Jamal Al Dîn Asadabadi

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Sayyid Jamāl Al-Dīn Al-Afghāni (persan: سید جمال الدین الافغاني), était un intellectuel réformiste musulman d'origine Afghanistan [1].


Sommaire

[modifier] Début de la vie

Jamāl Al-Dīn Al-Afghāni nait en octobre 1838[2] dans une famille persane et chiite dont les origines remontent au petit-fils de Mahomet, Al-Husayn Ibn Ali.

Des interrogations subsistent sur son lieu de naissance, Al-Afghani lui-même, et certaines sources, disent qu'il est né en 1838 à Asadabad, un district de la province de Kunar en Afghanistan[3]. Cependant, en compilant la documentation disponibles en Iran depuis son expulsion en 1891, il semble qu'il soit né à Asadabad près de Hamedan, en Iran.[4],[5],[2].

Il a d'abord étudié à la maison avec son père, puis a poursuivi ses études à Qazvin, à Téhéran, et enfin, dans les villes sanctuaires chiite d'Irak, Nadjaf et Kerbala[4]. Mortimer pense que les travaux du cheikh Ahmad Ahsa'i ont eu une influence sur Al-Afghani[6].

Certaines sources pensent qu'Al-Afghani a prétendu être un afghan afin de se présenter lui-même comme un musulman sunnite - la secte à laquelle adhèrent la plupart des musulmans- et d'échapper à l'oppression par le gouvernement iranien,[4] ou encore d'être associé à la plus grande branche de l'islam, afin d'« atteindre un public plus large ».[7]


[modifier] jeunesse

Il apprend l’arabe et le persan au début de son parcours scolaire, et étudie le Coran ainsi que quelques rudiments de sciences islamiques. À dix-huit ans, il achève ses études religieuses et part en Inde pour étudier les sciences dites modernes. À l’âge de dix-neuf ans, en 1857, il se rend au Hijaz pour accomplir le pèlerinage à La Mecque. En 1860, il s'installe en Afghanistan et se fait passer pour un musulman sunnite de Constantinople, puis il se rend dans l'empire ottoman où il déclare être un musulman sunnite afghan (d'où "el-Afghani"). Toute sa vie durant, il ne cesse d’étudier. Il entreprend ainsi d’apprendre le français à un âge avancé.

Lorsqu’un conflit éclate entre les Princes afghans, Jamāl Al-Dīn s’aligne aux côtés de Muhammad Adham Khan qui occupe alors un poste de Ministre. Il se heurte néanmoins aux Britanniques, ce qui le conduit à quitter l’Afghanistan en 1868. Il passe par l’Inde avant de se rendre en Égypte où il séjourne pendant quelque temps, fréquentant régulièrement la Mosquée al-Azhar. Sa maison est alors un lieu de visite pour un grand nombre d’étudiants et de chercheurs, en particulier des Syriens. Il part ensuite à Istanbul sous le gouvernement de Abdülhamid II. Sa réputation grandit et sa renommée s’accroit. Son appel à la nécessité de la réforme trouve de bons échos chez les Ottomans, ce qui fait dire au Britannique Blint :

« L’initiative des Ottomans de transformer leur Empire en un État constitutionnel peut être attribuée en tout premier lieu à l’influence de Jamal Al-Dîn, qui, lorsqu’il s’installa dans leur capitale, se mit à discuter avec eux et à les appeler à rejoindre ses conceptions. »

[modifier] En Égypte

À Istanbul, il est désigné membre du Conseil Suprême des Sciences. Il est alors la cible d’une opposition et d’attaques virulentes de la part des savants stambouliotes et des prédicateurs des mosquées, à qui les idées et les discours du nouveau-venu déplaisent. Il quitte alors Istanbul pour revenir en Égypte, où il est accueilli avec tous les honneurs par les Égyptiens. Cet accueil l’incite à rester dans ce pays. De plus en plus de disciples se joignent à lui et l’amour qu’on lui porte est si grand qu'il provoque la jalousie des cheikhs.

Al-Afghāni se lance sur le terrain de la politique égyptienne, appelant les Égyptiens à la nécessité de réorganiser le système politique. La classe dirigeante commence alors à se méfier de lui et à prendre ses distances, d’autant plus qu’il affiche publiquement, en toute occasion, sa haine des Britanniques, et ne fait rien pour cacher l’inimitié qu’ils lui inspirent.

[modifier] Avec Muhammad Abduh à Paris

Ses articles de presse provoquent aussi bien le courroux des Britanniques que celui de la classe politique égyptienne. Lorsque le Khédive Tawfîq Pasha prend le pouvoir en Égypte, il chasse Jamāl Al-Dīn qui doit retourner en Inde en 1879, après avoir passé près de huit ans en Égypte.

Puis il quitte l’Inde pour rejoindre Londres, et ensuite Paris, où il entra en contact avec le cheikh Muhammad Abduh. Les deux hommes créent ensemble le journal Al-Urwa al-Wuthqâ (« le lien indissoluble »), qui interrompt sa publication après 18 numéros, après son interdiction en Égypte, au Soudan et en Inde. Mais Al-Afghāni continue à écrire des essais politiques : les journaux parisiens continuent à lui offrir une tribune où il peut écrire des articles politiques critiques. Une controverse l'oppose à Ernest Renan, qui, au terme d'une conférence sur « l'Islam et la science » conclut que les deux sont incompatibles. Al-Afghāni n'eut pas de mal à montrer que les sciences et la philosophie grecques sont revenues en Occident via le monde arabo-musulman, et que celui-ci a fait progresser les sciences à une époque où l'Europe ne s'en préoccupait guère.

[modifier] En Iran

Le Chah d’Iran Nasseredin Shah l’invite à venir à Téhéran où il l’honore et lui affiche son estime. Les iraniens sont séduits par ses principes et ses idées. Mais le Chah sent que les idées d’Al-Afghāni constituent un danger potentiel pour le trône d’Iran. Il modifie alors son attitude envers son protégé. Al-Afghāni demande alors au Chah la permission de quitter l’Iran. Exaucé, il se rend à Moscou puis à Saint-Petersbourg.

Lorsque Al-Afghāni visita l’Exposition de Paris en 1889, il y rencontre le Chah Nasseredin. Celui-ci lui affiche beaucoup de respect et d’amitié, ce qui incite Jamal Al-Dîn à revenir une nouvelle fois à Téhéran. Mais très vite, l’attitude du Chah change à nouveau, en particulier depuis qu’Al-Afghāni s’est mis à appeler à une réforme du gouvernement, critiquant ouvertement la situation politique de l’Iran. Le Chah ne peut supporter cela plus longtemps. Il estimait que la présence d’Al-Afghāni dans son pays menaçait directement sa couronne. Il lui envoie un détachement militaire qui le conduit depuis son lit de malade jusqu’aux frontières avec la Turquie.

Al-Afghāni se dirigea alors vers Bassora puis vers Londres où la tribune du journal Diyâ Al-Khâfiqîn lui permet d’attaquer directement le Chah et de faire le jour sur la situation de l’Iran durant son règne. L’influence d’Al-Afghāni sur les Iraniens était très forte. Elle était tellement forte qu’il parvint à faire publier par certains savants iraniens une fatwa interdisant la consommation de tabac après que la Régie de Tabac fut cédée à une société hollandaise[réf. nécessaire]. C’est le cas de Mirzā Muhammad Hasan Ash-Shirāzi qui émet une fatwa interdisant aux Iraniens la consommation de tabac. Ces derniers observent scrupuleusement cette interdiction, allant jusqu’à demander l’annulation d’un accord signé avec une société arabe visant à fonder une régie du tabac en Iran. Le Chah est contraint d’annuler cet accord.

[modifier] Les intrigues des délateurs et les complots

Le Chah se tourne vers le Sultan Abdülhamid II afin qu’il demande à Al-Afghani de cesser de l’attaquer. Le Sultan parvient à attirer Al-Afghāni vers Istanbul en 1892. Il voulait l’honorer par le grade de Qādī Askar, c’est-à-dire « Juge suprême des contrées européennes ». Mais il rejette la proposition, déclarant à l’émissaire du Sultan :

« Dis à Sa Majesté le Sultan que Jamāl Al-Dīn considère que le grade de savant est le grade le plus élevé. »

Au cours de la présence d’Al-Afghāni à Istanbul, le Khédive Abbās Hilmī vient visiter la capitale. Il a une brève entrevue avec Al-Afghāni. Mais les délateurs et les jaloux, parmi les ennemis d’Al-Afghani et les proches du Sultan, trouvent dans cette rencontre un prétexte pour semer la zizanie entre le Sultan et Jamāl Al-Dīn. Ils exagèrent l’importance de cette rencontre, jettent la suspicion et le doute sur ce qui a été dit, font croire au Sultan que les deux hommes se sont longuement entretenus sur les problèmes du Califat, et l’avertissent du danger que peut représenter cette rencontre. Le Sultan ottoman convoque alors Jamāl Al-Dīn et lui fait part de ce qui se disait sur son compte. Al-Afghāni clarifie alors sa position et critique les délateurs.

[modifier] La méthodologie d’Al-Afghāni dans la réforme religieuse

Le retour au Coran est l’une des plus grandes ambitions d’Al-Afghāni, tout au long de sa vie. Il estime que la base essentielle pour la réforme et la prédication religieuse est le Coran:

« Le Coran est l’un des plus grands moyens attirant le regard des Occidentaux sur la beauté de l’Islam. Car il les invite à lui-même à travers son propre cadre. Mais lorsqu’ils observent la situation déplorable des Musulmans à travers le spectre du Coran, ils dédaigneront de le suivre ou d’y croire. »

Le Coran est ainsi l’unique moyen de guidance et la base de toute réforme :

« Parmi les vertus du Coran, il y a celle-ci qu’avant sa révélation, les Arabes vivaient dans un état de barbarie indescriptible. Mais un siècle et demi à peine après sa révélation, ces mêmes Arabes devinrent les maîtres de leur monde et dépassèrent toutes les nations de la terre, en politique, en science, en philosophie, en industrie et en commerce.[...] La réforme religieuse doit donc se faire, en tout premier lieu, uniquement sur la base du Coran, puis sur sa compréhension authentique et libre. Pour ce faire, nous devons donc parfaire nos connaissances, favoriser leur acquisition et faciliter leur accès à ceux qui les recherchent. »

[modifier] Jamal Al-Din entre le Sunnisme et le Chiisme

Certains spécialistes pensent qu'il était un Iranien originaire d'Asadabadi, un village près de Hamedan, et qu’il était chiite d’obédience jafarite. Pourtant, il est réputé pour ses origines afghanes et sa doctrine sunnite. Il tenait par ailleurs beaucoup au qualificatif « Al-Afghāni », qui signifie « l’Afghan », et fréquentait principalement les savants sunnites dans les pays musulmans qu’il visitait.

Ceux qui sont de cet avis essayent donc de trouver des preuves et des arguments appuyant leur thèse. Ils avancent notamment que :

  • la famille de Al-Afghāni vivait en Iran, et n’a laissé aucune trace de sa présence en Afghanistan.
  • le prénom du père de Al-Afghāni est Safdar, prénom iranien chiite signifiant « le héros qui brise les rangs adverses ».
  • Al-Afghāni s’intéressait à l’Iran et à ses problèmes, plus qu’il ne le fit pour n’importe quel autre pays musulman.
  • Jamāl Al-Dīn parlait couramment le persan.
  • Jamāl Al-Dīn glorifiait les Iraniens et les félicitait pour leur intelligence.

Tous ces indices ne constituent cependant pas des arguments décisifs ou des preuves irréfutables. Ils sont en effet invalidés par la vie et les écrits de Al-Afghāni qui démontrent qu’il était un Afghan sunnite.

Par exemple dans son livre Tatimmat Al-Bayân fî Târîkh Al-Afghan (« Exposé complet de l’Histoire des Afghans »), il critique les chiites pour s’être éloignés de certains piliers de la religion au profit de phénomènes étrangers à celle-ci et de coutumes innovées. Il écrit :

« L’ensemble des Afghans sont d’obédience hanafite. Hommes ou femmes, citadins ou bédouins, ils ne badinent pas avec la prière et le jeûne, à l’exception de la secte de Nûrî, qui sont des Shî`ites extrémistes. Ces derniers se préoccupent en effet davantage de la commémoration du meurtre d’Al-Husayn - que Dieu l’agrée - dans les dix premiers jours du mois de Muharram, se flagellant alors le dos et les épaules dénudés avec des chaînes. »

Un certain nombre de spécialistes et d’intellectuels se sont dressés face à cette prétention, avec à leur tête le Docteur Muhammad Imārah. Celui-ci estime que le mérite de Jamāl Al-Dīn n’est en rien affecté, qu’il soit Afghan ou Iranien, chiite ou sunnite.

[modifier] Jamal Al-Din et la franc-maçonnerie

Jamal Al-Din s’engage dans les loges de la franc-maçonnerie, afin de pouvoir se consacrer à des activités politiques. En 1878, il est élu Président de l’ordre de l’Eastern Star, mais démissionne très rapidement. Al-Afghani consigne alors cette expérience dans un discours dans lequel il condamne la franc-maçonnerie, qui se dissimule derrière des slogans pompeux et des objectifs grandioses, sans mener la moindre action, se contentant de pieuses paroles.

[modifier] A-t-il été empoisonné ?

Après une rude vie pleine de difficultés, Al-Afghāni meurt à Istanbul à l’âge de soixante ans. Tout comme sa vie avait suscité les polémiques et les passions, sa mort entraîne également de longues polémiques. Tandis que certains ont des doutes sur les causes de sa mort, d’autres pensent qu’il a été empoisonné.

Bien que le cheikh Abd Ar-Rashid Ibrahim, qui se rend au chevet de Jamāl Al-Dīn deux heures avant sa mort, ait assuré qu’il était malade et qu’il est mort de mort naturelle ; le neveu d’Al-Afghāni, Mirza Lutf Allah Khan, prétend que son oncle a été empoisonné. Il accuse même le gouvernement iranien d’être l’auteur du meurtre, disant que le gouvernement iranien a envoyé Nasir Al-Mulk à Istanbul pour assassiner Jamāl Al-Dīn, après que l’Empire ottoman a refusé de le remettre aux autorités iraniennes. Al-Afghāni meurt le 10 mars 1897.

[modifier] Bibliographie

  1. From Reform to Revolution, Louay Safi, Intellectual Discourse 1995, Vol. 3, No. 1 LINK
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  3. From Reform to Revolution, Louay Safi, Intellectual Discourse 1995, Vol. 3, No. 1 LINK
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  5. Erreur de citation Aucun texte indiqué. ; $2 ; consulter la .
  6. Edward Mortimer, Faith and Power, Vintage, (1982)p.110
  7. Edward Mortimer, Faith and Power, Vintage, (1982)p.110

[modifier] Liens internes