République chinoise des Seigneurs de la Guerre

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Drapeau à cinq couleurs utilisé par le gouvernement de Beiyang ; le rouge représente les Hans, le jaune les Mandchous, le bleu les Mongols, le blanc les Hui et le noir les Tibétains
Drapeau à cinq couleurs utilisé par le gouvernement de Beiyang ; le rouge représente les Hans, le jaune les Mandchous, le bleu les Mongols, le blanc les Hui et le noir les Tibétains

La République chinoise des Seigneurs de la guerre est une période s'étendant de 1916 (mort de Yuan Shikai) à la fin des années 1930. Elle doit son nom aux potentats locaux qui établissent chacun leur pouvoir par les armes et constituent des cliques rivales. Jusqu'en 1928 un gouvernement de façade très instable (gouvernement de Beiyang)représente sur le plan international ceux du Nord héritiers de la puissante armée mandchoue. Après 1928, et le retour du Kuomintang au pouvoir avec un gouvernement basé à Nankin dont le leader est Tchang Kaï-chek, les seigneurs de la guerre sont combattus et ne disparaissent qu'avec l'établissement de la République populaire de Chine.

Sommaire

[modifier] Le règne des seigneurs de la guerre

À la disparition de Yuan Shikaï, les gouvernements militaires se déchirent.

[modifier] Des gouverneurs militaires aux seigneurs de la guerre

On les appelle ainsi à partir du moment où ils cherchent à étendre leur pouvoir aux autres provinces sans obéir au pouvoir de Beijing. En 1914 il y avait 457 000 soldats dans toute la Chine. En 1918 il y en a 850 000.

[modifier] Le morcellement de l’autorité et le morcellement du pays

Les cliques militaristes sont composées de hobereaux et s’appuient sur des armées composées de mercenaires. Une clique règne tant qu’elle a les moyens de payer. C'est donc une situation très instable : dans le Hunan, il y aura 13 cliques successives en 16 ans. Néanmoins, pour consolider leur pouvoir, vis-à-vis de l'étranger entre autres, les seigneurs de la guerre s’efforcent de maintenir une certaine collégialité. En 1917, c'est en commun qu'ils décident de l’entrée de la Chine dans le conflit mondial. Les paysans paient les guerres sous forme d’impôt. Dans leurs fiefs les seigneurs de la guerre imposent la culture de l’opium au détriment des cultures indispensables à la survie des paysans. La proportion de terres cultivées consacrées à l’opium passe de 3% en 1919 à 20% en 1929.

[modifier] Situation géopolitique de la Chine

Vers la fin de 1916, on a dans le sud deux principales forces militaires, celle dirigée par Tang Jiyao qui occupe le Yunnan et le Guizhou, et celle dirigée par Lu Rongting qui occupe le Guangxi et le Guangdong. Ces cliques sont soutenues par les Britanniques et les Américains. Dans le nord, le gouvernement de Beiyang compte trois principales cliques. La clique de l'Anhui dirigée par Duan Qirui contrôle également le Shaanxi, le Shandong, le Zhejiang et le Fujian ; elle a le soutien du Japon. Celle de Zhili dirigée par Feng Guozhang, bientôt mort et remplacé par Cao Kun et Wu Peifu, contrôle le Jiangsu, le Jiangxi et le Hubei ; elle est soutenue par le Royaume-Uni et des États-Unis. La clique de Fengtian dirigée par Zhang Zuolin a le soutien des Japonais. Les projets politiques des différents participants diffèrent. Ainsi, alors que Li Yuanhong veut rétablir le régime républicain, Duan Qirui veut marcher dans les traces de Yuan Shikaï.

[modifier] La lutte pour le pouvoir central

Lorsque Yuan Shikaï meurt, il est remplacé par Li Yuanhong qui occupe le poste de président de la République. On rétablit la constitution et le parlement. Le vice-président (Feng Guozhang) et le Premier ministre (Duan Qirui) sont des seigneurs de la guerre. La cohabitation entre Li Yuanhong et Duan Qirui est difficile. Le premier souhaite maintenir le cap républicain tandis que Duan Qirui veut marcher dans les traces de Yuan Shikaï. Il cherche à éliminer Li Yuan hong, mais le conflit va rester souterrain dans un premier temps avant de se révéler lors des discussions concernant la participation de la Chine au conflit mondial.

[modifier] La question de la participation au conflit mondial

Duan Qirui veut s’engager dans le conflit parce qu’il a l’espoir de s’emparer du pouvoir à cette occasion, mais les parlementaires, dont Sun Yat-sen, veulent rester neutres. Le clan de l’intervention est soutenu par le Japon et celui des partisans de la non-intervention par les États-Unis. En mai 1917, Duan Qirui est démis de ces fonctions et contre-attaque en prenant les armes contre le pouvoir central, entraînant d’autres seigneurs de la guerre en les convaincant de prendre leur indépendance. Il menace de faire marcher ses troupes sur Beijing. Li Yuanhong ne se sent pas de taille à lutter contre lui et fait appel à un médiateur, Zhang Xun, militariste et conservateur partisan des Qing.

[modifier] Crise politique

Zhang Xun travaille en sous-main avec Duan Qirui: il pousse Li Yuanhong à dissoudre le parlement et à démissionner. Le 1er juillet 1917, il remet Pu Yi sur le trône, ce qui provoque une rupture avec Duan Qirui qui ne veut pas d'un empereur Qing. Sun Yat-sen convoque une assemblée de révolutionnaires. Duan Qirui décide de se débarrasser de Zhang Xun et envoie ses troupes à Beijing pour le chasser en tant que « traître à la République ». Pu Yi est contraint d’abdiquer le 13 juillet 1917 et de laisser la place au nouveau président, Feng Guozhang, tandis que Duan Qirui reprend son poste de Premier ministre. Ils ne rétablissent pas la constitution ni le parlement car Duan Qirui se considère comme le fondateur d'une Seconde République chinoise et non comme le continuateur de la Première République de 1912. Il déclare la guerre à l’Allemagne le 14 août 1917.

[modifier] La Chine en guerre

L’effort de guerre de la Chine se limite à l’envoi de travailleurs chinois à l’étranger, notamment en France. 190 000 coolies sont engagés et transportés en France et dans les colonies ainsi qu’au Royaume-Uni. En échange de cette participation, les puissances étrangères font des concessions : elles acceptent de différer de 5 ans le paiement l’indemnité des Boxers, et d’augmenter de 5% les droits de douane des produits étrangers qui entrent sur le sol chinois. Elles tentent quand même de resserrer leur emprise sur la Chine ; la participation chinoise à la première guerre entraîne de fait un contrôle accru des puissances étrangères. En novembre 1917, le Japon et les États-Unis signent les accords secrets de Lansing-Ishii, au terme desquels les Américains reconnaissent les intérêts particuliers du Japon ont en Chine, notamment dans les zones limitrophes, et les Japonais acceptent de soutenir le principe de la porte ouverte.

[modifier] Vers la sécession

Sun Yat-sen condamne la conduite autocratique de Duan Qirui. Il demande la démission de son gouvernement et le rétablissement de la constitution et du parlement.

[modifier] Établissement du gouvernement de Canton

Sun Yat-sen cherche à s’allier avec les adversaires de Duan Qirui. Il se tourne vers des seigneurs de la guerre du Guangxi et du Yunnan et forme ainsi en septembre 1917 un gouvernement militaire pour la défense de la constitution dont il se fait élire généralissime. Les militaristes du Guangxi et du Yunnan sont élus généraux. Un conflit naît entre les deux gouvernements, qui débouche sur une guerre civile appelée « Guerre entre le sud et le nord ». Les hostilités débutent en octobre 1917 et se poursuivent jusqu’à la fin de 1918. La lutte d’idées s’estompe devant celle pour le pouvoir et des fissures apparaissent dans les deux camps.

[modifier] Éviction de la clique d'Anhui (Sun Yat-sen) dans le Sud, victoire du Zhili dans le Nord

À l’intérieur du camp sudiste, chez les alliés de Sun Yat-sen le soutien à la constitution n'est qu'une attitude de façade. Ils évincent le révolutionnaire en mai 1918 et réorganisent le gouvernement de Canton, qui devient une faction militariste comme les autres.

À l’intérieur du clan nordiste, Duan Qirui est remplacé comme premier ministre par Xu Shichang en 1918, et le clivage porte sur la politique à adopter vis-à-vis des sudistes. La clique de l’Anhui est partisane de les réduire par la force, alors que celle du Zhili est favorable à la négociation. Les désaccords sont tels que pour les résoudre on doit employer la force. Un premier conflit a lieu en juillet 1920 entre l’Anhui et le Zhili, un second en 1922 entre la clique du Fengtian et celle du Zhili. Le Zhili sort victorieux dans les deux cas et prend le contrôle du pouvoir central. En juin 1922, Li Yuanhong est réinvesti dans sa fonction de président dans la légalité républicaine, mais en juin 1923 un coup d’état de Wu Peifu l'oblige à démissionner. Il est remplacé par Cao Kun. La clique du Zhili est alors à l'apogée de son pouvoir, mais en octobre 1924 elle se fait battre par Zhang Zuolin de la clique du Fengtian. Un nouveau gouvernement est mis en place.

[modifier] Le rôle du gouvernement de Beiyang

Au nord, ce sont donc les héritiers de la puissante armée mandchoue dite « des côtes du nord » (beiyang 北洋) qui constituent jusqu'en 1928 un gouvernement de façade (gouvernement de Beiyang) considéré jusqu'à la victoire de l'Expédition du Nord (1928) comme le représentant de la nation chinoise sur le plan international. Malgré la valeur de ses diplomates dont le plus connu est Wellington Koo, le pouvoir de Beiyang est corrompu, incompétent et très instable. Son drapeau symbolise l'union des peuples de la Chine.

[modifier] Les seigneurs de la guerre face au Kuomintang

[modifier] L'Expédition du Nord

À partir du décès de Sun Yat-sen, (1925) c'est le général Tchang Kaï-chek qui prend le contrôle du parti du Kuomintang à Nankin, et qui militairement et politiquement prend le dessus sur les communistes d'une part, et sur les seigneurs de la guerre d'autre part, en trouvant l'appui (notamment à Shanghai en 1927) avec la Bande verte, les milieux d'affaire et les occidentaux. Il lance en juillet 1926 l'Expédition du Nord contre les seigneurs de la guerre. Les troupes de Tchang progressent vers Pékin, malgré une pose à la fin de 1927, (Tchang se retire un temps pour affermir sa position dans le parti notamment avec son mariage avec Song Meiling. À son retour, il progresse par la force et au moyen d'alliances avec certains seigneurs de la guerre. En juin 1928, Pékin tombe aux mains de ses troupes. Cette victoire a été facilitée par la politique du Japon, qui a incité Zhang Zuolin, le seigneur de la guerre qui contrôlait la ville, à se replier en Mandchourie pour préserver les intérêts japonais.

[modifier] L'évolution après 1928

Après 1928, le Kuomintang détient un pouvoir central plus organisé, avec un gouvernement basé à Nankin dont le leader est Tchang Kaï-chek. Le drapeau à cinq bandes est remplacé par le drapeau blanc-bleu du Kuomintang. Néanmoins, les seigneurs de la guerre n'ont pas totalement disparu et constituent, avec les dissidences internes, un des problèmes importants que le gouvernement de Nankin doit affronter. Ainsi, la guerre des Plaines centrales (中原大战 zhongyuan dazhan) contre les seigneurs dissidents Yan Xishan, Feng Yuxiang et Li Zongren met en jeu un million de soldats. C'est ainsi un seigneur de la guerre, au cours de l’incident de Xi'an, le 12 décembre 1936, Zhang Xueliang qui contraint Tchang Kaï-chek par un enlévement en 1936 à accepter une alliance avec les communistes contre les Japonais. Même dans les années 1940, il subsiste des potentats militaires aux confins du territoire (Xinjiang, Sichuan, Shanxi, Qinghai, Ningxia, Gansu, Guangdong, Guangxi, Yunnan). Ils ne disparaissent qu'avec l'établissement de la République populaire de Chine.

[modifier] Voir aussi