Présentation d'un groupe

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En théorie des groupes, un groupe peut se définir par sa présentation autrement dit la donnée d'un ensemble de générateurs et de relations que ceux-ci doivent vérifier. La possibilité de cette définition découle de ce que tout groupe s'obtient comme quotient d'un groupe libre. En général, la présentation d'un groupe G se note en écrivant entre crochets la liste de lettres et une liste minimale de mots sur cet alphabet, de la forme : G = < a,b,c,d | cbcbcb,cbc − 1b − 1,b9 > Chaque mot est sensé valoir 1 dans le groupe ; G est engendré par a, b, c, d ; et aucune autre relation n'existe entre les lettres, hormis celles données dans la présentation. Par exemple, ici, b est d'ordre 9, cb est d'ordre 3, c et b commute dans c est d'ordre 1, 3 ou 9 et en en fait exactement 9.

Sommaire

[modifier] Introduction informelle

Si un groupe G est engendré par un ensemble S, il est possible d'écrire tout élément de G comme un produit

x1a1 x2a2 ... xnan

où tous les xi sont des éléments de S, et chaque ai un entier relatif. Autrement dit, tout élément du groupe s'écrit comme produit des générateurs et de leurs inverses.

Si G n'est pas un groupe libre, cette écriture n'est bien sûr pas unique. Pour arriver à retrouver le groupe G, il faut préciser lesquels de ces produits sont égaux. Il suffit bien sûr pour cela de spécifier quels produits sont égaux à l'élément neutre du groupe, que l'on notera 1. Il est alors intuitivement clair l'on pourra retrouver le groupe, au moins à isomorphisme près. En fait, il n'est en général pas nécessaire de préciser toutes les relations possibles, puisqu'à partir de certaines relations de bases, on peut en déduire des relations qui en sont les conséquences : par exemple, si s et t sont deux éléments de S, et si on sait que tsts=1, où 1 est l'élément neutre de G, alors on peut en déduire que (st)4=1, et ainsi de suite.

On arrive ainsi à la notion intuitive de définition d'un groupe par générateurs et relations, c'est-à-dire par une présentation : il s'agit de spécifier un ensemble de générateurs, le S ci-dessus, et un ensemble R de relations, qui expriment comme des produits d'éléments de S. G est alors le groupe engendré par S, et dont les générateurs vérifient seulement les relations spécifiées par R, ainsi que leurs conséquences.

Avant même de donner une définition plus précise, on peut donner quelques exemples évidents : \mathbb Z/n\mathbb Z est engendré par un élément, la classe de 1. Si l'on note cet élément a, la seule relation que l'on impose est an=1.

Un autre exemple assez standard est donné par le groupe diédral D2m, c'est-à-dire le groupe des isométries d'un polygone régulier à m côtés. Ce groupe est engendré par deux symétries orthogonales s1 et s2, la première par rapport à une des droites joignant le centre du polygone à un de ses sommets, et la seconde par rapport à une droite joignant le centre du polygone au milieu d'un des côtés avoisinant ce sommet. Le produit des deux symétries est alors la rotation d'angle 2π / m et est donc d'ordre m. On peut en fait facilement montrer que cette relation suffit à donner une présentation de D2m.

[modifier] Définition formelle

Soit S un ensemble et FS le groupe libre sur cet ensemble.

Soit R\subset F_S. Ce sont les relations que l'on veut imposer, et pour cela, on va en fait devoir quotienter FS par R. Comme R n'est pas forcément un sous-groupe distingué, on va en fait quotienter par le plus petit sous-groupe N engendré par R.

On appelle le groupe FS / N ainsi obtenu le groupe défini par générateurs S et relations R. On le note <S|R>. Cette écriture s'appelle une présentation du groupe. Si G est un groupe quelconque, isomorphe au groupe <S|R>, on dit que G admet <S|R> pour présentation.

Pour faire le lien avec l'introduction informelle ci-dessus, on peut remarquer que les éléments de N sont en fait les "conséquences" des relations R. On peut également remarquer que tout groupe admet une présentation : en effet, tout groupe est quotient d'un groupe libre (par exemple, le groupe libre FG sur G). Par contre, une présentation n'est évidemment pas unique.

Un groupe est dit finiment généré s'il est généré par un ensemble S fini, et finiment présenté s'il admet une présentation de la forme <S|R>, avec S et R finis. Tout groupe finiment présenté est donc finiment généré, mais la réciproque n'est pas toujours vraie. En fait, un théorème de Bernhard Neumann affirme que les groupes à deux générateurs, à isomorphisme près, sont en nombre indénombrable, alors qu'il est facile de voir que les groupes de présentation finie sont en nombre dénombrables.

[modifier] Propriété universelle

Le groupe G=<S|R> peut être défini par la propriété universelle suivante : pour tout groupe H, et pour toute application f: S\to H telle que les images des éléments de S satisfassent aux relation R (ie, telle que si s_1^{a_1}\dots s_n^{a_n} \in R alors f(s_1)^{a_1}\dots f(s_n^{a_n})=1), alors il existe un unique en un morphisme de groupe F:G\to H tel que F(s)=f(s) pour tout s dans S.

[modifier] Exemples

  • Le groupe libre sur S est le groupe de présentation <S|\varnothing>. Par exemple, <a|\varnothing> est une présentation de \mathbb Z.
  • Le groupe diédral D2m a pour présentation <s_1,s_2|s_1^2,s_2^2,(s_1 s_2)^m>.
  • Le groupe symétrique \mathfrak S _n est engendré par les transpositions de la forme si=(i,i+1). Les relations sont alors si2=1, sisj=sjsi si |i-j| est différent de 1, et (sisj)3=1 sinon.
  • Les deux derniers exemples sont des cas particuliers de groupes de Coxeter. Ceux-ci sont définis par une présentation, les générateurs sont des si et les relations qu'ils vérifient sont de la forme si2=1 et (s_is_j)^{m_{ij}}=1, où les mij sont des entiers naturels.
  • Le groupe de tresses Bn est défini par la présentation de \mathfrak S _n où l'on a enlevé les relations si2=1.
  • Le groupe PSL_2(\mathbb Z) possède une présentation particulièrement simple : on a PSL_2(\mathbb Z)=<S,T|S^2=T^3=1>.
  • En topologie algébrique, on obtient souvent des groupes définis par générateurs et relations, lorsque l'on veut calculer le groupe fondamental d'un CW-complexe, grâce au théorème de van Kampen. Par exemple, une présentation du groupe fondamental d'une surface de genre g est <a_1,b_1,a_2,\dots,a_g,b_g|[a_1,b_1][a_2,b_2]\dots[a_g,b_g]=1>, où [a,b] = aba − 1b − 1 désigne le commutateur de a et b. Réciproquement, une présentation d'un groupe G permet de construire un CW-complexe de groupe fondamental G.
  • Il existe aussi des groupes qui ne sont définis que par une présentation : par exemple, les groupes de Baumslag-Solitar sont définis par la présentation < a,b | bamb − 1 = bn > .

[modifier] Le problème du mot

Le concept de présentation de groupe peut permettre d'effectuer simplement des calculs dans le groupe. Cependant, il faut se rendre compte qu'il a ses limites. Par exemple, il est difficile de savoir a priori si un groupe défini par générateurs et relations et trivial ou non. Le moyen le plus courant pour montrer qu'un groupe défini par présentation n'est pas trivial est de le faire agir sur un ensemble, en utilisant la propriété universelle ci-dessus. Fabriquer cet ensemble n'est pas forcément une question facile...

Plus généralement, dans un groupe de présentation <S|R>, il est difficile de savoir si deux mots sur S représentent ou non le même élément dans G. C'est ce qu'on appelle le problème du mot. Il a été montré que, même dans le cas des groupes de présentation finie, c'est en général un problème indécidable : il n'existe pas d'algorithme permettant de décider si deux mots sont égaux ou non.

Par contre, on peut montrer que ce problème admet une solution dans de nombreuses familles de groupes. Parmi les exemples ci-dessus, on pourra citer les groupes abéliens de type fini, les groupes de tresses, les groupes de Coxeter. Les groupes polycycliques, les groupes finiment présentés résiduellement finis. Connaître les groupes qui ont un problème du mot résoluble est un sujet de recherches actuel.

[modifier] Bibliographie

  • (en) Marshall Hall The theory of groups [détail des éditions]
  • Pierre de la Harpe, Topics in Geometric Group Theory, Chicago Lectures in Mathematics, University of Chicago Press, 2000 (ISBN 0-226-31721-8)

[modifier] Bibliographie en français

  • N.Bourbaki : Algèbre, chapitre 1 : ed. Hermann (1970), Springer-Verlag(2007)
  • J. Calais : Théorie des groupes, ed. PUF, ed. Ellipses
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