Utilisateur:Jobert/brouillon

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En mathématiques, le terme de groupe quantique désigne un certain type d'algèbre généralement non-commutative. Il a été utilisé pour la première fois par Vladimir Drinfeld en référence à des algèbres de Hopf déformées suivant un paramètre h, et qui deviennent des algèbres enveloppantes d'algèbres de Lie lorsque h tend vers 0.

Sommaire

[modifier] Historique et motivations

La notion de groupe quantique a été pour la première fois évoquée par Vladimir Drinfeld lors d'un séminaire au congrès international de mathématiques, à Berkeley en 1986. C'est lui qui a posé les bases de cette théorie, en imaginant notamment la notion d'algèbre de quasi-Hopf. Les groupes quantiques ont ensuite connu un développement très important, donnant lieu à une littérature abondante.

Les groupes quantiques ont des liens prometteurs avec la physique théorique et la mécanique statistique, mais aussi avec de nombreux domaines des mathématiques, comme la géométrie différentielle, la géométrie non-commutative, la théorie des noeuds, ...

[modifier] Déformation d'algèbres

Soit k un corps, on note k[[h]] l'anneau des séries formelles en la variable h et à coefficients dans k. Soit A0 une k-algèbre. On dit qu'une k[[h]]-algèbre A est une deformation de l'algèbre A0 si :

  • A est topologiquement libre, c'est-à-dire qu'elle est isomorphe en tant que k[[h]]-module à un certain V[[h]] ou V est un k-espace vectoriel.
  • A/hA \cong A_0, c'est-à-dire qu'en posant h=0 on retrouve l'algèbre A0.

Cette notion se généralise évidemment aux algèbres de Hopf et algèbres de quasi-Hopf.

[modifier] Exemple

L'algèbre A0[[h]] des séries formelles à coefficients dans A0 est une déformation de A0, dite "déformation triviale"

[modifier] Algèbres enveloppantes quantiques

Dans l'esprit de Drinfeld, les groupes quantiques sont des déformations d'algèbres enveloppantes d'algèbres de Lie. On pose donc la définition suivante :

Définition : Soit A une \mathbb{C}[[h]]-algèbre de Hopf. On dit que A est une algèbre enveloppante quantique s'il existe une algèbre de Lie \mathfrak{g} telle que A / hA soit isomorphe en tant qu'algèbre de Hopf à U(\mathfrak{g}).

[modifier] Théorème de rigidité

Le théorème de rigidité est un résultat important sur ces algèbres. Il faut remarquer en lisant la définition précédente que pour une algèbre de Lie donnée, il peut potentiellement exister plusieurs algèbre enveloppante quantique non isomorphe entre elle. Le théorème de rigidité stipule cependant que la seule chose qui distinguera plusieurs algèbres enveloppantes quantiques d'une meme algèbre de Lie sera leur structure de coalgèbre, c'est à dire leur coproduit.

Théorème : Soit \mathfrak{g} une algèbre de Lie, et A une algèbre enveloppante quantique de \mathfrak{g}. Alors A est isomorphe en tant qu'algèbre à la déformation triviale U(\mathfrak{g})[[h]].

[modifier] Limite semi-classique

Soit \mathfrak{g} une algèbre de Lie semi-simple, et U(\mathfrak{g}) son algèbre enveloppante. La théorie des algèbres enveloppantes dit qu'il existe une application linéaire injective de \mathfrak{g} dans U(\mathfrak{g}).

Ainsi, si (A,Δ) est une déformation de l'algèbre de Hopf U(\mathfrak{g}), alors A/hA \cong U(\mathfrak{g}) contient une "copie" de \mathfrak{g}. On définit une application δ de \mathfrak{g} dans \mathfrak{g}\otimes \mathfrak{g} par:

\delta(x)=\frac{\Delta(\tilde{x})-\tau\circ \Delta(\tilde{x})}{h} \mod h

\tilde{x}=x \mbox{ mod }h, et \tau(a \otimes b)=b \otimes a. On peut prouver que (\mathfrak{g},\delta) est une bialgèbre de Lie, que l'on appelle la limite semi-classique de A.

[modifier] Quantification

Dans le cas précédent, on dit aussi que A est une quantification de (\mathfrak{g},\delta). Cette notion a été introduite par Drinfeld, qui a posé la question de savoir si toutes les bialgèbres de Lie admettaient une quantification. Ce sont Etingof et Kazhdan qui ont répondu, par l'affirmative, à cette question. Plus précisément, ils ont démontré le théorème suivant :

Théorème Il existe un foncteur Q de la catégorie des bialgèbres de Lie vers la catgéorie des algèbres enveloppante quantiques tel que pour toute bialgèbre de Lie (B,δ), la limite semi-classique de Q(B,δ) soit (B,δ).

[modifier] Un exemple de groupe quantique

Soit h une variable, \mathbb{C}[[h]] l'anneau des séries formelles en h. On pose q = exp(h). Sachant que \exp(h)=\sum_{k\geq 0} \frac{h^k}{k!} par définition, q est bien un élément de \mathbb{C}[[h]].

[modifier] Algèbre enveloppante de sl2

Soit \mathfrak{sl}_2 l'algèbre de Lie qui correspond au groupe spécial linéaire en dimension 2. Son algèbre enveloppante U(\mathfrak{sl}_2) est la \mathbb{C}-algèbre engendrée par E,F,H et les relations suivantes:

  • [E,F] = H
  • [H,E] = 2E
  • [H,F] = − 2F

[X,Y] = XYYX. On fait de cette algèbre une bialgèbre (et même une algèbre de Hopf) en posant :

\Delta(X)=X \otimes 1 + 1 \otimes X, pour tout X appartenant à {E,F,H}.

.

Cette algèbre n'est pas commutative, mais elle est cocommutative.

Remarque : Le fait d'avoir défini Δ uniquement sur les 3 générateurs de l'algèbre est suffisant. En effet, on souhaite obtenir une algèbre de Hopf, et dans ce cas le coproduit est un morphisme d'algèbre. Comme tout élément de U(\mathfrak{sl}_2) peut s'écrire comme un polynome en les générateurs, on peut définir Δ pour tout élément de U(\mathfrak{sl}_2), pour peu que ce coproduit soit compatible avec les relations, ce qui est le cas ici.

[modifier] Algèbre enveloppante quantique de sl2

Cette construction est le premier exemple de groupe quantique. L'idée consiste à construire une déformation de l'algèbre précédente en introduisant le paramètre q dans les relations. On note U_q(\mathfrak{sl}_2) la \mathbb{C}[[h]]-algèbre engendrée par E,F,H et par les relations :

  • [E,F]=\frac{q^H-q^{-H}}{q-q^{-1}}
  • [H,E] = 2E
  • [H,F] = − 2F

où, par définition, q^H=\exp(hH)=\sum_{k\geq 0} \frac{(hH)^k}{k!}. On en fait une bialgèbre en posant :

  • \Delta(E)=E \otimes q^{H/2} + q^{-H/2} \otimes E
  • \Delta(F)=F \otimes q^{H/2} + q^{-H/2} \otimes F
  • \Delta(H)=H \otimes 1 + 1 \otimes H

Cette algèbre n'est ni commutative, ni cocommutative. En faisant tendre q vers 1 (c.à.d. en faisant tendre h vers 0), on retrouve l'algèbre enveloppante classique de \mathfrak{sl}_2.

[modifier] Références

  • Christian Kassel, Quantum Groups, Springer-Verlag, Vol. 155 (1995)
  • Vladimir G. Drinfeld, Quantum groups, Proc. Int. Cong. Math. (Berkeley, Calif., 1986), Vol. 1(2), pp. 798--820 (1987)
  • Vladimir G. Drinfeld, Quasi-Hopf algebras, Leningrad Math. J., Vol 1(6), pp 1419--1457 (1990)
  • Pavel Etingof & David Kazhdan, Quantization of Lie bialgebras. I, Selecta Math. (N.S.), Vol. 2(1), pp. 1--41 (1996) arXiv:q-alg/9506005