Pedro Arrupe

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Pedro Arrupe, (1907-1991) jésuite d'origine espagnole fut le 28ème Supérieur Général de la Compagnie de Jésus de 1965 à 1981. Atteint d'une thrombose cérébrale en août 1981, il meurt dix ans plus tard.

Sommaire

[modifier] Jeunesse et Formation

Né à Bilbao au Pays basque espagnol en 1907, son destin fut exceptionnel. Étudiant en médecine à Madrid et membre d'une conférence Saint-Vincent-de-Paul, il est témoin de plusieurs guérisons à Lourdes et décide de consacrer sa vie à Dieu. Il entre dans la Compagnie de Jésus en janvier 1927. Quand le gouvernement républicain espagnol dissout l'Ordre, en 1932, il quitte l'Espagne et poursuit ses études en Belgique, en Hollande et aux États-Unis, où il est ordonné prêtre. À New York, il est aumônier des hispanophones en prison. Depuis longtemps désireux d'être missionnaire, il part en 1938 pour le Japon, où il est bientôt maître des novices, à Hiroshima. Quand explose la première bombe atomique, il se dévoue sans compter auprès des blessés. Plus tard, il est supérieur des jésuites du Japon. La 31ème Congrégation générale, convoquée à la suite du décès de Jean-Baptiste Janssens se réunit en 1965 et élut Pedro Arrupe Supérieur général de la Compagnie de Jésus (22 mai 1965).

[modifier] Le Général des Jésuites

Selon le père Calvez, qui fut assistant général auprès de lui à Rome et son plus récent biographe, il fut l'un des acteurs du réveil conciliaire et un leader spirituel en son temps, comme Dom Helder Camara à Recife et, de façon très différente, frère Roger, plus récemment, à Taizé. Son dynamisme spirituel, son tempérament mystique et passionné, mais aussi sa grande bonté, toujours attentive à chaque personne concrète, exercèrent un rayonnement sur les jésuites et sur beaucoup dans l'Église.

Convaincu que la Compagnie s'était trop exclusivement préoccupée des riches et des classes dirigeantes, il fut constamment en butte avec les éléments conservateurs de l'Église catholique romaine et sa hiérarchie. En 1974, une nouvelle Congrégation générale est convoquée[1], qui entérine la ligne d'Arrupe, affirmant même que le service de la foi auquel est vouée la Compagnie est indissociablement lié à la promotion de la justice[2]. En Amérique latine, il pousse la Compagnie à prendre sa part dans la lutte sociale et à s'engager en faveur des pauvres et des marginaux, comme de toutes les victimes de l’injustice[3]. Il écrivait en 1979 : « Nous cesserions d’être de vrais fils de saint Ignace si nous ne mettions pas en œuvre tous nos moyens pour répondre à cette clameur. Par l’évangélisation nous pouvons rendre un service signalé, efficace, mais elle attirera aussi sur nous de grandes oppositions, voire des persécutions, provenant peut-être d’où nous les attendions le moins.[4] ».

Combattu et méprisé par la curie romaine[5], Pedro Arrupe resté fidèle à la ligne définie par les Congrégations générales, est humilié et désavoué publiquement par Jean-Paul II[6]. Après l'accident cérébrale du Père Arrupe qui le laisse muet et paralysé, le pape suspend le droit de la Compagnie et annule toutes les dispositions prises par Arrupe. Il nomme alors deux délégués personnels avec pleins pouvoirs[7], avec pour mission de remettre de l'ordre dans la Compagnie soupçonnée de collusion avec la "théologie de la libération", bien que la position d'Arrupe fut nuancée[8], ce qui sera vu comme une immixtion dans le processus électoral des jésuites[9].

Nombre d'observateurs considèrent Pedro Arrupe comme un véritable refondateur de l'Ordre[10], ayant transformé l'image d'une Compagnie gardienne du conservatisme par le développement du travail dans le domaine de l’apostolat social et la priorité donnée à la lutte contre la pauvreté.

[modifier] Combat pour la Foi et la Justice

Président de l'Union des supérieurs généraux de 1965 à 1983, le père Arrupe participe aux grandes assemblées de l'Église. Il œuvre de toutes ses forces pour la rénovation de la vie religieuse. Il aide alors puissamment les jésuites à comprendre leur mission comme un service de la foi qui implique un combat pour la justice. Ses incessants voyages lui permettent de réaliser qu'une part au moins de l'incroyance contemporaine s'explique par le scandale de l'injustice sociale, criante dans nombre de pays du sud.

Peu de temps avant la thrombose qui va le réduire au silence de l'infirmité pendant les dix dernières années de sa vie, il crée le Service jésuite des réfugiés (JRS), car, disait-il, dépouillés de tout, les réfugiés sont les plus pauvres des pauvres. Missionnaire dans l'âme, il veut que l'Évangile soit annoncé dans les langues et les cultures du monde. Cette nécessaire inculturation de la foi est l'une de ses intuitions les plus fécondes. Il veut aussi que les jésuites, comme éducateurs, aident chacun à devenir "un homme-pour-les-autres".

[modifier] Extrait

« Les flammes sautaient de maison en maison, dressant un mur infranchissable d'immenses langues rougeâtres. Une fumée noire, dense et aveuglante; enveloppait complètement les rues et sortait des édifices dont le bois était la proie des flammes. (…) Il n'y avait pas de temps à perdre. Nous ne pouvions faire que deux choses prier intensément et travailler sans relâche. Avant de prendre une décision concrète, je me rendis à la chapelle, dont un mur avait été pulvérisé, pour demander au Seigneur de nous éclairer dans les affreuses ténèbres où nous nous trouvions soudainement plongés. Partout régnait la mort, la destruction. Nous étions anéantis par notre propre impuissance. Mais Lui là-bas, au tabernacle, connaissait tout, voyait tout, et n'attendait que notre invitation pour participer avec nous à l'oeuvre de reconstruction qui allait suivre.
Que Dieu semble proche dans le fracas de la tempête ! Et combien davantage l'éprouve-t-on encore quand on vit parmi des millions d'infidèles qui jamais ne l'invoquent, parce qu'ils ne le connaissent pas ! Tout le poids moral de la prière nous incombait, petite poignée de jésuites qui, dans cette maison de Nagatsuka, connaissions Celui qui peut apaiser les vagues déchaînées de la mer… et les flammes d'un incendie.
Lorsque je quittai la chapelle, ma résolution était prise. Notre maison devait se transformer en hôpital improvisé. Tous adhérèrent à cette idée avec ardeur, et dans un enthousiasme né du chagrin provoqué par la vue de tant de souffrances, se déclarèrent prêts à y collaborer (…) Avant même le retour de ceux qui étaient partis à la recherche de vivres, se pressait chez nous une grande foule, aux corps défigurés et mutilés. »

[modifier] Notes et références

  1. La 32 ème (CG XXXII)
  2. Pierre Emonet SJ, Pedro Arrupe S.J., Un prophète dans la tourmente., in revue Choisir n° 575, novembre 2007
  3. Pierre Emonet SJ, op. cit.
  4. Lettre du 5 novembre 1979 aux jésuites d’Amérique latine, cité par Pierre Emonet SJ, op. cit
  5. Pierre Emonet SJ, op. cit
  6. Discours du Jean-Paul II du 21 septembre 1979, cité par Pierre Emonet, op. cit.
  7. Les jésuites Paolo Dezza et Giuseppe Pitau
  8. Il préconisait le dialogue avec les marxistes afin de « faire voir que le christianisme est pour les hommes un message incomparablement plus riche qu’aucun concept, si utile soit-il, de l’analyse marxiste. », cité par Pierre Bréchet, Pedro Arrupe, prophète et réformateur, in revue Choisir, mars 1991
  9. Henri Tincq, Les jésuites en conclave à Rome pour désigner un nouveau "général", in "Le Monde", 08/01/2008
  10. Henri Tincq in Le Monde, op. cit.

[modifier] Bibliographie

  • Pedro Arrupe, Comme je vous ai aimés : méditations sur le cœur de Jésus, préface de Karl Rahner, éd. de l'Emmanuel, Paris, 2004, ISBN 291531313X
  • Pedro Arrupe, Écrits pour évangéliser, textes présentés par Jean-Yves Calvez , coll.Christus n° 59, éd. Desclée De Brouwer, Paris, 1985 ISBN 782220025407
  • Jean-Yves Calvez, Le père Arrupe, l'Eglise après le Concile, éd. du Cerf, Paris, 1997 ISBN 9782204055932
  • François Bechau, Prier 15 jours avec Pedro Arrupe, éd. Nouvelle Cité, n°86, 2004 ISBN 285313461X
Précédé par Pedro Arrupe Suivi par
Jean-Baptiste Janssens 28e Supérieur général de la Compagnie de Jésus
1965-1981
Peter Hans Kolvenbach