Hôtel de Hilbert

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

L'hôtel de Hilbert, dit aussi hôtel infini, est un paradoxe mathématique énoncé par le mathématicien allemand David Hilbert dans les années 1920 et visant à montrer qu'on ne raisonne pas avec l'infini (noté \,\!\infty), comme on le fait avec les nombres entiers.

[modifier] Description

Supposons qu'un hôtelier fictif possède un hôtel fictif ayant un nombre infini de chambres toutes occupées. Malgré cela, l'hôtelier peut toujours accueillir un nouveau client. Les chambres sont numérotées par des nombres entiers (en fait le nombre de chambre est infini dénombrable).

En effet, il suffit que l'occupant de la première chambre s'installe dans la seconde, que celui de la seconde s'installe dans la troisième, et ainsi de suite. Ce raisonnement induit une bijection entre l'ensemble des entiers naturels \mathbb{N} et ce même ensemble privé de 1 (\mathbb{N}\,\backslash\,\{1\}). On peut l'illustrer par l'égalité suivante:

\ 1+\infty = \infty

Ce paradoxe peut être modifié pour montrer que l'hôtelier peut accueillir une infinité dénombrable de nouveaux clients. Pour ce faire il faut que le client occupant la chambre n°2 prenne la chambre n°4, l'occupant de la n°3 la n°6, celui de la n°4 la n°8, et ainsi de suite. Chacun occupe la chambre au numéro double de celui de sa chambre actuelle, de telle sorte que toutes les chambres à numéro impair deviennent libres. Et puisqu'il existe une infinité de nombres impairs, l'infinité de nouveaux clients pourra occuper les chambres correspondantes. Une bijection est cette fois-ci effectuée entre l'ensemble des entiers naturels et leurs doubles : f : \mathbb{N} \rightarrow \mathbb{N}, n \mapsto 2 n.

[modifier] Infini et ordinaux

On notera que dans la formule ci-dessus, nous n'avons pas écrit :

\ \infty + 1 = \infty

car dans les ordinaux, l'addition n'est pas commutative et l'on a effectivement pour tout ordinal \ \alpha :

\ \alpha + 1 \not= \alpha.

En revanche, pour les ordinaux infinis et seulement pour eux, on a :

\ 1+\alpha = \alpha.

[modifier] L'hôtel «continu» et le car «tordu»

Une nouvelle situation, toujours plus complexe, est envisageable : un car bien particulier arrive, il contient lui aussi une infinité de passagers, mais a une disposition intrigante. Si on numérote 1 la place la plus au fond du car, et 0 celle tout devant, à chaque nombre réel dans l'intervalle [0, 1] est associé une place dans le car. En d'autres termes, ce car est « tordu sur lui-même », car entre deux places il existe toujours une place. Et toute suite infinie de places, de plus en plus proches, converge vers une place du car. L'hôtel infini peut-il toujours loger les passagers ?

On a vu que considérer un hôtel vide ou plein est similaire, on peut toujours réorganiser l'hôtel en mettant tout les clients dans les chambres paires, de sorte que les chambres impaires soient libérées. On suppose que les nouveaux arrivants, passagers du car, sont accueillis de telle sorte que la chambre numéro n soit occupée par le passager du car, qui occupait la place r_n\in [0,1]. Or r_n = 0, a_n^1, ..., a_n^m, ... en effectuant le développement décimal de ce réel.

Peut-on faire entrer tout le monde ? En d'autres termes est-ce que tout réel de [0, 1] est un de ces rn ? Considérons le passager assis à la place r = 0,b1,...,bm,... avec \forall i, b_i \neq a_i^i. On remarque que \forall n, r \neq r_n, puisque ces deux nombres diffèrent sur la n-ième décimale, il n'a pu avoir de place dans l'hôtel, et reste donc devant la porte. Pour plus de détails, voir argument de la diagonale de Cantor

Alors comment construire un hôtel hébergeant tous les passagers ? La solution consiste, non plus à numéroter les chambres par des entiers, mais par des ensembles, finis ou non, d'entiers.

Une autre question peut être soulevée : entre l'hôtel de départ, et celui qu'on vient de constuire, y a-t-il un hôtel permettant de contenir un nombre différent de personnes ? C'est l'hypothèse du continu.