Ouvrage de la Ferté

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Ouvrage de la Ferté

La tourelle AM du bloc 2
type d'ouvrage: Petit Ouvrage d'infanterie
secteur
└─ sous-secteur
Secteur Fortifié de Montmédy
└─ Sous-secteur de la tête de pont de Montmédy
année de construction: 1935
régiment: 155e RIF
nombre de blocs: 2
type d'entrée(s):

Entrée des hommes (EH)

effectifs: 104 hommes + 3 officiers
Localisation
Plan de situation

L'ouvrage de la Ferté, situé sur le secteur fortifié de Montmédy, est l'un des ouvrages de la Ligne Maginot. Il est connu pour avoir été le seul ouvrage de la ligne à être tombé en combat durant la Seconde Guerre mondiale. L'intégralité de sa garnison – trois officiers, quinze sous-officiers et quatre-vingt-neuf hommes de troupe – fut anéantie durant la nuit du 18 au 19 mai 1940. Situé sur le territoire des communes de Villy et de La Ferté, l'ouvrage, bâti au sommet d'une colline (côte 215) ayant pour nom « La Croix de Villy », est parfois appelé – à tort – « ouvrage de Villy-La-Ferté ». Outre Villy, la tête de pont de Montmédy comptait quatre ouvrages : Le Chênois (composé de six blocs), Thonnelle (quatre blocs) et Velosnes (cinq blocs).

Sommaire

[modifier] La construction

La tête de pont de Montmédy, partie la mieux organisée du secteur fortifié de Montmédy, représentait une extension de la Ligne Maginot vers l'ouest, le reste du secteur étant formé de fortifications de campagne. Elle appartenait aux « Nouveaux Fronts » de la Ligne Maginot construits entre 1935 et 1938 pour faire face au désistement de la Belgique dans le dispositif de défense – en clair : son passage à la neutralité.

Le bloc 2
Le bloc 2

La construction de l'ouvrage, qui débuta au cours de l'été 1935, résulte tout d'abord de la construction de deux casemates d'infanterie autonomes : celle de La Ferté-Nord et celle de La Ferté-Sud. Un surplus de crédit permit de relier les deux casemates par une galerie souterraine de deux cent soixante-dix mètres de long à une profondeur moyenne de vingt-quatre mètres. Quelques locaux y furent ajoutés : une cuisine mixte – fonctionnant au charbon et au fioul – avec local laverie servant aussi de dépôt de vivres, une infirmerie de quatre lits, un local servant de central téléphonique secondaire et un local pour les munitions de la tourelle avec un monte-charge n'ayant jamais reçu son moteur. Les casemates furent alors rebaptisées « Petit ouvrage de la Ferté ».

Plan de profil
Plan de profil

Pendant l'achèvement de la construction de l'ouvrage, il fut décidé de compléter le dispositif par deux casemates indépendantes pour pièces de soixante-quinze millimètres. Mais aucune défense rapprochée n'ayant été prévue contre l'infanterie, ces deux casemates avaient pour mission de se retirer une fois leur dernier obus tiré...

La Ferté n'est pas un ouvrage de la Ligne Maginot au sens propre du terme. En effet, il ne comporte ni caserne ni usine électrique souterraine. Sa défense est orientée vers l'avant, en direction de la vallée de la Chiers. Sa vision et ses possibilités de feu vers l'arrière sont particulièrement limitées car les cloches des deux blocs sont orientées vers l'avant. À cent mètres en arrière du bloc 2 se trouve la route de La Ferté traversant la colline dans une tranchée profonde ; mais les mortiers de cinquante pouvant être fixés sur les rotules des cloches GFM et les créneaux FM ne furent jamais livrés. Il n'avait de plus pas été prévu de tourelle ni de créneaux pour mortier de quatre-vingt-un. La défense des abords de l'ouvrage dépendait donc entièrement des troupes d'intervalle. La géographie du terrain pouvait laisser présager l'approche des troupes ennemies jusqu'au réseau de barbelés situé à soixante-dix mètres.

Il faut savoir que dans le projet initial, un ouvrage mixte devait être construit à Vaux-lès-Mouzon, entre Carignan et Mouzon, couvrant ainsi les arrières de l'ouvrage de La Ferté. Pour des raisons budgétaires, celui-ci fut abandonné, laissant le soin de la défense des abords par des Troupes d'intervalles. Le « Petit ouvrage de La Ferté » devint, ainsi, le dernier ouvrage de l'extrémité nord de la Ligne Maginot.

A partir de l'hiver 1939, le village de Villy devint un solide point d'appui pour l'ouvrage et se vit pourvu d'une tourelle démontable pour mitrailleuse. Deux casemates légères furent construites le long de la route menant à l'ouvrage et douze caves de maisons furent transformées en blockhaus et reliées par un réseau sous-terrain. Le tout complété par un réseau de fils de fer qui entourait tout le village.[réf. nécessaire]

[modifier] Description

La tourelle AM
La tourelle AM

L'ouvrage de La Ferté accueille cent quatre hommes de troupe du 155e Régiment d'infanterie de forteresse) et trois officiers, son commandant étant le lieutenant Bourguignon.

Le lieutenant Bourguignon
Le lieutenant Bourguignon

Le bloc 1, qui servait d'entrée principale, est constitué à l'étage supérieur d'une entrée avec passerelle et grille et, à l'intérieur, d'un créneau de tir FM ; cette entrée était protégée par un fossé diamant lui-même protégé par un créneau de tir FM et une goulotte lance grenade.

La chambre de tir était elle-même protégée par un fossé diamant lui-même protégé par un créneau de tir FM et une goulotte lance-grenade ; elle contenait un créneau JM/AC47 (Jumelage de mitrailleuses pouvant laisser place à un canon antichar de 47 mm) et un créneau JM (Jumelage de mitrailleuses). En plus de la chambre de tir : un réservoir d'eau, une chambre de repos de quatre lits et le central téléphonique.

A l'extérieur : un projecteur dans abri avec porte blindée.

Sur les dessus : deux cloches GFM (Guet-Fusil-Mitrailleur) et deux cloches AM (Armes mixtes-canon antichar de 25 et mitrailleuse Reibel).

A l'étage inférieur : une chambre de repos de quatorze lits, la centrale électrique (usine), la salle des filtres ou salle de neutralisation, la chambre du lieutenant Bourguignon, un P.C. renseignements et l'escalier déservant les deux étages et la galerie.

Le bloc 2 est quant à lui constitué de : à l'étage supérieur :

  • une entrée secondaire pourvue du même dispositif que l'entrée du Bloc 1 et sur la large façade, était disposée l'antenne radio
  • 3 chambres de repos pour un total de 30 lits
  • le local radio
  • le local téléphonique
  • un escalier menant à l'étage inférieur

sur les dessus :

  • 1 tourelle AM (Armes mixtes-canon de 25 antichar et jumelage de mitrailleuses Reibel)
  • 1 cloche GFM (Guet-Fusil-Mitrailleur)
  • 1 cloche VDP (vue directe et périscopique), la seule de la TPM
  • 1 cloche AM (Armes mixte)

à l'étage inférieur :

  • l'usine
  • la salle des filtres
Etage supérieur du Bloc 1
Etage supérieur du Bloc 1
Etage inferieur du Bloc 1
Etage inferieur du Bloc 1
Etage supérieur du Bloc 2
Etage supérieur du Bloc 2

[modifier] Etat actuel

[modifier] Bloc 1

La chambre de tir du Bloc 1
La chambre de tir du Bloc 1
  • Un créneau est enfoncé par une charge explosive posée sur la cloche GFM ouest.
  • Un créneau est enfoncé par des charges et des tirs sur la cloche GFM est.
  • Un créneau est enfoncé par une charge posée sur la cloche AM ouest. L'intérieur de la cloche est détruit et des traces d'explosions sont présentes sur les parois et les murs. Le mur attenant à la chambre de tir est renversé.
  • Le trumelage de la cloche AM nord est encore en place, mais endommagé. L'intérieur de la cloche est détruit.
  • La chambre de tir est intacte.
  • Les couloirs et les plafonds de l'étage supérieur sont noircis. Les portes-sas ont étés soufflées par les explosions internes. La porte blindée étanche a été arrachée par une explosion, sans doute quand les Allemands ont pénétré dans l'ouvrage.
  • Les moteurs et les filtres à gaz de l'étage inférieur sont intacts.
  • Sur les dessus du bloc, on note de nombreux entonnoirs donc l'aspect est chaotique.

[modifier] Bloc 2

  • Deux créneaux sont enfoncés sur la cloche GFM. On note également quelques impacts de 88 mm. L'intérieur de la cloche est détruit, la plateforme s'est effondrée. Il y a des traces d'explosions sur les murs et le sol. Le mur entre la cloche GFM et la chambre de repos est effondré.
  • Dans la chambre de repos, prévue pour 20 hommes, les châssis des lits sont tordus, particulièrement vers l'accès à la cloche GFM.
  • Le créneau nord de la cloche AM est enfoncé par une charge posée. La muraille de la cloche est déchaussée par les tirs d'artillerie. L'intérieur de la cloche est endommagé et le mur entre la cloche AM et la chambre de repos est effondré. Les autres murs sont noircis.
  • Les canalisations des prises d'air ont été endommagées par les explosions au pied de la cloche GFM.
  • Le corps de la tourelle AM a été arraché et repose en travers de son puits. Un créneau est enfoncé. Sur la muraille de la tourelle on note les traces importantes de la charge explosive dont la forme et la matière se sont imprimés dans le métal. Dans la chambre de tir gît le reste du trumelage arraché par une charge posée.
  • Les dessus du bloc 2 sont chaotiques et on note de nombreux entonnoirs.

[modifier] Le destin tragique


Pour commencer, un extrait du rapport de Pierre Taittinger (rapporteur de la Commission de la Défense nationale) à la Chambre des Députés, suite à la visite effectuée sur le terrain au début de mars 1940 :

"...L'organisation défensive dans la Région de Montmédy apparaît redoutable. Il y a là des ouvrages de construction ancienne (1935) doublés par des ouvrages de confection récente, véritable prolongement de la Ligne Maginot du type "Lorraine".

Mais l'impression satisfaisante cesse à l'arrivée à Sedan.

Dans cette région, on compte beaucoup plus sur la forêt des Ardennes et sur la Meuse pour protéger Sedan, donnant peut-être à ces obstacles naturels une importance exagérée.

Les organisations défensives sont dans ce secteur rudimentaires, pour ne pas dire embryonnaires. Sur la route venant de Bouillon, en Belgique, à Sedan, comme sur les autres points d'accès, la défense consiste en "maison fortes" dont la résistance ne serait que de courte durée. Les réseaux de fils de fer qui ont été placés, les destructions envisagées et la résistance des maisons fortes, ne peuvent pas procurer un temps d'arrêt supérieur à une heure. Ce laps de temps serait tout juste suffisant à donner l'alerte en cas d'attaque inattendue... Nos ennemis, évitant le point solide de Montmédy, pourraient se laisser "couler" en direction de Sedan, point particulièrement faible de notre système défensif...

Les troupes préposées à la défense de ce secteur ont un moral élevé, les cavaliers des G.R.D.I.(groupe de reconnaissance de division d'infanterie) sont bien commandés, mais on sent que ces éléments sont destinés à être sacrifiés sur place, et que la véritable résistance aura lieu en deçà de la Meuse.

Cette intention du Commandement peut fort bien se défendre mais encore faudrait-il que les ouvrages de la ligne de résistance soient terminés, munis de leur armement et en état de remplir le rôle qui leur est assigné.

Dans certains de ces ouvrages, seul le coffrage est terminé et le béton n'est même pas coulé. Dans d'autres, il manque les créneaux, portes de fer, le matériel anti-gaz, une partie de l'armement.

On tremble rétrospectivement en envisageant ce qu'aurait été une attaque allemande dans ce secteur..."

Ces observations (tristement divinatoires) furent rejetées par le Général Huntziger et de leur côté, les allemands, par les reconnaissances aériennes connaissaient la situation de faiblesse du secteur fortifié et décidèrent d'attaquer de chaque côté de Sedan, provoquant, ainsi les prémisses de la destinée tragique de l'Ouvrage de la ferté.

[modifier] La percée de Sedan

Le 10 mai 1940, au matin, les Allemands attaquent la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas.Comme prévu (Plan Dyle) les troupes françaises opèrent un vaste mouvement de pivot vers l'est, pour arrêter l'ennemi en Belgique et la division de Cavalerie légère franchit la frontière pour opérer sa mission d'arrêt. Hélas rien ne put arrêter les Panzerdivisionen et, au soir du 10 mai, la zone située entre Sedan et Carignan fut directement sous la menace ennemie.

Le 11 mai, la Cavalerie se replia, la ligne des maisons fortes fut abandonnée et tous les ponts de la zone furent détruits.

Le 13 mai, la zone de Donchery jusqu’à Bazeille fut la cible de terribles bombardements de l'aviation ennemi en particulier des "Stukas" qui atteignit le moral de nos troupes et provoqua une profonde désorganisation. Des éléments de l'infanterie ennemie traversèrent la Meuse ; La position fortifiée n'avait tenu que quelques heures et le 13 mai, au soir, elle était percée ente Wadelincourt et Bellevue. La panique s'empara de nos corps de troupes, qui abandonnèrent leurs pièces d'artillerie.

Le 14 mai, les troupes occupant les secteurs de la Chiers et de la Meuse ressurent l'ordre d'évacuer les blockhaus et leurs intervalles,abandonnant ainsi une très grosse quantité d'armement et de matériel. Ce décrochage provoqua directement l'isolement de l'ouvrage de la Ferté en le privant de troupes d'intervalles et d'artillerie,le plaçant de plus en pointe pour la suite des évènements.

Il est à noter, vu l'aspect bref de ce résumé, que les troupes françaises ont très courageusement combattu. Notamment dans le secteur d'Inor surnommé "l'enfer vert" par les Allemands.

[modifier] L'agonie de l'ouvrage de la Ferté

Le 15 mai, les Allemands voulurent élargir la brèche de la percée de Sedan par le sud-est, en direction de l'ouvrage.

Pour cela, la zone abandonnée "sur ordre" la veille par les troupes françaises permettait un point de départ inespéré constitué d'abris confortables pour les troupes Allemandes.

Cette journée fut ponctuée de divers attaques Allemandes en direction de Villy et de la Cote 226. La défense offerte par : les 3 canons de 25 antichar, 12 mitrailleuses, 16 F.M. et le mortier de 60 de Villy ; le canon de 75 de la casemate de Villy-Ouest (tir de 800 obus) et les mitrailleuses de la tourelle du Bloc 2 parut efficace, mais les Allemands attendaient des renforts et surtout l'apport de l'artillerie lourde pour passer à la véritable attaque. Les premiers bombardements eurent lieu sur la zone.

Le 16 mai, la mise en place des renforts Allemands a eu lieu durant la nuit du 15 au 16 mai. Mise en place du plan d'attaque Allemand qui prévoyait la prise de la cote 226, de la cote 331 et du village de Villy. De ces points d'appui l'attaque de l'ouvrage de La Ferté devenait possible puisqu'ils donnait directement accès aux côtés des deux blocs si mal défendus et à l'angle mort par lequel pourraient se glisser des éléments du Génie...

A partir de midi duel d'artillerie entre les deux camps. Dans l'après-midi nouvelle attaque de la cote 226 et, malgré une résistance héroïque des troupes françaises, ce point stratégique tomba sous la coupe des troupes Allemandes. Ces mêmes troupes Allemandes subirent de nouveau un échec devant Villy, prouvant de nouveau l'efficacité du dispositif de défense, hélas isolé. Le seul objectif atteint, pour les troupes Allemandes, était donc la côte 226 au soir du 16 mai.