Sutton Hoo

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Casque de parade trouvé à Sutton Hoo (British Museum, restauré). Même si ce type de casque s'inspire du style Spangenhelm du Bas Empire romain, l'influence directe la plus probable est à chercher du côté de la Suède de l'Âge de Vendel, par exemple en comparant les pans décoratifs en bronze du casque de Sutton Hoo à ceux d'un casque trouvé à Gamla Uppsala.
Casque de parade trouvé à Sutton Hoo (British Museum, restauré). Même si ce type de casque s'inspire du style Spangenhelm du Bas Empire romain, l'influence directe la plus probable est à chercher du côté de la Suède de l'Âge de Vendel, par exemple en comparant les pans décoratifs en bronze du casque de Sutton Hoo à ceux d'un casque trouvé à Gamla Uppsala.

Sutton Hoo, près de Woodbridge (Suffolk, Royaume-Uni), est un site archéologique anglo-saxon où ont été mis au jour un cimetière et un bateau tombe datant du début du VIIe siècle.

Par son âge, sa taille, sa richesse, sa beauté, sa rareté et son importance historique, Sutton Hoo est l'une des plus grandes découvertes archéologiques faites en Angleterre. Le site apporte en effet un éclairage sur une période du Haut Moyen Âge anglais pour laquelle les historiens ne disposent plus que de rares documents ou objets. Or, le bateau tombe découvert en 1939 à Sutton Hoo contient un grand nombre d'artefacts.

Sommaire

[modifier] Sutton Hoo

Sutton Hoo se situe sur un promontoire, à l'est de la rivière Deben et à une quinzaine de kilomètres de la mer. Le mot hoo signifie « pointe de colline ». Des tertres funéraires ont été découverts en ce lieu et souvent pillés depuis 1601. Une première fouille rudimentaire, menée en 1860, a été décrite dans l'Ipswich Journal de la même année :

« TUMUMLI ROMAINS - Peu de gens savent qu'on peut voir pas moins de cinq tumuli romains, proches les uns des autres, sur le terrain d'une ferme occupée par Mr. Barritt et située à Sutton, à environ 450 mètres du bord de la rivière Deben, juste en face de Woodbridge. L'un de ces tumuli a été récemment ouvert ; près de deux boisseaux de clous en fer en ont été extraits et donnés au forgeron pour être transformés en fers à chevaux ! Une fois que l'autorisation d'ouvrir les autres tertres aura été obtenue, d'autres découvertes plus importantes pourraient être faites. Ces tertres ont été répertoriés par le capitaine Stanley quand il a procédé à des levés de terrain et à des sondages de la rivière pour l'Amirauté.
— Ipswich Journal 24 Novembre 1860 »

Des fouilles archéologiques modernes ont commencé en 1938 lorsque la nouvelle propriétaire du site, Edith May Pretty, ouvre trois autres tumuli avec l'aide de Basil Brown, un terrassier du Suffolk. Ces investigations démontrent alors que le cimetière est anglo-saxon et qu'il a déjà été profané. Deux de ces tumuli (répertoriés 3 et 4) contiennent des restes de crémation et un autre (répertorié 2) contient des rivets en fer semblables à ceux utilisés lors des premières constructions navales à clins. Les fouilles ont continué en 1939 et un bateau tombe a été découvert dans le tumulus 1. D'autres investigations plus poussées ont été menées à la fin des années 1960 ainsi qu'entre 1986 et 1992.

Le nom de Sutton Hoo est surtout lié à la découverte de ce bateau dans le tumulus 1, mais le site se compose de vingt tertres contenant divers objets ou restes humains, et la plupart de ces tumuli attendent toujours une fouille menée avec les dernières technologies disponibles. De plus, vingt-sept tombes d'un autre genre ont été découvertes sur le site, à l'extérieur des monticules. La disposition circulaire de douze d'entre elles autour du tumulus 1 renforce la théorie qui voudrait que ces tombes résultent d'un sacrifice tenu lors de l'enterrement du bateau tombe. Le tumulus 2 abritait les restes de la crémation d'un homme et d'un cheval, tandis que le tumulus 3 contenait un autre bateau tombe, plus petit que celui du monticule 1 et par ailleurs pillé, probablement durant les années 1860.

Sur la base d'une pièce de monnaie remontant au règne du roi franc Théodebert II (595-612), on a pu dater le tumulus 1 aux alentours de 625. Le bateau mesurait 27 mètres de long et 4,2 mètres de large en son centre et pouvait être manœuvré par quarante rameurs. Il était placé de telle façon dans la tombe que sa proue pointait vers l'est. Une chambre funéraire était aménagée sur le pont intermédiaire et, d'après la disposition de l'armure, la dépouille devait être disposée avec les pieds orientés vers l'est et la tête vers l'ouest. Aucune partie du corps ne subsistait au moment de la première fouille, mais une analyse plus récente a révélé des traces chimiques montrant qu'un corps était bien présent. Le nom qui revient le plus souvent lorsqu'il s'agit d'attribuer cette tombe est celui du roi Rædwald d'Est-Anglie.

Seuls les rivets du bateau subsistent à cause de l'acidité du sol mais les empreintes dans la terre ont permis une reconstruction détaillée du bateau. Ce dernier ne possédait pas de quille opérationnelle et probablement pas de voile non plus puisqu'aucun mât n'a été retrouvé, mais était d'excellente facture ; cela alimenta le débat qui consistait à savoir si ce bateau avait jamais navigué. La disposition des rivets montre pourtant qu'une réparation avait été effectuée sur le bateau, ce qui laisse à penser que ce dernier a été opérationnel avant d'être utilisé comme sépulture.

[modifier] Trésor

Le trésor de Sutton Hoo trouvé dans le monticule 1 est d'importance. Les artefacts ont été retirés du site et sont maintenant exposés au British Museum. Ils sont de diverses natures:

  • Des effets personnels décoratifs :
    • Attaches d'épaule en cloisonné, or et grenat.
    • Une grosse boucle de ceinture en or de 13,2 cm de long, pesant 414,62 grammes.
    • Un couvercle de bourse en or avec des plaques de grenat et millefiori (verre mosaïqué).
      • La bourse en cuir, qui a disparu, contenait trente-sept pièces d'or mérovingiennes pesant chacune entre 1,06 et 1,38 gramme, trois pièces blanches non frappées, ainsi que deux petites barres d'or. Combinées, ces quarante pièces étaient peut-être le paiement symbolique pour les quarante rameurs. Les deux barres d'or, dont le poids équivaut à celui de quatre pièces d'or, auraient symbolisé le paiement du barreur.
    • Une pierre à aiguiser décorée d'anneaux de fer et d'un cerf de bronze, probablement un sceptre royal.
  • Des armes, dont :
    • Un casque, trouvaille rare dans les tombes germaniques, de style spangenhelm et décoré comme d'autres casques datant du VIe siècle et trouvés en Suède. Cependant, le casque de Sutton Hoo était d'un seul tenant, ce qui laisse supposer qu'il a été fabriqué en Angleterre ; et, contrairement au "casque Coppergate" trouvé à York et datant de la même époque, celui de Sutton Hoo se distingue par l'absence de toute symbolique chrétienne. Après un essai infructueux dans les années 1940, un conservateur du British Museum, Nigel Williams, a finalement réussi à le reconstituer en 1971 mais il lui a fallu six mois de travail pour remettre ensemble les 500 morceaux qui le composaient, y compris la mâchoire de la tête de dragon qui figure sur le masque facial et qui avait été mal rangée au moment des fouilles.
    • Un bouclier rond en bois, qui a presque entièrement pourri mais qui était équipé d'une poignée centrale en fer et décoré d'une plaque en bronze.
    • Une épée de fer rouillée, dont les restes mesurent 85 cm de long, et qui avait une garde en or.
    • Une cotte de mailles.
    • Six lances de différents types.
    • Une hache avec un manche en fer.
  • Autres :
    • Une série de dix bols d'argent s'emboîtant les uns dans les autres. Huit d'entre eux sont bien conservés.
    • Une paire de cuillères baptismales en argent et niellées sur lesquelles sont inscrits en grec les noms Saulos et Paulos.
    • Un large bol en bronze décoré avec de l'émail et du verre mosaïqué.
    • Un plat en argent marqué d'un tampon datant du règne de l'empereur byzantin Anastase Ier (491-518). D'autres objets en argent et en bronze viennent également de Méditerranée, mais sont d'époques plus récentes.
    • Une lyre de barde en bois d'érable rangée dans un sac en peau de castor (dont il ne reste que des traces).
    • Une paire de cornes d'aurochs à boire décorées avec une feuille d'argent.
    • Quelques objets ménagers, dont un chaudron muni d'une chaîne de suspension de plus de 3,35 mètres de longueur.
    • Des restes de textiles de nombreuses sortes.

[modifier] Analyse

Même s'il n'a été trouvé que des traces de restes humains, le roi Rædwald d'Est-Anglie, quatrième Bretwalda d'Angleterre, mort à la même époque que la création de la sépulture, est le plus souvent cité comme étant la personne enterrée dans le tertre numéro 1. La proximité de Sutton Hoo avec un lieu d'autorité royale à Rendlesham (7 km au nord-est) indique que Sutton Hoo et la maison royale d'Est-Anglie devaient avoir un rapport. Au vu de la quantité et la valeur des objets trouvés dans la tombe, on peut déduire que leur propriétaire devait avoir un réseau étendu de relations ; ce type de trésor est en outre conforme à ce qui était déposé dans les sépultures royales.

Sutton Hoo est l'un des seuls sites de bateaux tombes de ce type qui ne soit pas en Scandinavie. La sépulture, le casque et le bouclier sont pratiquement identiques à ceux trouvés sur les sites datant de l'Âge de Vendel à Valsgärde et à Vendel en Suède, ce qui indiquerait des liens étroits entre Sutton Hoo et la dynastie royale des Ynglingar (notamment la branche des Scylfingar) du Beowulf. Une autre théorie[1] suggère que la dynastie des Wuffinga descendrait de la dynastie Wulfinga du Beowulf et du Widsith, ce qui pointerait également vers des origines suédoises, ou plutôt des Goths de Scandinavie, pour la dynastie d'Est-Anglie[2].

Les archéologues connaissant le site avancent aussi la théorie selon laquelle le christianisme commençait à étendre son influence, ce qui amena les païens de haute caste à répliquer avec des rites plus élaborés que jamais. C'est dans ce contexte que la crémation est adoptée, en défi à la pratique chrétienne qui s'y opposait, et que l'apothéose est atteinte avec les funérailles royales incluant un bateau tombe. Même si le défunt était accompagné d'objets ayant une signification chrétienne, il est possible que les funérailles aient alors été accompagnées de sacrifices humains.

[modifier] La légende de Sutton Hoo

Cette photo, prise au moment du solstice du 21 juin 2006, montre le monticule 2 qui est le seul tumulus du site à avoir été reconstruit à sa hauteur d'origine supposée.
Cette photo, prise au moment du solstice du 21 juin 2006, montre le monticule 2 qui est le seul tumulus du site à avoir été reconstruit à sa hauteur d'origine supposée.

En plus de sa grande importance archéologique, Sutton Hoo a frappé l'imagination du public en raison de la légende entourant la découverte du bateau tombe dans le tumulus 1.

En 1938, les terres sur lesquelles se trouve le site de Sutton Hoo appartenaient à Edith May Pretty. Sa maison possédait une vue magnifique en contrebas de la colline vers les tertres, et elle s'est souvent interrogée sur ce que représentaient ces monticules étranges et infestés de lapins. Une nuit, elle vit en rêve les images d'une procession funéraire ainsi que de grands trésors enterrés dans ce qui est connu maintenant comme le tertre 1. Elle prit contact avec un archéologue local, Basil Brown, et l'emmena sur le site en lui suggérant de commencer des fouilles dans le tumulus 1. Pourtant, ce monticule avait déjà été de toute évidence remué, ce qui pouvait faire penser à un pillage, et M. Brown en déduisit que, par conséquent, rien d'intéressant ne serait trouvé à l'intérieur. Durant l'année 1938, l'archéologue orienta donc ses fouilles vers les tertres 3, puis 2, et finalement le tumulus 4. Ces fouilles ont révélé des trouvailles intéressantes mais aucune découverte majeure n'a pu être réalisée en raison du fait que ces monticules avaient été pillés.

Mme Pretty continuait d'insister pour qu'une fouille du tumulus 1 soit effectuée et, en 1939, M. Brown en commença l'excavation. Il découvrit rapidement l'importance énorme du trésor contenu dans ce monticule et qui a rendu le site de Sutton Hoo célèbre. On dit que le centre de la chambre funéraire aurait été trouvé exactement sous le point que Mme Pretty avait indiqué à M. Brown pour commencer les fouilles.

Cependant, la question demeure de savoir pourquoi les pilleurs qui ont "visité" le tumulus 1 n'avaient pas trouvé le trésor. Tout comme d'autres interrogations soulevées par Sutton Hoo, cette question sans réponse jusqu'à aujourd'hui contribue à entretenir la légende de Sutton Hoo. Cependant, dans le passé, le site de Sutton Hoo avait été divisé en plusieurs parcelles et quelques fossés de séparation avaient été creusés. L'un de ces fossés longeait le tertre 1, ce qui donnait à ce dernier une taille disproportionnée. Or, les pilleurs auraient creusé à partir du centre décalé par ces travaux agraires, ce qui expliquerait qu'ils aient manqué la chambre funéraire, passant en réalité juste à côté d'une de ses extrémités.

Ces histoires à elles seules auraient suffi à inscrire la légende de Sutton Hoo dans les livres d'histoire. Pourtant, Mme Pretty prit une dernière décision qui lui assura une place spéciale dans l'histoire de l'archéologie britannique. Selon la loi de l'époque, le propriétaire du trésor trouvé à Sutton Hoo devait être Mrs Edith Pretty. Cependant, dans un acte de générosité sans pareil, cette dernière décida de faire don de ce trésor au royaume, pour que tout le monde puisse profiter de sa découverte.

Sutton Hoo est perçu par beaucoup comme un endroit magique, et la légende liée à sa découverte ne fait que renforcer cet état de fait. D'ailleurs, plusieurs versions de cette légende existent[3].

[modifier] Héritage

Conformément à la décision d'Edith Pretty d'en faire don au Royaume-Uni, le trésor de Sutton Hoo est désormais conservé au British Museum.

D'autre part, le centre des visiteurs du National Trust (ouvert au printemps 2002) expose une reconstitution complète de la chambre funéraire et du bateau tombe ; de temps à autre, le National Trust y organise également des expositions temporaires d'artéfacts originaux prêtés pour l'occasion par le British Museum.

Des fouilles successives ont suivi par intermittence les premiers forages. C'est ainsi que, pratiquement au moment au moment où le National Trust allait inaugurer son centre local des visiteurs, une fouille a révélé l'existence d'un autre cimetière à environ 500 mètres au nord du site principal[4].

Un aspect intéressant du site funéraire de Sutton Hoo est qu'il contredit le scepticisme exprimé par de nombreux historiens avant les fouilles au sujet de l'importance du trésor décrit dans des œuvres telles que Beowulf ou la Chronique anglo-saxonne. Au contraire, la découverte du tumulus 1 à Sutton Hoo donne un aperçu du passé de l'Angleterre et éclaire un peu plus son identité propre.

Que cette découverte ait été faite en 1939 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, tandis que la nation anglaise était menacée, a renforcé l'attention et l'intérêt portés au site durant les années suivantes. D'autres objets anglo-saxons (tels que des pièces de monnaie ou des bijoux) sont trouvés chaque année dans tout le pays, mais Sutton Hoo reste la plus importante découverte jamais faite.

[modifier] Notes

  1. Newton (1993)
  2. Newton (1993) et Farrell (1972), p. 272
  3. En voici certaines, en anglais :1, 2, 3
  4. Archéologie à Suttonhoo [1]

[modifier] Voir aussi


  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Sutton Hoo ».

[modifier] Bibliographie

[modifier] Liens externes