Dominique Grange

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Dominique Grange (née à Lyon en 1940) est une chanteuse française auteur-compositeur depuis le début des années soixante. Sa participation active aux événements de Mai 68 lui fait abandonner la chanson de variété au profit de textes libertaires et contestataires. Un basculement qui en fait, selon son expression, une « engagée à perpétuité[1] ». La chanteuse poursuit son militantisme en faveur des luttes sociales et contre les inégalités. Parallèlement elle est aussi traductrice et scénariste de bande dessinée. Mariée au dessinateur Jacques Tardi, ils ont 3 enfants : Rachel, Oscar et Lisa-Lili.

Sommaire

[modifier] Biographie

Dans son adolescence lyonnaise, Dominique Grange aime chanter et souhaite en faire son métier. À 18 ans, elle poursuit ses études à Paris, prend des cours d’art dramatique et décroche un premier rôle dans une comédie théâtrale. Elle joue également quelques petits rôles à la télévision. Côté chansons, elle se produit dans des cabarets de la rive gauche pendant que la vague « Yéyé » déferle et pousse les maisons de disques à rechercher de nouveaux talents. Remarquée par la maison Bel Air, elle enregistre son premier disque en 1963 où elle impose une de ses compositions (Il y avait toi). L’année suivante, le deuxième 45 tours paraît avec deux chansons de son cru puis un troisième où elle signe la totalité des titres. Repérée par le chanteur Guy Béart, en 1965, elle devient son assistante pour son émission télévisée, crée deux ans plus tôt : « Bienvenue à… » où sont reçu de nombreux artistes du monde du spectacle. Cela lui donne l’opportunité de chanter quelques duos avec lui (Frantz et Le Trou dans le seau).[2] et d'être à l'affiche de ses tours de chant. En 1967, pour l’enregistrement de son quatrième 45 tours 4 titres — dont elle a composé paroles et musiques —, elle bénéficie des musiciens et de l’éditeur de Béart : les disques Temporel.

Depuis la fin mars 1968, une profonde remise en question de la société française se fait entendre et va en s’amplifiant. Au cours des premiers jours de mai, C'est l'éclatement des revendications politiques, sociales et culturelles de toute une génération. Face à la révolte qui embrase le quartier latin, il s’opère en elle une prise de conscience qui l’emmène à rompre avec tout ce qu’elle a entrepris jusqu’alors pour s’engager avec les mouvements libertaires. Elle fait partie du Comité révolutionnaire d’action culturelle (CRAC) créé par des artistes à la Sorbonne où elle se retrouve auprès de chanteurs comme Leny Escudero, Évariste, Pia Colombo, Jean Ferrat, les Barricadiers… Elle se met à composer des chansons que lui inspirent les évènements. Si bien, que ses couplets sont entonnés dans les manifestations.

Sollicitée par les les comités de grève pour soutenir les luttes, elle s'engage sans hésiter. Armée de sa guitare, elle parcourt la France jusque dans le monde rural, pour animer les meetings dans les usines occupées.

Début juin, la révolution prend fin. Les ouvriers reprennent le travail. Le mouvement étudiant est moribond. Le gouvernement interdit les organisations gauchistes. L’ordre revient. Les CRS sont partout. Dominique Grange, se rend en Avignon et poursuit son combat. La répression est en tout lieu. De retour dans la capitale elle assure l’enregistrement de ses chansons. Les disques sont vendus à prix coûtant hors des circuits commerciaux.

Au printemps 1969, Dominique et le chanteur Évariste se voient proposer un rôle dans une pièce de Claude Confortes, d’après les dessins de Georges Wolinski parus dans L’Enragé[3] : Je ne veux pas mourir idiot[4]. C’est non seulement l’occasion d'interpréter leurs chansons engagées mais aussi celle de rencontrer la bande de Charlie hebdo.

Après cette parenthèse, elle s’engage dans une organisation maoïste : la Gauche prolétarienne (GP). Cette dernière participe au mouvement des « établis ». Il s'agit d'envoyer les militants travailler dans les usines afin de dépasser les préjugés inhérents à leur condition d'« intellectuels ». Dominique s’« établit » donc dans une usine de conditionnement alimentaire dans la banlieue de Nice. Là, elle écrit Les Nouveaux Partisans qui deviendra comme un hymne emblématique pour les jeunes militants révolutionnaires. En 1970, la GP est officiellement interdite mais son action continue. De retour à Paris, Dominique subsiste en traduisant des bandes dessinées pour ses amis de Charlie sans cesser de militer au sein de l’organisation clandestine de la GP : la Nouvelle résistance populaire (NRP). En novembre 1971, elle est arrêtée au cours d’une manifestation[5] et incarcérée pendant un mois et demi à la Petite Roquette. À sa libération, l’assassinat d’un militant maoïste, Pierre Overney, l’oblige à vivre en se cachant, pour échapper à toute recherche ou répression, jusqu’en 1975.

En septembre 1977, Dominique Grange est embauchée comme secrétaire de rédaction d’un nouvel hebdomadaire de bandes dessinées : BD (une idée du Professeur Choron). Dans cette revue, le déjà célèbre Jacques Tardi fait paraître ses planches[6]. Bientôt ils collaborent pour mettre en images les scénarios dont elle est l'auteure. Le dessinateur ne tardera pas à entrer dans sa vie. Malgré un bon démarrage, la revue ne rencontre pas le succès et s’arrête en novembre 1978.

Soutenue par son compagnon, l’envie d’écrire et de chanter lui revient. En mars 1981, elle entre en studio et enregistre ce qui est son premier 33 tours : Hammam Palace, avec une pochette dessinée par son compagnon. Elle y dénonce le travail inhumain, la violence, l'univers carcéral, la drogue… L’album est un échec commercial. Déçue, elle prend définitivement ses distances avec le show business de la chanson.

Les mois suivants, elle cesse quelque peu de militer pour livrer un autre combat : fonder une famille ; car sur ce point, le couple rencontre des obstacles. Après quelques tentatives infructueuses pour les franchir, ils se tournent vers l’adoption. Pour cela, il est d’abord nécessaire de se marier – Dominique Grange raconte les étapes de ce parcours dans 3 ouvrages. Au bout de quelques années, trois enfants seront adoptés au Chili. Forts de leur expérience, le couple fonde une association de parents d’enfants chiliens en 1993. « L’association est la matérialisation du lien avec le pays d’origine des enfants. Où les parents revendiquent la part chilienne de leur enfant. Où l’enfant adopté est dans la transparence de son histoire et où il rencontre d’autres enfants dans la même situation. »[7] Elle coopère aussi avec des ONG chiliennes, pour mener des projets au service des familles dans les régions les plus défavorisées du pays [voir liens externes].

Fidèle à ses idéaux et à ses convictions politiques, Dominique Grange milite depuis 2000, à la Confédération nationale du travail pour laquelle elle se produit en concerts pour défendre les libertés et de nombreuses causes humanitaires. « Je considère que mes chansons sont des armes dont on peut se servir pour soutenir des luttes, pour en parler, pour exprimer le ressenti, le vécu des gens qui ne peuvent pas s’exprimer. »[8] On la trouve en première ligne pour soutenir Cesare Battisti, demander la libération des membres d'Action directe ou faire respecter le droit d’asile accordé aux anciens militants des Brigades rouges.

Encouragée pour rééditer ses chansons, L’Utopie toujours sort en 2004 avec une pochette dessinée par Tardi. Dans la chanson, Le Vieux, elle rend un hommage au chanteur François Béranger. « je l’ai rencontré quand j’étais dans la clandestinité en 72. Il m’a hébergée dans sa famille pendant plus d’un an. » [9]

En novembre 2007, Dominique Grange enregistre de nouvelles chansons pour commémorer à sa façon les 40 ans de Mai 68. L’album est commercialisé en mars 2008 avec une pochette dessinée par Tardi. Le mois suivant, le disque fait l’objet d'un livre où le dessinateur s'est investi davantage pour accompagner les textes des chansons.

L'une d'elles, est la réponse à un certain discours politique incitant à « tourner la page de mai 68[10] ». Son titre significatif est repris pour intituler l'album : 1968 - 2008... N’effacez pas nos traces !.

[modifier] Discographie

[modifier] Disques 45 tours

  • Je ne suis plus ton copain (la lettre)Il y avait toi – Même si c’est vrai – Pardonne-moi. Bel Air (211 108), 1963
  • Cinq-en-tin (le chien)Deux ombres sur la plage – Je ne suis pas prête – Les Yeux dangereux. Bel Air (211 133), 1964
  • Si le soleil s’en vaTu voudrais danser avec moi – Moi j’ai appris ton nom – Les « ni froid ni chaud ». Bel Air (211 179), 1964
  • Les Jeanne d’ArcÀ cet enfant – Les Orties sont en fleurs – Panurge. Temporel (DG 0001), 1967
  • La PègreGrève illimitée – Chacun de vous est concerné – À bas l’État policier. Édition Dominique Grange (S 17 789), 1968[11]
  • Nous sommes les nouveaux partisansCogne en nous le même sang. Éditions D. Grange, 1969
  • Pousse, Jeannot (Pousse Sur Ton Vélo)J’vais lui coller un pain. Vogue (12 146), 1977
  • Gueule noireBavure, Celluloïd/Vogue (VG 108 106 407), 1981

[modifier] Disques 33 tours

  • Chansons de Mai 68, (collectif) Expressions spontanées (ES 68 DM 130) 1968
  • Hammam Palace, Celluloïd/Vogue (529801), 1981
Hammam Palace – Un monde sans musique – Bavure – Blues de novembre – Soirée paisible sur la banlieue – On achève bien les chevaux – Les Anges de la mort – Un jour à faire sa valise – Gueule noire – Bien profond.

[modifier] Disques compacts

  • L'Utopie toujours (compilation de 17 chansons sur 2 CD + livret illustré par Tardi), Edito Musiques/Mélodie (DG 01-02), janvier 2005
CD 1 : Bavure – Gueule noire – La Voix des prisons – Hammam palace – Le Vieux – Soirée paisible sur la banlieue – Les Anges de la mort – On achève bien les chevaux – Un jour à faire sa valise.
CD 2 : La Pègre – Grève illimitée – Chacun de vous est concerné – À bas l'état policier – Les Nouveaux partisans – Cogne en nous le même sang – Tous ces mots terribles – Les Nouveaux partisans (version courte).
  • 1968-2008… N’effacez pas nos traces ! (livret illustré par Tardi), Anticraft/Juste une Trace (AMOC 092036842313), mars 2008
Grève illimitée – Chacun de vous est concerné – Pierrot est tombé – La Commune est en lutte – Le Sang – Entre océan et cordillère – Petite fille du silence – Les Rivières souterraines – Paris, ce printemps là – Toujours rebelle, toujours debout – Le Temps des cerises – Droit d'asile – La Pègre – Les Nouveaux partisans – N'effacez pas nos traces !

[modifier] Théâtre

[modifier] Télévision

[modifier] Bibliographie

[modifier] Écrits

  • L’Enfant derrière la vitre (Dominique Grange évoque son expérience ratée de FIV), coll. Latitudes, éd. Encre, 1985
  • Victor, l’enfant qui refusait d’être adopté (« Parfois ça ne marche pas […] En cas de rejet ou simplement de difficultés, les parents adoptifs sont perdus. »[13]), éd stock/Laurence Pernoud, 1993
  • 1968-2008… N’effacez pas nos traces ! (Textes de chansons illustrés par Tardi + CD audio, pour l’anniversaire des 40 ans de Mai 68), Casterman, sortie : 11 avril 2008, ISBN 2-203-01529-2

[modifier] Traductions de Bandes dessinées

[modifier] Sources

  • Dominique Grange, Grange bleue, éd. Futuropolis, 1985
  • Interview du lundi 21 avril 2003, Barricata n° 10 été 2003
  • François Bellart, VINYL n° 47 Juillet-août-septembre 2005
  • Gérard Prévost, Rouge n° 2117, 23 juin 2005
  • Jean-Pierre Fuéri et Frédéric Vidal, Les Tardi chantent Mai 68, propos recueillis pour Casemate n° 3, avril 2008

[modifier] Notes

  1. Formule recueillie par Gérard Prévost, Rouge, 23 juin 2005.
  2. Le duo Le Trou dans le seau est sorti en juin 1965 sur un 45 tours de Guy Béart (Temporel GB 60 003).
  3. Journal pamphlétaire, créé par le dessinateur Siné, paru entre mai et novembre 1968.
  4. Un des slogans de Mai 68.
  5. Manifestation organisée suite à l’assassinat raciste de Djilai Ben Ali. (Casemate n° 3, avril 2008).
  6. Griffu, scénario de Jean-Patrick Manchette (critique littéraire de Charlie Mensuel), paru aux éditions du Square en 1978.
  7. Entretien du 7 avril 2008 par Eduardo Olivares sur Radio Francolatina.
  8. Propos recueilli par Gérard Prévost, Rouge n° 2117, 23 juin 2005.
  9. Séduit par la chanson Les Nouveaux Partisans, François Béranger l’avait alors enregistrée (sa version est présentée dans cet album), (Rouge, 23 juin 2005).
  10. Le dimanche 29 avril 2007, en meeting de fin de campagne présidentielle au Palais Omnisports de Paris-Bercy, le candidat Nicolas Sarkozy déclarait : « Dans cette élection, il s’agit de savoir si l'héritage de mai 68 doit être perpétué ou s'il doit être liquidé une bonne fois pour toutes. Je veux tourner la page de mai 68. » (AFP et AP du 30 avril 2007).
  11. Le dessin de la pochette est inspiré d’une des affiches dessinées par l’École des beaux-arts de Paris lors de la révolte étudiante de Mai 68.
  12. La distribution comprenait Jean-Roger Caussimon, Catherine Sauvage, Jean Rochefort, Michael Lonsdale et Jacques Higelin. (Avant-scène Théâtre n° 285, 1er avril 1963).
  13. Comme pour Victor, que Dominique Grange, a laissé rentrer chez lui, au Chili. Adopter un enfant étranger, (Le Nouvel Observateur n° 1507 du 23 septembre 1993).

[modifier] Liens externes

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