Moldave

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Cet article traite de la langue officielle de la République de Moldavie, et non des habitants de la Région de Moldavie ou de la République de Moldavie.

Le moldave (code ISO 639 : mol, mo) est la langue officielle de la république de Moldavie selon l'article 12 de sa constitution. Du point de vue strictement linguistique, roumain et moldave sont une seule et même langue, une langue abstand en termes de sociolinguistique, c’est-à-dire une langue dont les dialectes passés ou actuels présentent assez de traits structurels communs scientifiquement établis, pour constituer une langue unitaire. Les locuteurs, eux, se comprennent spontanément et complètement sans traducteur ni dictionnaire. Toujours du point de vue sociolinguistique, le Moldave fait partie d'un diasystème, terme utilisé en dialectologie. Le terme le plus adéquat, parce que le plus neutre, pour cette entité linguistique, c’est celui de diasystème roman de l'est, dont font partie les dialectes disparus istrien,[citation nécessaire] dalmate et dicien,[citation nécessaire] et les langues ausbau aroumain et daco-roumain.

Les linguistes appellent cette langue ERO (ensemble roman oriental) et considèrent que la langue daco-roumaine, appelée "roumain" en Roumanie et "moldave" en Moldavie, est une entité unique.

Sommaire

[modifier] Controverse

L'existence de cette langue en tant que langue différente de la langue roumaine est sujette à controverse. Tous les linguistes spécialisés dans la langue roumaine, ainsi que la majorité des locuteurs ayant le moldave/roumain pour langue maternelle, savent qu'il s'agit d'une même langue, dont la dénomination n'est différente d'un pays à l'autre que pour des raisons politiques. Les lexicologues affirment qu'à partir du moment où locuteurs des deux groupes se comprennent spontanément et complètement (notion d'isoglosse), il s'agit d'une seule et même langue. Toutefois il existe un accent moldave, présent dans la région moldave, aussi bien en Roumanie qu'en République de Moldavie.

La position officielle du gouvernement communiste moldave, par contre, est que le moldave est une langue à part entière, et que les allégations affirmant que le moldave est du roumain, sont le fruit de l'expansionnisme roumain. Sur la rive gauche du Dniestr, dominée par la république autoproclamée Pridniestrienne connue sous le nom de Transnistrie, le "moldave" s'écrit encore en caractères cyrilliques russes, comme à l'époque soviétique.

Cette controverse a abouti en République de Moldavie à une double discrimination linguistique, qui contribue à l'instabilité du pays : d'une part, seuls les autochtones roumanophones et leur langue ont droit au nom de Moldaves, ce qui fait que les minorités (un tiers de la population) se sentent exclues du pays ; d'autre part, seules les minorités ont le droit de développer leur langue, leur culture et leur identité en tant que membres de civilisations dépassant les frontières du pays (russe, ukrainienne, bulgare, turcophone...) ; ce droit est dénié aux roumanophones qui n'ont pas le droit de s'affirmer roumains, et qui ne se sentent donc pas reconnus, eux non plus.

[modifier] Histoire

Avant qu'Edgar Quinet, Jules Michelet, Émile Ollivier et Élisée Reclus, dans le Mercure de France, dans les Légendes démocratiques du nord et dans la Géographie universelle n'imposent pour les roumanophones et pour leur langue le nom de « roumain », la langue romane parlée par la majorité de locuteurs de Moldavie, de Valachie, de Transylvanie et de Dobrogée, nommés en français Valaques et/ou Moldaves, était nommée valaque ou moldo-valaque.

Le processus d'unification des principautés de Valachie et de Moldavie, sous-tendu par l'esprit des Lumières et par la France, a commencé en 1859 et s'est achevé en 1918 pour former la Roumanie, royaume francophile dont la langue s'est appelée « roumain », tant en référence au nom du nouvel État, que pour renforcer l'idée romantique d'une nation latine héritière des anciens Romains, colonisateurs de ces régions jusque vers la fin du IIIe siècle. Cette idée a naturellement contrarié à la fois les positions de l'historiographie austro-hongroise définies par Robert Rössler, et celles de de l'historiographie russe puis soviétique pour lesquelles la « roumanité » est une construction artificielle et récente.

En 1918, le territoire de la république de Moldavie actuelle, la Bessarabie, qui faisait partie de l'Empire russe depuis 1812, a rejoint le Vieux Royaume et sa région la Moldavie, pour former la Grande Roumanie. La langue romane parlée par ses habitants a été naturellement nommée roumain (rom. româna), et non moldave, comme le faisaient les ethnographes russes.

Lorsque que l'URSS a annexé la Bessarabie en 1940, conformément aux accords du Pacte germano-soviétique, donnant naissance à la République socialiste soviétique de Moldavie, le terme de moldave est redevenu officiel, avec comme justification que ce moldave serait une langue différente du roumain, apparue en Bessarabie en raison de la cohabitation, dès le Ve siècle, des latinophones avec une majorité de locuteurs d'origine slave, alors que le roumain serait une langue beaucoup plus romane, avec beaucoup moins d'influences slaves. L'alphabet latin a rapidement été abandonné pour l'alphabet cyrillique russe, officiellement pour faciliter la communication avec les slavophones, et la langue russe est devenue pour les roumanophones la condition d'accès à un meilleur niveau d'éducation, d'ascension sociale et de pouvoir politique.

[modifier] Le moldave, expression de l'identité nationale

En 1989, le "moldave" a été déclaré langue officielle de la république de Moldavie (qui était encore une république socialiste soviétique), mais l'usage de l'alphabet latin a été rétabli. Cette décision servira de prétexte le 2 septembre 1990 à la sécession, après une guerre civile, de la « République moldave du Dniestr » ou « Transnistrie ». Cet État que la communauté internationale ne reconnaît pas, possède aujourd'hui trois langues officielles : le russe, l'ukrainien et le moldave, toujours écrit avec l'alphabet cyrillique.

Depuis l'accession à l'indépendance de la république de Moldavie en 1991, la constitution (article 13-1) établit que : « La langue officielle de la république de Moldavie est la langue moldave, et utilise l'alphabet latin. » En 1996, une proposition du président de la république Mircea Snegur de changer le nom de la langue en roumain a été rejetée par le parlement moldave.

En 2002, le gouvernement de la république de Moldavie a entrepris de donner au russe les mêmes privilèges qu'au moldave, d'abord en décrétant son apprentissage comme langue étrangère obligatoire à l'école. Cette mesure a provoqué une vague d'indignation dans la population majoritairement roumanophone. Des manifestations ont été organisées à Chişinău ainsi que dans d'autres grandes villes.

En 2003, le gouvernement moldave a fait publier un dictionnaire bilingue moldave-roumain, accompagné d'une préface virulente avec pour objectif de démontrer que les deux pays parlent des langues distinctes. Les linguistes de l'Académie roumaine ont déclaré que tous les mots moldaves sont tout aussi bien des mots roumains. Même en république de Moldavie, le chef de l'Institut de Linguistique, Ion Bărbuţă, a qualifié ce dictionnaire d' « absurdité », qui ne sert qu'à des fins politiques. Le gouvernement moldave a catalogué ces réactions académiques comme étant une expression de l'expansionnisme roumain et a accusé le gouvernement roumain d'en être responsable. Les humoristes des deux pays, tels Valentin Stratan, ont fait de ces controverses un prétexte à rire: "-Qu'est-ce que le moldave ?" demandent-ils. "- C'est notre langue" répondent-ils, "sauf que nous ne le savions pas, parce que nous ne comprenions pas le russe!". Ils ont aussi proposé de la rebaptiser rouldave (Limba romovenească) ou molmain (Limba molmânească).

[modifier] Bibliographie

  • Gheorghe Negru: La politique ethnolinguistique en Moldavie, Prut International, Chisinau 2000, ISBN 9975-69-100-5

[modifier] Voir aussi