Principe des tiroirs

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En mathématiques, le principe des tiroirs, ou principe des tiroirs de Dirichlet, affirme que si n chaussettes occupent m tiroirs, et si n > m, alors au moins un tiroir doit contenir strictement plus d'une chaussette. Une autre formulation serait que m tiroirs ne peuvent contenir strictement plus de m chaussettes avec une seule chaussette par tiroir; ajouter une autre chaussette obligera à réutiliser un des tiroirs.

Mathématiquement, le principe des tiroirs peut s'énoncer ainsi :

Si E et F sont deux ensembles finis, tels que card(E) > card(F) et si f : EF est une application de E dans F, alors il existe un élément de F qui admet au moins deux antécédents par f.

Ou encore :

Si E et F sont deux ensembles finis, tels que card(E) > card(F) et si f : EF est une application de E dans F, alors f n'est pas injective; autrement dit, il n'existe pas d'application injective de E dans F.

Sommaire

[modifier] Appellation

La première version du principe fut énoncée par Dirichlet en 1834 sous le nom de Schubfachprinzip (« principe du tiroir »), suite à une observation de ses chaussettes dans sa commode. Dans certains pays comme la Russie, ce principe s'appelle le principe de Dirichlet (à ne pas confondre avec le principe du maximum pour les fonctions harmoniques, du même nom). Ce principe est aussi appelé principe des tiroirs de Dirichlet-Schläfli. L'anglais pigeonhole principle est parfois traduit très littéralement « principe des trous de pigeons », (il s'agit de la répartition des pigeons dans les cases d'un pigeonnier).

[modifier] Applications

Bien que le principe des tiroirs semble être une observation totalement insignifiante, il peut être employé pour démontrer des résultats inattendus.

Par exemple, il doit y avoir au moins deux personnes à Dallas au Texas avec le même nombre de cheveux sur leur tête. Démonstration: une tête normale a environ 150 000 cheveux et il est raisonnable de supposer que personne n'a plus de 1 000 000 de cheveux sur la tête. Il y a plus de 1 000 000 personnes à Dallas. Si nous associons à chaque nombre de cheveux sur une tête un tiroir, et si nous plaçons chaque habitant de Dallas dans le tiroir correspondant à son nombre de cheveux sur la tête, alors d'après le principe des tiroirs, il y a nécessairement au moins deux personnes ayant exactement le même nombre de cheveux sur la tête à Dallas ! Évidemment, le résultat reste vrai pour n'importe quelle mégalopole.
Donnons un autre exemple d'application du principe des tiroirs dans la situation où il y a cinq personnes qui veulent jouer au rugby, mais seulement quatre équipes. Ce ne serait pas un problème si chacune des cinq personnes ne refusait pas de jouer dans une équipe avec l'une quelconque des quatre autres. Pour montrer qu'il n'y a aucun moyen pour que chacune des cinq personnes joue au rugby, nous appliquons le principe des tiroirs qui indique qu'il est impossible de répartir cinq personnes dans quatre équipes sans mettre deux joueurs dans la même équipe. Puisque les joueurs refusent de jouer dans la même équipe, tout au plus quatre joueurs pourront jouer.

[modifier] Approximation d'un réel

Soit un réel x et un entier naturel n. Pour tout réel y, on note {y} la partie fractionnaire de y. Les (n + 1) éléments de [0,1[ définis par 0,\{x\},\dots,\{nx\} se répartissent dans les n "tiroirs" [q / n,(q + 1) / n[, où  q=0,\ldots,n-1. Il existe donc un entier q et deux entiers 0\leq k<l\leq n tels que :

\frac{q}{n} \leq \{kx\}\leq \{lx\}< \frac{q+1}{n}.

En notant p la différence des parties entières de kx et lx, on en déduit :

|(l-k)x-p|<\frac{1}{n},

ou encore, en introduisant l'entier q = lk, inférieur à n :

\left|x-\frac{p}{q}\right|<\frac{1}{q^2}.

[modifier] Généralisations

Une version généralisée de ce principe déclare que, si n objets discrets occupent m récipients, alors au moins un récipient doit contenir au moins P\left(\frac{n}{m}\right) objets où P est la fonction qui associe à un réel x le plus petit entier supérieur ou égal à x. Le nombre P\left(\frac{n}{m}\right) est donc le plus petit entier supérieur ou égal à \frac{n}{m}, et peut s'écrire avec la fonction partie entière : -E\left(-\frac{n}{m}\right).

Le principe des tiroirs est un exemple d'argument de dénombrement. Ce principe peut être appliqué à de nombreux problèmes sérieux, y compris ceux qui impliquent des ensembles infinis qui ne peuvent pas être mis en correspondance univoque. En approximation diophantienne, l'application quantitative du principe montre l'existence de solutions entières d'un système d'équations linéaires et ce résultat porte le nom de lemme de Siegel.

[modifier] Voir aussi