Groupe (mathématiques)

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En mathématiques, plus particulièrement en algèbre générale, la notion de groupe est une abstraction d'opérations naturelles, telles que l'addition, la multiplication ou la composition, lorsqu'elles sont inversibles. Cette notion s'est dégagée de considérations sur les équations algébriques à l'époque de Cauchy et elle permet aussi de modéliser des situations de symétrie qui se retrouvent dans beaucoup de disciplines, non seulement en mathématiques, mais aussi en physique, en chimie, en biologie ou en ethnologie.

Sommaire

[modifier] Définitions

La structure algébrique d'un groupe est celle d'un monoïde dont tous les éléments sont inversibles. Autrement dit, un groupe est un couple (\mathcal{G}, \star)\mathcal{G} est un ensemble muni d'une loi de composition interne \star tels que le couple (\mathcal{G}, \star) possède les propriétés suivantes :

Lorsque \mathcal{G} est un ensemble fini, on dit que (\mathcal{G}, \star, e) est un groupe fini, sinon on dit que (\mathcal{G}, \star, e) est un groupe infini. Pour un groupe fini, l'ordre de ce groupe est le nombre de ses éléments.

En terme de variété équationnelle, un groupe est une donnée  (\mathcal{G},\star,e,f) (où \mathcal{G} est un ensemble non vide, \star une loi de composition interne de \mathcal{G}, e un élément de \mathcal{G} et f une application de \mathcal{G} dans \mathcal{G}) soumise aux axiomes suivants :

  • \forall x \in \mathcal{G}, x \star e = e\star x = x ;
  • \forall x \in \mathcal{G}, x \star f(x) = f(x) \star x = e ;
  •  \forall x, y, z \in \mathcal{G}, x \star (y \star z) = (x \star y) \star z .

[modifier] Autre définition

Une autre définition, plus abstraite, consiste à identifier un groupe avec un sous-ensemble de permutations. On peut définir un groupe comme toute partie non vide et stable par composition et passage à l'inverse des bijections d'un ensemble sur lui même.

Cette définition présente les avantages suivants :

  • elle nécessite peu de formalisme,
  • elle ne s'encombre pas de théorèmes (le neutre et l'inverse deviennent nécessairement uniques),
  • elle fournit une vision plus géométrique d'un groupe,
  • elle tient en très peu de place.

[modifier] Commutativité

Si, en plus, l'opération \star est commutative, c'est-à-dire si tous les éléments du groupe commutent entre eux (\forall x, y \in \mathcal{G}, x \star y=y \star x), le groupe est dit abélien. Si un tel groupe est fini ou engendré par une famille de groupes finis, la théorie (entièrement achevée) des groupes abéliens de type fini s'applique.

Icône de détail Article détaillé : Commutativité.

[modifier] Conventions

L'ensemble et le groupe lui-même sont le plus souvent confondus, et tous les deux notés par le même symbole, en négligeant de préciser de quelle loi de groupe on parle (le contexte est souvent assez explicite).

Pour un groupe en général, la loi est souvent notée comme une multiplication ; c'est-à-dire en écrivant \ x y ou  x \cdot y pour  x \star y , ce qui est plus léger. Dans ce cas, on note aussi \ 1 l'élément neutre. Cette convention est appelée la notation multiplicative.

Cependant, quand le groupe est abélien, on préfère noter la loi \ + et l'élément neutre \ 0. Noter un groupe non commutatif avec une loi \ + va à l'encontre des conventions habituelles. Cette convention est appelée la notation additive.

[modifier] Exemples

  • L'ensemble \mathbb Z des entiers relatifs est un groupe pour l'addition.
  • Les permutations d'un ensemble forment un groupe pour la composition.
  • Lorsqu'on a un groupe, on peut en construire un autre en considérant ses automorphismes, qui forment un groupe pour la composition.
  • Plus généralement, les automorphismes d'une structure algébrique forment un groupe pour la composition.
  • L'ensemble des matrices carrées (de taille donnée) muni de l'addition ;
  • L'ensemble des matrices carrées inversibles (de taille donnée) muni de la multiplication ;
  • L'ensemble des matrices carrées orthogonales muni de la multiplication ;
  • L'ensemble des isométries du plan (ou d'un quelconque espace affine euclidien) muni de la loi de composition.
Contre-exemples
  • L'ensemble \mathbb N muni de l'addition (les inverses des éléments de \mathbb N ne sont pas dans \mathbb N).
  • L'ensemble des matrices carrées muni de la multiplication (toutes les matrices ne sont pas inversibles).
  • L'ensemble des homothéties du plan muni de la composition (les homothéties de rapport zéro ne sont pas inversibles).
  • L'ensemble des parties d'un ensemble non vide muni de l'union ensembliste (l'union n'a pas d'inverse, sauf pour l'ensemble vide).

Ces quatre derniers exemples sont des monoïdes par lacune de l'inversibilité.

[modifier] Sous-groupe

Un sous-groupe d'un groupe G est un sous-ensemble H de G qui est un groupe pour l'opération qu'il hérite de G. On note parfois H\leq G. On montre aisément qu'un sous-ensemble H d'un groupe G est un sous-groupe si, et seulement si, il est non-vide et stable par l'opération et l'inverse :  \forall x,y \in \mathcal{H}, x\star y^{-1} \in \mathcal{H}
.

Icône de détail Article détaillé : Sous-groupe.

[modifier] Ensemble de tous les groupes?

Il n'existe pas d'ensemble de tous les ensembles, d'après le théorème de Cantor. On peut se servir de ce résultat pour montrer qu'il n'existe pas d'ensembles de tous les groupes. Une manière simple de le voir est de munir l'ensemble des parties d'un ensemble de la loi de composition interne qu'est la différence symétrique. On a alors un groupe. L'existence d'un ensemble de tous les groupes implique donc l'existence d'un ensemble de tous les ensembles, ce qui est absurde. Il n'existe donc pas d'ensemble de tous les groupes.

[modifier] Exponentiation par un entier, ordre d'un élément

[modifier] Définition de l'exponentiation

On peut définir une loi externe des entiers relatifs sur tout groupe, de la façon suivante : étant donnés n un entier relatif, et x un élément d'un groupe (G,\star ,1), on pose :

  •  x^n = x\star x\star \ldots \star x (où x apparaît n fois à droite) si n>0\,,
  •  x^n = (x^{-n})^{-1}\, si n<0\,, et
  •  x^0 = 1\,.

Il faut noter que cette nouvelle notation est compatible avec la notation pour l'inverse d'un élément.

Cette exponentiation vérifie les propriétés suivantes:  \forall m,n \in \mathbb{Z}, \forall x \in
\mathcal{G} :

  •  x^{m+n} = x^m \star x^n ;
  • (xm)n = xm.n.

Attention : on n'a  (x\star x')^n = x^n \star x'^n, \forall x, x' \in \mathcal{G}, n \in \mathbb{Z} que si le groupe est commutatif. Cependant, si x et x' commutent, on a bien  (x\star x')^n = x^n \star x'^n pour tous n \in \mathbb{Z}.

On dit d'un élément x d'un groupe qu'il est d'ordre fini s'il existe un entier non nul n tel que  x^n =1\,.

[modifier] Ordre d'un élément

Si on se fixe  g \in \mathcal{G}, cette loi externe, avec ses propriétés, permet de définir un morphisme de groupes :  \mathbb{Z}\rightarrow \mathcal{G}, via :  n \mapsto g^n . Le noyau de ce morphisme est un sous-groupe de  \mathbb{Z} , de la forme  a\mathbb{Z} , avec  a \in \mathbb{N}  ; si cet entier a est nul on dit que g est d'ordre infini, sinon on dit qu'il est d'ordre a.

Icône de détail Article détaillé : ordre (théorie des groupes).

[modifier] Exemples

  • 0 est d'ordre 1 dans \mathbb Z (l'élément neutre est toujours d'ordre 1) ;
  • 1 est d'ordre infini dans \mathbb Z ;
  • 1 est d'ordre n dans \mathbb Z/n\mathbb Z ;
  • une involution non-triviale (différente de l'élément neutre) est d'ordre 2.

[modifier] Sous-groupe distingué

Soient G un groupe et H un sous-groupe de G, on dit que H est distingué dans G (ou normal ou invariant dans G) si et seulement si  \forall g \in G \quad g^{-1}Hg \subseteq H . Remarque : dans le cas où G est commutatif, tous les sous-groupes de G sont distingués dans G.

Si H est un sous-groupe distingué de G, on définit alors sur G la relation d'équivalence \mathcal R suivante : x\mathcal Ry ssi xy^{-1}\in H. On peut alors faire le quotient suivant G /{\mathcal R}, noté G / H, qui sera muni d'une structure de groupe induite par celle de G. Pour plus de détails :

Icône de détail Article détaillé : groupe quotient.

[modifier] Exemples

  • Dans le groupe \mathbb Z un sous-groupe, qui est forcément de la forme n\mathbb Z pour n entier, permet de définir le groupe quotient {\mathbb Z}/{n\mathbb Z} qui est isomorphe au groupe cyclique à n éléments.
  • On appelle Sn le groupe des permutations de n éléments. An le sous-groupe des permutations paires. Alors An est distingué dans Sn et (si n > 1) Sn / An est isomorphe à {\mathbb Z}/{2\mathbb Z}.
  • Dans le groupe des "quaternions", \left(\left\{1,-1,i,j,k,-i,-j,-k\right\},\times\right) le groupe \left\{1,-1\right\} est distingué et le quotient est isomorphe au groupe {\mathbb Z}/{2\mathbb Z} \times {\mathbb Z}/{2\mathbb Z}, qui d'ailleurs n'est isomorphe à aucun des sous-groupes des quaternions.
  • Dans un groupe tout sous-groupe d'indice 2 (on dit que H sous-groupe de G est d'indice 2 si les parties de G de la forme xH sont en quantité 2; si G est fini, cela revient à | G | / | H | = 2) est distingué et le groupe quotient est alors isomorphe à {\mathbb Z}/{2\mathbb Z}, ce qui est le cas du groupe An dans Sn définis dans un exemple précédent.
  • Dans un groupe, si p est le plus petit nombre premier divisant l'ordre du groupe, alors tout sous-groupe d'indice p est distingué (l'exemple précédent est le cas particulier ou p vaut 2).
  • On définit le groupe dérivé du groupe \left(G,*\right) comme le groupe engendré par les éléments de la forme x*y*x^{-1}*y^{-1}\,. Le groupe dérivé de G est distingué (plus précisément caractéristique) dans G et son quotient est commutatif (ou abélien). De plus si un sous-groupe de G vérifie le fait que le quotient de G par ce sous-groupe est commutatif alors il contient le groupe dérivé.
  • On définit aussi le centre d'un groupe par l'ensemble des éléments qui commutent avec tous les autres. C'est là aussi un sous-groupe distingué, il est lui aussi caractéristique.

[modifier] Histoire

L'une des origines de l'idée de groupe est l'étude des équations algébriques par Joseph-Louis Lagrange (1771). La terminologie de « groupe » est mise en évidence pour la première fois par Évariste Galois (1830) : on peut « grouper » les automorphismes du corps de décomposition d'un polynôme séparable. L'idée de groupe tient aussi ses sources de l'étude de nouvelles géométries, Felix Klein (1872), et de la théorie des nombres : Leonhard Euler, Carl Friedrich Gauss.


[modifier] Applications

La théorie des groupes est très utilisée en chimie. Elle sert par exemple à simplifier l'écriture de l'Hamiltonien d'une molécule en exploitant ses symétries. Elle permet de prédire le type de déformation que va subir une molécule en spectroscopie infrarouge (IR). La théorie des groupes permet également de prédire, sans calculs, la géométrie la plus stable d'une molécule.

Dans les structures élémentaires de la parenté l’ethnologue Claude Lévi-Strauss, aidé du mathématiicien André Weil, dégage le concept de structure élémentaire de parenté en utilisant la notion de groupe ( en particulier le groupe de Klein) [1].

[modifier] Notes

  1. Paul Jolissaint Notes de lecture : Groupes et ethnologie

[modifier] Voir aussi