Aménagement hydroélectrique Durance-Verdon

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L’aménagement hydroélectrique Durance-Verdon est décidé en 1955 par une loi qui confie trois missions à EDF: produire de l’électricité, assurer l'irrigation des cultures et l'alimentation en eau potable des villes et enfin réguler les crues.

Cet aménagement dont la réalisation complète pris plus de trente ans est achevé en 1992

Sommaire

[modifier] Historique

L’aménagement de la Durance est ébauché depuis le XVIe siècle au moins, dans plusieurs buts, utiliser l’eau de la Durance pour irriguer les cultures, se protéger des crues dévastatrices et limiter l’érosion.

Des sociétés de riverains (Associations syndicales autorisées) se constituent au XIXe siècle qui se donnent pour but de réduire le lit moyen de 1000 m de largeur à 400 m par des digues, afin de mettre la zone alluviale en culture, souvent avec des résultats fragiles. De fortes tensions existent à propos des prélèvements en eau (les autorisations sont de 90 m³/s, l’étiage étant de 40 m³/s à Mirabeau)[1].

La crue exceptionnelle de 1856 provoque la création du premier service de surveillance d’une rivière en France (le Service spécial de la Durance), qui effectue des études d’hydrologie de la rivière. Il propose également la création de barrages sur le cours de la Durance et de ses affluents (à Saint-Clément, Serre-Ponçon, Arambre (au confluent des deux Buech), Saléon et Sisteron). Sur le Verdon, sont envisagés un barrage pour augmenter la capacité du lac d'Allos, à Sainte-Croix et Montpezat (1863), puis deux dans les gorges (à 13 km en aval et au confluent de l’Artuby)[2]. Des projets privés voient également le jour, sans se réaliser. Seules des réalisations à buts précis et limités peuvent aboutir :

  • l’usine hydroélectrique de Briançon, qui sert à l’éclairage de la ville (180 kW) ;
  • l’usine hydroélectrique de l’Argentière, utilisant la force de la Gyronde et de la Durance, construite en 1909 (25 000 kW) ;
  • l’usine hydroélectrique de la Biaisse, également construite en 1909, pour l’usine d’acide azotique (4400 kW) ;
  • l’usine hydroélectrique de Ventavon, au sud de Gap, construite en 1907-1909. Elle appartient à la Société de l’énergie du littoral méditerranéen, et fournit en électricité la vallée du Rhône et Marseille via trois lignes à 50 000 V (23 000 kW) ;
  • l’usine hydroélectrique de la Brillanne, construite en 1904-1907, appartient à la Société de l’énergie du littoral méditerranéen, et complète l’usine précédente (10 500 kW) ;
  • l’usine hydroélectrique de Serres, sur le Buech, peu rentable sur ce cours d’eau très irrégulier, construite en 1901 pour l’usine de carbure de calcium (400 kW).

La puissance installée en début de siècle atteint ainsi 63500 kW, alors que les besoins sont estimés à 400 000 kW et augmentent sans cesse[3]. Cette puissance installée passe à 200 000 kW en 1939, pour une production de 900 millions de kW/h, avec les usines de Baratier, Claux, Champcella, du Poêt, et sur le Verdon, les usines en série de La Brillanne, le Largue et Sainte-Tulle[4].

De plus, le reboisement (politique de restauration forestière) limite le ruissellement et la violence des crues, mais ne résout pas le problème : en effet, certaines vallées sont stériles, sans terre permettant la pousse de forêts[5].

Enfin, plusieurs années de sécheresse entraînent d’importantes pertes de récoltes dans l’agriculture irriguée (1895, 1896, 1899, 1903, 1904, 1906, 1921).

La première loi est votée le 11 juillet 1907. Elle crée une commission exécutive de la Durance, qui définit les besoins en eau, et a pour mission de réduire les prélèvements, avec des pouvoirs coercitifs[6].

Elle est suivie :

  • de la loi du 25 avril 1923, pour la constitution de réserves dans les vallées de la Durance et du Verdon ;
  • de la loi du 13 août 1954 (déclaration d’utilité publique de Serre-Ponçon et du canal vers l’étang de Berre) et de celle du 5 janvier 1955 (loi sur les expropriations et les dispositions concernant l’agriculture)[7] ;
  • de la loi du 15 mai 1963 : concession à la Société du canal de Provence de la dérivation des eaux du Verdon ;
  • du décret du 22 juillet 1982, qui concède la gestion de la Durance entre Cadarache et le confluent du Rhône au Syndicat mixte d’aménagement de la vallée de la Durance.

[modifier] L’aménagement décidé en 1955

Trois missions sont données à EDF :

  • la production d’électricité ;
  • l’alimentation en eau des cultures (irrigation) et des villes ;
  • la régulation des crues[8].

Ce programme a entraîné, sur une période de près de 30 ans, la construction de 23 barrages et prises d’eau (des prises d’eau en amont des Claux sur l’Argentière à celle de Mallemort en passant par le barrage de Serre-Ponçon), du canal EDF de la Durance, alimentant 33 centrales hydroélectriques, et de plusieurs stations de commande.[9]. L’aménagement est achevé avec les ouvrages du Buëch (1992).

Le ministère de l’Agriculture participe au financement du projet (12,3 %), les réserves d’eau constituées étant utilisées par l’agriculture[10].

Ce programme est une réussite presque complète :

  • l’ensemble Durance-Verdon produit 6 à 7 milliards de kWh par an (10 % de la production hydroélectrique française) ;
  • les barrages réservoirs fournissent de l’eau potable à toute la région, et irriguent toute la Provence (un tiers de l’irrigation française) ;
  • les lacs sont une attraction touristique (Serre-Ponçon attire 10 % des touristes fréquentant les Hautes-Alpes) ;
  • les crues faibles et moyennes sont parfaitement contrôlées. Seules les crues très importantes subsistent, le barrage réservoir de Serre-Ponçon ne jouant aucun rôle sur les affluents majeurs, seul le Verdon étant contrôlé par celui de Sainte-Croix (si des capacités de stockage existent au moment de la crue)[11].

Le canal EDF de la Durance court sur plus de 250 km, du barrage de Serre-Ponçon dans les Hautes Alpes à l’étang de Berre. Il a été aménagé à la suite de la réalisation du barrage de Serre-Ponçon pour acheminer l’eau nécessaire à la production hydroélectrique, l’irrigation et l’eau potable de la Provence.

Le canal alimente en eau les quinze centrales hydroélectriques citées ci-dessous et leur permet de démarrer et de fonctionner simultanément. Une puissance de 2000 MW (l’équivalent de 2 réacteurs nucléaires) peut ainsi être mobilisée en moins de 10 minutes. L’ensemble de l’aménagement produit chaque année environ 6 milliards de kWh, soit 10 % de l’ensemble de la production hydraulique d’Électricité de France.

Le canal permet également d’acheminer l’eau stockée dans les barrages de Serre-Ponçon et du Verdon vers la Basse-Durance. Grâce au canal, l’agriculture en Provence est à l’abri de la sécheresse. Chaque année, le canal transporte plusieurs milliards de m³ d’eau qui irriguent 150 000 hectares de terres cultivées. Mais en plus, il est la source d'approvisionnement du canal de Marseille et alimente aussi en eau les réseaux et de la Société du canal de Provence.

[modifier] Installations hydroélectriques

  • Canaux EDF ;
Liste des barrages construits lors de l’aménagement hydroélectrique de la Durance et du Verdon [12]
Nom
et cours d’eau
Année de mise en service Volume
(millions de m³)
Hauteur du barrage
(m)
Crue maximale
(en m³/s et année)
Barrage de Maison du Roy
Durance
Barrage d’Eygliers
Guil
Barrage-centrale de Serre-Ponçon
Durance
1960 1270 129 1800
(1856)
Barrage d'Espinasses (commune de Curbans)
Durance
1966 6 19
Barrage de la Saulce (commune de Sisteron)
Durance
1975 1,8 17
Barrage de Saint-Lazare (commune de Salignac)
Durance
1976 6,2 28 3100
(1843)
Pont-Barrage de l’Escale, qui sert de prise d’eau à la centrale d’ Oraison (1964)[13]
Durance
1964 2,5 29
Barrage de Beaumont
Durance
Barrage du Riou (commune de Lazer)
Buech
1991 0,84 22
Barrage de Jouques (commune de Cadarache)
Durance
1959
Barrage et centrale de Mallemort
Durance
1972
Barrage de Bonpas[14].
Barrage de Castillon 1949 149 101 525
(1856)
Barrage de Chaudanne 1953 16 71
Barrage de Sainte-Croix 1975 767 95 1400
(1843)
Barrage de Quinson 1974 19,5 54
Barrage de Gréoux ou de Vinon 1967 80 64
Liste des centrales hydroélectriques du bassin de la Durance [15]
Lieu


et cours d’eau

Année de mise en service Puissance
(millions de W)
Hauteur de chute
(m)
Productibilité moyenne


(en millions de kWh)

L’Argentière
Durance
1909, reconstruite en 1977 37,8 176 200
centrale d’Eygliers
Guil
1981 25 130,6 63,3
centrale de Baratier
Durance
1930 1 76,6 5
centrale des Salettes
Durance
1987 1,8 93 7,2
centrale de Curbans
Durance
1966 165 83 465
centrale de Lazer
canal usinier
1991 16,5 65,3 44,5
centrale de Sisteron-St-Lazare
Durance
1975 256 11,3 803,5
centrale de Salignac
Durance
1976 88 29,5 250
centrale de la Brillanne
Durance
1906, reconstruite en 1953 30,8 25,4 112
centrale du Largue
Durance
1916, reconstruite en 1954 12 10,8 43
centrale de Manosque
Durance
1969 55 37 188
centrale de Sainte-Tulle (I et II)
Durance
1922-1965 97 37 350
centrale de Beaumont
Durance
1969 44 18,4 160
centrale de Jouques
Durance
1959 78 32,6 365
centrale de Saint-Estève-Janson
1963 156 64 720
centrale de Mallemort
Durance
1972 102,6 44,1 450
centrale de Salon-de-Provence
Durance
1965 102 44,5 360
centrale de Lamanon
canal de Provence
1979 2,6 7,5 7
centrale de Saint-Chamas
canal de Provence
1965 165 71,5 610
centrale de l’Argentière
Gyronde
1909, reconstruite en 1977 37,8 176 200
centrale du Fournel
ruisseau du Fournel
1956 6,5 324 24,5
centrale de Champcella
ruisseau de Biaisse
1909, reconstruite en 1964 12 200 38,5
centrale de La Condamine
Ubaye
centrale sur la Clares-Combes
Buech
1907 0,4 180 1,7
centrale de Trente-Pas
Bléone
1933 0,7 55 4
Centrale des Claux
ruisseau de Saint-Pierre
1932, 1951 13,5 244 39,5
Centrale du barrage de Castillon
Verdon
1949 68 90 77
Centrale du barrage de Chaudanne
Verdon
1953 28,65 70 67
Centrale du barrage de Sainte-Croix
Verdon
1975 158 83 201
(dont 29 par pompage)
Centrale de Quinson
Verdon
1974 44 46,5 100
Centrale de Vinon
Verdon
1967 32,5 83,7 130

Sur cet ensemble, dix-neuf centrales forment la chaîne Durance-Verdon sont pilotées du centre de Sainte-Tulle, et forment un ensemble d’une puissance de 2000 MW (environ deux réacteurs nucléaires)[16].

L’agriculture prélève deux milliards de m³ par an, pour l’irrigation de 200 000 hectares dans toute la Provence. Près de trois millions de personnes (dont la moitié en Basse-Provence) consomment une eau potable prélevée dans les nappes alluviales de la Durance[17].

Enfin, les lacs de toutes tailles créés par cet aménagement servent également à alimenter les hélicoptères bombardiers d’eau et les canadairs luttant contre les incendies de forêt.

[modifier] Construction

[modifier] Quelques chiffres[18]

Outre la construction des 33 centrales électriques, l’aménagement de la Durance, qui concerne 117 communes sur 6 départements (PACA et Gard), a permis :

  • de gagner 21 400 ha à l’arrosage ;
  • d’irriguer 75 000 ha de terres déjà irriguées.

En revanche, il noie 360 bâtiments divers sur les communes de Savines, Rousset, Chorges, Prunières, Le Sauze et Ubaye, et 4080 ha de terres, dont 1127 ha de terres arables.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Sources

  • Direction de l'environnement, du développement durable et de l'agriculture, La Durance : lien de vie du territoire régional, Conseil régional PACA
  • Claude Gouron (photographe), Hélène Vésian (auteur), Serre-Ponçon : voyage photographique au confluent de l’Ubaye et de la Durance, Le Pontet : Éditions Barthélemy et Hangar, 2004. ISBN 2-87923-165-5

[modifier] Notes

  1. Henri Pignoly, « L’Approche historique de la gestion de la Durance », p 96
  2. Pour le §, Claude Gouron (photographe), Hélène Vésian (auteur), Serre-Ponçon : voyage photographique au confluent de l’Ubaye et de la Durance, Le Pontet : Éditions Barthélemy et Hangar, 2004. ISBN 2-87923-165-5, p 39
  3. Jean-Paul Clébert et Jean-Pierre Rouyer, La Durance, Privat, Toulouse, 1991, dans la collection Rivières et vallées de France, ISBN 2-70899503-0, p 141
  4. Clébert & Rouyer, La Durance, op. cit., p 147
  5. Clébert & Rouyer, La Durance, op. cit., p 142-143
  6. Henri Pignoly, « L’Approche historique de la gestion de la Durance », Direction de l'environnement, du développement durable et de l'agriculture, La Durance : lien de vie du territoire régional, Conseil régional PACA, p 96
  7. Gouron-Vésian, op. cit., p 91
  8. Alain Daubas, L’origine du projet d’aménagement hydroélectrique Durance-Verdon, Direction de l'environnement, du développement durable et de l'agriculture, La Durance : lien de vie du territoire régional, Conseil régional PACA, p 39
  9. Alain Daubas, Le réseau durancien : une source d’énergie renouvelable, Direction de l'environnement, du développement durable et de l'agriculture, La Durance : lien de vie du territoire régional, Conseil régional PACA, p 41-42
  10. Alain Daubas, « L’origine du projet d’aménagement hydroélectrique Durance-Verdon », Direction de l'environnement, du développement durable et de l'agriculture, La Durance : lien de vie du territoire régional, Conseil régional PACA, p 39
  11. Henri Pignoly, « La problématique des crues et la culture du risque » Direction de l'environnement, du développement durable et de l'agriculture, La Durance : lien de vie du territoire régional, Conseil régional PACA, p 99
  12. Clébert & Rouyer, La Durance, op. cit., p 152
  13. Clébert & Rouyer, La Durance, op. cit., p 155
  14. Clébert & Rouyer, La Durance, op. cit., p 147
  15. Clébert & Rouyer, La Durance, op. cit. p 152
  16. Alain Daubas, « Le réseau durancien : une source d’énergie renouvelable », Direction de l'environnement, du développement durable et de l'agriculture, La Durance : lien de vie du territoire régional, Conseil régional PACA, p 41-42
  17. Jean-Michel Picazo, « L’agriculture et l’alimentation en eau des populations », Direction de l'environnement, du développement durable et de l'agriculture, La Durance : lien de vie du territoire régional, Conseil régional PACA, p 81-82
  18. Gouron-Vésian, op. cit., p 95