Texaco (roman)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Texaco est un roman de Patrick Chamoiseau paru en 1992 et récompensé par le Prix Goncourt.

Son titre fait référence à un quartier de Fort-de-France appelé ainsi car il a été construit autour de réservoirs appartenant à la succursale de l'entreprise pétrolière Texaco.

Cette épopée de la conquête créole de la ville, alimentée par les mémoires de Marie-Sophie Laborieux, fondatrice de Texaco, qui témoigne auprès de l'auteur-narrateur, est organisée autour de l'idée messianique d'un Christ. Celui-ci n'est autre qu'un urbaniste habile à décrypter l'organisation du quartier créole, qui cache sa richesse et sa complexité sous des dehors insalubres.

Les souvenirs de Marie-Sophie Laborieux, transcrits dans un splendide français mâtiné de créole, retracent l'Histoire de la Martinique depuis le XIXe siècle à travers la "petite histoire" de son père Esternome. Ils s'achèvent sur le récit de son propre combat contre le "béké des pétroles" pour l'érection du quartier Texaco, véritable symbole de la lutte des noirs antillais pour sortir de la nuit coloniale et construire leur identité créole.

[modifier] Extraits

  • On a parlé de cette horreur. La montagne qui a rasé Saint-Pierre. Là, mon Esternome ne voulait rien décrire. Il déposait le même silence buté qu'il cultiva sa vie durant sur les antans de l'esclavage. Il voulait peut-être oublier ce qu'il avait vu en entrant dans l'En-ville. Il dut y réussir car même lorsqu'il le voulut, il ne put murumurer que des choses éparses, sans grand sens, mais aussi terribles qu'une bonne description.
  • Nous rencontrâmes des nègres marrons. Leurs ajoupas se mêlaient aux fougères. Ceux-là étaient sombres, absents du monde aussi, différents. Ils étaient, le temps passant, demeurés en esprit dans le pays d'avant [...] A eux aussi nous disions : Liberté là, Liberté là. Ils nous regardaient sans pièce curiosité et disparaissaient flap. C'était nous dire : Cette liberté est une bien vieille affaire. Chez ces rebelles des premiers temps, il n'y avait pour nous pas le moindre sentiment. Pas une lueur amicale. Pas de quoi espérer autre chose qu'un mépris. Alors plus d'un d'entre nous s'écriait en pleine rage : Yo pa ba nou'y fout'! Sé nou ki pran'y, Ils ne nous l'ont pas donnée, nous l'avons prise... Merci-Bondié : nous possédions cette histoire-là...
  • Quartier créole c'est des gens qui s'entendent. de l'un à l'autre, une main lave l'autre, avec deux ongles, l'on écrase la puce. C'est l'entraide qui mène. Un Quartier même s'écrie comme ça. C'est te dire.
  • Texaco se souvient du jeu de forces entre la case et la Grand-case, entre l'habitation et le bourg, entre le bourg rural et la ville. Fort-de-France, emportée par l'idéal pavillonnaire et le blockhaus infernal, avait un peu oublié les équilibres originels. Texaco, comme les autres quartiers lui ramenèrent le tout en bouillon et brouillon. C'est richesse que doit vivre l'urbaniste.