Freins au développement

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Le but de cet article est de lister et d'expliciter des hypothèses sur le pourquoi du maldéveloppement, ou du sous-développement, des pays dits « en développement ». Ce problème étant très complexe et polémique, les hypothèses énoncées peuvent être contradictoires.

Sommaire

[modifier] L'héritage du colonialisme

La répartition géographique des pays développés et en développement coïncide en grande partie avec le découpage :

Partant de cette constatation, certains analystes attribuent une grande partie du maldéveloppement à cette colonisation post-révolution industrielle.

Le pivot du développement a été l'invention de la machine à vapeur à la fin du XVIIIe siècle. Auparavant, le transport des matières premières était très onéreux, il était plus intéressant de créer un atelier de fabrication proche du lieu de production des matières premières. C'est ainsi que les colonisation précédentes (annexion du royaume du Nam Viêt à l'Empire chinois au IIe siècle av. J.-C., colonisation de la Gaule par Jules César en 52 av. J.-C., colonisation d'une partie de l'Espagne par les Maures entre le VIIIe et le XVe siècle, colonisation de l'Amérique du Sud par les Conquistadors au XVe siècle puis de l'Amérique du Nord par les émigrants européens au XVIIe siècle...) ne se sont pas accompagnées d'un creusement entre les pays colonisés et colonisateurs, mais plutôt d'un échange technique et culturel, d'une « mise à niveau ».

L'invention de la machine à vapeur a eu un effet double : il a permis de faire baisser le coût du transport, et il a augmenté le coût de construction et logistique d'un atelier, le point critique n'étant plus l'approvisionnement en matière première du produit fini, mais l'approvisionnement en charbon. Il est donc devenu plus intéressant pour les pays colonisateurs d'importer des matières premières en métropole pour créer des ateliers, puis des usines, proches du lieu d'extraction du charbon et du lieu de vente du produit fini (marché intérieur), profitant d'une main d'œuvre colonisée ( parfois esclavejusqu'au XIXe siècle) et métropolitaine (classe ouvrière émergente issue de la paysannerie) à très bas coût. À partir de ce moment, il n'y a plus eu diffusion de la technologie vers le pays colonisé, mais développement du marché intérieur du pays colonisateur.

[modifier] Une orientation industrielle et agricole inadaptée

À partir de la révolution industrielle, la transformation de la matière s'est donc développée dans le pays colonisateur (pour son marché intérieur), tandis que la production des pays colonisés a été orientée essentiellement vers le secteur primaire (production de matières premières). Or, l'exportation de matières premières, si elle est une source de revenus pour le pays, peut contribuer paradoxalement à son appauvrissement (cf. infra).

Durant la colonisation, certains pays sont passés d'une agriculture traditionnelle (centrée sur l'auto-suffisance alimentaire) à des cultures de rente, comme le coton, le café, le cacao ou l'arachide. D'une part cela a mis en danger la sécurité alimentaire des pays colonisés, et d'autre part ces productions agricoles sont destinées à être vendues sur le marché mondial, sans sécurité de revenus en raison de la fluctuation des cours mondiaux (cf. infra).

[modifier] Un déficit démocratique

La colonisation étant un régime autoritaire (même si le pays colonisateur était une démocratie pour ses citoyens), elle n'a pas favorisé l'émergence de démocratie. D'une part le régime colonial n'a pas inculqué de valeurs démocratiques à ses habitants, et d'autre part il n'a que rarement favorisé l'éducation et l'apparition d'une élite intellectuelle capable de diriger. Dans certains cas, il a même joué sur les dissensions inter-ethniques ou inter-religieuses pour asseoir son pouvoir (« diviser pour régner », par exemple dans le cas de la colonisation de l'Inde par l'Angleterre qui a mené à la séparation de l'Inde et du Pakistan après la décolonisation).

Lorsque la décolonisation s'est faite par une guerre, le pouvoir a été pris par les rebelles qui ont installé un système à leur faveur, une dictature plus ou moins déguisée (cas par exemple du FLN en Algérie ou du F.L.N. au Viêt Nam). Lorsqu'elle s'est faite par accord, les pays ont été découpés sans tenir compte des ethnies ni des traditions, donnant des pays aux frontières rectilignes sans unité culturelle, et aux ressources réparties aléatoirement.

Or, un régime démocratique est un des points critiques du développement humain. Notons que l'on peut avoir un développement économique avec une dictature (voir par exemple l'Union soviétique , ou la Chine après 1949, la Corée du Sud de 1950 à la fin des années 80 mais

  • la démocratie est un système permettant de sanctionner les erreurs de ses dirigeants ; a contrario, une dictature peut s'enferrer dans un dogmatisme sans rapport avec la réalité (voir par exemple la courte durée de la nouvelle politique économique en URSS) ;
  • le développement humain ne se résume pas à la production industrielle et à la rentabilité financière.

[modifier] Une explosion démographique

Dans les pays colonisés, l'amélioration des conditions de santé (notamment les vaccinations) est arrivée brutalement. Pendant une à deux générations les familles font donc toujours autant d'enfants, mais le taux de mortalité baissant, cela provoque une croissance démographique rapide qui, si elle se prolonge longtemps, peut contribuer à freiner le développement(cf. infra).

[modifier] Le néocolonialisme

Les anciens pays colonisateurs ont en général gardé des liens étroits avec les anciennes colonies. Celles-ci ayant souvent d'importantes ressources minières et pétrolières, les pays développés ont tout intérêt à avoir un accès privilégié pour diminuer leur dépendance vis-à-vis d'autres fournisseurs jugés moins fiables. Par ailleurs, chaque pays ayant une voix à l'ONU, il est également intéressant d'avoir la faveur de gouvernements étrangers.

Ces considérations ont poussé certains gouvernements de pays développés à aider, financièrement et militairement, des dictatures. L'aide au développement des États est également souvent davantage répartie selon des critères politiques que selon des considérations humaines (cf. infra). À ceci s'ajoute la situation de la Guerre froide, avec la constitution de « glacis stratégiques », la création de bases militaires et des coups d'État soutenus par les deux grands blocs.

On qualifie cette situation de « néocolonialisme ». Dans le cas de la France, on parle du « pré carré », ou de la « Françafrique ».

[modifier] Critiques de ce modèle

La diversité géographique et historique des pays et sous-continents en développement est très grande, ce qui a influé sur le mode de colonisation ou de dépendance puis sur la période de développement.

Ce modèle est un modèle « initial », il considère les conditions initiales lors de la décolonisation (dans les années 1950-60), mais pas les événements ultérieurs. Par ailleurs, la colonisation a aussi mis en valeur des ressources inexploitées (minières, agricoles), même si elle a introduit un système d'échange déficitaire.

Il existe pour chaque point des contre-exemples. Par exemple

  • absence ou faiblesse de formation d'une élite intellectuelle : dans les pays ou une élite intellectuelle existait déjà, le colonisateur a en général conservé cette élite ; par exemple :
    • lorsque la France a colonisé l'Indochine, il existait déjà une élite intellectuelle gouvernante héritée du système mandarinal confucéen ; la France a maintenu cette élite et a même envoyé ses membres se former en métropole (cela permettait de couper cette élite du peuple et d'éviter jusqu'aux années 20 la structuration d'une résistance intellectuelle) ;
    • l'Angleterre a également continué à former les personnes issues des hautes castes indiennes ;
  • absence d'autosuffisance alimentaire due à des cultures de rente : le Cameroun, qui possède son autosuffisance alimentaire, est bien en déclin économique depuis environ dix ans ;
  • l'exode rural dû à un appauvrissement des paysans en raison de la culture orientée vers les produits de rente : dans certains pays, on assiste à un exode rural similaire mais provoqué par la désertification, comme en Mauritanie où la population afflue vers Nouakchott non pour y trouver du travail (80% de chômage).

[modifier] Les théories antiéconomiques

Les théories antiéconomiques, par exemple celles de la décroissance soutenable, généralement originaires des pays développés, visent à freiner le développement. Cela contribue au climat d'hostilité envers certains pays émergents. D'ores et déjà certains sont accusés de désorganiser la demande sur le marché des ressources naturelles, l'utilisation de celles-ci et le contrôle de ces marchés étant jusqu'ici largement réservés aux pays développés. Par ailleurs les pays développés acceptent mal, vu la hausse des prix de ces matières produites le plus souvent par des pays en développement, le fait que la dégradation des termes de l'échange se soit inversée en faveur des pays qualifiés par l'expression de « Sud ».

[modifier] Les institutions internationales

Les institutions financières issues de la conférence de Bretton Woods, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, font des prêts aux États, mais exigent en échange des restructurations qui sont très favorables au néo-libéralisme depuis 1980, mais souvent inadaptées aux réalités sociales du pays et qui ont fréquemment débouché sur un échec Cf. infra

Le GATT, puis l'OMC, imposent une ouverture des marchés intérieurs et l'arrêt de subventions, alors que des pays ayant un fort poids économique, comme la France ou les États-Unis, conservent des mesures protectionnistes, ce qui accroît encore les inégalités.

[modifier] Les ONG du Nord

L'analyse de l'intervention des ONG du Nord dans l'aide au développement est objectivement ambivalente :

Les ONG participent à la lutte contre les freins au développement :

  • en développant l'économie locale
  • en participant à la formation des acteurs locaux
  • en constituant une alternative à l'insuffisance étatique

Mais les ONG alimentent des freins au développement :

  • en détournant l'aide des Etats du Nord aux dépens des ONG locales
  • en stimulant la formation de diplômés du Nord spécialisés dans l'aide au développement
  • en occupant des emplois de substitution encouragés par les Etats du Nord
  • en détournant les procédures administratives locales sous prétexte de lutte contre la corruption
  • en réalisant un pouvoir économico-financier non soumis aux contrôles de l'administration locale
  • en constituant un relais indirect au néo-colonialisme des Etats du Nord qui les finance

[modifier] La mauvaise gouvernance

La mauvaise gouvernance est en règle générale la première cause de sous-développement. Cette mauvaise gouvernance est identifiable selon les symptômes suivants :

  • Intérêts personnels privilégiés et fait du prince ;
  • Incompétence administrative; administration tatillonne et bureaucrate
  • Développement de réseaux de corruption et détournement de l'argent public;
  • Dépenses d'infrastructures délaissées au profit de dépenses de fonctionnement ou d'apparat ;
  • Mobilisation des ressources du pays dans la construction d'éléphants blancs ;
  • Mauvais choix stratégiques de développement etsurendettement ;;
  • Insécurité des investissements ;
  • Insécurité alimentaire.
  • Maintien d'un analphabétisme élevé, qui limite le désir de révolte face à une administration incompétente.

La mauvaise gouvernance met en cause la façon dont le pays est gouverné et non la qualité intrinsèque du pays. Elle est en général rejetée par les gouvernements en question, qui s'estiment bons gestionnaires de la chose publique. Elle est la principale cible des bailleurs internationaux, comme le FMI ou la banque mondiale qui cherchent à imposer depuis 1980 une conception néo-libérale.

[modifier] La corruption

Il existe une forte corrélation entre le niveau de développement et le niveau de corruption tel que mesuré par Transparency International. On peut classer la corruption en trois grands groupes :

  • Corruption anecdotique : c'est le cas des pays développés où la corruption en vue d'obtenir un passe-droit reste anecdotique dans la vie économique;la récente crise des subprimes, le rôle croissant des paradis fiscaux ,la forte dépendance des media à l'égard de la publicité (en moyenne deux tiers de leurs recettes) et donc des groupes industriels et financiers qui les contr^olent souvent directement amènent à nuancer pour beaucoup d'observateurs cette idée reçue.
  • Corruption pour obtenir un passe-droit : dans beaucoup de pays en développement, un système de corruption, renchérissant les coûts de l'investissement, est mis en place en vue d'obtenir des passe-droits auprès d'administrations bureaucratiques et tatillonnes ;
  • Corruption pour obtenir droit : dans certains pays moins avancés, on observe un système poussé de corruption en vue d'obtenir n'importe quel droit (papier de l'administration, retrait postal, sortie de marchandises du port, soins à l'hôpital, etc.). Ce système pénalise les entreprises de la zone en renchérissant leurs coûts, ce qui dégrade leur compétitivité. Elles n'ont aucun moyen de la contourner et la corruption devient une sorte d'"impôt" privatisé prélevé par les fonctionnaires pour leur compte. Les élites dirigeantes bénéficiant en général de ce système, elles ne le combattent pas, voire parfois l'encouragent pour obtenir la paix sociale chez les fonctionnaires.

[modifier] L'atrophie du système judiciaire

L'état du système judiciaire est un point central du développement. En effet, l'investissement de capitaux étrangers dans un pays est fortement lié à la sécurité juridique de cet investissement. Les investisseurs ayant une aversion au risque privilégient toujours, à coût égal, le système judiciaire le plus fiable.

La présence d'un système judiciaire prémunit également contre le « fait du prince ». En effet, de nombreuses sociétés qui avaient investi en Afrique se sont vu confisquer leurs investissements par des gouvernements africains sans pouvoir obtenir de justes réparations pour leur préjudice devant la justice (c'est par exemple le cas de France Télécom en Centrafrique ou au Gabon).

Ces Etats, ayant démontré aux investisseurs l'absence d'« Etat de droit » sont aujourd'hui boudés par ceux-ci dans les secteurs où le rentabilité ne compense pas le risque pris (ou supposé être pris).

[modifier] Les pandémies

[modifier] Le poids des traditions

Les pays développés à forte productivité et bénéficiant de ce fait d'un niveau de vie élevé mettent en général en œuvre une sécurité sociale, une entraide « obligatoire » en cas de maladie, d'accident ou pour la vieillesse. Les pays en développement n'ont en général pas cette solidarité d'État, les « accidents de la vie » sont pris en charge par la solidarité entre individus. L'intégration dans le groupe est donc une nécessité liée à la survie. Par ailleurs, dans des pays où l'âge moyen est faible, les personnes âgées sont celle qui ont survécu, et leur comportement est donc un modèle.

Ce deux éléments expliquent l'importance des traditions dans les pays en développement : en tant que facteur d'intégration au groupe et que modèle à suivre, ils constituent véritablement un élément fondamental de la survie.

Mais la perpétuation des traditions est aussi synonyme d'immobilité de la société, les mentalités s'adaptent difficilement à l'évolution de l'environnement économique et social du pays. Dans ce domaine, un changement de mentalité se fait à l'échelle d'une génération, et en général de manière hétérogène dans le pays. Il faut donc plusieurs générations pour que l'adaptation des mentalités ait lieu.

Par exemple en Inde, la société est organisée traditionnellement en castes ; chaque caste correspond à un niveau social et à un type d'emploi traditionnel, et il est, dans ce système, impensable de changer de caste: la naissance est une fatalité, une personne née dans une basse caste paie le prix de son mauvais comportement dans une vie antérieure. Il y a donc traditionnellement peu de volonté d'améliorer ses conditions de vie , de se projeter vers un avenir meilleur (celui-ci viendra dans la prochaine incarnation).

Aux Comores et plus particulièrement en Grande Comore existe une tradition du grand mariage : dans sa vie, un homme doit organiser un grand mariage fastueux (qui n'est pas nécessairement son premier mariage) ; une grande partie des revenus est donc épargnée pour ce grand mariage et ne peut donc être investie dans des projets. Par ailleurs, la tradition veut aussi que l'on ait une grande maison en dur; on voit donc fréquemment des fondations en attente de murs, ou des murs en attente de toit, tandis que la famille vit dans des cases de tôle ou de bois avec des problèmes de salubrité et de maladies liées à l'amplitude thermique. Une des solutions d'amélioration de l'habitat serait les constructions modulaires (faire une petite pièce en entier, puis lorsque l'on a de l'argent construire une autre pièce attenante), mais elle se heurte aux traditions.Voir Culture des Comores.

On peut encore citer les traditions de mutilation sexuelle de nombreuses femmes dans certains pays (excision et infibulation), et d'une manière générale la condition de la femme dans de nombreuses sociétés.

Les populations des pays développés n'ont souvent pas conscience que leur propres traditions ont mis plusieurs siècles à évoluer ; à titre d'exemple, le droit de vote des femmes en France date de 1945, plus d'un siècle et demi après la proclamation de l'égalité des citoyens. On est donc confronté à deux défauts opposés :

  • de la part des pays développés : la dimension traditionnelle est parfois négligée dans les opérations d'aide au développement, les acteurs n'ont pas conscience que dans l'esprit des populations, remettre en cause les traditions c'est remettre en cause leur survie ;
  • d'autre part les habitants des pays développés ont tendance à avoir une image stéréotypée, voir caricaturale, des populations en développement qui connaissent des transformations accélérées depuis 50 ans.

[modifier] La démographie

En raison de la forte mortalité précoce et infantile, les familles des sociétés « traditionnelles » ont de nombreux enfants ; par ailleurs, en raison de l'absence d'un système d'assurance vieillesse (retraite), les enfants sont ceux qui vont permettre aux parents de survivre lorsqu'ils ne pourront plus eux-même travailler (solidarité inter-générations). Le fort nombre de naissances est là pour compenser la forte mortalité, c'est ce que certains nomment « l'équilibre de la misère ». Dans les pays développés, la natalité a lentement baissé après l'amélioration des conditions de santé et de vie, mais aussi avec l'amélioration de la condition des femmes, qui se sont vu offrir un autre avenir que celui uniquement de mère. Les pays en développement, au contraire, ont vu arriver des améliorations sanitaires rapides et donc une forte baisse de la mortalité qui a certes entrainé une baisse de la natalité pour rétablir un certain équilibre, mais seulement une à deux générations plus tard. Ce décalage a entrainé un taux de croissance démographique rapide, supérieur à 2% par an, pendant quelques décennies. Ceci pose alors un problème de répartition des richesses, qui induit un sentiment d'insécurité sociale et donc peut contribuer à maintenir une natalité élevée.

L'Afrique subsaharienne est le seul sous-continent qui a maintenu jusqu'après l'an 2000 un indicateur conjoncturel de fécondité, qui correspond au nombre moyen d'enfants par femme, supérieur en moyenne à 5. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à expliquer cette spécificité: les taux de mortalité général et infantile ont certes fortement baissé malgré la catastrophe du Sida, mais plus lentement qu'en Asie; la densité initiale utile ou par kilomètre carré cultivable était faible en 1950 mais elle a quadruplé depuis et devrait encore doubler au minimum jusqu'en 2050; les taux d'alphabétisation particulièrement des femmes ainsi que d'urbanisation étaient très faibles en 1950; le souvenir de l'esclavage, la forte diversité ethnique et linguistique comparativement à l'Asie, la polygamie statistiquement plus fréquente qu'ailleurs, le statut de la femme souvent peu élevé, la faiblesse du développement économique, la "balkanisation" politique ont pu contribuer également au maintien de cette forte fécondité. Depuis le début des années 90 la fécondité commence à diminuer lentement en liaison avec l'augmentation d'indicateurs de modernisation (durée de vie moyenne, densité utile, taux d'alphabétisation et d'urbanisation, taux d'accès à la radio, télévision), mais aussi en liaison semble-t-il avec la dégradation d'autres indicateurs dans beaucoup de pays correspondant à ce que les démographes appellent la transition de crise de la fécondité (stagnation ou baisse du PNB par habitant, dégradation de l'habitat urbain...). Cette transition devrait se poursuivre selon les projections de l'O.N.U. jusqu'en 2040. F.Gendreau, Démographies africaines

On observe une certaine corrélation entre la vitesse de la transition de la fécondité et celle de la croissance économique par habitant: les deux sont maximales en Asie de l'Est, minimales en Afrique subsaharienne, intermédiaires ailleurs. L'hypothèse la plus vraisemblable est que des facteurs tiers influencent en amont les deux variables.En Asie des moussons la densité utile élevée a souvent favorisé d'importantes réformes sociales agraire, éducative, sanitaire, féministe etc. comme en Asie de l'Est, donc une transition rapide de la fécondité. La politique économique a alors favorisé la révolution verte ainsi que, compte tenu de la faiblesse des exportations de produits primaires, une transition précoce dès les années 60 vers les exportations de produits manufacturés. Ceci a permis à ces pays d'Asie d'accélérer leur croissance après 1980. Les facteurs opposés, faiblesse de la densité utile et des réformes sociales, maintien de la prédominance des exportations primaires sont observés notamment en Afrique et en Amérique latine. Les fortes fluctuations puis la baisse du prix des matières premières après 1980 sont en grande partie induites par les politiques néo-libérales et monétaristes américaines de taux d'intérêt réel élevé. La stagnation de la demande occidentale et l'effondrement des prix à l'exportation conduisent au surendettement, puis aux plans d'ajustement structurels néo-libéraux conduits par le FMI et à une croissance ralentie, voire parfois une baisse du PNB par habitant. Le maintien d'un indicateur de fécondité élevé, supérieur à 4 enfants par femme, concerne aujourd'hui moins de 20% de la population mondiale majoritairement en Afrique subsaharienne. Il apparait généralement à la fois comme une résultante et un facteur de faible développement. La croissance démographique rapide prolongée en effet accroit la part de l'épargne et de l'investissement nécessaire au simple maintien du niveau de vie: cet investissement est qualifié de démographique par Alfred Sauvy. Corrélativement cette croissance rapide amenuise considérablement et parfois annule la part de l'épargne et de l'investissement nationaux qui permettent la hausse du niveau de vie: cet investissement est dit économique. B. Cornevin, Le développement divergent des tiers mondes après 1980: les rentes freins aux transitions socio-démographiques et économiques, revue DEES, juin 97

On est donc confronté ici à une relative inadéquation culturelle et comportementale par rapport aux conditions réelles de vie.

[modifier] Une aide humanitaire maladroite

Les pays développés ont connu jusqu'au XIXe siècle des famines et des épidémies, similaires à celles que connaissent les pays en développement ; dans le cadre de la santé, c'est donc l'élévation de la référence qui rend le pays « sous-développé ». Mais humainement, il n'est pas possible de laisser mourir des humains alors que l'on pense disposer des richesses et du savoir-faire nécessaires pour les sauver. Les pays développés ont donc mis en place une aide humanitaire.

Cependant, dans un grand nombre de cas, cette aide humanitaire s'est révélée maladroite.

L'envoi de nourriture, s'il est indispensable en période aiguë de famine, déstabilise l'économie et l'agriculture locale en dehors de ces périodes ; les populations bénéficiant d'une nourriture gratuite (lorsqu'elle n'est pas détournée et vendue) n'achètent plus la production locale, qui fait faillite ce qui favorise… la famine.

Plusieurs grands projets de développement (grands barrages comme Abou Simbel, réformes de l'agriculture…) ont abouti à un échec car ils n'ont pas été faits avec la collaboration des populations locales. N'ayant eu aucune explication et n'étant pas impliquées, elles n'ont pas compris le but de ces énormes chantiers et ne se sont pas vu indiquer leurs éventuels effets nocifs. Certains projets ont été rejetés par la population car ils se heurtaient aux traditions (cf. supra). Le bénéfice a été parfois nul, voire négatif : barrage d'Assouan, assèchement de la mer d'Aral

  • en induisant un sentiment de découragement : « si les ingénieurs, malgré leur savoir et leur technologie n'arrivent pas à nous aider, comment pouvons-nous y arriver ? » ;
  • en provoquant une déstabilisation sociale : en favorisant une catégorie de personnes (par exemple les jeunes associés au projet prennent du pouvoir et de l'influence vis-à-vis des anciens, qui en rétorsion refusent de transmettre leur savoir traditionnel), ou bien un village ou une ethnie (de part l'implantation géographique du projet), créant des tensions ;
  • en ayant parfois des effets secondaires néfastes : par exemple, la création d'un barrage crée une étendue d'eau immobile propice au développement de maladies et une évaporation qui diminue d'autant l'eau restant pour les cultures.

Citons ici Eustace Gitonga, président du Community Museum of Kenya[1] : « [Le prosepis] a été importé d'Amérique du Sud dans les années 80 par la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture, pour lutter contre la désertification. Mais le rêve de pâturages pour les bêtes a viré au cauchemar : les jeunes pousses chargées en sucre ont édenté les chèvres, mortes de faim. Coupantes, elles ont entraîné des inflammations des bergers, jusqu'à des amputations, des morts. Les racines de 20 mètres ont épuisé les nappes phréatiques, entraînant la migration de paysans vers l'Ouganda, provoquant des conflits. En 2002, avec notre ONG de 18 membres, on est allés voir le gouvernement et la FAO. Silence. Alors, on a monté un dossier, porté l'affaire devant la cour de Nairobi en 2004. Elle a dénoncé la responsabilité de la FAO et demandé au gouvernement d'inscrire l'arbre sur une liste de plantes nocives. Deux ans plus tard, la FAO vante toujours les mérites du prosepis. »

Dans certains cas, l'aide humanitaire est même une arme politique et économique de la part des pays fournissant l'aide. C'est par exemple le cas de la green weapon, l'arme verte, la fourniture de nourriture ou de semence sous condition. Dans la même logique, la fourniture de semences transgéniques (plants résistants aux maladies, aux insectes, à la sécheresse, plants à haut rendement) aux pays en développement est présentée comme une aide ; mais les graines ne pouvant être replantées (contrairement aux semences naturelles), les agriculteurs deviennent dépendants des pays fournisseurs.

On remarquera aussi que l'aide humanitaire française est essentiellement orientée vers ses anciennes colonies, pour des raisons historiques et linguistique. Sans critiquer cette orientation, cela souligne que dans un certain nombre de cas, la francophonie pèse autant voire plus que les besoins réels dans les décisions d'aide, et que cette décision relève bien de la politique étrangère, Problèmes économiques No 2.829, 29 octobre 2003, L'aide publique au développement

L'aide humanitaire peut aussi être une arme pour l'État chargé de redistribuer l'aide aux populations. Ainsi, la famine de 1984 en Éthiopie concernait essentiellement les hauts-plateaux Nord du pays, qui étaient entrés en rébellion contre le pouvoir central [1] ; elle s'est développée alors que le reste du pays était en surproduction alimentaire. La distribution de l'aide alimentaire était un moyen de contrôle de la population par le gouvernement central.

[modifier] La spécialisation dans le secteur primaire

L'industrie des pays en développement était essentiellement (mais pas exclusivement) basée sur le secteur primaire.

Or, le secteur primaire est de nos jours en déclin relatif: d'une part les fluctuations des cours sur le marché mondial ne garantissent pas une stabilité des revenus, et d'autre part, lorsqu'ils réimportent des produits finis, les pays réimportent leurs matière premières transformées... avec une forte valeur ajoutée, ce qui creuse l'appauvrissement. Pour caricaturer, les pays maldéveloppés vendent du minerai de fer et achètent des tracteurs fabriqués avec leur minerai ; on repense aussi à Gandhi dénonçant la vente de vêtements aux indiens, vêtements fabriqués en Angleterre à partir de leur propre coton.

La situation est similaire en ce qui concerne l'agriculture de rente, c'est-à-dire produisant des végétaux comme matières premières pour l'industrie (coton pour le textile, café ou arachide pour l'agro-alimentaire...) ou comme nourriture pour l'exportation, mais aussi parfois comme matières premières de la drogue (la coca, le pavot et le cannabis). Cette paupérisation des agriculteurs peut entraîner un exode rural, qui n'est pas motivé par une mutation industrielle comme cela s'est passé dans les pays développés, mais par la faiblesse croissante ou l'absence de revenus. Les paysans arrivant en ville n'y trouvent pas une reconversion professionnelle, mais une concentration de misère.

L'orientation vers une culture de rente met souvent également en danger la sécurité alimentaire du pays, puisqu'une partie de l'agriculture ne produit plus pour le marché alimentaire intérieur, et est même un facteur d'obésité. En effet, en raison du faible coût du sucre et des huiles sur le marché mondial, productions qui sont parfois promues et subventionnées par les gouvernements des pays en développement, ces denrées sont les plus disponibles et les moins chères. On dénombre ainsi 115 millions d'obèses dans les pays en développement.

Enfin, l'extraction importante de matières premières peut provoquer le phénomène de maladie hollandaise dit dutch disease qui mène à la désindustrialisation du pays. Les exportations par exemple de pétrole induisent un taux de change élevé qui détruit la compétitivité industrielle et donc diminue l'emploi dans le secteur secondaire.

Depuis 1980 les pays d'Afrique, du Moyen Orient et d'Amérique latine qui ont consevé une structure traditionnelle d'exportations fondées majoritairement sur les produits primaires sont ceux qui ont connu la croissance économique la plus faible.

[modifier] Le commerce extérieur

[modifier] La dette

L'économie mondiale après la Seconde Guerre mondiale a été modélée par les accords de Bretton Woods, et notamment la création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird) et du Fonds monétaire international (FMI).

Ces organismes, financés par les pays développés, ont accordé des prêts aux pays en développement. Se posent alors trois problèmes :

  • l'utilisation de ces prêts : dans un certain nombre de cas, les actions menées avec cet argent n'ont pas eu d'efficacité en terme de développement ; des personnes ont très tôt dénoncé un prêt visant à financer du matériel et des travaux vendus et effectués par les pays développés, donc au final des subventions des pays développés à leurs propres entreprises (cf. supra) ;
  • les conditions des prêts : les organismes de prêt exigent souvent des réformes économiques de la part des emprunteurs, pour garantir la solvabilité, sans prendre en compte les répercussions sociales de ces réformes ;
  • la constitution d'une dette : vingt ans après, une partie importante des revenus de certains pays sert à rembourser des intérêt cumulés colossaux.

Jusqu'aux années 70 , dans le contexte de la guerre froide les Etats Unis et l'Europe vont privilégier une politique monétaire de taux d'intérêt réel bas qui grace à l'inflation permettait d'effacer en grande partie les dettes et de favoriser la croissance. Le contexte monétaire et économique va se durcir considérablement après 1980: la majorité des pays d'Afrique et d'Amérique Latine qui exportent surtout des produits primaires se retrouvent surendettés et leur croissance par habitant devient très faible voire négative.[Problèmes économiques, La dette des PED : où en est-on? (n.2892), La Documentation française]

Voir aussi : Dette.

[modifier] Les guerres

Parmi les pays notoirement en conflits en 2005, l'Irak, la Tchétchénie, la Palestine, la Côte d'Ivoire ou la République démocratique du Congo.

Le cas de ce dernier, « scandale géologique » dont les immenses richesses en matières premières devraient lui permettre de sortir du sous-développement est particulièrement éloquent et mérite d'être développé :

L'insécurité civile et économique y règne notamment à l'Est dans la région du lac Kivu, malgré la présence d'une force des Nations unies, la MONUC. Les autorités politiques de ce pays immense, grand comme l'Europe, 90 fois plus grand que son plus petit voisin, le Rwanda, où l'on parle 250 langues différentes, ont de grandes difficultés à recréer une unité nationale. Cette unité est sapée par les ambitions politiques congolaises, les forces génocidaires rwandaises repliées depuis 1994 (et armées entre autre par la France), les populations congolaises rwandophones amalgamées comme traîtres, et les incursions du petit voisin rwandais qui cherche à neutraliser ses génocidaires. De 1996 à 2003, la quasi totalité des pays de la région intervenaient au Congo pour divers motifs. Des multinationales soutenues par leurs pays d'origine, souvent occidentaux, rodent sur ce pays pour en extraire les richesses.
Toutes ces ingérences n'aident pas le pouvoir congolais dans sa tâche. La société civile, maintenue dans une grande précarité, dans des situations de non-droit, est pourrie par les pillages liées à la pauvreté, les petits chantages financiers mesquins et quotidiens, et surtout les viols dus aux innombrables bandes de rebelles, aux armées régulières continuellement en campagne et même aux soldats de l'ONU. Ces viols, extrêmement fréquents, utilisés souvent comme arme de guerre, sont un facteur de désunions des familles, car la culture congolaise rend insupportable aux hommes que leurs femmes soient violées, ce qui entraine des répudiations fréquentes, sans parler du développement du sida. Le tissu social de ce pays en guerre, qui a connu au moins 3 millions de morts depuis 1996, est donc profondément meurtri, destructuré, déprimé, en proie à des réactions paniques, manipulable par la moindre rumeur, par toutes les idéologies, et par les sectes, prêt à s'enflammer pour la moindre désignation de boucs-émissaires. Comment un pays peut-il se développer sans un minimum de sérénité ?

Les investisseurs fuient les zones de guerre quand ce ne sont pas eux qui manipulent les conflits comme souvent en Afrique. Certaines multinationales qui ont parfois des capacités financières supérieures à celles des belligérants favorisent un esprit de corruption, affaiblissent les États de droit, manipulent les ambitions politiques et aménagent les conflits sans géner leur exploitation mais en générant une situation de non droit concrétisées par des zones de libre échange de fait qui deviennent en prime le lieux de fructueux commerces d'armes fabriquées dans les pays riches. « L'Affaire Elf », et celles qui tournent autour en France, sont une illustration juridique de ce type de comportements, dont les ramifications sont probablement loin d'avoir toutes été élucidées par la justice française.

[modifier] Bibliographie

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[modifier] Notes et références de l'article

  1. Des ONG africaines en plein essor, Libération, 20 et 21 janvier 2007

<F.Gendreau, Démographies africaines/>

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[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens et documents externes