Synarchie

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Le terme synarchie désigne deux réalités qui semblent différentes :

  • d'une part, dans son sens courant, une société politique secrète, réelle ou supposée, évoquée en France dans les années 1930-1940, qui serait liée à l'émergence du mouvement technocratique.
  • d'autre part, dans un sens moins connu, un forme théorique de gouvernement proposée par le Français Joseph Alexandre Saint-Yves d'Alveydre (1842-1909). qui écrivit à la fin du XIXe siècle plusieurs livres exposant la théorie de la Synarchie. Il avait l'espoir de voir la Synarchie se réaliser comme une organisation européenne capable d'empêcher les guerres du XXe siècle qu’il pressentait et comme organisation intérieure de chaque nation européenne, de la France en particulier. Aucun de ces espoirs ne se réalisa, mais certains estiment que ses théories conservent une validité[réf. nécessaire].

Sommaire

[modifier] La Synarchie selon Saint-Yves d'Alveydre [1]

La Synarchie est une forme de gouvernement exposée par Saint-Yves d'Alveydre dans ses ouvrages, notamment La France vraie (1887).

[modifier] Synarchie nationale

[modifier] Autorité et Pouvoir

La Synarchie est une forme de gouvernement qui distingue l'autorité du pouvoir : ceux qui ont le pouvoir sont subordonnés à ceux qui ont l'Autorité.

Saint-Yves d'Alveydre distingue ainsi le pouvoir de l'autorité : « L'Autorité proprement dite n'appartient jamais à la force. La politique en est essentiellement dépourvue. Pour rendre plus sensible la différence du Pouvoir et de l'Autorité, je prendrai pour milieu d'observation la Famille. Le père exerce le Pouvoir sur ses fils, la mère et le grand-père l'Autorité. Dès que cette dernière, tout intellectuelle, toute morale, emploie directement la force, soit dans la Famille, soit dans la Société, elle se perd en se confondant avec le Pouvoir. »[2].

Saint-Yves d'Alveydre applique cette distinction à la société :

  • L'autorité doit appartenir, selon lui, à un "Corps enseignant" réunissant toutes les institutions enseignantes du pays. Un Souverain Pontife doit être mis à la tête de ce corps enseignant. Il doit être désigné d'après ses mérites par le Corps enseignant et il ne dispose que de sa science et de l’estime générale pour asseoir son autorité.

Le chef de l’Exécutif et tous les fonctionnaires sont choisis par l'examen par le corps enseignant et lui reste subordonné.

  • Dans ce type de gouvernement les trois fonctions essentielles de l'activité collective des sociétés : l’Enseignement, la Justice et l’Économie sont représentées par trois chambres sociales non politiques élues professionnellement au suffrage universel. Ces Chambres sociales élaborent les projets de loi.

A ces trois Chambres correspondent trois corps politiques qui ont pour tâche de promulguer et d'appliquer les lois préparées avec mandat impératif par les trois Chambres sociales. Les corps politiques ne peuvent promulguer que des lois préparées à l'avance par ces Chambres sociales.

[modifier] État Social et État Politique

Selon Saint-Yves d'Alveydre, l'action politique d'un gouvernement sur un peuple ne peut s’exercer sans tenir compte de ce peuple : une loi politique constitutionnelle suppose donc une loi antérieure établissant l'organisation sociale des gouvernés[3]. Il distingue ainsi

La Synarchie est l'alliance de ces deux Lois. Les "Conseils sociaux" agissent sur les "Conseils politiques du gouvernement" : l'Enseignement agit sur le Délibératif, le Juridique sur le Judiciaire, l'Ordre Economique sur l'Exécutif. Ensuite, les pouvoirs des gouvernants réagissent sur ceux des gouvernés, en leur rendant en acte ce qu'il en a reçu en puissance.[4].

[modifier] La Synarchie

Pouvoirs électoraux synarchiques - État social

Dans la Synarchie de Saint-Yves d'Alveydre, tous les individus majeurs d'une même commune votent par foyer, chacun comme membre de son unité professionnelle : le candidat ne peut être élu que pour sa profession et pas en dehors, le suffrage est professionnel. Chacun vote pour trois candidats, afin de former le Collège électoral du département qui se divise en trois Pouvoirs sociaux. Le mandat du délégué est impératif et non représentatif : son mandat porte sur le contenu du cahier de vœux. Les collèges départementaux élisent des délégations dont l'ensemble constitue le Collège électoral central, les trois pouvoirs des Gouvernés :

Le Pouvoir de l'Enseignement rédige une première synthèse de cahiers impératifs concernant les cultes, ordres religieux, l'enseignement dans tous ses niveaux, la presse libre.

Le Pouvoir Juridique rédige une deuxième synthèse de cahiers impératifs concernant les métiers juridiques, l'administration, les unicipalités, l'Armée, la Marine, la police.

Le Pouvoir Economique rédige une troisième synthèse de cahiers impératifs concernant les affaires financières et économiques.

Chaque électeur consignera ses voeux sur trois feuilles. La première feuille recueillera sa pensée sur toutes les questions concernant son culte, son Enseignement, et celui de ses enfants. La seconde enregistrera tous ses desiderata au sujet de l'administration de la Justice dans sa localité. La troisième aura trait aux questions économiques qui le touchent directement comme membre d'une profession. Chacune des trois feuilles individuelles ira au Collège départemental, Ordre par Ordre, et leur étude servira de base au cahier de l'Ordre. Les cahiers départementaux seront envoyés aux trois Conseils du Collège électoral central pour se fondre dans une synthèse nationale en trois cahiers. Ce Collège électoral central siégera tour à tour dans les villes importantes, en commençant par la capitale pour y revenir en fin. Les trois Conseils ne communiquent que par des commissions. Le vote est qualitatif par profession. Il n'est quantitatif qu'au premier degré dans chaque profession. Les discours sont interdits, à moins d'être notifiés à l'avance avec leurs conclusions, et strictement limités aux ordres du jour. Chaque profession ne pourra mandater que trois orateurs inscrits à l'avance sur son cahier. Ces trois Conseils sont constitués pour dix ans. Ses membres ne sont éligibles qu'une fois. (La France vraie, tome 2, chapitre 21, pages 345-349)


Pouvoirs législatifs synarchiques - État politique

Le Collège électoral central élit à vie un triple Conseil d'État législatif, spécialisé de la même manière, et qui légifère d'après les études préalables résumées dans les cahiers. Les trois Collèges sociaux élisent des commissaires chargés de les représenter auprès des Conseils d'État, et de veiller impérativement à ce qu'ils ne légifèrent pas en dehors des voeux des cahiers.

1° Conseil d'État Pouvoir législatif concernant les Cultes, l'Education, et l'Instruction publique. Sanction : Examen secret des candidats aux offices, honneurs, et grades. Contrôler par les commissaires du premier Collège électoral.

2° Conseil d'État Pouvoir législatif concernant Justice, Guerre, Marine, Police, Affaires étrangères (excepté l’Instruction et les Cultes, ni les Traités de Commerce). Sanction : élection de l'Exécutif. Attribution des honneurs, offices, et grades, après examen par l'Autorité. Contrôler par les commissaires du deuxième Collège électoral.

3° Conseil d'État Pouvoir législatif concernant Economie publique, Finances, Industrie, Agriculture, Commerce, et Main-d'Œuvre, Marine marchande, Transports, Traités de commerce. Sanction : Vote du budget, administration des deniers publics. Contrôler par les commissaires du troisième Collège électoral. (La France vraie, tome 2, chapitre 21, pages 349-350)


Gouvernement synarchique

Des Conseils d'État sortiront trois ministères, dirigés par trois ministres aidés du nombre voulu de secrétaires d'État. Les trois ministres sont choisis à la suite d'une élection doublée d'un examen.

Premier ministère - Il représente tout le Pouvoir enseignant du Peuple. Son chef prendra le titre de Primat, avec les prérogatives de l'Autorité enseignante, désarmée de toute sanction autre que l'examen intellectuel et moral.

Deuxième ministère - Il représente tout le Pouvoir de Justice du Peuple. Son chef prendra le titre de Grand Justicier, avec les prérogatives du Pouvoir Exécutif armé de toutes ses sanctions de force matérielle, sous l'Autorité du Primat, qui conserve le droit de grâce.

Troisième ministère - Il représente tout le Pouvoir Economique du Peuple, avec toutes les prérogatives de ce Pouvoir. Son chef prend le titre de Grand Econome. Il est assisté par des commissaires provenants non seulement du Conseil d'État Economique, mais aussi du Troisième Collège électoral. En effet, le Pouvoir Economique est l'Exécutif des Gouvernés.

Le Pouvoir temporel sera exercé par le Grand Justicier. Le deuxième Conseil d'État lui donnera deux assesseurs choisis à l'examen par le premier Conseil d'État.

Le ministère des Affaires étrangères sera remplacé par une Commanderie d'État divisée en trois directions. La première direction relèvera du Primat, et le mettra en rapport avec les institutions culturelles et enseignantes de chaque puissance par un envoyé spécial. La seconde direction relèvera du Grand Justicier. Elle le mettra en rapport avec les Chefs d'État étrangers et avec leurs ministères de la Guerre et de la Justice. La troisième direction relèvera du Grand Econome. Elle le mettra en rapport avec les ministères économiques de chaque puissance contractante par un envoyé remplissant les fonctions de Consul général. Ainsi, au lieu d'un ambassadeur par puissance, représentant une confusion de Pouvoirs, il y aura trois envoyés spéciaux répondant professionnellement aux exigences de la triple nature des relations entre pays. (La France vraie, tome 2, chapitre 21, pages 351-357)

[modifier] Synarchie européenne

Saint-Yves d'Alveydre traite de la Synarchie européenne dans son ouvrage « La Mission des Souverains »[5].

[modifier] La synarchie de Saint-Yves et l’idée de complot

Pour promouvoir son système, Saint-Yves publie plusieurs ouvrages, tient des conférences, participe à la création d’un syndicat[réf. nécessaire], obtient des entretiens officiels avec des hommes politiques (Jules Grévy, Sadi Carnot[réf. nécessaire], etc.), etc. Il mène ainsi une campagne de propagande pour la diffusion de la Synarchie au grand jour.

Selon ses défenseurs, on ne peut donc pas utiliser la Synarchie de Saint-Yves pour justifier, même en théorie, le moindre complot, coup d’état ou révolution. L'idée de complot serait la négation de la Synarchie de Saint-Yves parce que celle-ci ne peut s’établir qu’au vu et au su de tous puisqu’elle est universelle. Tel est le sens premier que Saint-Yves lui donne dans La Mission des ouvriers l'association de tous : « Dans la Mission actuelle des Souverains, j'ai donné à ce Gouvernement nouveau ce nouveau nom : la Synarchie, comme qui dirait l'association de tous, le Totalisme, au lieu du Nihilisme. »[6].

Saint-Yves lui-même n’aurait jamais adhéré à une quelconque société secrète et n’en ayant fondé aucune[réf. nécessaire].

Ses partisans mettent en avant le fait que la Synarchie de Saint-Yves n'aurait aucun lien avec les utilisations qui ont été faites plus tard du terme Synarchie.

[modifier] La Synarchie, société secrète ? (années 1930-1940)

Le terme de Synarchie a été beaucoup utilisé à la fin des années 1930 et surtout au début des années 1940, pour évoquer un complot, réel ou supposé, cherchant à imposer à la France un gouvernement technocratique. Ce thème apparaît dans des livres, journaux, notes personnelles et circulantes, etc.

Le caractère troublé de l'époque, le polymorphisme idéologique prété à cette organisation, le caractère récurrent du thème de la conspiration à cette époque (de même que les soit-disant complots juif, franc-maçon ou bolchévique), la diffusion de la théorie du complot dans certains courants politiques, le manque de preuve absolue (les archives de cette époque n'ont été vraiment ouvertes qu'à partir de 2005), ont conduit les historiens de l'après-guerreà une grande circonspection face à cette thèse.

[modifier] Le thème de la "Synarchie" sous le régime de Vichy

En 1941, après le changement ministériel remplaçant Pierre Laval par François Darlan, des rumeurs circulent à propos d’une organisation secrète appelée synarchie réunissant des polytechniciens et un grand nombre de hauts fonctionnaires dont le but serait de ruiner la révolution nationale du maréchal Pétain. Les membres de ce complot seraient un certains nombre de technocrates entrés dans le gouvernement Darlan[réf. nécessaire]. Des liens auraient également été faits avec le groupe X-Crise, qui réunissait dans les années 30 des Polytechniciens de tous horizons politiques intéressés par les question de société[réf. nécessaire].

Dans les années 40, le « Rapport Chavin » met à jour une organisation, le "Mouvement synarchique d’empire" (M.S.E.), et des documents relatifs dont le « Pacte synarchiste révolutionnaire »[réf. nécessaire]. Cette organisation, fondée en 1922, selon le « Pacte synarchique révolutionnaire », aurait pu n'avoir d'existence que sur le papier[réf. nécessaire]. Ce texte serait très éloigné des conceptions synarchiques de Saint-Yves. A la lecture de ses articles, il réduit considérablement le pouvoir du peuple : «159 : Le Peuple, éternel souverain mineur, doit à cette fin de contrôle être pourvu des moyens constitutionnels d'en appeler de l'anarchie d'en-haut sans avoir à recourir à l'anarchie d'en-bas. 160 : L'instrument synarchique de ce recours légal à lui-même est, pour le Peuple, l'Assemblée de ses représentants, élus au suffrage universel. »[réf. nécessaire].

[modifier] Le thème de la "Synarchie" à la Libération

A la Libération, la Synarchie est désignée par certains comme la cause de la rapide défaite de l'Armée française en 1940[réf. nécessaire]. En outre, cette défaite aurait été préparée de longue date pour amener le maréchal Pétain et sa Révolution nationale au pouvoir[réf. nécessaire].

[modifier] Notes et références

  1. Section inspirée de La France vraie
  2. La Mission des Souverains, éditeur ?, date ?, p.42
  3. La France vraie, tome 1, chapitre 1, page 145, éditeur ? date ?
  4. La France vraie, tome 1, chapitre 1, page 146, éditeur, date ?
  5. Voir le chapitre 12 de La Mission des Souverains, éduteur ?, date ?
  6. La Mission des ouvriers, éditeur ?, date ?, page 60,

[modifier] Bibliographie

[modifier] Les ouvrages de Saint-Yves

  • Testament lyrique, 1877
  • Clefs de l’Orient, 1877
  • Mission des Souverains, 1882
  • Mission des Ouvriers, 1882
  • Mission des Juifs, 1884
  • Mission de l’Inde, 1886
  • La France vraie ou la Mission des Français, 1887
  • Jeanne d’Arc victorieuse, 1890
  • l’Archéomètre, édité après la mort de Saint-Yves en 1910

[modifier] Livres sur la Synarchie ou Saint-Yves

  • L’Evolution de l’Idée, F.Ch.Barlet, Albert Faucheux.
  • Principes de sociologie synthétique, F.Ch.Barlet, Albert Faucheux,1894.
  • L’Instruction intégrale - Programme raisonné d’instruction à tous les degrés, F.Ch.Barlet, Albert Faucheux, 1902.
  • L’Evolution sociale - Etude historique et philosophique de sociologie synthétique, F.Ch.Barlet, Albert Faucheux, 1910.
  • Saint-Yves d’Alveydre, F.Ch.Barlet, Albert Faucheux, 1910.
  • Saint-Yves d’Alveydre, une philosophie secrète, YF. Boisset, 2005.
  • L’État social vrai, A.E.Chauvet (ou Saïr), 1912, également auteur de L’Esotérisme de la Genèse, 1946.
  • Anarchie, Indolence et Synarchie, Gérard Encausse (ou Papus), 1894.
  • La Grande Triade, René Guénon, 1957.
  • Le Roi du monde, René Guénon, 1958.
  • L’Organisation sociale. Le problème politico-social et sa solution., Louis Le Leu, 1931.

Chanoine Roca

« La crise fatale et le Salut de l’Europe,
étude critique sur les Missions de M. de Saint-Yves », 1885
« La fin de l’Ancien monde », 1886
« Glorieux centenaire », 1889
« Nouveaux cieux, nouvelle terre », 1889

Jean Saunier

« La Synarchie, vieux rêve d'une nouvelle société », 1971
« Saint-Yves d’Alveydre ou une Synarchie sans énigme », 1981

Edouard Schuré

« Femmes inspiratrices et poètes annonciateurs », 1908
« L’Ame celtique et le Génie de la France », 1920
« Grands initiés. Esquisse de l’histoire secrète des religions », 1925

Jacques Weiss

« La Synarchie selon l’œuvre de Saint-Yves d’Alveydre », 1947
Résumé des cinq Missions de Saint-Yves qui donne une vue générale de la Synarchie.
Recommandable et accessible.

[modifier] Livres sur la Synarchie occulte

  • Henri Azeau et André Ulmann, Synarchie et pouvoir. Histoire véritable de la synarchie, 1968.
  • Geoffroy de Charnay ou Raoul Husson, Synarchie, panorama de 25 années d’activités occultes, 1946.
  • Henry Coston, Les technocrates et la synarchie, 1962.
  • Olivier Dard, La synarchie, le mythe du complot permanent, 1999.
  • Annie Lacroix-Riz, Le Choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930, Armand Colin, 2006.

[modifier] Liens externes

  • Un lien vers un article issu d'une revue martiniste sur la synarchie (référence à Saint-Yves d'Alveydre) et le Mouvement Synarchique d'Empire

http://www.martiniste.org/bibliotheque/revues_pantacle/pdf/pantacle_09_2001.pdf

  • Un lien vers un article de Pierre Bitoun l'equivoque vichyssoise traitant notamment des rapports du pétainisme et du Mouvement Synarchique d'Empire :

http://www.ivry.inra.fr/mona/publications_chercheurs/Textes-Publis/Bitoun-Equivoque-Vichy.pdf

  • Intervention d'Annie Lacroix-Riz:

http://www.dailymotion.com/relevance/search/annie+lacroix+riz/video/xztbh_le-choix-de-la-defaite_events