Pseudo-philosophie

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Pseudo-philosophie est un terme généralement dépréciatif qui sert à caractériser certaines entreprises intellectuelles qui, selon ceux qui les désignent ainsi, ne sont pas de la philosophie bien qu'elles en aient la prétention.

Le terme, par ailleurs, peut parfois désigner des ouvrages de fiction reprenant les motifs ou thèmes de la philosophie, par exemple les ouvrages de Milan Kundera.

Sommaire

[modifier] Légitimité de la notion

Il n'y pas de pseudo-philosophie au sens où "la" pseudo-philosophie aurait une unité doctrinale ou des pratiques communes précises. C'est plutôt l'utilisation du terme à l'encontre de certaines théories qui donne un contenu à cette notion. Toute entreprise se voulant philosophique pouvant être accusée d'être pseudo-philosophique, chercher à définir la pseudo-philosophie en elle même semble illusoire.

La notion n'est toutefois pas dépourvue d'intérêt : au cas par cas, elle montre des oppositions dans les conceptions de la philosophie. En effet, accuser une théorie d'être pseudo-philosophique suppose en amont une conception de la philosophie permettant de distinguer philosophie et pseudo-philosophie.

Á partir de cela on peut dresser un portrait des théories accusées d'être de la pseudo-philosophie et de leurs accusateurs.

[modifier] Courants accusés de faire de la pseudo-philosophie

[modifier] Les sophistes selon Platon

Dans les dialogues de Platon, en particulier le Protagoras, Socrate met à mal les sophistes, qui se vantent de convaincre de ce qu'on voudra par des méthodes surtout rhétoriques, c'est-à-dire utilisant des effets de discours. Par opposition, Platon présente Socrate comme permettant de trouver un chemin vers la vérité par sa méthode maïeutique, où l'on progresse de proche en proche à petits pas, en s'assurant du consensus des deux parties.

Socrate n'est pourtant pas exempt de tout reproche, et ses raisonnements ne sont pas toujours logiquement valides.

(voir page de discussion pour la suite à débattre)

[modifier] Philosophes à vendre

Lucien naît en 125, sous le règne d’Hadrien (117-138), à Samosate, ville de Syrie romanisée située sur l’Euphrate. Il vit une époque profondément philhellène et Lucien écrira dans une langue attique des plus pures. Les lettres et les arts s’épanouissent ; la rhétorique connaît un renouveau désigné sous le nom de Seconde Sophistique : c’est Philostrate qui emploie cette expression pour la première fois, par référence à la première manifestation de la Sophistique au milieu du Ve siècle av. J.-C. (Protagoras, Gorgias, Prodicos, Hippias, etc.). À l’époque de la Seconde Sophistique, l’influence des sophistes concurrence fortement la culture philhellène. Lucien, en écrivant Philosophes à vendre y voit une occasion de railler les prétendus « philosophes » en mettant en scène les représentants des principales écoles philosophiques de la Grèce antique dont ils s’inspirent. Dans "philosophes à vendre", Lucien s’évertue à présenter ces personnages dans un cadre de vente aux enchères d’esclaves. Ces esclaves sont justement les philosophes, parmi eux Platon, Socrate et d’autres, qui chercheront à régler leurs comptes avec Lucien. C’est l’occasion pour Lucien de brosser un réel panorama de toute la philosophie antique, de ses spécificités et caractéristiques. Pour stigmatiser les pseudo-philosophes, l’auteur a recours à de nombreuses comparaisons animales : « ils sont plus prompts à la colère que les roquets, plus lâches que les lièvres, plus flatteurs que les singes, plus libidineux que les ânes, plus voleurs que les chats, plus querelleurs que les coqs. » De tout ce bestiaire si pittoresque, on pourrait au moins retenir l’idée que ces gens qui singent les philosophes ne sont pas des hommes dignes de ce nom.

Cette comédie est une véritable délectation pour qui veut bien reconnaître que la philosophie n’est pas l’activité suprême, parfaite, absolue et exempte de toute critique. Renan parlait ainsi à propos de Lucien : « L’homme étant incapable de résoudre sérieusement aucun des problèmes métaphysiques qu’il a l’imprudence de soulever, que doit faire le sage au milieu de la guerre des systèmes ? S’abstenir, sourire, prêcher la tolérance, l’humanité, la bienfaisance sans prétention, la gaieté. »

Lucien a aussi écrit Le pêcheur ou Les ressuscités, qui est en fait antérieur à Philosophes à vendre, et dont l’histoire se poursuit justement dans ce dernier ouvrage.

[modifier] Descartes et la scolastique

Descartes s'est aussi élevé contre la suffisance des penseurs qualifiés ici de "scolastiques". Dans toute son œuvre transparait cette raillerie des philosophes qui s'estiment supérieurs par le simple fait qu'ils ont étudié une somme importante d'ouvrages philosophiques. "La recherche de la Vérité par la lumière naturelle", inédit du vivant de l'auteur, est un dialogue qui constitue une éblouissante miniature du cartésianisme, remettant en cause nombre de préjugés bien établis parmi ceux dont la soi-disante supériorité repose sur leur parcours scolaire. Ce dialogue dévoile trois personnages : Epistemon (qui "sait exactement tout ce qui se peut apprendre dans les écoles"), Poliandre (qui, lui, "n'a jamais étudié") et enfin Eudoxe ("un homme de médiocre esprit mais duquel le jugement n'est perverti par aucune fausse créance, et qui possède toute la raison selon la pureté de sa nature", peut-être Descartes lui-même.) Le conflit qui naît alors de la confrontation des certitudes et des objections de l'autre alerte la faculté de penser et enjoint le lecteur de se résoudre à l'épreuve nécessaire du doute, lequel commence par disqualifier les connaissances philosophiques et autres jusque-là admises.

[modifier] Philosophie continentale vs philosophie analytique

Les philosophes dits "analytiques" ont reproché à la phénoménologie, au structuralisme et à d'autres courants dits "continentaux" de substituer la confusion à l'analyse et à la compréhension ; pour la philosophie analytique, la réflexion passe nécessairement par l'analyse de ce que nous pensons quand nous employons un concept. Cette méthode exclut donc l'emploi de phrases obscures ou purement rhétoriques, et exige au contraire de faire la lumière, autant que nous en sommes capables, sur ce que nous pensons et comprenons. De plus, toute philosophie métaphysique tend, selon eux, à la confusion. Récemment (voir Affaire Sokal) des philosophes et sociologues appelés "poststructuralistes" ou "postmodernistes" ont été accusés de mauvaise foi, d'opportunisme et de jouer aux scientifiques en transposant sans justification d'un domaine à l'autre des théories qui semblent étrangères au sujet ; par exemple, appliquer le théorème d'incomplétude de Kurt Gödel à la fondation religieuse des sociétés. Ces transpositions sont des erreurs de catégories, les analogies étant douteuses. Enfin, ces philosophes ont été accusés aussi de relativisme. Suivant celui-ci, la philosophie n'exigerait aucune compétence, et, de toute façon, la vérité n'existerait pas ; dans ce cas, tout le monde serait par nature philosophe, et puisqu'aucune compétence ne serait requise, i.e. aucune maîtrise d'une technique ou d'un art, les enfants, les ignorants et les malades mentaux seraient tout autant philosophes que le premier « philosophe » venu. Cette thèse aboutit finalement à la négation de la philosophie, chacun étant libre de dire n'importe quoi, sans qu'aucun effort ne soit exigé pour être intelligible ou sensé. Selon Russell et d'autres critiques de cette perspective (par exemple déjà Locke), il s'agit purement et simplement de poser en génie et de proférer toutes sortes de phrases obscures ou dénuées de sens pour acquérir ainsi une influence sur des esprits faibles et serviles.


Le relativisme de la vérité qui est critiqué ici n'est pas le relativisme sceptique d'un Hume par exemple ; ce qui est critiqué (par exemple par Jacques Bouveresse), c'est en réalité le dogmatisme qui affirme la vérité de l'inexistence de la vérité, dogmatisme qui est une simple inversion du platonisme et qui se réfute lui-même. Il semble en effet difficile d'affirmer à la fois la vérité d'une proposition et la non-existence de la vérité, puisque tout critère de validité est supprimé. Cette thèse aboutit donc a un non-sens, la vérité et la non-vérité ne pouvant plus être attribuées à aucune proposition. Dans cette perspective, tout ce qui est exprimé est pourvu de sens et n'est pas pourvu de sens.

[modifier] Objectivisme

L' objectivisme de Ayn Rand est souvent cité comme pseudo-philosophie, pour plusieurs raisons. D'abord, beaucoup de ses idées philosophiques principales sont présentées plutôt dans ses romans "romantiques et réalistes" que dans des articles académiques. De plus, Rand avait étudié seule la philosophie et conséquemment ses sujets de débat étaient en dehors des programmes de recherche des courants principaux de la philosophie académique. Son traitement des problèmes historiques de la philosophie est considéré idiosyncratique (par exemple, elle proposa une solution au problème des universaux le traitant comme une question épistémologique, encore qu'il est habituellement considéré comme une question métaphysique.).

Finalement, Rand et ses partisans sont souvent perçus comme dogmatiques, en tant qu'ils ignorent fréquemment les critiques publiées contre leur système. Cela est dû peut-être a ce que plusieurs d'eux sont de jeunes personnes excitées par ses romans, qui n'étudièrent pas la philosophie et qui ne se rendent pas compte des complexités du sujet. Le dogmatisme, en certains cas, leur gagna l'appellatif de "culte".

[modifier] Citations

« Il n'y a point de meilleur moyen pour mettre en vogue ou pour défendre des doctrines étranges et absurdes, que de les munir d'une légion de mots obscurs, douteux et indéterminés. » (Locke)

« Nous vivons une époque où, en philosophie et dans la pensée en général, l'imagination prétend de plus en plus détenir et même détenir seule le pouvoir législatif lui-même et ne traite plus la raison que comme une simple exécutante de ses volontés. » (Jacques Bouveresse).

« S'il y a parmi mes lecteurs des jeunes femmes et des jeunes gens qui aspirent à devenir dans le domaine de la pensée les chefs de file de leur génération, j'espère qu'ils éviteront certaines erreurs dans lesquelles je suis tombé dans ma jeunesse, faute de bons conseils. Quand je désirais former une opinion sur un sujet, je l'étudiais, pesais les arguments selon plusieurs points de vue, et j'essayais de parvenir à une conclusion mesurée. J'ai depuis découvert que ce n'est pas la bonne manière de s'y prendre. Un homme de génie connaît tout cela sans avoir besoin de l'étudier ; ses avis font autorité, et dépendent pour leur pouvoir de persuasion d'un style littéraire plutôt que d'arguments. Il est nécessaire d'être unilatéral, puisque cela facilite l'impétuosité qui est estimée comme une preuve de force. Il est essentiel de faire appel aux préjugés et aux passions dont les hommes avaient commencé de se sentir honteux, et de le faire au nom de quelque nouvelle morale indicible. Il est bon de dénigrer les esprits lents et procéduriers qui exigent une preuve dans le but de parvenir à des conclusions. Par-dessus tout, tout ce qui est très ancien devra être détruit comme la dernière des choses ». Bertrand Russell

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

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