Gérard Lebovici

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Gérard Lebovici (né le 25 août 1932 à Neuilly, mort le 5 mars 1984) fut un producteur, impresario et éditeur français.

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[modifier] Premiers pas dans le cinéma

Descendant d’une famille de juifs roumains, Gérard Lebovici s'apprête à se lancer dans une carrière d'acteur de théatre à l'âge de vingt ans, quand son père meurt, quelques années seulement après sa mère, déportée en camp de concentration. Obligé de s'assurer de quoi vivre, il reprend la petite affaire de poils et de brosse de son père. Mais la passion pour le show business le rattrape et en 1960, il fonde sa première agence avec Michèle Meritz et défend les intérêts de Jean-Pierre Cassel. Très vite, au cours des années soixante, Gérard Lebovici va connaître une réussite fulgurante dans le milieu du cinéma grâce à son sens inné des affaires, son flair et sa capacité à anticiper et innover. Il produira par la suite les films d'Alain Resnais, François Truffaut, Eric Rohmer ainsi que des films plus commerciaux.

En 1965, il reprend l'agence d'André Bernheim puis absorbe l'agence Cimura qui a sous contrat Jean-Paul Belmondo. Petit à petit, « Lebo », comme on l'appelle alors, crée un empire dans le milieu du cinéma qui aboutira en 1970, à la création d'Artmédia, première agence d'Europe ayant sous contrat une ribambelle de scénaristes, réalisateurs et acteurs de grand renom, ainsi que la société de production AAA (Acteurs Auteurs Associés), dix ans plus tard.

Pour faire perdurer et grandir ses activités, il s'entoure de collaborateurs comme Bertrand de Labbey, Jean-Louis Livi et Serge Rousseau, qui découvrira une nouvelle génération d'acteurs au début des années 70 (Patrick Dewaere, Coluche, Miou-Miou, Jacques Villeret, etc.).

[modifier] Les éditions Champ libre

Parallèlement à son métier de producteur, Lebovici va acquérir une réputation sulfureuse à travers son activité d'éditeur. Peu politisé dans sa jeunesse, il est alors proche de gens de gauche bon teint, « mendésiste » comme Georges Kiejman. La rencontre avec une Italienne engagée à gauche du nom de Floriana Valentin ainsi que les évènements de mai 1968 vont contribuer à sa prise de conscience politique. Alors que ses amis de gauche sont hostiles envers ce mouvement, Lebovici, fasciné, semble entrevoir la naissance d'une véritable révolution. C'est lors de ces évènements qu'il lance à son ami Gérard Guégan l'idée d'une maison d'édition atypique dont il veut qu'elle soit le « Gallimard de la révolution » et qui naîtra un an plus tard sous le nom de Champ libre. En 1971, Lebovici va faire une rencontre déterminante en la personne de Guy Debord, qui, via Jean-Pierre Voyer, lui demande de republier son livre, La société du spectacle. Entre les deux hommes, le courant passe rapidement. Lebovici perçoit en Debord un penseur original qui le différencie de la vulgate en vigueur. Et Debord va contribuer à aiguiser les opinions politiques de Lebovici et à le radicaliser encore plus.

En 1974, Lebovici se sépare des premiers collaborateurs de Champ Libre et donne davantage de poids à Debord, qui s'investit dans la sélection de certains titres sans pour autant participer de très près à l'activité quotidienne de la maison d'édition.

Debord, en ces années 70, acquiert une réputation terrible dans le petit milieu intellectuel et certains voient en Champ Libre le lieu que celui-ci a choisi pour poursuivre l'œuvre des situationnistes. En effet, parallèlement à sa maison d'édition, Lebovici finance trois films de Debord dont La société du spectacle en 1973.

[modifier] Le cinéma, encore

Dix ans plus tard, Lebovici achète le studio Cujas pour n'y faire projeter que les films de Debord, souvent devant une rangée de fauteuils vides. Cette amitié sans limites entre deux hommes qu'apparemment tout oppose à part leur âge respectif fait des jaloux même parmi les proches de Lebovici. Kiejman et Jorge Semprun en feront les frais tandis que son ami François Truffaut traitera Debord de « nouveau Tartuffe ». La publication des échanges épistolaires de Champ Libre en 1978 et en 1981 où, pour des motifs parfois futiles, on s'envoie allègrement des lettres d'insulte à la manière des surréalistes, provoque un scandale.

Plus encore que son goût pour les milieux politiques d'ultra-gauche, Lebovici éprouve une fascination extrême pour les bandits d'honneur. Quelques jours avant sa mort, il dîne avec son ami Jean-Paul Belmondo pour lui annoncer la republication de l'autobiographie de l'« ennemi public n° 1 » Jacques Mesrine, assassiné en 1979, L'instinct de mort. Parallèlement, il prend sous sa coupe sa fille, Sabrina Mesrine, et lui offre sa protection.

Au début des années 80, Gérard Lebovici prévoit de se retirer du monde du cinéma, dont il pense avoir fait le tour, et veut s'impliquer davantage dans l'édition. Les circonstances l'en empêcheront : le 5 mars 1984, il est assassiné de quatre balles dans la nuque dans un sous-sol du parking de l'avenue Foch. Le ou les assassins n'ont jamais été identifiés. Gérard Lebovici est enterré au cimetière du Montparnasse (25e division).

À la suite de ce drame, la presse, toutes tendances confondues, se complaît pendant plusieurs semaines à broder de multiples fictions et allégations sans fondements autour de la vie mystérieuse de la victime. Floriana Lebovici reprend alors les activités éditoriales de son défunt mari et rebaptise les éditions Champ Libre en Éditions Gérard Lebovici. Elle meurt d'un cancer en février 1990.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Champ libre, Correspondance (1978 & 1981 ; Ivrea).
  • Gérard Lebovici, Tout sur le personnage (Gérard Lebovici, 1984 ; Ivrea).
  • Guy Debord, Considérations sur l’assassinat de Gérard Lebovici, 1985 (Gallimard, 1993).
  • Gérard Guégan, Cité champagne, esc I, Appt 289, 95- Argenteuil (Champ Libre 1 : 1968-1971) (Grasset, 2006).
  • Gérard Guégan, Montagne Sainte-Geneviève, côté cour (Champ Libre 2 : 1972-1974) (Grasset, 2008).
  • Jean-Luc Douin, Les jours obscurs de Gérard Lebovici (Stock, 2004).
  • Christophe Bourseiller, Vie et mort de Guy Debord (Plon, 1999).

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