Eudaldo

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Eudaldo est un artiste-peintre non figuratif d'origine chilienne de la nouvelle École de Paris (1914-1987).

Sommaire

[modifier] Biographie

Eudaldo Morales (Arellano) naît deux ans après le peintre surréaliste Roberto Matta, dix ans après le poète Pablo Neruda, le {{Date|12|décembre|1914]], à San Javier de Loncomilla, petite ville du centre du Chili. À partir de 1945 il ne signe plus ses toiles que de son seul prénom, « Eudaldo ».

Eudaldo passe son enfance à Talca, commence très jeune à dessiner et peindre. À Santiago où il s'installe en 1935, il ne fréquente que quelques semaines l'École des Beaux-Arts, fuit le milieu bourgeois qu'il y croise, ne tarde pas à rencontrer des complices dans les milieux anticonformistes de la capitale. C'est avec un groupe d'écrivains et de musiciens d'avant-garde qu'il réalise en 1938 sa première exposition, en plein air, sur l'une des principales promenades de la ville. Dès cette époque se fait jour en lui un double désir qui ne cessera de se renforcer. Celui d'aller directement vers le public, de faire de la peinture une fête largement ouverte et non une cérémonie de nantis initiés, de rompre les liens malsains de la culture et de l'argent. Simultanément ce n'est pas hasard si Eudaldo évoque, dans ses réponses aux questions que lui posent en cette occasion les journalistes, le nom de Rivera, l'un des symboles d'une volonté de ressourcement des peintres sud-américains à l'héritage des cultures précolombiennes.

Trois autres expositions suivront à Santiago où sa peinture est d'emblée bien reçue. Eudaldo, qui analyse sans complaisance la situation de l'art au Chili, va cependant quitter en 1940 la capitale. Comme l'écrira plus tard un critique vénézuélien, il va « marcher sa vie », sillonnant les terres du continent, travaillant et exposant en des lieux culturels chaque fois publics. C'est une sorte de retraite qu'il accomplit alors, un pèlerinage aux multiples sources de l'Amérique, toujours vivaces dans les tissages et les poteries, les constructions et les outils d'une vie quotidienne imprégnée du souci des volumes, des formes et des couleurs.

Eudaldo passe d'abord près de trois ans en Argentine, déborde sur l'Uruguay et le Brésil. Au nord de l'Argentine, il réalise en 1942 à Cordoba trois fresques monumentales sur des thèmes sociaux, avant de traverser en 1943 la Bolivie. Il s'arrête pour un temps au Pérou, à Lima, y réalise deux expositions, mais ne tarde pas à reprendre la route, expose à Quito, en Équateur, à Bogota, en Colombie, en 1946 au Venezuela, à Caracas puis, après un détour par Curaçao et l'Amérique centrale, de nouveau en Colombie à Barranquilla. Partout la presse le salue comme l'un des espoirs de l'avant-garde du continent sud-américain : « l'un des peintres les plus capables et les plus intéressants du Pacifique ». En 1946 Eudaldo revient travailler à Lima pour y préparer l'exposition qui marque l'année suivante son retour à Santiago après un périple de sept ans sur plus de 12 000 kilomètres au long de la cordillère des Andes.

Santiago n'est cependant pour Eudaldo qu'une étape. Après quelques mois il retrouve l'Argentine, les milieux artistiques de Buenos Aires où il croise Che Guevara - qui n'a que vingt ans -, puis la Bolivie et Lima, réalisant à mesure un nouveau cycle d'expositions. Mais, depuis quelque temps, il souhaite aller à Paris. S'il se refuse à seulement en « recevoir », comme il l'a dit, ce qui s'y fait, sans doute a-t-il l'espoir de s'y placer, comme bien d'autres peintres venus des horizons les plus divers, à la source même de la créativité picturale, non sans la colorer de ses propres origines.

Les peintres Music, Manessier et Eudaldo, début des années 1960
Les peintres Music, Manessier et Eudaldo, début des années 1960
Eudaldo en 1969
Eudaldo en 1969

Eudaldo s'embarque donc pour la France en septembre 1949, en passant par Cuba. A Paris il fait rapidement la connaissance de Ginés Parra et des peintres espagnols avec qui il a exposé, Picasso, Oscar Dominguez, Bores, Clavé, Pelayo. Simultanément il se lie avec Jean Le Moal et Alfred Manessier, Elvire Jan, découvrant la démarche nouvelle que leur non figuration invente à l'art moderne. S'installant l'été à Alba-la-Romaine, en Ardèche, où il accueille régulièrement Le Moal, il y rencontre le graveur Stanley Hayter et le sculpteur Étienne Hajdu.

Dès 1951 Eudaldo expose à Paris et en province. Au-delà de la peinture Eudaldo travaille à partir de 1960 la gravure et en 1964 une tapisserie est réalisée d'après l'une de ses œuvres par les Ateliers Plasse-Le Caisne qui ont déjà tissé des œuvres de Le Moal, Manessier, Edouard Pignon, Rouault, Gustave Singier et Léon Zack. Il participe dans les années 1970 aux expositions organisées en France pour dénoncer la dictature du général Pinochet. Après une dernière exposition en 1986 à Céret, où il travaille durant l'été depuis 1970, Eudaldo meurt le {{Date|13|août|1987]] à Perpignan, repose à Palalda.

[modifier] L'œuvre

Eudaldo, dans sa première époque jusqu'en 1949 de « peintre du Pacifique », ne tente pas de transcrire de façon réaliste les multiples paysages qu'il rencontre. Ce sont des personnages, masculins ou féminins, de jeunes couples anonymes aux visages absorbés, aux silhouettes graciles, qui sont au centre de sa peinture, écuyère ou acrobate parfois. Un critique colombien qualifie de « surréalisme transparent » le monde irréel dans lequel ils apparaissent parmi arbres et fleurs, étoiles de mer, coqs et chiens, lamas ou chevaux. « Une atmosphère d'avant la chute », résume un autre, qui évoque le monde simple et humoristique des Primitifs. Sans que le peintre ait besoin de leur faire crier leur présence en d'improbables rencontres, choses et êtres sont, dans un climat féerique, rendues au mystérieux silence de leurs pures apparences.

Découvrant à Paris, en une deuxième étape, l'approche non-figurative, Eudaldo n'en adopte pas d'emblée le langage. C'est à travers un mûrissement de plusieurs années qu'il va y introduire son dialecte personnel. Ses peintures, en un climat plus directement surréalisant, évoluent d'abord dans le sens d'une stylisation formelle de plus en plus poussée, opposant de larges surfaces de couleurs contrastées. Sur cet élan la ligne, dès 1951, s'ouvre en de purs angles lumineux, ne retient plus davantage les silhouettes des objets. Le trait bientôt se ramifie, la couleur se diversifie. En 1954 ce sont comme les bribes d'une énigmatique calligraphie qui parsèment ses toiles. L'année suivante les gris et les roses ou les verts tendres qu'articule Eudaldo en des filets plus obscurs ou rougeoyants se révèlent curieusement parents, dans l'illimitation de l'espace, des éblouissements instantanés qu'allait peindre Bissière.

Déjà commence, en une troisième étape, de se renforcer la structure de ses toiles. En 1956 dans de larges compositions puissamment bâties le trait qui ponctuait les limites de la couleur se densifie. De l'espace coloré monte, dressé comme signal, un graphisme hiératique, acéré ou étoilé, aéré de fenêtres de bleus, rouges ou jaunes intenses. Comme, chaque fois différemment, les toiles des peintres d'autres continents, arrivés sensiblement vers la même époque à Paris, réfractent leur culture originelle, chinoise ou maghrébine, de Zao Wou-Ki à Mohamed Cherkaoui ou Mohammed Khadda, c'est loin des Andes la part en lui de l'Indien qu'Eudaldo libère dans sa peinture à Paris. Ces emblèmes totémiques ne tardent cependant pas à s'assouplir, à se dénouer en rythmes dynamiques qui les orientent en élans, tourbillons et éclats, pulvérisant les taches de couleur qui leur assuraient leur équilibre. À partir de 1960 ce sont d'amples portées qui traversent, en ondes ou fuseaux, ses toiles. Un nouvel équilibre s'établit dès lors entre les transparences de la couleur et les fines articulations du dessin, courant elliptiquement de plage en plage.

À partir de 1967 les compositions désormais fluides d'Eudaldo évoquent plus distinctement la présence diffuse du monde naturel, minéral et végétal. Sa peinture se fait par la suite de plus en plus lumineuse. Au milieu des gris qui sont pour lui le levant de toutes les couleurs, les ocres éveillent des vagues de terres et de roches, quelques accents d'émeraude et de rouille font frémir arbres et broussailles. Aux ardoises succèdent les basaltes, aux rocailles austères de verdoyantes vallées. Dans les deux décennies suivantes les terres immenses qui lui ont été familières, la roche de la Cordillère, les nuages, les sables gris du Pacifique sous-tendent l'imaginaire géographie que ses toiles ne cessent d'explorer, lui assurant dans le mouvement non figuratif sa place unique, insolite, de peintre américain de la nouvelle École de Paris. Pour les titrer Eudaldo forge de nouveaux mots à consonances sud-américaines, noms possibles de villes, montagnes ou fleuves, continuant ainsi jusqu'à sa mort son voyage parmi les nouvelles Andes que lui ouvre la peinture.

[modifier] Jugement

« Ce monde naît du regard que le peintre sait poser sur des fragments très variables de l’espace – aussi bien proche que lointain, terrestre que céleste, marin que sylvestre – pour créer un autre espace dorénavant marqué de son rythme, de son écriture, de son chant. Le double signe du trait et de la tache énonce avec force, avec bonheur aussi, dans l’œuvre d’Eudaldo, l’analogie poétique et intemporelle d’un moment éphémère de l’univers. Architecture et chorégraphie des formes et des couleurs – les unes et les autres rigoureusement limitées à l’intérieur d’une même toile – aboutissent à une œuvre toute de plénitude et d’élan. Il convient de la reconnaître enfin comme l’une des plus belles de ce temps. »

Georges-Emmanuel Clancier, Eudaldo, Céret, 1986

[modifier] Bibliographie sélective

 : source utilisée pour la rédaction de cet article

  • Calmettes, Eudaldo, Le Moal, Manessier, Hajdu, Pelayo, Galerie du Pont-Neuf, Paris, 1963.
  • Jean-Pierre Simon, Eudaldo, Centre international d'art contemporain, Paris, 1975.
  • Eudaldo, textes de Georges-Emmanuel Clancier et Michel-Georges Bernard, Chapelle Sant-Roch, Céret, 1986.
  • Michel-Georges Bernard, Eudaldo ou le matin de la peinture, couverture et dessins d'après Eudaldo, Éditions de l'Orycte, Paris, 1986 (n. p.; 42 p.)
  • Daniel Lenoir, Mémoire des arts en Bas-Vivarais, Château de Vogüé, Vogüé, 2001 (36 p.).
  • Alba la Romaine « Cité des arts », Les artistes des années 50, Journées européennes du patrimoine, Alba la Romaine, 2007.

[modifier] Lien interne