Situation linguistique de la Suisse

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La situation linguistique de la Suisse est particulière à la Suisse, pays multilingue. En effet, le territoire suisse est partagé en quatre zones linguistiques où, dans chacune d'entre-elles, une seule langue officielle a cours, soit l'allemand, le français, l'italien ou le romanche.

Les zones linguistiques telles que nous les connaissons au début du XXIe siècle siècle sont nées il y a plus de 1 000 ans, avant la naissance de la Confédération, et sont demeurées presque inchangées[1].

Sommaire

[modifier] Origines

██ Burgondes ██ Alamans
██ Burgondes ██ Alamans

Du Ier siècle av. J.-C. au IVe siècle, le territoire de la Suisse actuelle est sous domination de l'Empire romain et le latin s'est imposé comme langue écrite. Tous les textes retrouvés sur le territoire, écrits pour la plupart sur des tablettes enduites de cire sont en effet en latin, prouvant ainsi que la langue s'était répandue non seulement dans l'administration, mais aussi dans la vie de tous les jours[2].

Dès la fin du IIIe siècle, avec les premières incursions barbares des Alamans (ou Alémans) la population romaine migre vers le sud. Le territoire suisse est occupé par les Burgondes à l'ouest et par les Alamans à l'est[3]. Les Burgondes, qui utilisaient une langue de la branche germanique orientale aujourd'hui éteinte, adoptèrent le latin local des habitants qui se transforma en francoprovençal puis en français. À l'est, les langues germaniques se transformèrent en dialectes alémaniques[4]. La Rhétie est également prise par les peuples germaniques, seules de petites enclaves de romanisation persisteront en particulier autour de Coire, d'où vient le Rätoromanisch (littéralement roman de la Rhétie en allemand), une langue romane.

[modifier] Langues nationales et langues officielles

Au niveau fédéral on distingue les langues nationales[5] qui sont les langues utilisées en Suisse des langues officielles[6] qui sont celles utilisées pour les rapports à la Confédération ou aux cantons.

Les langues nationales sont l'allemand (majoritaire) et trois langues romanes minoritaires : le français, l’italien et le romanche. Ce sont les quatre langues utilisées en Suisse.

Les langues officielles sont l'allemand, le français et l’italien. Le romanche est partiellement langue officielle en ce sens qu'il est utilisé pour les rapports que la Confédération entretient avec les personnes de langue romanche[7].

[modifier] Les principes

Les quatre grands principes inscrits dans la Constitution fédérale sont[4] :

  • l'égalité des langues
  • la liberté des citoyens en matière de langue
  • le principe de la territorialité des langues
  • la protection des langues minoritaires

Les trois langues officielles sont donc égales en droit au niveau fédéral depuis 1848[8]. Bien que les citoyens aient la liberté de choix de leur langue, selon le deuxième principe, c'est le troisième, le principe de territorialité, qui est primordial car il permet de maintenir les zones linguistiques avec une certaine stabilité. Le romanche, fortement minoritaire, voit son territoire se réduire au fil du temps. Grâce à son statut de langue régionale et au titre du quatrième principe, la Confédération soutient les mesures prises par les cantons des Grisons et du Tessin pour sauvegarder et promouvoir les deux langues fortement minoritaires que sont le romanche et l’italien.

[modifier] Les langues dans l'administration fédérale

À l'Assemblée fédérale on peut en principe s'exprimer dans l'une des langues nationales de son choix. En pratique, l'allemand étant majoritaire, c'est cette langue qui est le plus souvent utilisée. Les italophones choisissent l'allemand ou le français et les francophones utilisent en principe le français. Le romanche n'est quasiment pas utilisé. Un système de traduction simultanée existe pour l'allemand, le français et l'italien[4].

Les textes législatifs fédéraux sont en principe promulgués et publiés simultanément en allemand, en français et en italien et chaque version linguistique est considérée comme texte original. En fait, les textes sont souvent rédigés en allemand puis traduits en français et en italien. D'autre part certaines lois sont également traduites en romanche[4].

Le français fédéral désigne un français que l'on retrouve dans les textes administratifs qui, bien que parfaitement correct dans sa grammaire et sa syntaxe, se ressent d'un substrat allemand. En effet, les textes étant traduits de l'allemand, il s'agit de coller au texte d'origine pour le rendre au plus près, parfois même en respectant dans le texte traduit le nombre de mots du texte source. Comme la traduction ne se limite pas à la langue mais est une activité de langage, il en résulte que les phrases sont certes syntaxiquement correctes, mais que l'énumération des idées ne respecte pas l'ordre spontané de la langue française.

Alors qu'à la Berne fédérale l'administration fédérale est trilingue, voire quadrilingue avec le romanche, et répond au citoyen dans l'une des langues nationales utilisées par celui-ci, l'administration fédérale décentralisée utilise exclusivement la ou les langues officielles du canton selon le principe de territorialité[4].

Les tribunaux fédéraux sont trilingues et les citoyens peuvent utiliser leur langue habituelle de leur lieu d'habitation. Mais le tribunal rend ses sentences uniquement dans une seule langue : celle de la partie défenderesse[9].

[modifier] Répartition géographique

Icône de détail Sections détaillées dans articles : Canton de Fribourg et Canton du Valais
Population résidante selon la langue principale en % de la population totale[10]
année allemand français italien romanche autres
langues[11], [12]
1910 69.1 21.1 8.1 1.1 0.6
1920 70.9 21.3 6.1 1.1 0.6
1930 71.9 20.4 6.0 1.1 0.6
1941 72.6 20.7 5.2 1.1 0.4
1950 72.1 20.3 5.9 1.0 0.7
1960 69.3 18.9 9.5 0.9 1.4
1970 64.9 18.1 11.9 0.8 4.3
1980 65.0 18.4 9.8 0.8 6.0
1990 63.6 19.2 7.6 0.6 8.9
2000 63.7 20.4 6.5 0.5 9.0
La répartition des langues en 2000[13]
Source : Office fédéral de la statistique (2002)
██ Allemand ██ Français ██  Italien ██ Romanche
██ Allemand ██ Français ██  Italien ██ Romanche

La Suisse est découpée en quatre zones linguistiques reconnues en principe unilingues : une zone de langue allemande, une zone de langue française, à l'ouest du pays, une zone de langue italienne, la Suisse italienne représentée par le canton du Tessin et quelques vallées méridionales des Grisons et une zone de langue romanche située aux Grisons.

Si la majorité des cantons sont unilingues, certains ont leur territoire partagé en deux voire trois zones linguistiques.

Les cantons unilingues sont :

Les cantons partagés en deux voire trois zones linguistiques sont :

  • Avec l'allemand et le français comme langues officielles : les cantons de Fribourg, Valais et Berne
  • Avec l'allemand, l'italien et le romanche comme langues officielles : le canton des Grisons.

On constate que le romanche est présent seulement dans une petite partie du canton des Grisons.

L'immigration récente d'italophones de l'étranger, dans les années 1960 - 1970, fait que le nombre de personnes de langue maternelle italienne a augmenté dans une grande proportion et résident également hors de Suisse italienne[14].

À l'intérieur même des quatre régions linguistiques on observe des différences dans la répartition des langues. Dans la région germanophone, l'italien est la deuxième langue nationale la plus pratiquée avec 3% de la population, le français seulement 1,4%. Dans les autres régions linguistiques l'allemand se place toujours comme deuxième langue mais à des degrés divers : 5,1% en Suisse romande, 8,3% en Suisse italienne et 25% en région romanche.

La région romanchophone est la moins homogène avec 68,9% des résidents utilisant la langue officielle. En outre, seule un peu plus de la moitié de l'ensemble de la population Suisse utilisant le romanche y réside. En effet, 18 000 locuteurs vivent dans leur propre région linguistique, 9 000 dans le reste du canton des Grisons et 8 000 dans le reste de la Suisse dont 990 en ville de Zurich qui est la ville de Suisse (hors Grisons) avec le plus grand nombre de personnes parlant romanche[15].

[modifier] Le principe de territorialité

La Confédération n'est pas compétente pour fixer la répartition des langues. Les frontières linguistiques sont fixées par les cantons car ce sont eux qui déterminent leurs langues officielles et veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues. A cette fin ils peuvent, dans certains cas, déléguer ce pouvoir aux communes (par exemple pour délimiter la zone de langue romanche dans le canton des Grisons).

Le but du principe de territorialité est le maintien, autant que possible, des zones linguistiques dans leurs limites.

Les limites sont relativement stables. Néanmoins, entre 1860 et 2000, 83 communes ont changé de région linguistique[16] et au cours de l'histoire la frontière entre l'allemand et le français a varié à Fribourg, au Jura et en Valais. Par exemple en Valais, les villes de Sion et Sierre ont été d'abord de langue française puis, sous l'Ancien Régime, de langue allemande avant de revenir au français. La région romanche est celle qui subit les plus grands changements car elle perd régulièrement de sa surface au profit de la région linguistique allemande[17].

Avec le principe de territorialité chaque commune a une langue officielle et, par exemple, lorsqu'un germanophone s'établit en Suisse romande, il doit accepter la langue officielle de son lieu de résidence et, notamment, accepter que l'école publique se fasse en français[4].

Pour les cantons partagés en deux voire trois zones linguistiques, c'est toujours le principe de la territorialité qui est appliqué et donc, par exemple, bien que le canton de Berne soit bilingue, l'allemand n'est pas la langue officielle dans le Jura bernois mais uniquement le français. À l'inverse en ville de Berne c'est l'allemand qui est officiel.

  • Les 3 districts francophones du canton de Berne représentent 5,4% de la population totale du canton.
  • À Fribourg, le district germanophone de la Singine représente 14,5% de la population totale du canton.
  • En Valais les districts germanophones (Haut-Valais) représentent 37,1% de la population totale du canton.
  • Aux Grisons la répartition des langues se fait au niveau des communes. Peu de districts sont clairement majoritaires dans une langue, excepté les districts de Bernina et de Moesa ainsi que le cercle de Bregaglia (District de Maloja) qui sont nettement italophones.
Plaque indicatrice de rue bilingue à Bienne
Plaque indicatrice de rue bilingue à Bienne

Par contre, pour certaines villes situées sur une frontière linguistique, le bilinguisme est effectivement appliqué au niveau communal. Le bilinguisme communal est très rare : seules 35 communes sont bilingues français - allemand. Une commune est bilingue si la minorité linguistique représente au moins 30% de la population résidente[18]. Par exemple Bienne est bilingue allemand - français et Fribourg bilingue français - allemand.

  • À Berne, le district de Bienne est bilingue avec 40% de francophones et 60% de germanophones.
  • À Fribourg, le district de la Sarine est bilingue avec 75,3% de francophones et 14.5% de germanophones et celui du Lac est bilingue avec 24,9% de francophones et 67,1% de germanophones.
  • En Valais il n'y a pas de districts bilingues[19].

La Confédération soutient les cantons plurilingues dans l’exécution de leurs tâches particulières.

Les Suisses alémaniques appellent parfois les Romands, les Welsches et la Suisse romande, le Welschland. Le mot Welsch signifiant celte en vieil allemand. Il a ensuite été repris pour qualifier les peuples de langue romane dans les zones majoritairement francophones comme la Romandie (Welschland) ou encore les Pays-Bas (wallon).

[modifier] Le Röstigraben

Le Röstigraben (en allemand la barrière de röstis, du nom du plat typique de Suisse alémanique) est le nom que l'on donne à la frontière culturelle et linguistique entre l'allemand et le français. Cette frontière trouve ses racines dans l'histoire.

À ce titre, l'étude des noms de localités permet de retracer les différentes zones soumises à l'influence plus ou moins avancées des différents langages. Ainsi, si les noms de villages se terminant en -ens ou -ence, curieusement fréquents dans les cantons de Fribourg et Vaud jusqu'au bord du lac Léman, sont d'origine alamande et montrent ainsi des percées larges dans le territoire burgonde, les préfixes Wal- et Walen- (ce qui signifie Welch, soit Roman) se trouvent en nombre dans la zone comprise entre l'Aar et la Sarine, qui fixe la frontière linguistique à partir du VIIIe siècle.

Dans le sud et l'est du pays, le processus ne sera pas aussi rapide et la frontière linguistique changera pendant une bien plus longue période. Si le romanche est resté pendant longtemps dominant dans les vallées rhétiques, il s'étend, selon certaines sources, encore jusqu'à Einsiedeln au Xe siècle et Glaris est encore bilingue au XIe siècle, à la période où le dialecte germanique commence à se répandre à partir de la vallée de Conches jusque dans tout le Haut-Valais par la migration des Walser qui vont ensuite rejoindre, au XIIIe siècle, les vallées grisonnes. De fait au XIVe siècle, la majorité des vallées et la totalité du Vorarlberg sont devenus germanophones, langue utilisée par la classe dominante. Les seules enclaves de romanche restent dans les lieux qui sont géographiquement reliés par des cols à l'Italie[20].

[modifier] Usages

Écouter les accents suisses et différents dialectes alémaniques et tessinois

[modifier] Langues nationales (les quatre zones linguistiques)

Panneau en quatre langues
Panneau en quatre langues

La plupart des Suisses parlent plus d’une langue. À l'école, l'enseignement d'une autre langue nationale comme langue étrangère est obligatoire et est du ressort de chaque canton. Lors de réunions d'affaires ou de conférences nationales, il est fréquent que chacun prenne la parole dans sa langue maternelle, supposant qu'elle sera comprise par ses homologues.

Les minorités italophones et romanches sont particulièrement défavorisées : les principales hautes écoles se trouvent soit en Suisse romande ou en Suisse alémanique. Aussi ces minorités sont contraintes de parler l'allemand pour défendre leur économie face à la Suisse allemande.

La plupart des produits commerciaux sont étiquetés en français, en allemand et en italien.

[modifier] Allemand

Icône de détail Article détaillé : Suisse allemand.
██ Bas alémanique██ Haut alémanique██ Alémanique supérieur
██ Bas alémanique██ Haut alémanique██ Alémanique supérieur

Dans l'usage courant des langues et dans la sphère privée, la population germanophone parle généralement l'un des nombreux dialectes suisses allemands ou Schwyzerdütsch[21], lesquels jouissent d'une grande valorisation sociale, y compris dans les centres urbains, alors que l’usage de l’allemand standardHochdeutsch ou « bon allemand » – est limité aux situations les plus formelles.

Le suisse allemand emprunte certains termes étrangers au français, italien ou anglais. En linguistique on désigne par helvétisme une tournure ou une expression typiques de la Suisse, par exemple : Perron, Kondukteur et Billet au lieu de Gleis, Schaffner et Fahrkarte[22].

Les dialectes suisses allemands, formés entre les XIe siècle et XVe siècle se divisent, du nord au sud, en trois groupes : bas alémanique, haut alémanique et alémanique supérieur. Seul le dialecte bâlois est du bas alémanique. La grande majorité des dialectes sont haut alémaniques et les dialectes situés dans les Alpes sont de l'alémanique supérieur. La prononciation varie fortement du nord au sud et d'une région à l'autre.

L'allemand standard est appris à l'école primaire, il est ensuite principalement utilisé pour la forme écrite formelle, les journaux et les magazines. Son usage oral est de moins en moins effectif. A la radio, la télévision mais aussi en politique on parle de plus en plus le suisse allemand au lieu du bon allemand. Dans le milieu scolaire, afin d’élever le niveau d’allemand des élèves qui généralement préfèrent parler le dialecte, plusieurs cantons alémaniques (dont Zurich, Schwytz, Uri et Zoug) ont imposé l’usage systématique du Hochdeutsch, et les professeurs sont tenus de s’exprimer exclusivement dans cette langue.

La considération du hochdeutch par rapport aux dialectes alémaniques évolue au cours de l'histoire en fonction des circonstances. Au XVIIIe siècle Les dialectes étaient mal considérés et lorsque l'école devint obligatoire au début du XIXe siècle, l'usage du bon allemand augmente ainsi que la part grandissante de ressortissants allemands en Suisse qui fit craindre pour la disparition des dialectes. Des dictionnaires de régionalismes sont alors édités pour sauvegarder ce patrimoine, comme en 1862 le Schweizerische Idiotikon[23]. Au début du XXe siècle, après la première guerre mondiale, le bon allemand perdit de son influence et, après 1933, l'usage des dialectes fut encouragé. Dans la seconde moitié du XXe siècle le suisse allemand est devenu la langue courante mais évolue. Le brassage des populations dans les villes de plus en plus denses et les médias modernes ont tendance à modifier les dialectes locaux, rattachés à une région, et la langue se transforme en un « suisse allemand interrégional » commun à toute la suisse allemande[24].

En suisse romande et italienne c'est le bon allemand qui est appris à l'école. C'est un handicap pour la communication et la compréhension inter régionale[25].

[modifier] Français

Les dialectes francoprovençaux et d'oïl
Les dialectes francoprovençaux et d'oïl
Icône de détail Article détaillé : Français de Suisse.

Le français parlé dans l’ouest du pays est le français de Suisse. Il se différencie peu du français de France. Il se caractérise par quelques termes issus du francoprovençal (mieux nommé arpitan), par des mots tels que septante, huitante ou nonante, ainsi que localement par des mots et expressions issues de langues germaniques tel que mouttre, witz, ou poutser.

Les dialectes romands ou patois, interdits à l'école dès le XIXe siècle se sont éteints au cours du XXe siècle. Ils sont encore pratiqués localement, notamment en Valais dans la vallée d'Évolène et dans le canton de Fribourg, mais ils ont presque disparu dans l’usage quotidien. Ils proviennent tous du francoprovençal excepté la langue parlée dans le canton du Jura qui est un dialecte d'oïl, le franc-comtois-jurassien. Malgré l'appui institutionnel, le patois étant inscrit dans la constitution jurassienne, le dialecte local ne se développe pas[26].

Louis Gauchat étudie dès 1899 les patois romands et publie le glossaire des patois de la Suisse romande[27].

Les Suisses romands apprennent le « bon allemand ». S'ils habitent non loin de la frontière linguistique ils apprennent plus facilement le suisse allemand[25].

[modifier] Italien

Icône de détail Article détaillé : Tessinois.

En Suisse italienne (le canton du Tessin et quelques vallées méridionales des Grisons : Val Poschiavo, Val Bregaglia, Val Calanca et Val Moesa, ainsi que la commune de Bivio, seule commune du versant nord des Alpes dont l'italien est langue officielle), l'on parle un dialecte tessinois, apparenté aux parlers lombard et la langue écrite est l'italien. Il y a trois sortes d'italiens en usage : un dialecte local qui change d'une vallée à l'autre et qui est la langue des anciennes générations, le dialecte tessinois régional, qui tend à remplacer les dialectes locaux, est le langage familier le plus couramment utilisé par toutes les couches de population, aussi bien pour un usage dans la sphère privée qu'en public et l'italien qui est la langue apprise à l'école, utilisée à l'écrit et pour les situations moins familières. Le dialecte est la langue maternelle de la majorité de la population[28]. L'italien est utilisé avec le tessinois dans l'administration, le monde des affaires et les services publics. Les programmes de radio et télévision de la RTSI sont en italien mais certains sont en dialecte.

L'italien de suisse emprunte des termes du français ou de l'allemand[29] :

Italien standard Italien en Suisse Mot correspondant en français ou allemand
offerta speciale azione action; aktion
prenotare/prenotazione riservare / riservazione réserver / réservation; reservieren / reservation (emprunté du français)
ordinare comandare commander
istruttore monitore moniteur

L'italien étant une langue minoritaire en Suisse, la moitié de la population de l'aire italophone est bilingue[25]. Les principales hautes écoles étant situées dans d'autres régions linguistiques du pays la plupart des italophones sont contraints de parler l'allemand ou le français qu'ils utilisent naturellement. À l'inverse, le Tessin est une région touristique fréquentée par les suisses alémaniques ou les allemands. L'usage de l'allemand au Tessin augmente et à tendance à devenir courant[30].

À noter que la commune de Bosco/Gurin est l'unique commune traditionnellement germanophone du Tessin. Ce village a été fondé en 1253 par des colons walser venus du Haut-Valais, lesquels ont apporté leur dialecte alémanique[31]. Aujourd'hui bilingue[32] la majorité de la population du village parle maintenant italien[33].

[modifier] Romanche

Répartition des langues aux Grisons
en 1860 et 2000
Répartition officielle en 1860. ██ Allemand ██ Romanche ██ ItalienSource : Office fédéral de la statistique, recensement 2000
Répartition officielle en 1860. ██ Allemand ██ Romanche ██ ItalienSource : Office fédéral de la statistique, recensement 2000
Répartition officielle en 2000. ██ Allemand ██ Romanche ██ ItalienSource : Office fédéral de la statistique, recensement 2000
Répartition officielle en 2000. ██ Allemand ██ Romanche ██ ItalienSource : Office fédéral de la statistique, recensement 2000
Répartition effective en 2000. ██ Allemand ██ Romanche ██ Italien Hachures : zone avec langue minoritaire parlées par au moins 30% de la population Source : Office fédéral de la statistique, recensement 2000
Répartition effective en 2000. ██ Allemand ██ Romanche ██ Italien Hachures : zone avec langue minoritaire
parlées par au moins 30% de la population
Source : Office fédéral de la statistique, recensement 2000
Icône de détail Article détaillé : Romanche.

Le romanche (Rumantsch en romanche) est reconnu comme l'une des quatre langues nationales de la Suisse depuis le 20 février 1938, et il est considéré avec certaines restrictions comme langue officielle à l'échelle fédérale depuis la votation populaire du 10 mars 1996. Il est parlé uniquement dans le canton des Grisons où il a un statut officiel depuis le XIXe siècle. Son usage étant en régression lente (-15% depuis dix ans, moins de quarante mille locuteurs), des craintes se portent sur l'avenir de cette langue.

On distingue cinq langues écrites infra-régionales :

  • le sursilvan, ou sursylvain, pour 13'879 locuteurs natifs dans la région du Rhin Antérieur (Surselva),
  • le sutsilvan, ou subsylvain, pour 571 locuteurs natifs dans la vallée du Rhin Postérieur (Schons, Rheinwald),
  • le surmiran, ou sourmiran, pour 2'085 locuteurs natifs dans les vallées de l'Albula et de la Julia (Surses),
  • le puter pour 2'343 locuteurs natifs en Haute-Engadine,
  • le vallader pour 5'138 locuteurs natifs en Basse-Engadine.

Le puter et le vallader forment ensemble le sous-groupe engadinois ou rumantsch ladin. On ne confondra ce sous-groupe avec la langue romane parlée au Tyrol du Sud, également appelée Ladin et qui fait partie du même ensemble rhéto-roman.

Une langue unifiée a été créée en 1982 par la Ligue romanche comme langue standard ou langue de compromis. Basée essentiellement sur trois des cinq variétés les plus courantes (le sursilvan, le vallader et le surmiran) cette nouvelle langue écrite, « le Rumantsch grischun », est utilisée comme langue officielle. Les nouveaux manuels scolaires édités par le canton ainsi que les documents administratifs sont désormais seulement dans cette forme unifiée de la langue, pourtant la grande majorité des écoles et des administrations communales utilisent encore les cinq langues écrites infra-régionales[34],[25].

La population de cette région est dans sa grande majorité (70%) bilingue. L'allemand est en effet utilisé aussi bien dans le cercle privé que pour la vie professionnelle et à l'école. Les jeunes générations utilisent de moins en moins le romanche. Ainsi, le territoire du romanche tend à diminuer.

[modifier] Langues non nationales

Il y a deux sortes de langues non nationales : premièrement des langues autochtones qui sont soit très localisées, soit très minoritaires et menacées de disparition ou sans attache territoriale. Deuxièmement les langues issues de l'immigration. Seul ce deuxième groupe est en forte croissance.

[modifier] Langues régionales suisses

Le bavarois est une langue du groupe haut-allemand parlé en Suisse uniquement dans la commune de Samnaun (Grisons). Cette particularité vient du fait que la commune est orientée et accessible à partir du Tyrol. Ce n'est qu'à partir de 1913 qu'une route rejoint le village à partir de la Suisse[35].

Le franco-provençal est une langue romane historiquement présente dans les cantons francophones, excepté le canton du Jura qui a disparu comme langue vivante des cantons de Genève, Neuchâtel et Vaud. En Valais (à Évolène) et à Fribourg (district de la Gruyère) il est encore pratiqué très localement par quelques locuteurs. La langue est considérée comme éteinte par les autorités suisses[25].

Yéniches au Lauerzersee à Schwytz
Yéniches au Lauerzersee à Schwytz

Le yéniche est le sociolecte ou cryptolecte des yéniches, c'est-à-dire de certains groupes marginalisés qui ont mené depuis plusieurs générations une vie nomade ou semi-nomade. On compte environ 30 000 yéniches qui sont considérés comme minorité autochtone en Suisse, dont 3 500 pratiquant encore le nomadisme. La langue, considérée comme langue sans localisation territoriale, est caractérisée par une grammaire allemande et par un lexique composé qui dérive ses éléments de l'allemand, du yiddish et de la Romani, avec un nombre mineur d'emprunts d'autres langues européens (surtout français et italien)[25].

Le yiddish est une langue juive d'origine germanique proche de l'allemand, avec un apport de vocabulaire hébreu et slave, qui a servi de langue vernaculaire aux communautés ashkénazes, communautés juives d'Europe centrale et orientale, du Moyen Âge. Après son apogée dans les années 1920, cette langue disparaît progressivement. Actuellement parlée par une petite communauté de 1 500 personnes[25].

Le walser est une langue alémanique du groupe alémanique supérieur originaire de la vallée de Conches (Goms en allemand), en haut Valais. Les Walser est une peuplade formée par des groupes d'Alamans venu de l'Oberland bernois aux environs de l'an mil. Ce peuple a ensuite migré en diverses régions de Suisse (Oberland bernois, Tessin, Grisons) et aussi en Italie (Val-d'Aoste et au Piémont), Autriche (Voralberg et Tyrol) et Liechtenstein[36]. Cette langue, menacée de disparition, est encore parlée par environ 10 000 personnes en Suisse et 13 000 en Italie, Autriche et Liechtenstein[37].

[modifier] Langues immigrantes étrangères

Au quadrilinguisme historique des langues nationales réparties selon un territoire se superpose un plurilinguisme d'immigration[38].

L'immigration est en forte augmentation durant le XXe siècle. En 2000 les langues étrangères non-nationales comme langue principale représentent 9% de la population totale. Les principales langues sont, dans l'ordre décroissant, le serbe et croate, l'albanais, le portugais, l'espagnol, l'anglais et le turc[25].

L'anglais est surtout présent dans les principales zones urbaines de Zurich, Zoug, Bâle, la région lémanique Genève-Lausanne mais aussi dans le Bas-Valais. Le portugais est fortement représenté dans la région francophone alors que dans la région germanophone prédominent le serbe et croate, l'albanais et le turc. Le serbe et le croate sont également surreprésentés en Suisse italienne.

Les étrangers représentent 18% de la population totale. Parmi ceux-ci, deux tiers des immigrants déclarent utiliser une des langues nationales comme langue principale. La part des italophones est plus grande comparée à la seule population suisse : 14,8% parlent italien soit presque autant que le français (18%) et l'allemand représente un tiers.

[modifier] Annexes

[modifier] Notes et références

  1. (fr) Droit des langues en Suisse, consulté le 30 avril 2008.
  2. J.-P. Felber, De l'Helvétie romaine à la Suisse romande op. cit page 33
  3. J.-P. Felber, De l'Helvétie romaine à la Suisse romande op. cit page 44
  4. abcdef L'aménagement linguistique dans le monde : La Suisse fédérale auteur : Jacques Leclerc, consulté le 28 avril 2008.
  5. article 4 de la Constitution fédérale
  6. article 70 de la Constitution fédérale
  7. Nouvelle teneur de la Constitution depuis 1999. Avant, le Romanche n'était pas langue officielle régionale L'aménagement linguistique dans le monde auteur : Jacques Leclerc, consulté le 28 avril 2008.
  8. [pdf] Texte de Michael Langner / Ruedi Imbach, Université de Fribourg consulté le 28 mai 2008.
  9. [pdf] http://www.bger.ch/cahiers_conseil_constitutionnel_def_2005.pdf Les arrêts du Tribunal fédéral sont motivés en fait et en droit, dans la langue de la décision attaquée. Page 8 de la présentation du Tribunal fédéral par André Jomini, conseiller scientifique au Tribunal fédéral suisse. Consulté le 21 mai 2008.
  10. [xls] Population résidante selon la langue principale (1910 - 2000), Office fédéral de la statistique OFS consulté le 12 mai 2008.
  11. Langues étrangères ou immigrantes non nationales.
  12. Le serbe et croate, albanais, portugais, espagnol et anglais sont les principales langues étrangères Le paysage linguistique en Suisse, recensement fédéral 2000, page 11 consultée le 3 mai 2008.
  13. (fr) [pdf] Le paysage linguistique en Suisse, recensement fédéral 2000, page 7 consultée le 3 mai 2008.
  14. Droit des langues en Suisse consulté le 17 mai 2008.
  15. Le paysage linguistique en Suisse, recensement fédéral 2000, pages 13 à 18 consultées le 3 mai 2008.
  16. [xls] Liste des communes ayant changé de région linguistique Site admin.ch consulté le 18 mai 2008.
  17. Droit des langues en Suisse consulté le 17 mai 2008
  18. Droit des langues en Suisse consulté le 17 mai 2008
  19. Le paysage linguistique en Suisse, recensement fédéral 2000, pages 89 à 97 consultées le 3 mai 2008.
  20. ibid. pages 107-109
  21. Dialectes suisses alémaniques en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  22. (fr) Allocution prononcée par le conseiller fédéral Christoph Blocher à l’Institut national genevois, le 12 novembre 2007, à Genève : "Frontières linguistiques" sur Département fédéral de justice et police. Consulté le 12 mars 2008.
  23. (de)(en)Schweizerische Idiotikon Site consulté le 5 mai 2008.
  24. Dialectes suisses alémaniques en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  25. abcdefgh L'aménagement linguistique dans le monde : Situation politique et démolinguistique auteur : Jacques Leclerc, consulté le 28 avril 2008.
  26. Dialectes suisses romands en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  27. Glossaire des patois de la Suisse romandeSite consulté le 5 mai 2008.
  28. en 1990 42% de la population parlaient le dialecte en famille et plus de la moitié de la population l'utilise aussi quotidiennement au travail ou à l'école Dialectes suisses italiens en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  29. Le lexique italien en Suisse consulté le 12 mai 2008.
  30. Droit des langues en Suisse consulté le 11 mai 2008
  31. Bosco/Gurin en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  32. (de) Dialectologie du suisse allemand consulté le 12 mai 2008.
  33. [pdf] Recensement fédéral de 2000 communiqué de presse du 19 décembre 2002, consulté le 12 mai 2008.
  34. Dialectes romanches en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  35. 1527 en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  36. L'aménagement linguistique dans le monde : le Walser auteur : Jacques Leclerc,consulté le 14 mai 2008.
  37. Ethnologue.com consulté le 14 mai 2008.
  38. De la Suisse quadrilingue à la Suisse plurilingue auteur : Lüdi, Georges, 1998, Bases démographiques, modèles de développement et problèmes de gestion. DiversCité Langues. En ligne. Vol. III. Disponible à http://www.uquebec.ca/diverscite. Consulté le 18 mai 2008.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens et documents externes

[modifier] Bibliographie

Autres langues