Ordalie

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L'Epreuve du feu, de Dirk Bouts
L'Epreuve du feu, de Dirk Bouts

L'ordalie (du vieil anglais ordal et du germanique urthel, « jugement », qui ont survécu respectivement dans les actuels ordeal et Urteil) est un mode de justice, aussi appelé jugement de Dieu. C'est un mode de jugement religieux très ancien.

Sommaire

[modifier] Définition

Concrètement, l'ordalie consiste à faire passer à l'accusé des épreuves physiques diverses dans le but de démontrer la justesse de sa cause. Ceci sous le regard de la divinité tutélaire de la justice, qui par définition ne peut pas laisser périr l'innocent ou triompher l'injustice. L'ordalie inclut le duel judiciaire, où l'épreuve implique les deux parties. Le jugement est un va-tout, impliquant généralement la disparition d'une des parties (l'accusé ou l'accusateur).

Consistant en un appel direct à la divinité instituant et gardant l'ordre suprême, il s'agit probablement du mode de justice d'origine, le plus ancien et le plus primitif : c'est ce qui fait sa légitimité par rapport aux procédés formalisés et bien moins violents apparus ultérieurement (sans doute en réaction à l'extême violence de l'ordalie). Mais lorsque la justice humaine ne s'applique pas (faute de preuves et de témoignages, parce que le litige a une nature magique, ou encore en présence d'un conflit international pour lequel il n'existe pas de recours judiciaire), l'ordalie revient.

Le procédé est attesté dès les premiers temps historique (dans le code d'Hammourabi, mais sans le duel judiciaire), et présent dans les mythes préhistoriques. Il est également attesté au Moyen Âge européen.

L'ordalie est apparentée à d'autres rituels consistant en une prise de risques arbitrés par le destin : exposition de nouveau-nés, combats singuliers opposant des champions pour décider d'une bataille, etc.

Il y a deux sorte d’ordalie. L'ordalie unilatérale et l'ordalie bilatérale.

Dans l’ordalie unilatérale, c’est à l'accusé de prouver son innocence par le biais d'une épreuve sous le regard de la divinité. Au Moyen Âge il y avait différentes épreuves pour " prouver " l'innocence ou la culpabilité d'un accusé.

  • L'épreuve par le fer rouge consistait à forcer l'accusé à tenir la barre au fer rouge ensuite on bandait la main. Pour savoir si l'accusé était coupable ou innocent on regardait quelques jours plus tard l'évolution de la plaie. Si la plaie était " belle " donc bien cicatrisée cela prouvait son innocence, dans le cas contraire une vilaine plaie prouvait sa culpabilité.
  • L'épreuve du chaudron bouillant, variante de celle de l'épreuve du fer rouge. Il s'agit en fait de bouillir de l'eau dans un chaudron et d'y plonger un caillou. L'accusée devait plonger son bras dans le chaudron et ramener le caillou. Là aussi on bande le bras brûlé et on vérifie l'état de la plaie quelques jours plus tard.
  • L'épreuve de l'eau glacée. L'accusé était plongé dans une eau glacée bénite, s'il coulait au fond c'est qu'il était " reçu " par l'eau bénite et donc était innocent (parfois il se noyait faute d'avoir pu remonter à la surface), si le corps flottait cela prouvait sa culpabilité.

L'ordalie bilatérale se réglait par un duel (combat). Le choix des armes étaient en fonction du rang et de la classe sociale de l'individu. Les nobles seuls pouvaient se battre à l'épée et à la lance.

[modifier] Historique européen

En Europe, ce mode de jugement est formalisé à l'époque franque sous la forme de duel judiciaire et fut utilisé jusqu'au milieu du Moyen Âge (1258 en France). À cette époque la justice était tenue par chaque seigneur sur son territoire, qui déléguait généralement à un prévôt accompagné d'une cour féodale (tribunal féodal appelé mallus). Il y avait comme aujourd'hui plusieurs degrés de juridiction, plus précisément deux : le 1er degré était le tribunal féodal et la cour d'appel était la cour du suzerain (seigneur supérieur).

L'ordalie a un caractère religieux et magique très marqué, mais en un sens pré-chrétien, et associé à une extrême violence ; en outre, d'un point de vue théologique l'ordalie représente un test de la bonté divine, ce que la Bible condamne sans appel. C'est ce qui explique que l'Église fut clairement défavorable à ces ordalies, préférant de loin le serment. Le Concile de Valence condamne ainsi le duel judiciaire dès 855.

Le duel judiciaire apparaît dès le VIe siècle chez les Burgondes, puis chez les Francs. Il reste relativement rare avant l'an mil. Ce duel judiciaire se pratiquait en présence du roi ou de l'autorité territoriale concernée. Des champions, spécialistes du combat, représentaient le camp des plaignants.

Le duel judiciaire n'est pas la seule méthode d'ordalie. On assiste même à une multiplication des épreuves à partir du Xe siècle : du fer rouge à l'eau glacée. Ces différentes épreuves sont interdites en France dès le XIe siècle sous l'influence des institutions de paix mises en place sous l'influence de l'Église. Seul le duel judiciaire subsiste encore quelque temps jusqu'à son interdiction en France par Saint Louis en 1258. Avant cette date, le Concile de Latran (1215) avait rappelé la condamnation de l'Église vis à vis de cette pratique. Saint-Louis remplace le recours à l'ordalie par le serment et le témoignage oral. C'est la base de la justice moderne. On notera toutefois la tenue de quelques duels judiciaires tardifs en France jusqu'au règne de Philippe le Bel.

Attention à ne pas confondre l'ordalie avec l'inquisition.

[modifier] Représentations modernes

De nombreux romans et films de cape et d'épée ont rendu populaire le jugement de Dieu sous forme de duel, qui aboutit toujours à la victoire du bien (droit et juste) sur le mal (fourbe et lâche).

Dans leur film Sacré Graal !, les Monty Python décrivent, avec un humour décapant, la logique magique qui se cache derrière le concept d'ordalie : un raisonnement en cascade abscons aboutit à condamner une femme comme sorcière parce qu'elle pèse le même poids qu'un canard.

[modifier] Autre sens

Icône de détail Article détaillé : Ordalie (comportement).

On applique également le terme à certains comportements volontaires de prise de risques, notamment le duel d'honneur apparu au XVe siècle ou le comportement de nombreux adolescents (usages de stupéfiants, prise de risques routiers, etc.) ; toutefois, le fait que la prise de risque soit volontaire, hors de tout cadre légal (et même en rupture avec le cadre légal), et dépourvue de but, fait une différence essentielle avec l'ordalie stricto sensu.

[modifier] L'ordalie au temps des pharaons

L'ordalie a été inventée par les égyptiens. il s'agissait de s'en remettre aux Dieux lorsqu'une décision de justice échappait aux hommes. Par exemple lorsqu'il fallait déterminer le degré de noblesse d'un bébé né d'un père inconnu, l'enfant était jeté dans le Nil. Si celui-ci pouvait se réclamer d'une famille noble, il était sauvé par le Dieu du Nil. mais s'il ne l'était pas alors il se noyait. C'est un rituel qui ne se réalisait qu'une seule fois car pour les égyptiens, les Dieux ne peuvent pas pas se tromper.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Dominique Barthélemy :
    • q.v., Dictionnaire du Moyen Âge, s.dir. Claude Gauvard, A. de Libera et M. Zink, PUF, coll. « Quadrige », Paris, 2004 (2e édition) (ISBN 2130543391) ;
    • « Diversité des ordalies médiévales », Revue historique, 280 (1988), p. 3–25 ;
  • (en) R. Bartlett, Trial by Fire and Water. The Medieval Justice Ordeal, Clarendon Press, Oxford, 1986 (ASIN 0198219733) ;
  • J. Gaudemet, « Les ordalies au Moyen Âge : doctrine, législation et pratique canonique », Recueil de la Société Jean-Bodin, XVIIe siècle av. J.-C. : la preuve 2, Bruxelles, 1965, p. 99–135 ;
  • R. Jacob, « La parole des mains. Genèse de l'ordalie carolingienne de la croix », Les Rites de la justice. Geste et rituels judiciaires au Moyen Âge, s.dir. C. Gauvard et R. Jacob, Le Léopard d'or, Paris, 2000.