Syllepse

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Voir « syllepse » sur le Wiktionnaire.

Une syllepse (du grec σύλληψις / súllêpsis, littéralement « action de prendre ensemble », puis syllepse) est une figure de rhétorique ou une construction syntaxique désignant un accord se faisant selon le sens et non les règles grammaticales habituelles.

On prend dans la même phrase un mot au sens propre et au sens figuré. Nous pouvons citer par exemple : « Je percerai le cœur que je n'ai pu toucher. » (Corneille)

Ainsi, on accorde le verbe crier selon les règles grammaticales dans « l'ensemble des enfants cria » (accord du verbe avec son sujet, ensemble, qui est au singulier) ou par syllepse dans « l'ensemble des enfants crièrent » (accord avec enfants, qui n'est pas le sujet grammatical mais correspond à l'actant « acteur »).

Sommaire

[modifier] Syllepse grammaticale de nombre

Dans l'exemple précédent, on a affaire à une syllepse de nombre. Ce phénomène est assez courant avec les syntagmes nominaux qui désignent des collections ou des sommes d'objets ou d'individus, au moyen d'un substantif collectif mais singulier. Exemple : les syntagmes commençant par : la plupart de, la majorité de, la totalité de, la moitié de, etc. On notera que certaines théories linguistiques, ou certains modèles grammaticaux, nient le processus de syllepse dans ces exemples, leur argument étant que ensemble, plupart, majorité, etc. ne constituent pas la véritable tête nominale du syntagme, mais qu'au contraire l'ensemble de, la plupart de, la majorité de, etc. sont des déterminants (ou quantificateurs) complexes, comparables à beaucoup de, peu de, etc. Ainsi, selon ce point de vue, dans « l'ensemble des enfants crièrent », [l'ensemble des] joue le rôle du déterminant et enfants est la tête du syntagme nominal sujet qui s'accorde avec le verbe selon une règle d'accord grammatical standard. On peut remarquer aussi que lorsque l'on n'a pas ce type déterminant complexe pluriel, mais un simple substantif singulier dénotant une pluralité comme foule, défilé, équipe, troupe, etc. la syllepse de nombre ne s'applique pas : on dira « la foule se dispersa » et non * « la foule se dispersèrent »[1]. Bien entendu, ce type d'approche théorique ne nie pas pour autant l'existence du phénomène de syllepse en général. Des occurrences de véritables syllepses de nombre semblent bien exister en français comme dans « minuit sonnèrent ».

[modifier] Syllepse grammaticale de genre

La syllepse peut également concerner l'accord en genre (masculin/féminin). Ainsi, par exemple dans « Marie avait l'air soucieuse », l'adjectif soucieuse bien qu'épithète du nom air s'accorde avec le sujet Marie. Là encore, une explication non-sylleptique peut être donnée en considérant que la locution avoir l'air constitue une unité verbale, de type attributif, comparable à sembler. Et donc, dans l'exemple, soucieuse se retrouve alors attribut du sujet et s'accorde avec lui selon une règle grammaticale standard. Ce genre d'explication du phénomène, cohérente dans une perspective d'étude descriptive de la langue, devra néanmoins être quelque peu aménagée (ou simplement amendée) pour rendre compte d'exemples comme « un espèce d'idiot » (qui d'ailleurs restent fort désapprouvés par le bon usage normatif).

La syllepse de genre intervient également assez souvent lorsqu'il s'agit de faire coïncider le genre grammatical avec l'indication de sexe. C'est ce qu'on observe par exemple dans « c'est la sentinelle qui le premier s'inquiète » (exemple cité dans le Petit Robert) où un accord grammatical scrupuleux tendrait à provoquer un contre-sens ou un effet d'étrangeté. Autre exemple de syllepse de genre : « ce mannequin est la première à avoir porté les robes de... ». De même : « Toute plaintive qu'elle fût, le Petit Chaperon rouge était trop tentante pour le loup affamé qui la dévora ».

[modifier] Syllepse oratoire ou « de sens »

En rhétorique, la syllepse oratoire ou syllepse de sens est une figure qui consiste en une seule occurrence d'un mot avec une actualisation de plusieurs sens, souvent le sens propre et le sens figuré, selon le contexte.

[modifier] Exemples

  • « Cette cantatrice qui se donne de grands airs ! » ;
  • « Un cœur à prendre », qui peut être compris dans son sens propre pour un donneur d'organes, ou dans son sens figuré comme une personne célibataire.
  • « Raccrochez vos blues » (Collectif Sauvons la recherche).

La figure se rapproche alors du zeugma.

[modifier] Exemples de syllepses dans la littérature

  • « (…) ce lieu redoutable / D'où te bannit ton sexe et ton impiété » (Jean Racine)
  • « les personnes d'esprit ont en eux les semences de tous les sentiments » (Jean de La Bruyère)
  • « L'homme ordinaire au nombre desquels je me range » (Jean Grenier)
  • « Brûlé de plus de feux que je n'en allumai » (Jean Racine) (syllepse de sens, feux signifie « incendies » mais aussi « ardeurs amoureuses »)
  • « Vêtu de probité candide et de lin blanc » (vers de Booz endormi, poème de Victor Hugo extrait du recueil la Légende des siècles)[2].
  • « Les manchots étaient à deux doigts d'en venir aux mains. » (Dominique Noguez, L'Arc-en-ciel des humours)
  • « Je pense que j’hésite toujours entre “ta cousine a l’air idiote” et “ta cousine a l’air idiot”, alors que pour ton cousin, je n’ai pas de problème. » (Hervé Le Tellier)

Mentionnons finalement un cas de syllepse grammaticale simultanément de genre et de nombre :

  • « Il faut envoyer dans les guerres étrangères la jeune noblesse. Ceux-là suffiront. » (Fénelon)

[modifier] Botanique

En botanique, on appelle "rameaux sylleptiques" (ou charpentières), les branches d'un arbre issues directement du tronc. Les rameaux proleptiques (ou secondaires) sont eux issus des rameaux sylleptiques.

[modifier] Notes et références

  1. Cette forme peut toutefois se rencontrer en anglais. Par exemple : « the orchestra are playing » (« l'orchestre est en train de jouer »).
  2. Il s'agit également d'un zeugme.

[modifier] Voir aussi

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