Variété abélienne

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En mathématiques, une variété abélienne A est, grosso modo, un groupe algébrique projectif. La projectivité (l'équivalent de compacité pour les variétés différentielles ou analytiques) donne une certaine rigidité à la strucutre. En géométrie arithmétique, c'est un objet central.

Sommaire

[modifier] Définition

Une variété abélienne sur un corps k est un groupe algébrique A sur k, dont la variété algébrique sous-jacente est projective, connexe et géométriquement réduite. Celle dernière condition veut dire que lorsque l'on extend le corps de base k à une clôture algébrique de k, la nouvelle variété est réduite (cela implique que A est réduite). Si k est de caractéristique nulle, la condition "géométriquement réduite" est automatiquement satisfaite pour tout groupe algébrique sur k.

Exemple Les variétés abéliennes de dimension 1 sont les courbes elliptiques.

La jacobienne d'une courbe algébrique projective non-singulière géométriquement connexe, de genre g, est une variété abélienne de dimension g.

Si A est une variété abélienne sur ℂ, alors A(ℂ) est naturellement une variété analytique complexe, et même un groupe de Lie. C'est le quotient (au sens de la géométrie analytique complexe) d'un ℂn par un réseau qui admet un plongement dans un espace projectif.

[modifier] Propriétés basiques

Une variété abélienne A est toujours non-singulière, et la loi de groupe sur A est commutative.

Si A et B sont des variétés abéliennes sur k, et si f : A -> B est un morphisme de variété algébrique qui envoit le zéro de A sur le zéro de B, alors f est un hommorphisme de groupes algébriques (c'est-à-dire que f est compatible avec les structures de groupes algébriques sur A e B).


Structure de la torsion Si A est une variété abélienne de dimension g définie sur un corps k et si n est un entier naturel premier à la caractéristique de k, alors l'ensemble A(\bar{k})[n] des éléments de A à coordonnées dans une clôture algébrique \bar{k} de k et qui sont d'ordre divisant n (c'est donc le noyau de l'application multiplication par n dans dans le groupe A(\bar{k})) est un groupe fini, isomorphe à (ℤ/nℤ)2g.

[modifier] Isogénie

Un homomorphisme f : A -> B de variétés abéliennes est une isogénie si A et B ont la même dimension et si le noyau de f est fini. Un exemple typique d'isogénie est la multiplication par n : n_A : A -> A, a -> na pour tout entier naturel n (même quand il est divisible par la caractéristique de k).

Théorème Si f : A -> B est une isogénie, alors il existe une isogénie g: B -> A telle que fg=n_B et gf=n_A.

Définition On dit que A est simple si elle n'a pas d'autres sous-variété abélienne que {0} et elle-même. Par exemple toute courbe elliptique est simple, mais pas le produit de deux courbes elliptiques.

Théorème (irréductibilité complète de Poincaré) Si f : A -> B est un homomorphisme de variété abéliennes surjectif, alors il existe une sous-variété abélienne C de A telle que A soit isogène à B x C.

On en déduit que toute variété abelienne A est isogène à un produit de variétés abeliennes simples. L'ensemble de ces facteurs simples est unique à permutations et isogénies près.

[modifier] Anneaux d'endomorphismes

Soit A une variété abélienne sur k de dimension g. On note End(A) l'ensemble des endomorphismes de A.

Théorème L'ensemble End(A) est naturellement un anneau. Comme module sur ℤ, il est libre de rang au plus 4g.

La structure de l'anneau End(A) est plus simple lorsqu'on permet d'inverser les entiers naturels. On note End^0(A) le produit tensoriel sur ℤ de End(A) par le corps des rationnels Q.

Théorème Si A est isogène au produit \prod_i A_i^{r_i} avec A_i simples, r_i \ge 1, et A_i non isogène à A_j si i est différent de j, alors End^0(A) est isomorphe au produit \prod_i M_{r_i}(k_i), où k_i= End^0(A_i) est un corps gauche de dimension finie sur k, et où M_n désigne l'algèbre des matrices carré d'ordre n.

[modifier] Module de Tate

Nous avons vu que sur ℂ, A est un quotient (comme variété analytique) de ℂ^n par un réseau \Lambda. Sur un corps k quelconque, il existe un équivalent du réseau \Lambda, c'est le module de Tate.

Définition Soit \ell un nombre premier distinct de l'exposant caractéristique de k. On a un système projectif (A(\bar{k})[\ell^n])_n, où les applications de transition sont la multiplication par \ell. Alors le module de Tate (du nom du mathématicien John Tate) de A est la limite projective, notée T_{\ell}(A), de (A(\bar{k})[\ell^n])_n.

Le module de Tate est naturellement un module sur l'anneau ℤ_{\ell} des entiers \ell-adiques.

Proposition T_{\ell}(A) est isomorphe à ℤ_{\ell}^{2g}.

[modifier] Référence

  • André Weil: Courbes algébriques et variétés abéliennes, 1948
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