrahwardi semble avoir affectionné particulièrement le pays du Diyar Bark, en Haute Mésopotamie où il séjourna longtemps. Il était aussi bien vu des princes turkmènes artoukides, surtout 'Imad al-Dîn Qara Arslan, souverain de Kharpout, à qui il dédia son Livre des Tablettes. Son influence politique auprès de plusieurs princes seldjoukides et du fils de Salâh al-Dîn, Al-Malik al-Zahîr Ghazî, prince d'Alep fut certainement pour beaucoup dans sa condamnation par les milieux alépins et la décision de son exécution par Saladin.

[modifier] Son œuvre

L'originalité de la sagesse de l'Ishraq fondée par Sohrawardi est d'unifier et de synthétiser l'héritage zoroastrien, la philosophie platonicienne et la révélation islamique. L'"Orient" défini par sa "Sagesse orientale" est en fait un orient "intérieur", le symbole de la Lumière qui est aussi Connaissance, opposé à "l'exil occidental" qui est éloignement et oubli de cette connaissance dans les ténèbres de la matière.

Bien qu'issue de la philosophie péripatéticienne développée par Ibn Sina (Avicenne), la philosophie illuminative de Sohrawardi critique plusieurs des positions prises par Ibn Sina, et se sépare radicalement de lui en créant un langage symbolique principalement dérivé de l'ancienne culture perse avec lequel il bâtit sa sagesse illuminative (hikma al ishraq).

L'élément fondamentale de la philosophie de Sohrawardî est la Lumière, pure et immatérielle, au-dessus de toute autre manifestation, qui se dévoile par illuminations, de lumières en lumières graduellement déclinantes dans leur intensité ; par une interaction complexe, ces lumières provoquent à leur tour des rayons lumineux horizontaux, semblables dans leur concept aux Formes platoniques qui régissent les espèces du monde terrestre.

Selon la cosmologie sohrawardienne, toute créature provient d'émanations de lumières successives et graduées, toutes issues de la Lumière originelle et suprême, la Lumière des lumières (Nûr al-Anwar).

Sohrawardi a aussi énoncé la théorie d'un monde intermédiaire et indépendant, ou monde imaginal (alam-e-mithal). Ses idées ont exercé une grande influence, notamment sur Mollah Sadra Shirazî qui reprit sa conception de l'intensité et de la gradation de l'Être, avec laquelle il combina les vues péripatéticiennes et illuminatives de l'existence.

Sohrawardi est parfois appelé par ses disciples par le titre honorifique de Sheikh al-Ishraq ou "Maître de l'Illumination". On l'appelle aussi le "Maître de la théosophie orientale".

Son enseignement a exercé une très forte influence sur la pensée iranienne, et l'on dit parfois que sa Sagesse orientale est à la philosophie ce que le soufisme est à la théologie scholastique et canonique.

La majorité des logiciens et philosophes musulmans considèrent que l'idée de la "nécessité décisive" est l'une des innovations les plus importantes de Sohrawardi dans l'histoire de la spéculation.

En plus de la mystique et de la philosophie, Sohrawardi a écrit sur la logique, la physique, l'épistémologie. C'était aussi un excellent mathématicien et selon Shahrazurî, "il connaissait des problèmes d'algèbre que personne ne savait résoudre." A la fois savant, philosophe et mystique, Sohrawardi voulait unifier la connaissance "intuitive" ou kashf avec la connaissance "déductive ou bahthiyya. Il critiquait aussi la méthodologie scientifique d'Aristote, qui posait les lois scientifiques comme nécessaires et universelles.

Sohrawardi est l’auteur de plus de cinquante ouvrages, dont beaucoup restent inédits surtout les textes traitant de logique et de physique. Ils sont répartis en trois Sommes:

  • Le Livre des élucidations inspirées de la table et du trône,
  • Le Livre des carrefours et entretiens,
  • Le Livre des résistances :
    • L'histoire en retiendra quelques parties plus remarquables : Le Vade-Mecum des fidèles d’amour, Le Récit de l’Archange empourpré, Le Récit de l’exil occidental, Le Livre de la sagesse orientale. Dans ce dernier, certainement son chef-d’œuvre, il critique Avicenne sur un point décisif: les facultés de l’âme humaine ne sont pas simplement juxtaposées les unes aux autres. Toutes dérivent et se fondent dans l’imagination créatrice, pouvoir unifiant, simple, premier, créateur, universel.
    • Dans Le Bruissement de l’aile de Gabriel, l'Esprit Saint, assimilé à l’archange Gabriel, parvient à réunir dans la contemplation, l’âme avec l’Intellect. Ce texte est reconnu par tous les chercheurs comme l'un des plus beaux «récits mystiques» de la Littérature. Il offre aussi une explication de l'intériorisation de l’univers des Lumières, clé de toute l'œuvre, sésame si difficile à saisir pour le non-initié...

Chacun de ces trois grands traités dogmatiques contient une physique, une logique et une métaphysique. Cette structure platonicienne (à laquelle, il faut rajouter la mystique proprement dite) l'éloigne encore plus de l'orthodoxie islamique.

[modifier] Sa mort

Beaucoup plus proche du chiisme que du sunnisme, sa doctrine semble plonger ses racines dans des courants fort anciens, tels que le Platonicisme, la Gnose ou le Zoroastrisme pour se mêler à des pratiques plus modernes : Soufisme, Ismaelisme et Théosophie. Rapidement, cette philosophie connut un certain succès et Sohrawardi réussit à réunir quelques disciples autour de lui. Quelques soient ces liens, modernes ou anciens, force est d'admettre, que cette école assez éloignée de l'Islam orthodoxe ne pouvait qu'irriter les Ulémas. Gardiens de la Foi musulmane, ils en réfèreront à Saladin.

Sohrawardî qui a toujours refusé le qualificatif d'hérétique, fut pourtant exécuté comme tel, sur l'ordre exprès du Sultan Salâh al-Dîn dans la Citadelle d'Alep en Syrie, le 5 Rajab 587 h. (29 juillet 1191) à l’âge de trente-six ans, car ce petit groupe d'Illuminés était jugé dangereux.

De cette exécution, en fait véritable assassinat, Sohrawardi gardera le triste nom de : Shaykh maqtul, c’est-à-dire «le Shaykh (le Maître) exécuté». Mais, pour ses disciples, elle l’élevait au rang de martyr, pour eux qui le nommaient déjà «le Platon perse» ou «le maître de la sagesse orientale» ou encore « l’Orient philosophique », il sera désormais : le Shaykh al-ishraq, c’est-à-dire : «le Shaykh de l’illumination»...

[modifier] Son influence

Molla Sadra Shirazi parle de Sohrawardi comme du « chef de l'école des Orientaux ». Cette école, qualifiée aussi de « Platoniciens de Perse » se nomme Ishraqiyun. Selon Henry Corbin, la principale caractéristique de cette école « sera d'interpréter les archétypes platoniciens en termes d'angélologie zoroastrienne ».

Le plus ancien disciple connu de Sohrawardi est Shamsoddin Shararuzi. Il a composé, outre une histoire des philosophes, un commentaire de la Théosophie orientale et une encyclopédie intitulée Traité de l'arbre divin et des secrets théophaniques.

Après Shamsoddin, les principaux philosophes ishraqi se nomment Ibn Kammuna (mort en 1284), Qotboddin Shirazi ((1237-1311) et Jalaloddin Dawwani (1426-1502).

À La charnière du XVe/XVIe siècle, l'œuvre de Sohrawardi est largement commentée, de l'Iran jusqu'à l'Inde. Au XVIIe siècle, Mir Damad, le maître de l'école d'Ispahan prend comme nom de plume Ishraq. Son élève, le célèbre molla Sadra, commente la Théosophie. À la même époque, la réforme religieuse d'Akbar est imprégnée des doctrines Ishraqi. Des zoroastriens de Shiraz émigrent même en Inde sous la direction d'Azar Kayvan. Depuis, on peut dire que cette œuvre a été absorbée par la pensée chiite grâce à Sadra Shirazi dont les disciples, jusqu'à Hadi Sabzavari, sont à divers degrés des ishraqi.

[modifier] Bibliographie

  • (fr)Corbin, Henri, L'Islam iranien: aspects spirituels et philosophiques, vol. II: Sohrawardi et les Platoniciens de Perse, Paris, 1971, éd. Gallimard. (Corbin dédia la plus grande partie de sa vie à l'étude de Sohrawardi et en traduisit de nombreux textes en français).
  • (en) Ha'iri Yazdi, M. (1992) The Principles of Epistemology in Islamic Philosophy: Knowledge by Presence, Albany, NY: State University of New York Press (travail original d'épistémologie par un philosophe iranien contemporain qui trace quelques comparaisons critiques entre philosophes islamiques et occidentaux. Il contient également un développement de la théorie Sohrawardienne de la Connaissance).
  • (en) Nasr, S.H. (1983) Shihab al-Din Suhrawardi Maqtul, in M.M. Sharif (éd.) A History of Muslim Philosophy, vol. I, Wiesbaden: Otto Harrassowitz, 1963; repr. Karachi, sans date (avec une courte introduction, particulièrement documentée sur la cosmologie).
  • (en) Walbridge, J. (1992) The Science of Mystic Lights: Qutb al-Din Shirazi and the Illuminationist Tradition in Islamic Philosophy, Cambridge, MA: Harvard University Press, for the Centre for Middle Eastern Studies of Harvard University (avec une courte introduction sur la Philosophie de l'Illumination.)
  • (ar) Al-Shahrazuri, Shams al-Din (c. 1288) Sharh hikmat al-ishraq (Commentaire sur la Philosophie de l'Illumination), éd. H. Ziai, Téhéran: Institut d'études et de Recherches Culturelles, 1993 (critique du manuscrit original du XIIIè siècle (texte en Arabe mais avec une courte introduction en Anglais)).
  • (ar) Biographie d'al-Shahrazurî, traduite en arabe et publiée dans Otto Spies, Three Treatises on Mysticism by Shihabuddin Sohravardi Maqtul, Stuttgart, 1935.


  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Shahab al-Din Suhrawardi ».