Kenjutsu

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Pratique du iaito (sabre métallique non aiguisé), Stage international de Lesneven, 2006
Pratique du iaito (sabre métallique non aiguisé), Stage international de Lesneven, 2006
Pratique du bokken (sabre en bois), Stage international de Lesneven, 2006
Pratique du bokken (sabre en bois), Stage international de Lesneven, 2006

Le kenjutsu (剣術, littéralement « technique du sabre », c'est-à-dire escrime) est un art martial japonais ancien (bujutsu), qui se concentre sur la maîtrise des sabres katana et wakizashi. Enseigné aux samouraï, il faisait partie des bujutsu du Japon féodal.

On pratique le kenjutsu sans protections. Si la finalité est le maniement du katana, l'entraînement à deux se fait avec un bokken ; l'entraînement au dégainement (iai) se fait avec un iaito.

Sommaire

[modifier] Écoles et styles

Les écoles et académies d'arts martiaux (ryū) spécialisées dans la voie du sabre se sont véritablement developpées au Japon au lendemain de la victoire de la dynastie Tokugawa en 1615. Dans un pays en paix, la classe des samouraï se retrouva desœuvrée. C'est ainsi que les écoles d'escrime prospérèrent sur le modèle des académies d'escrime européenne. Les techniques guerrières du passé (bujutsu) devinrent des « voies » (budo) qui soulignaient beaucoup plus l'importance de la maîtrise intérieure de soi-même.

Il se développa ainsi une mystique du sabre plus apparentée à la philosophie qu'à la guerre (l'Europe a aussi connu des écoles d'escrime mystique avec le style espagnol de Jeronimo de Carranza). Cette voie du sabre était la recherche de la perfection, de l'union de l'esprit et du geste. Chaque école avait ainsi ses techniques propres allant de la longueur du sabre aux positions en passant par la manière de porter les coups. Chaque académie avait un double enseignement exotérique et esotérique. Seule la connaissance de ces deux pôles permettait de maîtriser totalement le système.

Le style Chūjō d'escrime était ainsi divisé en enseignement

  1. exotérique : style éclair, style roue, style arrondi ; style bateau flottant et
  2. ésotérique : Le Diamant, l'Edification, L'Infini.

Le plus célèbre maître de sabre fut certainement Tsukahara Bokuden dans les années 155060, dont l'escrime Suprême était la plus mystérieuse de ses méthodes secrètes.

Le style Niten ryu (littéralement « école des deux cieux ») est l'héritière de Miyamoto Musashi ; sa particularité est d'enseigner le maniement des deux sabres (nito), katana et wakizashi, simultanément.

Il existe une forme dérivée, le Shinobi kenjutsu, forme « vulgaire » du kenjutsu, développée par les maîtres japonais du ninjutsu (ou shinobi-ho), et qui inclut des techniques « originales » mais d'une efficacité redoutable — parfois au détriment de l'aspect esthétique.

Aujourd'hui, la plupart de ces techniques se sont perdues et les rares écoles qui subsistent n'enseignent que la forme extérieure de l'escrime aux Occidentaux. L'un des derniers grands sabreurs japonais fut Saito Hajime qui mourut en 1915.

[modifier] Éléments de technique

Avec un katana, la coupe se fait uniquement avec les dix premiers centimètres de la lame, partie appelée monouchi (物打), littéralement « objet qui frappe ». Lorsqu'il est manié seul (cas général), le katana se tient à deux mains ; l'exception la plus notable est le style Niten ryu où l'on utilise simultanément les deux sabres.

Le combattant doit s'attacher à ne montrer aucune intention, afin de pouvoir surprendre son adversaire. Lors du combat, il s'attache à garder sa rectitude (shisei) afin d'être toujours équilibré.

[modifier] Tenue du sabre

Au cours de l'histoire, les armes ont évolué, et donc la tenue du sabre également :

  • longueur et poids des armes
    • lourdes aux époques de guerres sur champ de bataille à cause des armures à transpercer, avec port de gants (kote) ;
    • légères en période de paix, lames plus fines, maniement plus subtil.
  • les progrès de la métalurgie — forge et alliages — qui modifièrent les sabres ;
  • l'évolution des techniques de combat, avènement du iaijutsu (frapper en dégainant dans un seul mouvement).

L'Europe a connu des évolutions semblables, partant de l'encombrante épée à deux mains médiévale et aboutissant au fleuret.

On remarque que les écoles anciennes (ko ryu), telles que la Katori shinto ryu ou la Take no uchi, ont des saisies différentes — saisie naturelle, comme s'il s' agissait d' un oeuf pour la Katori et plus forte, comme une saisie de hache de bûcheron pour la dernière — des pratiques codifiées plus récemment telles que Muso shinden ryu ou la Jikiden ryu.

Aujourd'hui, le développement moderne conjoint du kendo et du iaïdo, en fait de l'émergence généralisée de la philosophie do (la voie, dans le sens manière de vie par opposition à la technique de combat) généralise un type de saisie commun.

Cette saisie n'est pas aisée à assimiler, elle n'est pas spontanée (pas plus que la tenue d'un club de golf par exemple). La poignée (tsuka) du grand sabre (katana) a la longueur de trois largeurs de paumes. On positionne la main droite en haut de la poignée, contre la garde (tsuba), et la main gauche en bas de la poignée, le petit doigt étant à cheval sur le bord de la poignée (kashira) ; ce placement est le même pour les gauchers et les droitiers. Ceci permet d'avoir à la fois

  • une puisance de coupe, donnée par la main basse : le sabre étant tenu par son extrémité, le rayon décrit par le bout de lame (monouchi) lors d'une coupe (切, giri) est le plus grand et donc la vitesse maximale ;
  • une précision de coupe, donnée par la main haute qui guide.

Les mains doivent être sur le dessus de la poignée ; ceci paraît évident lorsque l'on coupe avec un couteau, mais cette position est peu naturelle lorsque l'on tient le sabre à deux mains, et ce d'autant plus que comme on n'effectue plus de coupe réelle (sauf les pratiquants de batto do), les pratiquants n'expérimentent pas l'importance de la chose. Il faut donc se forcer à tourner les mains sur l'intérieur, dans un mouvement similaire à l'essorage d'un linge, afin que la base de l'index et le milieu du talon de la paume soient en contact avec le dessus de la poignée ; on utilise l'expression te no uchi, « intérieur des mains », ou encore shibori. Les avantages qu'on en retire lorsqu'on l'a acquise sont nombreux : réduction du risque de tendinite, l'adhérence de la poignée est parfaite sans occasionner de crispation ; c'est une saisie légère et efficace, rendant pratiquement impossible le désarmenent.

Cette position doit être conservée constamment, notamment lors des changements de garde ; par exemple lorsque l'on arme pour frapper de haut en bas (garde dite jōdan no kamae), cette position des mains limite l'élévation des bras, les mains se retrouver au dessus du front et ne peuvent pas passer au dessus de la tête. Si l'on coince un objet entre les deux poignets, l'objet ne doit pas tomber lors des mouvements.

Par contre, cette saisie fait perdre en mobilité et provoque des contractions musculaires chez le débutant. Il peut donc être judicieux, à la discrétion de l'enseignant, de ne pas porter trop d'attention à la tenue dans un premier temps afin de ne pas bloquer le pratiquant. Par ailleurs, certains mouvement de réception du sabre adverse (parade, bien que la notion soit différente de l'escrime européenne) nécessitent le relâchement de cette tenue afin d'amortir le choc et de conserver l'équilibre.

Il est également important de garder les coudes dirigés vers le bas. Le buste doit rester droit (shisei) afin de maintenir l'équilibre, le bas du dos relâché afin de permettre une grande mobilité, les épaules sont également relâchées. La tête est placée légèrement en recul, comme si l'on voulait aligner le front, le menton et le nombril sur une ligne verticale, afin de protéger le visage.

[modifier] Gardes (kamae)

La garde, ou kamae (構え) en japonais, est une position correspondant au début ou à la fin d'une coupe. C'est logiquement une position d'attente en début de combat. Les gardes se font à gauche (hidari) et à droite (migi), de manière symétrique à l'exception de la position des mains sur la poignée (tsuka) qui ne varie pas.

Les cinq principales gardes sont :

  • seigan no gamae : l'escrimeur est de face, le sabre pointé devant lui ; si l'on poursuit la courbe de la lame, la courbe passe entre les deux yeux de l'adversaire, le sabre est ainsi à une hauteur moyenne (chūdan) ; cette garde permet de frapper d'estoc (tsuki) ou bien de changer de garde pour effectuer une coupe (« armer » le coup) ;
  • hassō-no-kamae : le sabre est tenu lame vers le haut, la poignée (tsuka) au niveau de l'épaule ; il est prêt à frapper en diagonale vers le bas (kesa giri) ;
  • jōdan no gamae : le sabre est tenu au-dessus de la tête (position haute, jōdan), lame pointant vers le haut, prêt à frapper de haut en bas (shōmen) ;
  • gedan no gamae : le sabre est tenu pointe en bas, la poignée au niveau du bassin (position basse, gedan), prêt à frapper en diagonale vers le haut (gyaku kesa giri).
  • waki-no-kamae : le sabre est tenu horizontalement, au niveau du ventre, la pointe dirigée sur le côté ;
    • pour la garde à gauche (hidari waki no gamae), le pied gauche est reculé, et du fait de la position des mains sur la poignée (tsuka), le poignet droit couvre le poignet gauche ;
    • pour la garde à droite (migi waki no gamae), le pied droit est reculé.

L'orientation du plan de la lame (hasuji) est capitale. Lorsque l'on est en garde, le sabre doit pouvoir couper sans qu'il soit besoin de faire pivoter la lame ; la lame est déjà dans le plan de coupe lorsque l'on est en garde.

[modifier] Coups

Les cinq principaux coups sont :

  • tsuki [1] : coup d'estoc ; l'inclinaison de la lame (« roulis ») dépend des conditions :
    • si l'adversaire est en armure avec un gorgerin, il faut faire pénétrer la lame sous le gorgerin puis la tourner afin de le soulever ;
    • si l'on pique à la gorge (non protégée), on peut incliner la lame afin de la faire ressortir par une coupe horizontale au lieu de lui faire faire « marche arrière » ;
    • si l'on tient la lame horizontale, cela fragilise grandement la préhension et le risque de se faire désarmer est important ;
  • shōmen : coupe du haut vers le bas (men désignant la tête) ; la coupe part d'une garde jōdan no gamae et arrive à une garde chūdan (plus basse que la garde geidan no gamae) ;
  • kesa giri : coupe en biais de haut en bas, tranchant de la base du cou aux côtes flottantes de l'autre côté ;
    on parle parfois de yokomen (« côté de la tête ») ;
    • soit elle part d'une garde hassō no gamae, et arrive à une garde proche de gedan no gamae,
    • soit elle part d'une garde jōdan no gamae, le coup ayant alors la forme d'une virgule ;
  • gyaku kesa giri (« kesa giri inversée ») : coupe diagonale de bas en haut ; elle part d'une garde gedan no gamae, elle exige un replacement pour reprendre une garde (par exemple hassō no gamae) ;
  • yoko guruma (« roue latérale »), ou do giri (coupe de la cuirasse), ou encore ichimonji (le sabre a un mouvement similaire au pinceau écrivant le kanji « 一 », ichi) : coupe horizontale au niveau du ventre ; elle se fait d'une garde waki no gamae, et en fin de coupe, il suffit de faire pivoter les poignet pour avoir la garde waki de l'autre côté.

[modifier] Parades et contres

La notion de parade est très différente de la notion européenne. En effet, en kenjutsu, on ne cherche pas à bloquer la lame (à l'exception des techniques d'arrêt : domaru waza ou uchi dome), car cela l'émousserait et risquerait de la briser, ou bien on risquerait de la lâcher. La défense consiste plutôt à « recevoir » la lame de l'adversaire (ukeru), c'est-à-dire à esquiver le coup tout en mettant sa lame au contact de celle de l'attaquant, afin de la contrôler et que celui-ci ne puisse pas frapper à nouveau ; les deux lames glissent l'une contre l'autre.

Dans l'idéal, l'esquive-parade permet de se replacer et de contre-attaquer.

Parmi les techniques élémentaires, citons :

  • kiri kaeshi (contre-coupe), ou uke nagashi (recevoir et continuer) : contre une coupe venant d'en haut (shōmen, éventuellement kesa giri) ou un coup d'estoc (tsuki), mouvement consistant à monter les mains et orientant la pointe de la lame vers la bas, pour laisser glisser la lame de l'attaquant contre la lame levée (la lame protège l'avant-bras) tandis que l'on fait un pas de côté, ce qui permet de frapper ensuite en une coupe diagonale (kesa giri) ;
  • maki otoshi (renversement en rouleau) : contre une coupe venant d'en haut (shōmen) ou une attaque d'estoc (tsuki), on recule d'un pas en contrôlant la lame, puis on écarte la lame par un mouvement de rouleau (maki) ce qui crée l'ouverture pour frapper (mouvement proche d'un « contre-de-sixte » ou d'un « contre-de-quarte » de l'escrime française) ;
  • kiri otoshi : en partant d'une garde hasso, lorsque l'adversaire coupe, on effectue un coupe par-dessus à 45 ° de sa coupe ou du plan de sa lame (hasuji) ; s'il attaque shomen ou tsuki, on coupe en kesa giri ;
  • kiri age : en partant d'une garde basse (gedan), lorsque l'adversaire coupe, on remonte son sabre selon une trajectoire diagonale, mais contrairement à une coupe gyaku kesa giri, c'est le flanc de la lame, ou le dos, qui intercepte la coupe.

Dans la logique japonaise, les termes ci-dessus ne décrivent pas une forme mais plutôt un principe de combat (de même qu'un kanji peut avoir plusieurs sens). Par exemple, maki otoshi peut s'exécuter en écartant la lame avec un mouvement de coupe plutôt qu'un mouvement d'enroulement et la coupe peut même servir à écarter la lame et à frapper dans le même mouvement (forme dite i to i shin, « un sabre, un corps »).

On peut travailler les contre des contres. Par exemple, un mouvement maki otoshi écarte la lame de l'attaquant par un mouvement de rouleau ; celui-ci peut alors continuer le mouvement circulaire et passer sous la lame de l'adversaire se placer de manière à la frapper (tsuki). L'adversaire peut alors tenter d'écarter la lame de l'autre côté (vers sa droite)…

[modifier] Héritage

Le kenjutsu est l'ancêtre du kendo. Il a également été d'une importance fondamentale dans la genèse de l'aikido ; le kenjutsu est pratiqué par les aikidoka sous la dénomination aiki-ken.

l'art du sabre comprend également :

  • l'art de dégainer (iai) et frapper dans le même mouvement : iaijutsu, qui a donné le iaido ;
  • l'entraînement aux coupes sur des bottes de bambou (ou éventuellement des carcasses d'animaux) : batto do, tameshi giri (ce dernier terme désignant le test de la lame).

[modifier] Notes

  1. le « u » est muet, « tsuki » se prononce donc « ts'ki »

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes