Zacharie Allemand

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Zacharie Jacques Théodore Allemand, (1er mai 1762 à Port-Louis - 2 mars 1828 à Toulon) est un marin d’Empire français

Sommaire

[modifier] Avant la Révolution

Fils d’un capitaine de la Compagnie des Indes, il est orphelin très jeune et s’engage à 12 ans comme mousse sur un bâtiment de la Compagnie, le Superbe et navigue dans l’océan Indien et en mer de Chine.

Volontaire dans la Royale en 1778 sur le Sévère, il participe à toute la campagne du Bailli de Suffren dans l’océan Indien et à tous ses combats. Il est trois fois blessé dont deux fois lors des combats de Gondelour. À la fin de la guerre, au lieu de retourner en France, il reste dans l’océan Indien et la Royale avec le grade de lieutenant de frégate sur le vaisseau l’Annibal puis les flûtes la Baleine et l’Outarde. Il revient finalement en France fin 1786 pour bénéficier de la réforme créant le grade de sous lieutenant de vaisseau. En cette qualité, il navigue jusqu’à 1791 sur différentes frégates aux Antilles et sur les côtes d’Amérique.

[modifier] La Révolution

Lieutenant de vaisseau en janvier 1792, il est capitaine de vaisseau à la déclaration de guerre contre l’Angleterre en février 1793 et chargé du commandement de la frégate la Carmagnole ainsi que d’une petite division. Il effectue une guerre de course en Atlantique et s’empare de la frégate HMS Thames, qui errait désemparée et démâtée après avoir combattu durement la veille la frégate l’Uranie qui avait renoncé à l’abordage. Cette prise facile, la première faite sur la Royal Navy lors de cette guerre, lui vaut les félicitations de la Convention. La Thames est incorporée à la marine de la République sous le nom de Tamise.

En 1794, commandant le vaisseau de 74 Duquesne, il ravage avec une division les établissements britanniques de Sierra Leone et de Guinée, prenant ou détruisant 21 navires, la plupart négriers.

Il se joint ensuite en Méditerranée à l’escadre du contre-amiral Martin avec lequel il a des relations exécrables. Il participe à l’opération sur la Corse et échappe de peu à une révocation pour indiscipline après le combat indécis du cap Noli (1796).

Devenu chef de division, il commanda une partie de l’escadre du contre-amiral Richery, avec laquelle il combat près de Cadix et participe notamment à la reprise du vaisseau le Censeur. Il est ensuite envoyé détruire les établissements britanniques sur la côte du Labrador. Au retour, il s’empare d’un important convoi : 80 000 000 francs de prises et 1 800 prisonniers, parmi lesquels, le gouverneur général du Canada, toute sa famille et beaucoup d’officiers de marque. Malgré ce succès, il est révoqué de son commandement dès son retour pour « brutalité envers son équipage » et « grossièreté vis-à vis-de ses passagers ».

Son mauvais caractère et ses colères exécrables sont connus de toute la marine de l’époque : l’historien de la marine Jal dira de lui au XIXe siècle qu’il était « Un des hommes les plus désagréables de sa génération ». Pour sa part Auguste Thomazi dans Les Marins de Napoléon le décrira de la façon suivante : « Dur, vexatoire, insolent et grossier jusqu’au cynisme, il était exécré de ses frères d’armes ».

Mais il demeure ferme, brave, audacieux et entreprenant. On ne peut oublier son épitaphe, qu’il a d’ailleurs lui-même rédigée : « 29 campagnes en sous ordres, 37 ans de service dont 26 sous voiles, commandé 13 croisières, 3 divisions en mission, 5 escadres, une armée, participé à 17 combats et reçu trois blessures graves. »

Sur le Tyrannicide, il participe au raid de Bruix en Atlantique puis Méditerranée. Lorsque Latouche-Tréville succède à Bruix, il révoque Allemand de nouveau pour grossièreté ce qui ne l’empêchera pas de commander quelque temps plus tard les vaisseaux l’Aigle, puis le Magnanime. En 1801, il participe à l’opération de Saint-Domingue contre Toussaint Louverture, s’empare de Saint-Marc puis attaque la Dominique au sein de l’escadre Missiessy qu’il remplace en 1803.

[modifier] L’Empire

En 1805, bien que toujours capitaine de vaisseau, il commanda l’escadre de Rochefort, avec laquelle il fit une campagne en Atlantique, s’emparant notamment du vaisseau de ligne le Calcutta (64 canons), et prit ou détruisit environ cent bâtiments. Sillonnant l’Atlantique en tous sens, il parvint à échapper à trois escadres ou divisions anglaises à sa poursuite. Son escadre en reçu le surnom d’« escadre invisible ». Au retour, malgré les mises en garde de Decrès à l’Empereur : « C’est l’expression [la brutalité] qui convient aux procédés qu’il a avec ses subordonnés, l’arrogance de ses manières, les propos les plus grossiers et les plus humiliants dans sa conversation et dans ses rapports officiels, une vantardise que rien ne justifie, voilà ce qui lui a aliéné tous ceux qui servent sous ses ordres… Au reste, cet homme si hautain, si dur, si impérieux avec ceux qui sont sous ses ordres a toujours tenté d’en user de même avec ses égaux, et je ne sais comment cela s’est fait, mais il est l’officier à qui j’ai vu le plus de querelles. » (rapport du ministre en date du 13 septembre 1806 à l’Empereur, AN AF IV 1210), Napoléon qui considère qu’Allemand a de la chance, qualité incontournable selon lui pour tout général, le promeut contre-amiral le 1er janvier 1806. De ce fait, Decrès en tire la conclusion (erronée) qu’Allemand est un protégé de l’Empereur et intouchable.

Nommé, en 1809 avec le grade de vice-amiral, commandant des escadres de Brest et de Rochefort, réunies dans la rade de l’île d'Aix, il prend des mesures de défense insuffisante alors que tout annonce une attaque anglaise par des brûlots. Lorsque Cochrane lance l’attaque, la panique éclate chez les Français et Allemand donne pour seul ordre « liberté de manœuvre » se préoccupant seulement de son propre bâtiment qu’il fait se réfugier dans la Charente après avoir fait jeter par dessus bord la plus grande partie de son artillerie. Le désastre est considérable : quatre vaisseaux et deux frégates pris et détruits ou sabordés. L’amiral n’entreprend rien pour défendre les bâtiments échoués et harcelés par les anglais dans les dix jours qui suivent. Decrès convaincu que l’amiral ne doit en aucun cas être inquiété sous peine de déplaire à l’Empereur, fait convoquer un conseil de guerre qu’il manipule en interdisant toute mise en cause de l’amiral. Quatre capitaines seront jugés, l’un d’eux fusillé, un autre révoqué. Toute la marine est choquée par l’outrageuse protection dont bénéficie Allemand quand il est aussitôt nommé au commandement de la flotte de la Méditerranée afin de ne pouvoir être entendu ou mis en cause par le conseil de guerre de Rochefort.

À Toulon, il entretient des relations détestables avec Emeriau, préfet maritime; il commande la flotte de Brest en 1811, multipliant incidents, altercations, voire pugilats avec ses officiers. La flotte de Brest reste stationnaire pendant toute cette période. En 1813, il est nommé adjoint de Missiessy à Flessingue, ce qu’il refuse violemment, considérant qu’il ne peut que commander en chef. Il est cette fois en disgrâce et mis en retraite d’office.

[modifier] Une retraite forcée

Lors de la première Restauration, il harcèle le ministère afin de reprendre du service, demander décorations et honneurs, sans aucun succès. Pendant les Cent-Jours, il est le seul officier général que Decrès refusera de réintégrer.

Dans les années qui suivirent, faute de pouvoir semer la pagaille dans la marine, il le fit dans un tout autre domaine, celui de la franc-maçonnerie, y semant la zizanie et créant un ordre dissident le « Suprême Conseil du Prado » peu durable dont il se proclama « Souverain Grand Commandeur ». Son activité s’y limita à faire condamner et exclure (sans que personne n’en tienne sérieusement compte) tous les membres importants de l’ordre. Il s’intéressa aussi à l’ordre des chevaliers du Saint-Sépulcre dont il publia l’histoire : Précis historique de l’Ordre royal, hospitalier, militaire du Saint-Sépulcre de Jérusalem par le comte Allemand, Paris, Delaunay 1815.

Incontestablement un marin de talent (sauf dans la lamentable affaire des brûlots de l’île d’Aix où il se montra totalement inefficace), mais un homme détestable, n’ayant probablement pas toujours toute sa raison. Son volumineux dossier personnel aux Archives de la Marine de Vincennes n’est qu’une litanie de lettres de plaintes d’officiers ayant servi sous ses ordres et ayant dû subir sa colère, ses violences et ses insultes. Certains, alors parvenus aux responsabilités, se vengeront dans les années 1830 lors de la constituions de la liste de noms destinés à l’arc de triomphe en l’en excluant sans appel. Si l’on s’en tient à ses seuls faits d’armes, il aurait pu sans aucun doute y prétendre, au moins autant que certains dont on peut se demander ce qu’ils font là, mais comme l’écrivit le vice-amiral Ganteaume : « Par son caractère dur, intraitable, par sa morgue, le général Allemand s’est aliéné tous les esprits. Les matelots ne l’aiment point, les officiers le détestent, ni les uns, ni les Autres n’ont confiance en lui. ».

Voir : Marins d'Empire.

[modifier] Liens externes

[modifier] Sources

« Zacharie Allemand », dans Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1852 [détail édition](Wikisource)

- Georges Six : Dictionnaire biographique des généraux et amiraux de la Révolution et de l’Empire

- Auguste Thomazi: Les Marins de Napoléon, Tallandier, Paris 1978

- Lévêque (Pierre) : Les Officiers de marine du Premier Empire (2 volumes), Service historique de la Marine, Paris

- Silvestre (Jules) : Les Brûlots anglais en rade de l’île d’Aix, Arthur Savaète, Paris 1912

- Archives : SHD, Mar. CC7 dossier Zacharie Allemand