Henri Roques

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Henri Roques (pseudonyme : Henri Jalin), né à Lyon le 10 novembre 1920, est un ingénieur agronome français retraité. Ancien secrétaire général de la Phalange française – un groupuscule néonazi formé durant les années 1950 – et auteur négationniste, il soutient en 1985 une thèse (finalement annulée) qui a donné lieu à un scandale au sein de l'Université française.

Sommaire

[modifier] Biographie

Henri Roques a été au cours des années 1950 un militant actif d’extrême droite, participant à plusieurs groupuscules fascistes[1], notamment à la Phalange française, « groupe néo-nazi[2] ». Il est devenu par la suite proche du Front national[3].

Henri Roques a été un proche de Paul Rassinier et de Robert Faurisson. Il est surtout connu comme auteur négationniste et en particulier pour la polémique que la soutenance de sa thèse de doctorat en Lettres a suscitée. Après l'annulation de celle-ci, il a publié deux ouvrages sous le pseudonyme d'André Chelain, en reprenant les arguments de sa thèse.

[modifier] La thèse de Nantes et son annulation

À Nantes, en 1985, il soutient en Lettres une thèse négationniste intitulée Les confessions de Kurt Gerstein. Étude comparative des différentes versions, devant un jury dont le président était Jean-Paul Allard (professeur de langue et littérature germanique à Lyon III et directeur des Études indo-européennes) et composé notamment de Pierre Zind, professeur associé au département de sciences de l'éducation de Lyon II et contributeur à la revue néonazie Nouvelle Voix. Dans un premier temps, sa thèse est acceptée avec la mention « très bien », mais un scandale éclate autour de cette reconnaissance universitaire des idées négationnistes qu'elle contient.

Le rapport de la Commission sur le racisme et le négationnisme à l’université Jean-Moulin Lyon III au Ministre de l’Éducation nationale établi par Henry Rousso en septembre 2004[4] met en évidences les fautes commises sur le plan administratif, fautes qui ont conduit à ne pas décerner à Roques le titre de Docteur, mais aussi les graves manquements à la déontologie universitaire et aux règles scientifiques.

À la demande d'Alain Devaquet, ministre délégué auprès du ministre de l’Éducation nationale chargé de la Recherche et de l’Enseignement, le recteur de l’Académie de Nantes, Jean-Claude Dischamps, qui n’était pas en fonction au moment des faits, diligente une enquête administrative dont les conclusions sont rendues le 30 juin 1986. Les résultats de cette enquête conduisent le président de l’université de Nantes, à annuler, le 3 juillet suivant, la soutenance et l’attestation du titre de docteur délivrée à Henri Roques.

Dans son rapport, le recteur Dischamps a en effet constaté que le procès-verbal contient plusieurs erreurs et trois faux (mention de la présence d’un membre du jury en réalité absent, fausse signature de ce même membre[5] et falsification de la date et du lieu de rédaction du procès-verbal).

Dischamps relève en outre des irrégularités dans le transfert du dossier de l’université de Paris IV, où la thèse avait été initialement déposée sans qu’un membre du corps académique n’accepte d’en proposer la soutenance et le fait que Roques ne disposait pas des titres requis. Enfin il souligne que contrairement aux règles de base de toute thèse de doctorat, le directeur de thèse n’a aucunement dirigé celle-ci mais a uniquement organisé sa soutenance dans des délais particulièrement courts.

Henri Rousso met d’emblée en évidence le caractère ouvertement révisionniste de la thèse de Roques qui ne pouvait être ignoré des membres du jury compte tenu de la déclaration de celui-ci lors de sa soutenance : « Mon premier but est très simple : servir la vérité. J’ai voulu offrir aux historiens des textes intégraux auxquels ils puissent accorder leur confiance. J’ai voulu leur éviter de tomber dans les erreurs de leurs prédécesseurs. Mon second but : contribuer quelque peu à ce que l’école révisionniste, qui se consacre à mettre l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en accord avec les faits, se voit reconnaître un droit de cité dans l’Université[6] ».

Il souligne également le militantisme à l’extrême droite de l’impétrant et de tous les membres du jury, ces derniers n’étant en outre pas des spécialistes du sujet (les trois membres à voix délibérative sont respectivement spécialiste de l’allemand médiéval, de grammaire provençale, ou enseignant l’histoire de l’éducation).

Pour Rousso, « outre [la] responsabilité partagée [des membres du jury] dans les irrégularités de procédure, la responsabilité morale de tous les membres présents du jury a été très largement engagée. Le ton de la soutenance, goguenard et complaisant, les connivences idéologiques donnent une singulière image de ce que doit être une manifestation de ce type ». Il conclut le chapitre de son rapport consacré à Roques comme suit : « La thèse de Nantes, dans ses intentions déclarées, dans son contenu, dans les conditions dans lesquelles elle a été préparée et soutenue, dans l’attitude et les positions défendues par l’impétrant et les membres du jury présents, constitue sans le moindre doute un manquement grave à l’éthique universitaire, dont l’effet a rejailli sur l’ensemble de l’Université française ».

Le recours de Roques contre cette annulation fut rejeté le 18 janvier 1988 par le tribunal administratif de Nantes puis le 10 février 1992 par le Conseil d'État[7]. La thèse a cependant été diffusée par la « librairie néo-nazie[8] » Ogmios.

À ce sujet, Pierre Bridonneau écrivait :

« En 1986, l'affaire Roques, à l'université de Nantes où j'enseignais encore deux ans plus tôt, me mobilisa. L'étude de sa thèse et des ouvrages de sa bibliographie me prouva que, sous couvert d'un travail (pseudo-)scientifique, Roques non seulement remettait en cause le génocide juif, mais tentait de réhabiliter le nazisme avec la complicité d'un jury d'enseignants favorables à ses thèses. Ma situation d'ancien déporté me permit de mettre au jour quelques grosses ficelles révisionnistes. En février 1987, je témoignai pour le journal Libération lors du procès en diffamation que Roques lui avait intenté. Après quelques années de tergiversations, dans la crainte de faire indirectement de la publicité aux révisionnistes, baptisés depuis négationnistes, je me décidai enfin à écrire ce livre pour les démasquer, incité à cela par le travail de taupe qu'ils poursuivaient[9]. »

Valérie Igounet rappelle que « les historiens soulignent le manque de méthodologie d’Henri Roques qui ne se plie pas aux exigences fondamentales de la méthode historique[10] ».

L'analyse de Pierre Vidal-Naquet est également éclairante : « l'intention de l'auteur de la thèse, un ingénieur agronome retraité, militant de l'extrême droite, disciple de Faurisson plus que des professeurs qui ont dirigé et jugé sa thèse, a été exposée par lui avec une parfaite clarté, le jour de la soutenance : « Céline, notre grand Louis-Ferdinand Céline, a trouvé un magnifique adjectif pour qualifier les chambres à gaz [...] Il a parlé des "magiques chambres à gaz". En effet pour pénétrer dans le monde des chambres à gaz, il fallait un maître magicien et Gerstein fit parfaitement l'affaire. [...] J'ai considéré et étudié le document Gerstein dans six versions comme n'importe quel autre document auquel on prétend donner une valeur historique » ». Vidal-Naquet poursuit : « Or c'est précisément ce qu'Henri Roques ne fait pas. [...] il ne pose pas la vraie, la seule question : y a-t-il, oui ou non, des témoignages et des documents qui attestent que Kurt Gerstein a effectivement assisté à un gazage à Belzec ? Or ces témoignages, directs ou indirects, existent et sont parfaitement probants[11]. ».

[modifier] Revue d'histoire révisionniste

Henri Roques a été directeur de la publication de la Revue d'Histoire révisionniste de 1990 à 1992. Il s'agissait d'une revue négationniste lancée en mai 1990, deux mois avant la promulgation de la loi Gayssot, dont l'application a entraîné sa fin après le nº6 (mai 1992). Elle faisait suite aux Annales d'histoire révisionniste édités par La Vieille Taupe.

Tout d'abord trimestrielle, de mai 1990 (nº1) à mai 1991 (nº4), elle passe pour ses deux derniers numéros à la périodicité semestrielle (novembre 1991 et mai 1992). Seul le nº1 a été distribué par les Nouvelles messageries de la presse parisienne (nº M 2565). Elle ne fut plus ensuite disponible que par abonnement, le ministre de l'Intérieur Pierre Joxe ayant pris le 2 juillet 1990 un arrêté « portant interdiction de vente d'une revue aux mineurs, d'exposition et de toute publicité[12],[13] ».

[modifier] Source

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Éditions du Seuil, 2000, p. 140-142.
  2. « Quand le négationnisme s'invite à l'université », chapitre 9 : « L'affaire du jury Henri Roques ».
  3. « Henri Roques, aujourd'hui proche du FN, est un vieux routier de l'extrême droite française », selon Pratique de l’histoire et dévoiements négationnistes.
  4. Voir chapitre 4, p. 99-111. Texte intégral.
  5. Valérie Igounet, op. cit., p. 414.
  6. La thèse de Nantes et l'affaire Roques, Éditions Polémiques, 1989, p.42. Exposé oral de soutenance.
  7. CE 4 / 1 SSR, 10 février 1992, Roques, N° 96124
  8. Valérie Igounet, op. cit., p. 415.
  9. Pierre Bridonneau, « Oui, il faut parler des négationnistes », en ligne sur anti-rev.org
  10. Valérie Igounet, op. cit., p. 435.
  11. Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire. Un Eichmann de papier et autres essais sur le révisionnisme, Paris, La Découverte, coll. Essais, 1987, p. 153-154.
  12. Arrêté du ministre de l'intérieur du 2 juillet 1990 portant interdiction de vente d'une revue aux mineurs, d'exposition et de toute publicité pris sur le fondement de l'article 14 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 modifiée sur les publications destinées à la jeunesse
  13. CE 2 / 6 SSR, 29 juillet 1994, Roques, N° 118857 : rejet du recours de Roques contre l'arrêté du ministre de l'intérieur du 2 juillet 1990, interdisant la vente aux mineurs, l'exposition et toute publicité de la Revue d'histoire révisionniste.