Égalité des chances

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En tant que valeur sociale, l’égalité des chances est une notion compliquée à définir. Le terme égalité est, en effet, polysémique, et donc sujet à polémique. L’objectivité dans la définition donnée dans cet article sera donc relative. Notons également l’ambiguïté du terme chance, mis au pluriel dans cette expression.

Sommaire

[modifier] Étymologie et définition des termes

Le terme égalité est le substantif relatif à ce qui est égal. Ce dernier nom commun, est issu du latin aequalis, qui a une signification semblable à l’adjectif « égal » ; de ce qui est uniforme, régulier. Dans l’expression étudiée ici, l’égalité revêt un caractère essentiellement politique et social, à savoir l’égalité entre les citoyens.

Le terme chance, a quant à lui une étymologie bien plus surprenante. Il provient en effet du latin cadere, qui signifie « tomber ». Elle reste néanmoins logique, puisque la chance peut être considérée comme maîtresse des évènements, qui nous « tombent » dessus, souvent par bonheur.

Cette définition est néanmoins la première qui vient à l’esprit ; mais elle ne convient absolument pas dans notre cas. Nous n’avons, de plus, pas encore défini l’expression sans sa globalité.

[modifier] Approche générale

L’égalité des chances, c’est une exigence qui veut que le statut social des individus d’une génération ne dépende plus des caractéristiques morales, ethniques, religieuses et sociales des générations précédentes.

C'est cette vision de l'égalité des chances qui constitue l'un des fondements de la Théorie de la justice de John Rawls : « en supposant qu'il y a une répartition des atouts naturels, ceux qui sont au même niveau de talent et de capacité et qui ont le même désir de les utiliser devraient avoir les mêmes perspectives de succès, ceci sans tenir compte de leur position initiale dans le système social. »[1] Le philosophe américain en fait l'un des deux pans de son « second principe », qui vient après le principe d'égale liberté. Selon Rawls, toute inégalité économique ou sociale n'est acceptable que :

  • si elle permet d'améliorer la situation des plus défavorisés (principe de différence). Cela peut être le cas par exemple si l'attribution d'un salaire élevé à un PDG permet d'attirer un patron talentueux qui, en développant l'entreprise, va améliorer le sort des employés.
  • si les avantages sont attachés à des positions sociales auxquelles tous peuvent parvenir s'ils ont les talents nécessaires (principe de juste égalité des chances, equality of fair opportunity). Il ne s'agit pas seulement d'une égalité de droit, garantie par la loi, mais d'une égalité de fait : le système scolaire doit effectivement permettre à un enfant issu d'une classe défavorisée d'accéder à une carrière adaptée à son talent.

Cette égalité des chances se rapproche de la notion d'équité. Si les individus ne sont pas plus favorisés ou défavorisés les uns par rapport aux autres, alors seul rentre en compte l'effort individuel dans la distinction entre les individus. On peut alors considérer l'égalité des chances comme favorisant le développement d'inégalités justes, c’est-à-dire celles étant légitimées par les efforts personnels de l'individu.

Dans Droit, législation et liberté (1978), le philosophe et économiste autrichien Friedrich Hayek aborde de manière critique la question de l'égalité des chances. Il considère que la seule égalité des chances acceptables est l'égalité devant la loi, éventuellement complétée d'une fourniture des moyens d'instruction pour les mineurs. Demander à l'Etat de garantir davantage serait risquer de « créer un cauchemar » en lui donnant tout contrôle sur nos vies; en effet, « de proche en proche, il faudrait en arriver à ce que le pouvoir politique dispose littéralement de tous les éléments susceptibles d'affecter le bien-être de tout un chacun »[2].

L'économiste américain Milton Friedman défend une position proche : l'expression ne doit pas s'entendre au sens général selon lui. Elle se rapproche de l'expression utilisée lors de la Révolution française, « une carrière ouverte à tous les talents ». Elle correspond selon cette acception à l'égalité devant la loi, fondement de la démocratie libérale, et est une composante essentielle de la liberté. Friedman l'oppose à la notion d'égalité des résultats, dévoyement radicalement différent et dangereux pour lui[3].

Pour Patrick Savidan, philosophe et Président de l'Observatoire des inégalités, l'égalité des chances suppose que des moyens importants (santé, logement, éducation, formation, ...) soient socialement mobilisés pour que chaque nouvelle génération et chaque individu au sein de cette génération ait une chance égale. Dans Repenser l'égalité des chances (2007), Patrick Savidan souligne qu'une conception très individualiste de l'égalité des chances ne permet pas d'atteindre cet objectif, mais tend au contraire à renforcer les inégalités. Pour que l'égalité des chances devienne « soutenable », il faudrait selon lui qu'elle produise « des rapports sociaux qui ne rendent pas impossible l'égalité des chances ». Il propose pour cela de l'inscrire dans une perspective plus solidariste.

[modifier] L'égalité des chances, notion de politique publique

En Belgique et au Luxembourg, la notion d'égalité des chances s'applique d'abord à l'égalité entre les hommes et les femmes. Il existe ainsi un Ministère de l'Égalité des chances au Luxembourg et une direction de l'Égalité des chances dans la Communauté française de Belgique.

La notion concerne aussi la lutte contre les discriminations sociales, raciales ou autres. Ainsi la loi du 15 février 1993 a créé en Belgique le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, service public dépendant du gouvernement fédéral. En France, le gouvernement a utilisé la notion d'égalité des chances dans le domaine de l'emploi et des discriminations sociales en faisant adopter une loi pour l'égalité des chances au début de 2006. Le préambule du projet de loi [4] évoque les inégalités d'accès à l'emploi dont souffrent les habitants des quartiers « défavorisés », sujet central des émeutes de 2005 dans les banlieues françaises.

Les politiques d'éducation jouent un rôle important pour assurer l'égalité des chances dans une société. On peut souligner quelques actions concrètes en faveur de l'égalité des chances dans les grandes écoles françaises. L'Institut d'études politiques de Paris, avec ses conventions éducation prioritaire, et l'association Tremplin, qui œuvre dans d'autres grandes écoles, ont été les premiers à mettre en place des dispositifs encourageant les lycéens de quartiers défavorisés à entrer dans des grandes écoles. L'ESSEC a mis en place en janvier 2003 le dispositif « Une prépa, une grande École, pourquoi pas moi? ». [Sources M.H]

[modifier] Voir aussi

[Sources M.H]

[modifier] Lien externe

[modifier] Notes et références

  1. John Rawls, Théorie de la justice, 1971 (chapitre 12, trad. Catherine Audard, Seuil)
  2. Friedrich Hayek, Droit, législation et liberté, PUF, édition 2007, pp.487-489
  3. Milton Friedman, La liberté du choix, p. 155-158
  4. * Voir le Projet de loi pour l'égalité des chances (version d'origine déposée par le gouvernement le 11 janvier 2006).