Sándor Márai

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Sándor Márai (1900-1989) est un écrivain et journaliste hongrois.

Sommaire

[modifier] Biographie

La statue de Sándor Márai à Kassa
La statue de Sándor Márai à Kassa

Sándor Márai (de son vrai nom Sándor Grosschmied de Mára) est né le 11 avril 1900 à Kassa, en Hongrie (aujourd'hui Košice, en Slovaquie).

[modifier] Les succès dans la Hongrie de l'entre-deux guerres

Sandor Marai naît dans une famille bourgeoise de quatre enfants dont il est l'aîné.Il est attiré très tôt par l'écriture.Il publie en effet son premier recueil de vers à 18 ans et tout en poursuivant des études en art à l'université de Budapest,il collabore régulièrement au quotidien Magyarorszag.Une contribution à un journal bolchevique au moment de l'éphémère République des Conseils dirigée par Béla Kun (21 mars - 1er août 1919) incite ses parents,à la chute de Béla Kun,à le presser de partir quelque temps à l'étranger car ils craignent pour leur fils la "Terreur blanche",la répression organisée contre les communistes par l'armée roumaine qui était entrée en Hongrie et par les contre-révolutionnaires hongrois.Márai part donc en Allemagne pour entamer des études de journalisme à l'université de Leipzig et des études de philosophie aux universités de Francfort et de Berlin tout en écrivant des articles pour les journaux et les magazines.C'est à Berlin qu'il rencontre par hasard dans un café Lola Matzner qu'il avait connue à Kassa.Il se marie quelques mois plus tard,en 1923.Le jeune couple s'installe d'abord à Paris où Sandor Marai travaille comme correspondant de la Frankfurter Zietung,journal de la bourgeoisie libérale dont il est devenu l'une des prestigieuses signatures.Il envisage pendant un temps d'écrire en allemand mais il choisit finalement sa langue maternelle,le hongrois.Sandor Marai et sa jeune épouse décident de rentrer à Budapest en 1928.

Journaliste,poète,auteur dramatique,cet écrivain cosmopolite et brillant connaîtra dès ses premiers romans un immense succès avec "Les Révoltés" (1930),"Un Chien de caractère"(1932) et surtout "Confessions d'un Bourgeois"(1934),écrits dans un style clair et réaliste.Encensé et adulé,il fait paraître "Divorce à Buda" (1935) et "L'Héritage d'Esther" (1939) qui sont autant de chefs d'oeuvre.Il est le premier à écrire des articles de critique sur les œuvres de Kafka.En 1939,Sandor Marai et son épouse perdent leur fils,Kristof,d'une hémorragie interne quelques semaines seulement après sa naissance.Ils n'auront pas d'autre enfant mais ils adoptèrent Janos.Sandor Marai se tient à l'écart des mouvements littéraires de l'époque et observe avec inquiétude la montée des régimes totalitaires.

[modifier] La deuxième guerre mondiale

Le destin de Sandor Marai est lié aux soubresauts de l'histoire de son pays.La Hongrie se trouve dans le camp des vaincus à la fin de la première guerre mondiale et le Traité de Trianon en 1920 qui lui a enlevé les deux tiers de son territoire et plus de la moitié de sa population est ressenti comme une injustice par les Hongrois.Toute la politique de la Hongrie conduite par l'amiral Horthy sera dès lors centrée sur la récupération des territoires perdus.Le régime autoritaire et conservateur du régent Horthy s'allie aux régimes fascistes européens.Sandor Marai,antifascite dans une Hongrie alliée de l'Allemagne nazie est non seulement un grand romancier mais aussi un homme courageux.Il poursuit son travail d'écrivain pendant toute la deuxième guerre mondiale car son pays ne sera envahi par l'Allemagne nazie que le 19 mars 1944.Il fait paraître notamment deux superbes romans,"La Conversation de Bolzano" (1940) et "Les Braises" (1942).En 1945,il est élu membre de l'Académie Hongroise des Sciences.

Les juifs hongrois,victimes pour la plupart d'entre-eux de persécutions politiques et économiques jusqu'à l'invasion de l'armée allemande,seront déportés en masse par les nazis aidés par leurs alliés hongrois,les Croix Fléchées.L'épouse de Sandor Marai est juive et la famille doit se cacher à Léanyfalu,à 90 kms au nord de Budapest,pendant l'occupation nazie pour échapper aux rafles et ensuite au bombardement et au siège de la ville par l'Armée rouge.

[modifier] L'arrivée des communistes au pouvoir

L'armée Rouge encercle complètement Budapest le 29 décembre 1944.C'est le début du siège de la capitale du pays qui ne prendra fin qu'en février 1945.Dans "Libération",il raconte les derniers jours du siège de la ville par l'armée soviétique.L'héroïne du roman analyse le comportement des habitants terrés dans les caves d'un immeuble pendant ces heures interminables d'attente de l'issue des combats.Son livre,écrit quelques mois après la "libération" de la ville,transforme un épisode douloureux de la vie de la population en une oeuvre littéraire forte et poignante.Il ne sera publié qu'en 2000 pour le centième anniversaire de l'écrivain comme il l'avait demandé dans son testament.Les libérateurs se livrant dès leur entrée sur le territoire hongrois à de nombreuses exactions et à des pillages,le titre de son roman a un goût amer pour les Hongrois et pour lui-même.Budapest est en ruines et lui-même ne retrouve dans les décombres de sa maison qu'un chapeau haut de forme et une photo de Tolstoï.L'histoire de son pays bascule avec l'arrivée de l'Armée rouge et des nouvelles autorités.

Sandor Marai assistera avec tristesse à l'installation progressive et forcée du régime communiste dans son pays avec l'appui des troupes d'occupation.Sévèrement critiqué comme étant un "auteur bourgeois" par le philosophe marxiste György Lukacs, son dernier livre est mis au pilon ( Bien plus tard,dans "Mémoires de Hongrie" paru en 1972,il racontera ses années de disgrâce - avant son départ en exil - sous le nouveau régime dans lequel il considéré comme un ennemi de classe.Dans ce récit autobiographique des années 1944 à 1948,il montre l'asservissement de son pays, l'écrasement de ses libertés politique,culturelle et spirituelle,la bassesse de ses élites,la terreur qu'inspire le pouvoir ).Sandor Marai est contraint de s'exiler en 1948."L'écrivain,comme le note son éditeur,doit se résigner à l'évidence : l'humanisme est assassiné,on assiste au triomphe d'une nouvelle barbarie à laquelle,une fois de plus,le peuple se soumet.Isolé et impuissant,Marai décide de quitter son pays : "Pour la première fois de ma vie,j'éprouvai un terrible sentiment d'angoisse.Je venais de comprendre que j'étais libre.Je fus saisi de peur." écrit-il la nuit de son départ en 1948."Il sera totalement ignoré par les instances littéraires officielles de son pays pendant toutes les années du communisme.Ses livres sont interdits et ne seront plus édités jusqu'à la chute du régime.

[modifier] L'exil

Après quatre années passées en Suisse et en Italie,il s'installe avec sa famille en 1952 à New-York où il travaille pour Radio Free Europe financée par les Etats-Unis et dont les programmes ont pour but de contrer la propagande communiste dans les pays sous la domination soviétique.Il y était l'un des premiers journalistes des programmes hongrois et y avait une émission littéraire Sunday Letters.En 1968 il se retire avec sa femme Lola à Salerno,près de Naples.Dernier départ en 1980 pour les Etats-Unis dont il a acquis la nationalité,pour San Diego, en Californie. Pendant ses 41 années d'exil,il poursuivra l'écriture d'une oeuvre immense,en hongrois,qui comprend des romans - dont "Paix à Ithaque!"(1952) et "Les Métamorphoses d'un Mariage" (1980),un important récit autobiographique,"Mémoires de Hongrie" (1972),des pièces de théâtres, des poèmes et des journaux intimes (de 1943 à 1983).Ses livres restent inconnus dans son pays,ils ne sont publiés que par les maisons d'édition hongroises en exil et ne peuvent circuler en Hongrie que sous le manteau.Son oeuvre est traduite en langues étrangères mais sans pour autant rencontrer un grand succès.Le 4 janvier 1986,son épouse Lola,qui était devenue aveugle,mourrait d'un cancer.Une année plus tard,son fils Janos décède également,à l'âge de 46 ans.Brisé par la disparition de ses proches et vivant dans un isolement de plus en plus complet,Márai se donne la mort à San Diego le 22 février 1989,huit mois seulement avant la fin de la République Populaire de Hongrie proclamée le 23 octobre 1989 par le nouveau président de la République,Matyas Szuros,et remplacée solennellement par la nouvelle République de Hongrie.Un an avant sa disparition,un de ses amis s'était rendu dans une librairie à Budapest pour acheter ses livres et s'était entendu dire : "Il n'y a pas d'écrivain au nom de Marai".

[modifier] La reconnaissance d'un immense écrivain européen

Pendant son exil, Márai est resté largement oublié en Europe, à l'exception notable de quelques traductions en Espagnol ("Musique à Florence", Ed. Destino 1951 ; "A la lumière des chandeliers", Ed Destino, 1967). Márai ne sera redécouvert qu'après sa mort,au début des années 1990 et de manière spectaculaire,grâce aux éditions Albin Michel,qui le publient dans la collection " Les Grandes Traductions" dirigée alors par Ibolya Virag, l'éditrice à qui l'on doit en France un grand nombre de découvertes d'oeuvres de la littérature hongroise. Le succès français de Márai est considérable et attire l'attention des éditeurs du monde entier. Son œuvre est désormais traduite en italien, en anglais, en allemand, en espagnol, en portugais, etc.Newsweek peut intituler un article consacré à Sandor Marai en janvier 2005 : "Sauvé de l'oubli - L'étonnante résurrection de Marai".

L'oeuvre de Sandor Marai est maintenant considérée comme faisant partie du patrimoine littéraire européen et jouit d'une réputation semblable à celles de Stefan Zweig,Joseph Roth et Arthur Schnitzler.Comme eux,il est un des grands écrivains du XXème siècle nostalgiques de la culture brillante et cosmopolite de la Mitteleuropa emportée la défaite de l'Empire Austro-Hongrois et par les totalitarismes.Cet intellectuel idéaliste écrivait dans "Confessions d'un Bourgeois" : "Tant qu'on me laissera écrire,je montrerai qu'il fut une époque où l'on croyait en une victoire de la morale sur les instincts,en la force de l'esprit et en sa capacité de maîtriser les pulsions meurtrières de la horde."

En 1990,il reçoit le Prix Kossuth à titre posthume.Le Petofi Irodalmi Muzeum de Budapest,musée dédié à la littérature hongroise,conserve des documents appartenant à Sandor Marai et est le centre de recherche le plus important consacré à la vie et à l'oeuvre du grand écrivain.

[modifier] Œuvres traduites en français

  • Les Révoltés (Zendülők,1930) Albin Michel, 1992
  • La Conversation de Bolzano (Vendégjáték Bolzanóban, 1940) Albin Michel, 1992
  • Les Confessions d'un Bourgeois (Egy polgár vallomásai, 1934) Albin Michel, 1993
  • Les Braises (A gyertyák csonkig égnek, 1942) Albin Michel, 1995
  • L'Héritage d'Esther (Eszter hagyatéka, 1939) Albin Michel, 2001
  • Divorce à Buda (Válás Budán, 1935) Albin Michel, 2002
  • Un chien de caractère (Csutora,1932) Albin Michel, 2003
  • Mémoires de Hongrie (Föld, föld!..., 1972) Albin Michel, 2004
  • Paix à Ithaque! (Béke Ithakában, 1952) Livre de Poche 2005
  • Métamorphoses d'un mariage (Az igazi, Judit... és az utóhang) Albin Michel, 2006
  • "Libération"(Szabadulàs) Albin Michel, 2007.

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