Jorge Semprún

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Jorge Semprún
Naissance 10 décembre 1923
Activité romancier, scénariste
Nationalité espagnole
Œuvres principales L'écriture ou la vie ; Z ; L'Aveu
Récompenses Prix Femina ; Prix Femina Vacaresco ; Académie Goncourt

Jorge Semprún (Jorge Semprún Maura, né le 10 décembre 1923 à Madrid en Espagne) est un écrivain, scénariste et homme politique espagnol. Il rédige aussi bien en espagnol qu'en français.

Sommaire

[modifier] Biographie

Jorge Semprún est issu d'une famille de la grande bourgeoisie espagnole. Sa mère, Susana Maura Gamazo (décédée en 1931) est la fille de l'homme politique libéral des années 1880-1925, Antonio Maura et la soeur de Miguel Maura. Son père, José María Semprún Gurrea (1893-1966), avocat et professeur de droit, a occupé des fonctions de gouverneur civil de province (Tolède, Santander) ; quoique catholique pratiquant, il soutient la République et reste loyal au gouvernement de Front populaire en 1936.

[modifier] La période de la guerre d'Espagne ; les Pays-Bas

Pendant le déclenchement de la Guerre d'Espagne, en juillet 1936, la famille se trouve en vacances à Lekeitio, près de Bilbao ; elle gagne Bayonne en bateau, séjourne d'abord à Lestelle-Betharram (Pyrénées-Atlantiques) dans la maison d'un membre du groupe de la revue Esprit[1] , dont José María Semprún était correspondant en Espagne, puis dans la région de Genève, où il se voit offrir un poste diplomatique : du début de 1937 à février 1939, il représente la République espagnole aux Pays-Bas. Jorge et ses six frères et soeurs[2] passent donc deux ans dans ce pays ; Jorge est scolarisé dans un lycée local et maîtrise, à cette époque, le néerlandais[3].

[modifier] L'exil en France

Après la fermeture de la légation républicaine à La Haye, la famille s'exile en France ; Jorge termine ses études secondaires au lycée Henri-IV[4], à Paris ; il participe à la manifestation patriotique du 11 novembre 1940 ; en 1941, il obtient le 2° prix de philosophie au Concours général et est reçu au baccalauréat, puis commence des études de philosophie à la Sorbonne.

[modifier] La Résistance

Il rejoint aussi la résistance. Il entre en contact avec le réseau communiste des Francs-tireurs et partisans-Main d'oeuvre ouvrière immigrée (FTP-MOI) et entre au Parti communiste d'Espagne (PCE) en 1942. Mais il intègre, avec l'accord de la MOI, le réseau Jean-Marie Action, qui relève de l'organisation Buckmaster, liée aux services secrets britanniques[5]. Ce réseau, dirigé par Henri Frager[6], opère en Bourgogne (réception de parachutages d'armes et répartition de ces armes dans les maquis de l'Yonne et de la Côte-d'Or).

[modifier] La déportation

En septembre 1943, Jorge Semprún est arrêté par la Gestapo et, après un séjour à la prison d'Auxerre, déporté au camp de concentration de Buchenwald. Après la période de quarantaine dans le Petit Camp, il est affecté par l'organisation communiste clandestine du camp à l'Arbeitsstatistik (l'administration du travail), sans toutefois entrer dans la catégorie des détenus privilégiés (Prominenten) [7]. Dans cette organisation, il a pour supérieurs de futurs cadres des démocraties populaires : Josef Frank, Ladislav Holdos, Ernst Busse, Walter Bartel, Willi Seifert (kapo de l' Arbeitsstatistik)[8] . Pour le compte du PCE, dont le leader dans le camp est Jaime Nieto (dit Bolados), il est chargé d'organiser des activités culturelles pour les déportés espagnols. Par ailleurs, il a l'occasion (pendant la demi-journée de repos du dimanche après-midi) de fréquenter le sociologue Maurice Halbwachs ainsi que le sinologue Henri Maspero, eux aussi détenus à Buchenwald, jusqu'à ce qu'ils y meurent [9].

Peu avant l'arrivée des troupes américaines du général Patton, il participe au soulèvement des déportés. Le camp est libéré le 11 avril 1945 ; Jorge Semprún est évacué le 26 et est de retour à Paris à la fin du mois.

[modifier] Le retour à la normale

Le retour à la vie civile[10] va être assez difficile, avec notamment l'incident de sa chute de train à l'arrivée en gare de Saint-Prix (où habite son père) en août 1945. Il commence ensuite à mettre par écrit ses souvenirs de Buchenwald, mais séjournant dans le canton suisse du Tessin avec la famille de sa soeur Maribel (d'octobre 1945 à janvier 1946), il se rend compte que la poursuite de ce travail le met en danger. Il prend alors la décision non seulement d'y mettre fin, mais encore de ne plus repenser à ce qui s'est passé durant ces années (il parle d'amnésie volontaire) [11].

[modifier] Parti communiste d'Espagne

Il reste un membre actif du PCE. Pendant quelques années, il milite tout en travaillant, principalement comme traducteur à l'UNESCO. En 1952, il devient permanent du parti[12] affecté au travail clandestin en Espagne.

De 1953 à 1962, il coordonne la résistance communiste au régime de Franco, faisant plusieurs longs séjours en Espagne sous différents pseudonymes, notamment celui de Federico Sánchez[13]. Il est plus particulièrement chargé des relations avec les milieux intellectuels. Il entre au Comité central du PCE en 1954 puis au Comité exécutif (Bureau politique) en 1956. Il effectue aussi plusieurs missions dans les pays de l'Est, en particulier auprès de Dolores Ibárruri, Secrétaire général du parti : en janvier 1956, à Bucarest ; et de nouveau en 1959, à Ouspenskoie (URSS), avec Santiago Carrillo : c'est à ce moment que Dolores Ibárruri annonce à ses visiteurs sa démission du poste de Secrétaire général.

En 1962, Santiago Carrillo, devenu Secrétaire général, décide de le retirer du travail clandestin en Espagne.

Il est exclu du parti en 1964, en même temps que Fernando Claudín. La raison invoquée est : « divergence de point de vue par rapport à la ligne du Parti »[14]. À partir de ce moment, il se consacre principalement à l'écriture.

[modifier] Action politique après 1964

En 1966, il demande aux autorités espagnoles un passeport officiel, qui lui est accordé, bien qu'avec réticence, compte tenu de son passé. Il peut ainsi circuler librement entre l'Espagne et la France où il continue de résider.

Un épisode important est la période 1988-1991 : Jorge Semprún occupe le poste de ministre de la Culture dans le gouvernement socialiste de Felipe González. Dans cette fonction, il se trouve très vite en conflit larvé avec Alfonso Guerra, le leader en second du PSOE ; en 1991, il est amené à quitter le gouvernement, Felipe González ayant décidé de couvrir des pratiques discutables d'Alfonso Guerra[15].

En 1989, il participe à la veillée funèbre de Dolores Ibárruri, ainsi que Fernando Claudín[16].

[modifier] Œuvres et distinctions

Il a écrit des romans, des récits autobiographiques, des pièces de théâtre et des scénarios, pour lesquels il a reçu plusieurs récompenses. Un thème récurrent de son œuvre est la dénonciation de l'horreur de la guerre, et notamment des camps de concentration.

En 1969, il reçoit le Prix Femina pour La Deuxième Mort de Ramon Mercader. En 1994, il reçoit le Prix de la paix des éditeurs et libraires allemands.

Le Prix Fémina Vacaresco 1994 et le Prix littéraire des droits de l'Homme 1995 lui ont été décernés pour L'écriture ou la vie ; il a également reçu le prix de la ville de Weimar en 1995 et le prix Nonino (Italie) en 1999.

En 1996, il est élu à l'Académie Goncourt ; il n'a pas pu entrer à l'Académie française car il a conservé la nationalité espagnole. Le 30 novembre 2007, il a reçu les insignes de docteur honoris causa de l'Université Rennes 2 Haute Bretagne. Il vit actuellement à Paris.

[modifier] Notes et références

  1. Jean-Marie Soutou, qui, en 1942, épouse Maribel Semprún Maura ; Lestelle-Betharram est à 15 km de Lourdes
  2. La fratrie Semprún Maura se compose de : Susana (1920), Maribel (1921), Gonzalo (1922), Jorge, Alvaro (1924), Carlos (1926), Francisco (1928)
  3. Cf. l'épisode du sermon violemment hostile à la République espagnole dans l'église que la famille fréquente
  4. De février à juin 1939, il finit une Troisième à Henri-IV ; il est admis directement en Première, mais effectue cette classe au lycée Saint-Louis, Henri-IV étant lycée féminin en 1939-40 ; il revient à Henri-IV pour la Terminale ; après le baccalauréat, il commence une préparation à l'Ecole normale supérieure, mais devant alors gagner un peu d'argent, il y renonce au bout d'un trimestre. Cf. Adieu, vive clarté..., page 93 et Quel beau dimanche !
  5. Cf. Le mort qu'il faut, page 180. Cet itinéraire n'est pas habituel, et certains communistes à Buchenwald seront parfois méfiants à l'égard de Jorge Semprún, méfiance renforcée du fait de son origine sociale
  6. que Jorge Semprún retrouvera à Buchenwald. Cf. Quel beau dimanche !
  7. D'après la page espagnole Jorge Semprún, son frère Carlos, dans un livre de souvenirs, accuserait Jorge d'avoir fait partie des kapos et d'avoir par conséquent collaboré avec les nazis. D'après ce que Jorge écrit, il n'avait pas le statut de kapo (avec les avantages matériels substantiels que cela comportait), mais reconnaît clairement que du fait de son travail, ses chances de survie étaient supérieures à celles des déportés de base. Par ailleurs, le fait qu'il y ait eu des kapos dans les camps est connu depuis longtemps : le problème était d'arriver à ce que ces postes soient tenus par des déportés politiques plutôt que par des droits communs.
  8. Certains subiront d'ailleurs des purges en raison de leurs activités de résistance à Buchenwald (requalifiées en "collaboration avec l'ennemi"). Frank, secrétaire général adjoint du PC tchécoslovaque sera une des victimes du procès Slansky. En RDA, Walter Bartel reconnaîtra des erreurs, mais pas la compromission avec l'ennemi. Il deviendra plus tard professeur d'université. Willi Seifert entrera dans la Volkspolizei et son nom sera cité lors du procès Slansky, mais sans suite. Cf. Le mort qu'il faut et Quel beau dimanche
  9. Cf. Le mort qu'il faut, page 88. Maurice Halbwachs était un des professeurs de Jorge Semprún à la Sorbonne ; il meurt en mars 1945.
  10. Cf. L'Ecriture ou la vie
  11. C'est seulement quinze ans plus tard, en 1960, après avoir passé sept ans dans des circonstances périlleuses, mais très différentes, celles de la clandestinité dans l'Espagne franquiste, qu'il pourra revenir sur ce sujet avec le premier jet du Grand Voyage.
  12. Le PCE est alors clandestin, ayant été interdit par le gouvernement français en septembre 1950, ainsi que toutes les organisations espagnoles proches (PSUC, PC d'Euzkadi, etc.)
  13. Federico Sánchez est précisément l'identité de Jorge Semprún à la direction du PCE ; en Espagne, il l'utilise pour signer des articles, mais ses faux papiers portent d'autres noms (Rafael Artigas ; Juan Larrea ; en 1956, sa couverture est celle d'un sociologue français) ; les militants espagnols de base qu'il rencontre ne le connaissent que par un prénom.
  14. Cf. Autobiographie de Federico Sanchez
  15. Cf. Federico Sánchez vous salue bien : ce livre relate en détail l'expérience gouvernementale de l'auteur
  16. Cf. Manuel Vázquez Montalbán, La Pasionaria et les sept nains, Seuil, 1998, page 251 ; l'information (supprimée) concernant la participation de Jorge Semprún au 80e anniversaire de Dolores Ibárruri semble erronée.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Filmographie

Scénariste, sauf mention particulière