Prévention situationnelle

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La prévention situationnelle est la traduction formalisée de méthodes orientées vers la prise en compte de la sécurité dans les aménagements des espaces publics ou privés. Son application est censée réduire le sentiment d'insécurité.

Sommaire

[modifier] Définition

Eric Chalumeau en donne une définition dans les cahiers du DSU (Développement social urbain) : Prévention situationnelle : ensemble des mesures qui visent à empêcher le passage à l’acte délinquant en modifiant les circonstances dans lesquelles les délits pourraient être commis par le durcissement des cibles.[1]

Cette vision semble assez catégorique. Il faut, pour mieux la comprendre, se pencher sur les théories criminologiques et les études socio-spatiales qui ont contribué à la définition de la prévention situationnelle.

[modifier] Histoire de la notion

[modifier] Eléments de contexte

D'un point de vue historique, on peut avancer l'hypothèse que la résidentialisation descend en quelque sorte des efforts faits depuis longtemps par les aménageurs pour rendre l'espace public moins susceptible d'accueillir les mouvements de révolte. Notons par exemple le cas de Haussmann dont le gabarit de ses boulevards devait, entre autres, rendre plus difficile à des insurgés l'érection de barricades, et faciliter le déplacement des troupes régulières.

[modifier] Définition contemporaine

La prévention situationnelle a été d’abord théorisée en Amérique du Nord, notamment par Jane Jacobs à la suite des travaux de l’école de Chicago sur les conditions dans lesquelles un crime est commis. Après s’être intéressé à l’auteur du délit et à sa victime, l’idée est apparue que, pour qu’un délit ait lieu, il fallait aussi un contexte.

En termes de prévention situationnelle, cela peut se traduire par le fait qu’un espace sombre, caché, peut par exemple faciliter les embuscades. Une série de recommandations permettant de prendre en compte ces faits tangibles (qui pourtant n’ont jamais été mesurés avec précision)[2] a ainsi été formulée, mettant en relation le contexte et les délits commis. Plus près de nous dans le temps, ces théories ont été progressivement adoptées au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou encore en Suède (reprise des préconisations de Oscar Newman et de son espace défendable dans un quartier entier)[3]. Simultanément, les travaux entrepris par la géographe Alice Coleman (1985) [4] visaient à lister les indices permettant de trouver les corrélations qui existent entre défaut d’entretien, caractéristiques des espaces, etc., et les différents niveaux de criminalité. Les préconisations qui en découlent furent d’ailleurs appliquées à Mozart Estate, Londres . Ces travaux eurent ainsi une diffusion importante à l’échelle européenne. Néanmoins, les autorités françaises ne semblent pas adhérer à cette théorie, arguant de « ne pas être inspiré par un « spatio-déterminisme » lors de l’élaboration des lois et des projets d’aménagement.

Progressivement, on a également assisté à la mise en place d’un label produit par les forces de polices et les experts de la prise en compte de la sécurité, le label Secured by Design (SBD), en Angleterre. Celui-ci certifie que la construction qui l’a reçu respecte certains standards de sécurité. Ce label fut à l’origine de la rédaction d’une norme européenne[5] à laquelle participa la France via l’AFNOR, qui a pour objectif de « proposer une méthodologie reliant une analyse des risques délictuels et des dispositions techniques de construction et d’aménagement » [6] susceptibles d’avoir une influence sur la sécurité. Une telle norme serait alors applicable aux opérations de renouvellement urbain. Pour faciliter la compréhension de ces enjeux sécuritaires, une analogie a été proposée avec la prise en compte de la sécurité incendie [6], tant il est vrai qu’on retrouve nombre de similitudes (rôle d’un gestionnaire de l’espace public et privé à prendre en compte pour faciliter son intervention).

[modifier] Buts de la prévention situationnelle

La prévention situationnelle a pour but principal de rendre les espaces publics (et aussi privés) moins "criminogènes". Il s'agit particulièrement d'éliminer tout élément superflu de la conception de l'espace public, éléments pouvant servir de cachette, de lieu d'embuscade ou encore d'armes (notamment des éléments de structures facilement démontables).

Un autre but de la prévention situationnelle consiste à bannir de l'espace public ses usages jugés "déviants". Cela peut aller de la suppression des cachettes où se déroulent des trafics (drogue) jusqu'à rendre impossible l'installation de clochards et autres "indésirables" (voir la conception des bancs du métro de Paris, rendant impossible la position allongée) ou encore éviter l'usage des rampes, bancs... par les skatteurs. Elle a également por but d'éviter les rassemblements hostiles (voir la conception des fontaines de la place des Terreaux à Lyon [6].

[modifier] Organismes traitant de la prévention situationnelle

Actuellement est en cours de rédaction et de validation une norme européenne portant sur le sujet. Celle-ci est donc rédigée par la Commission européenne de normalisation, à laquelle 15 organismes de normalisation de l'espace économique européen participent. Notons également à Lyon la création au milieu des années 90 d'une Commission communale consultative à la Prévention Situationnelle, organisme donnant un avis sur les projets d'espaces publics à venir en termes de sécurité de l'espace, et faisant participer les services de Police aux débats. Il s'agit d'une initiative avant-gardiste, prennant les devants dans l'éventualité de la parution du décret d'application de l'article 11 de la loi LOPS de 1995, toujours attendu[7]

[modifier] Exemples de mise en pratique

Bien que relevant rarement d'une application explicite des théories de la prévention situationnelle, il n'est pas rare de nos jours de trouver dans la presse des exemples de sa mise en pratique. L'un des derniers exemples en date est l'usage que la mairie d'Argenteuil souhaite faire de produits répulsifs afin d'"éloigner des SDF occupant une sortie de secours du centre commercial".[8] Cette initiative correspond bien au souci exprimé par les théories de la prévention situationnelle visant à rendre la situation inconfortable pour le contrevenant.

[modifier] Lien externe

Décret n° 2007-1177 du 3 août 2007 dit "décret prévention situationnelle"

[modifier] Références

  1. Prévention sociale, prévention situationnelle, fondements complémentaires d’une politique de sécurité. Les cahiers du DSU, 22. 11-14.
  2. Aménagement et sécurité. Observations sur quatre expériences. Paris : IAURIF.
  3. Les pratiques européennes de lutte contre l’insécurité. Synthèse des tendances. Bruxelles : Centre de recherches criminologiques, Université libre de Bruxelles.
  4. Les cahiers de la recherche architecturale et urbaine, Espace et sécurité, 1. 53-64.
  5. Prévention de la malveillance : Urbanisme et conception des bâtiments. AFNOR.
  6. abc Bilel Benbouzid, Mémoire de Master recherche non publié. Lyon : IUL.
  7. .L'article du Code de l'Urbanisme modifié par ledit article sur www.legifrance.gouv.fr.
  8. La mairie d'Argenteuil s'est doté de produits répulsifs pour éloigner les SDF, Yahoo! News, 24 août 2007.