Philosophie de l'esprit

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La philosophie de l'esprit (Philosophy of Mind) est l'étude philosophique de la nature de l'esprit (du mental)[1], des événements, des fonctions et des propriétés mentales, de la conscience, et de leurs rapports avec le corps.[2] Cette expression traduit littéralement l'expression anglophone utilisée en philosophie analytique.

Le terme n'implique donc pas nécessairement l'existence d'une entité spirituelle (âme) mais l'étude philosophique de la psychologie, des présupposés sur les compétences cognitives, sur les états ou sur les processus, événements, dispositions et fonctions qu'on appelle couramment « états mentaux », les représentations, les sensations, les croyances, les jugements.

La philosophie de l'esprit enveloppe des parties de la philosophie des sciences (notamment la philosophie de la psychologie et d'autres sciences cognitives comme les neurosciences, la linguistique ou l'intelligence artificielle), de philosophie de la connaissance (comment pouvons-nous connaître quelque chose sur ces états mentaux), de métaphysique (existe-t-il des entités mentales ? Se distinguent-elles des entités matérielles et quelles sont leurs relations ?).

La philosophie de l'esprit relative à la métaphysique (qui se distingue de la précédente) fut représentée par le spiritualisme français, principalement en les figures de Louis Lavelle et de René Le Senne qui fondèrent en 1934 la collection "Philosophie de l'esprit" chez l'éditeur Aubier-Montaigne. La philosophie de l'esprit se propage jusqu'à l'éthique (l'esprit est-il libre ?) et la philosophie de l'action avec Maurice Blondel (philosophe). Cette question resta toute sa vie un sujet de recherche majeur de Paul Valéry dans ses Cahiers.

Sommaire

[modifier] Le problème corps-esprit

Icône de détail Articles détaillés : Problème corps-esprit et psychosomatique.

Le problème corps-esprit est le problème de la détermination des relations entre le corps humain et l'esprit. Bien que ce problème existe presque depuis l'origine de la philosophie (cf. Platon), ce problème est reconnu depuis le XXe siècle (surtout depuis Gilbert Ryle, La Notion d'esprit) comme une question fondamentale, voire comme la question centrale de la philosophie de l'esprit sous l'expression anglaise de Mind-body problem.

Le problème corps-esprit est essentiellement le problème de savoir comment expliquer les relations entre l'esprit, ou les processus mentaux, et les états ou processus corporels. Il est par exemple pour nous évident que nos expériences sensorielles ont leur origine dans des stimuli, qui nous parviennent du monde extérieur par le moyen de nos organes des sens, et que ces stimuli produisent des modifications de l'état de notre cerveau, causant en fin de compte la perception de sensations qui peuvent être agréables ou déplaisantes. Il semble également évident que nous pouvons mouvoir notre corps en sorte de satisfaire un besoin ou un désir. Pourtant, comment se peut-il que l'expérience consciente puisse mettre en mouvement un corps, i.e. un objet matériel doté de propriétés physico-chimiques ? Comment peut-on vouloir être la cause du fonctionnement de nos neurones et de la contraction de nos muscles, de sorte qu'ils réalisent ce que nous nous proposons de faire ? Ce sont là quelques-unes des questions principales auxquelles se sont confrontés les philosophes de l'esprit, depuis Descartes.

Au cours du 8e concile de l'Église à Constantinople en 869 (Constantinople IV), il a été décrété la suppression de l'esprit dans le 11e canon, l'âme comportant désormais une partie spirituelle. C'est de cette époque que date la confusion entre âme et esprit. Auparavant, on associait l'esprit à la pensée et l'âme au sentiment. La trichotomie (corps, âme et esprit) a été remplacée par la dichotomie (corps et âme). On est donc passé d'une vision de l'homme dans laquelle l'âme équilibre le conflit entre le corps et l'esprit à une vision dans laquelle le corps s'harmonise avec l'âme ou l'esprit.

[modifier] Le naturalisme et ses problèmes

[modifier] Qualia

Les qualia, au singulier quale, sont définis comme les propriétés de l'expérience sensible par lesquelles cela fait quelque chose de percevoir ceci ou cela (couleur, son, etc.). Ce sont donc des effets subjectifs ressentis et associés de manière spécifique aux états mentaux :

  • expériences perceptives ;
  • sensations corporelles (douleur, faim, plaisir, etc.) ;
  • passions et émotions.

Par définition, ces qualia sont inconnaissables en l'absence d'une intuition directe ; ils sont donc aussi incommunicables. L'existence et la nature de ces propriétés sont l'un des débats les plus importants de la philosophie de l'esprit. Cette importance tient au fait que l'existence des qualia réfute le physicalisme, dans la mesure où on les tient pour des phénomènes irréductibles.

[modifier] L'intentionnalité

Un état mental est dit "intentionnel" quand il est dirigé vers un objet. L'objet que vise un état mental intentionnel n'existe pas nécessairement dans le monde : si je crois que le roi de France est chauve, ma croyance a bien un contenu (elle décrit un certain état de fait), mais elle n'a pas de référent (aucun état de fait actuel ne répond à la description qu'enveloppe ma croyance). L'intentionnalité recouvre donc plus que la simple capacité de viser des objets hors de nous : elle s'applique généralement au pouvoir de représenter mentalement des états de faits. Voici quelques exemples d'états intentionnels : la croyance, le désir, la joie, la peine, le regret, l'espoir, la déception, la peur, le dégoût, etc.

Dans Psychologie d'un point de vue empirique (1874) Franz Brentano affirme que l'intentionnalité constitue le critère pertinent pour une distinction générale des phénomènes mentaux et des phénomènes physiques : selon lui, seuls des états mentaux sont intentionnels, et cette propriété ne peut être comprise sous les concepts que nous appliquons avec succès aux phénomènes physiques. L'intentionnalité, appréhendée comme une propriété intrinsèque des états mentaux, constitue l'un des arguments les plus puissants en faveur du dualisme, et soulève de sérieuses difficultés pour toute théorie matérialiste des phénomènes psychiques.

[modifier] La philosophie de l'esprit et les sciences

Les humains sont des êtres physiques, et, en tant que tels, ils sont les objets de l'examen et des descriptions des sciences naturelles. Si les processus mentaux ne sont pas indépendant des processus corporels, les descriptions de l'être humain par les sciences naturelles ont une importance fondamentale pour une philosophie de l'esprit. Il existe de nombreuses disciplines scientifiques qui étudient les processus liés d'une manière ou d'une autre au mental ; par exemple : biologie, informatique, science cognitive, cybernétique, linguistique, médecine, pharmacologie, psychologie, etc.

Exemples de questions intermédiaires.

[modifier] Neurobiologie

Nous pouvons faire le lien entre le cerveau et le fonctionnement du corps; mais qu'en est-il du lien entre le cerveau et la conscience?

[modifier] Informatique

Avec l'ère de l'intelligence artificielle à nos portes, nous pouvons nous demander à quel point est conscient le processus electronique qui n'est pas si différent du processus biologique.

[modifier] Psychologie

La psychologie arborant différentes écoles, aucune ne peut expliquer correctement comment la conscience peut choisir un tel acte plutot qu'un autre. Et même si la psychologie peut prédire un acte, on peut se demander, la conscience contrôle-t-elle le corps, ou est-elle seulement un observatoire, voire même sans contrôler ses processus mentaux.

[modifier] Linguistique

De même, peut-on en découler une question : Est-ce que les mots utilisés en français font référence à une idée, un concept immuable, ou est-ce que les mots font références à l'objet, ou aux deux?

[modifier] Pharmacologie et Médecine

L'effet placebo est encore un mystère pour la pharmacologie et la médecine en général. Comment l'effet placebo peut-il guérir s'il n'agit que sur la conscience? Ou est-ce que le processus mental d'un patient traité avec le placebo interfère-t-il dans la guérison? Est-ce que les maladies sont causées ou guéries par des idées?

[modifier] La philosophie de l'Esprit dans la tradition continentale

La philosophie de l'Esprit n'est pas propre à la seule philosophie analytique. Elle dénomme avant tout un grand courant de la philosophie française qui s'étend du début des années 1920 au milieu des années 1950. Elle regroupe nombre de philosophes qui ont tenu à défendre la métaphysique contre la suprématie du positivisme qui, dès la deuxième partie de la vie d'Auguste Comte, devint une sorte de religiosité sous la forme du "positivisme religieux".

Inspirée par le cartésianisme, elle fut tardivement motivée par l'influence de Jules Lachelier et d'Henri Bergson. Elle s'inaugure officiellement en 1934, avec la fondation, chez l'éditeur Aubier-Montaigne, de la collection "Philosophie de l'esprit" par Louis Lavelle et René Le Senne. Appelé aussi spiritualisme, cette position philosophique maintient l'Être, la réflexion, l'existence, la conscience de soi, la liberté et la participation comme des problématiques centrales qu'elle ne cessera d'approfondir à la lueur d'une valorisation de l'intériorité. Elle a connu jusqu'au milieu des années 1950 un rayonnement considérable en Europe en influençant des philosophes en Belgique (Paul De Coster), en Allemagne (Max Scheler), en Espagne (Unamuno) et enfin en Italie (Michèle Sciacca, P. Ottonello) où elle connaît aujourd'hui une survivance due notamment à un apport de la philosophie de la religion.

La philosophie de l'esprit a été renouvelée par les apports de la neurophysiologie moderne, qui a mené un philosophe comme (Jean-Noël Missa) à parler de "L'Esprit-Cerveau", où il développe une théorie matérialiste du double aspect irréductible.

Les philosophes représentatifs sont :

...

[modifier] Conséquences de la philosophie de l'esprit

[modifier] Références

  1. Le mind n'est pas l'esprit au sens spiritualiste, mais le mens latin.
  2. Kim, J., "Problems in the Philosophy of Mind". Oxford Companion to Philosophy. Ted Honderich (ed.) Oxford:Oxford University Press. 1995.

[modifier] Bibliographie

Ressource gratuite mais avec un comité de rédaction (blind peer review), en anglais.
  • Pascal Engel, Introduction à la philosophie de l'esprit, La Découverte, Paris, 1994.
  • Samuel Guttenplan (dir.), A Companion to the Philosophy of Mind, Blackwell, Oxford, 1994.

[modifier] La philosophie de l'esprit en France et en Europe

Cette bibliographie n'a strictement rien à voir avec la philosophie de l'esprit dont il est question dans le présent article.

  • René Le Senne, Introduction à la philosophie, PUF, 1954.
  • René Le Senne, Obstacle et Valeur, Aubier, 1934.
  • Louis Lavelle, De l'Acte, Aubier, 1991.
  • Louis Lavelle, La philosophie française entre les deux guerres, Aubier, 1942.
  • Maurice Blondel, L'Action, Alcan, 1893.
  • Maurice Blondel, L'Action I et II, PUF, 1937-1939
  • Gabriel Marcel, Journal métaphysique, Gallimard, 1927.
  • Gabriel Marcel, Homo Viator, Aubier, 1946.
  • Rudolf Steiner, La philosophie de la liberté, Novalis, 1993.
  • Jean-Louis Vieillard-Baron (coordinateur), La philosophie de l'esprit : Blondel, Lavelle, Marcel, Hildesheim, Olms, 1992.
  • Paul Decoster, La réforme de la conscience, 1924.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Philosophy of mind ».