Hernando de Soto (économiste)

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Hernando de Soto est un économiste péruvien né en 1941 à Arequipa. Ses travaux portent sur le rôle de l'accès à la propriété dans l'émancipation et l'enrichissement des populations défavorisées ainsi que sur l'importance de l'économie souterraine dans les pays en développement. Il expose dans ses ouvrages sa thèse selon laquelle les habitants des pays du Sud sont riches mais riches d'un « capital mort », qu'ils ne peuvent mobiliser faute d'un système de droits de propriété efficace.

Sommaire

[modifier] Biographie

Né d'un père diplomate, il émigre en 1948 à l'âge de 7 ans en Suisse. Il y suit des études supérieures à l'Institut de hautes études internationales (IUHEI) de Genève avant de devenir économiste. Il a entre autres travaillé au GATT, à la Swiss Bank Corporation Consultant Group et été gouverneur de la banque centrale du Pérou. Il est retourné dans son pays natal en 1980.

Il a fondé à Lima en 1980 l'Institut pour la liberté et la démocratie (ILD) dont le but est de promouvoir les réformes politiques permettant aux pays pauvres de se développer. Trente pays l'ont invité à mettre en place les plans de l'ILD sur leur territoire. Il a conseillé de nombreux dirigeants d'Amérique latine ou du tiers monde, en particulier l'ancien président péruvien Alberto Fujimori.

[modifier] Travaux

Hernando de Soto a publié deux ouvrages majeurs, traduits dans plus de 20 langues: Le premier paru en 1986 dans sa version espagnole: L'Autre Sentier, en référence aux terroristes du Sentier lumineux au Pérou qui avaient essayé de l'assassiner. En 2000, il publie Le Mystère du capital : Pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs.

Pour De Soto, rappelant que « les pays pauvres ont besoin des solutions que les pays développés ont adoptées au XIXe siècle, pas au XXIe siècle. », une condition primordiale de fonctionnement du capitalisme est la protection du droit de propriété par l'État. Dans ce livre, il explique que l'arsenal législatif progressivement mis en place en Occident a permis une émancipation de l'individu par rapport à la communauté, la garantie de la propriété, la généralisation et la standardisation des titres de propriété. Cette dernière permet également une baisse du coût de transaction : « dans les pays en voie de développement et les ex-pays communistes, les gens conduisent leurs cochons au marché pour les vendre un à un, comme il le font depuis des milliers d'années, alors qu'en Occident, des courtiers apportent au marché des représentations de leurs droits sur les cochons. »[1]

Une plus grande confiance dans les relations entre acteurs économiques est créée par cette garantie étatique qui fluidifie le marché, augmentant ainsi son efficience. La création d'un système complexe de mutualisation du risque (assurances et sociétés anonymes) et l’accès plus facile au crédit, sont autant de raisons qui expliquent - et conditionnent - l’avantage comparatif dont bénéficie une économie de marché disposant de droits de propriété clairement garantis.

Il explique les difficultés et les succès des pays par l'existence ou non de ce système de droits de propriété. Pour expliquer le développement des États-Unis et du Japon, il avance l'existence d'un système clair de droits de propriété progressivement mis en place pendant la période de la Frontier aux États-Unis (jusque 1890) ou dans le Japon féodal d'avant la Première Guerre mondiale. À l'inverse la non-existence de la propriété individuelle clairement définie contraint l'agriculteur des pays sous-développés à rester dans une culture d'autoconsommation.

Comme l'a rappelé Thomas Sowell dans une conférence[2], De Soto a calculé que le montant des biens immobiliers sans propriétaire officiel était de 20 fois supérieur à l’investissement direct à l'étranger vers le Sud.

Il met également en doute la capacité des États du Sud à garantir ce système de droits de propriété, en prenant les exemples d'Haïti ou de l'Égypte. Créer une entreprise à Haïti nécessite ainsi de s'adresser à 65 interlocuteurs administratifs différents et prend en moyenne 2 ans, selon De Soto. Ceci représente un coût énorme pour l'entrepreneur qui pourra préférer commercer dans l'illégalité (et risquer de perdre ses acquis) plutôt que de suivre une voie légale quasi-impossible.

[modifier] Actions

Grâce à son action, l'ILD a initié la réforme agraire au Pérou qui a permis l'accession à la propriété d'1,2 millions de familles et a intégré 380 000 entreprises qui opéraient sur le marché noir à l'économie officielle. La politologue Susan C. Stokes a également établi qu'il était à l'origine du changement de politique économique d'Alberto Fujimori, d'une politique keynésienne à une politique néo-libérale. Pour le Cato Institute la réforme agraire dont il est à l'origine a affaibli la guérilla du Sentier lumineux en affranchissant les paysans de la dépendance envers les terroristes. Ce qui expliquerait pourquoi les marxistes du Sentier Lumineux l'ont menacé de mort.

[modifier] Critiques

La journaliste Madeleine Bunting l'a accusé d'encourager des solutions fatalistes tandis que le journaliste John Gravois a critiqué sa proximité avec les milieux du pouvoir, en particulier sa participation au Forum de Davos. De Soto a répondu en expliquant qu'ainsi il sensibilisait les puissants à la situation des pauvres. Robert J. Samuelson lui a reproché d'approcher les problèmes du tiers monde d'un point de vue trop singulier en négligeant le culturel. Alan Gilbert trouve que donner des titres de propriété aux pauvres comme à Bogota n'a eu qu'un effet à la marge sur l'accès au crédit des plus pauvres.

[modifier] Récompenses

Hernando de Soto a reçu de nombreuses récompenses, parmi lesquelles le Freedom Prize (Suisse), le prix Fisher (Grande Bretagne) l’Adam Smith Award de l’Association of Private Enterprise Education (USA 2002), le Donney Fellow de l'université de Yale et le prix Milton Friedman pour le progrès des libertés[3].

Il est reconnu et estimé, en particulier de Bill Clinton qui a dit de lui qu'il était le « plus grand économiste vivant », de Ronald Reagan ou de Kofi Annan. Time Magazine l'a désigné comme l'une des cinq plus grands innovateurs sudaméricains du XXe siècle.

[modifier] Bibliographie

  • Hernando de Soto (trad. Michel Le Séac'h), Le Mystère du capital : Pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs (The Mystery of Capital), Flammarion, 2005 (ISBN 2082105040)
  • L'autre sentier, 1994, La découverte

[modifier] Notes et références

  1. Le Mystère du capital, Flammarion, coll. Champs, 2005, p. 78
  2. Jewish world review
  3. Hernando De Soto sur le Cato Institute

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes