Mohamed Choukri

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Mohamed Choukri, né en 1935 et décédé en 2003, est un auteur marocain arabophone d'origine berbère.

Mohamed Choukri est né en 1935 à Beni Chiker, un petit village berbère du Rif près de Nador au Maroc. Élevé dans une famille pauvre, il s'enfuit à l'âge de 11 ans et devient enfant des rues de Tanger, où il vit dans les bas-fonds de la ville, au milieu de la misère, de la violence, de la prostitution et de la drogue. À l'âge de 20, il décide d'apprendre à lire et à écrire et deviendra instituteur.

Dans les années 60, dans le Tanger cosmopolite, il fera la rencontre de Paul Bowles, Jean Genet et Tennessee Williams. Il commence à être publié dès 1966 (dans Al-adab, mensuel de Beirut, la nouvelle Al-Unf ʿala al-shati (Violence sur la plage). Son succès international viendra avec la traduction en anglais par Paul Bowles de Al-khoubz Al-Hafi (Le Pain nu, For Bread alone, Peter Owen editions) en 1973. Le livre sera traduit en français par Tahar Ben Jelloun en 1980 (éditions Maspéro), publié en arabe en 1982 et interdit au Maroc de 1983 à 2000.

Ses principales œuvres seront la trilogie autobiographique commencée avec le pain nu, suivi de Zaman Al-Akhtaâ aw Al-Shouttar (le temps des erreurs ou la sagesse de la rue, 1992) puis Visages. Il écrira aussi une série de nouvelles dans les années 60-70 (Majnoun Al-Ward, le fou des roses, 1980 ; Al-Khaima, la tente, 1985) ainsi que des recueils de mémoires concernant ses rencontres avec les écrivains Paul Bowles, Jean Genet et Tennessee Williams (Jean Genet et Tennessee Williams à Tanger, 1992, Jean Genet à Tanger, 1993, Jean Genet, suite et fin, 1996, Paul Bowles, le reclus de Tanger, 1997).

Le 15 novembre 2003, à l'hôpital militaire de Rabat, Mohamed Choukri succombe à un cancer. Inhumé au cimetière Marshan à Tanger le 17 novembre en présence du ministre de la culture, de hauts fonctionnaires, de personnalités du monde de la culture et du porte-parole du palais royal. Avant de mourir, il créa une fondation Mohamed Choukri (président, Mohamed Achaâri), possédant ses droits d'auteur, ses manuscrits et travaux personnels. Il fit bénéficier d'une pension à vie à sa domestique, Fathia, qui passa près de 22 ans à travailler pour lui.

Sommaire

[modifier] L'enfance dans les rues de Tanger

Mohamed Choukri est né dans la région du Rif au milieu d'une famine, dans une famille pauvre, nombreuse, dont le père est très violent. Sa langue maternelle est le rifain. À cause de la misère, sa famille plie bagage et part pour Tétouan, puis enfin Tanger. Il survit à l'aide de petits métiers, guide pour marins arrivant à Tanger, il apprend l'espagnol et vit déjà dans un milieu peuplé de prostituées, de petits et grands voleurs et surtout dans une famille au père tyrannique. Un père violent envers ses enfants comme envers sa femme, Choukri l'accusera même d'avoir tué Abdel Kader, son jeune frère, après une dispute familiale, il quitte sa famille à l'âge de 11 ans pour survivre à Tanger. Là, il embrasse une vie de sans domicile, voleur, contrebandier d'occasion et prostitué. A l'âge de 20 ans, analphabète, il fait une rencontre qui change le cours de sa vie.

[modifier] L'apprentissage de la lecture puis l'écriture

C'est à l'âge de 20 ans qu'il rencontre une personne qui l'aidera à apprendre à lire et à écrire l'arabe, langue quelque peu différente du darija (arabe dialectal marocain) et du rifain desquelles il était familier. Il quitte Tanger en 1956 (année de l'indépendance du Maroc) et part à Larache, s'inscrit à 21 ans dans une école primaire pour apprendre à lire et écrire. Il persévère et poursuit ses études (école normale) jusqu'à devenir instituteur. De retour à Tanger dans les années 60, il continue à fréquenter les bars et maisons closes. Il se met à écrire sur sa vie en arabe standard, avec une franchise absolue, qui ne sera pas appréciée par tout le monde.

[modifier] La censure du pain nu

Le livre le pain nu, fera en même temps qu'un succès international après la traduction en anglais de Paul Bowles un scandale dans les pays arabes. Après l'édition en arabe en 1982, le livre sera interdit en 1983 sur décision du ministre de l'intérieur Driss Basri, suivant les recommandations des oulémas, scandalisés par les références aux expériences sexuelles du jeune adolescent et les références répétées aux drogues. La censure prendra fin en 2000, le pain nu paraît au Maroc. En 2005, le pain nu sera retiré du syllabus d'un cours de littérature arabe moderne à l'Université américaine du Caire car il contiendrait des passages sexuellement explicites.

[modifier] Le sexe et la drogue, le père désacralisé, la langue arabe de la plèbe

En arabe, le mot Adab (littérature), par son sens étymologique signifie aussi la bonne conduite et le bon goût. L'arabe est aussi la langue du Coran. Mohamed Choukri écrit en arabe sur le sexe avec crudité, franchise et précision : prostitution enfantine, masculine et féminine, pédophilie, homosexualité entre gamins, homosexualité, copulation avec des filles rencontrées par hasard, etc. Il écrit en arabe les insultes proférées envers les mères et les sœurs, l'usage des drogues, de l'alcool, les violences entre pauvres, mêle par la même occasion de l'arabe dialectal dans ses écrits à l'arabe classique. Ses personnages sont sans familles, sans attaches, il décrit sa propre haine de son père, alcoolique, violent, paresseux et assassin, ne présente ni compassion ou amour pour sa mère. Il brise ainsi trois tabous à la fois et contrairement à la trilogie de Taha Hussein (les jours), la pauvreté est vécue comme une corruption, favorisant la cruauté, ses personnages ne sont ni bons ni méchants mais les deux à la fois.

[modifier] Adaptations cinématographiques

D'une certaine façon, Ali Zaoua prince de la rue, le film de Nabil Ayouch, racontant l'histoire d'un enfant de la rue, emboîte le pas à Mohamed Choukri bien que dans une version un peu plus lissée. Le livre, le pain nu, a été adapté au cinéma par Mohamed Rachid Benhadj, une production italo-franco-algérienne de 2004.

[modifier] Citations

« Quand je suis arrivé, il y avait deux Tanger : le Tanger colonialiste et international et le Tanger arabe, fait de misère et d'ignorance. A l'époque, pour manger, je faisais les poubelles. Celles des Européens de préférence, car elles étaient plus riches. »

« Je ne sais pas écrire sur le lait des oiseaux, la délicate étreinte de la beauté angélique, les grappes de rosée, la cascade des lions, les lourdes mamelles des femelles. Je ne sais pas écrire avec un pinceau de cristal. Pour moi, l'écriture est une protestation, pas une parade. »

« Je me suis aperçu que l'écriture pouvait aussi s'avérer une manière de dénoncer, de protester contre ceux qui m'avaient volé mon enfance, mon adolescence et une partie de ma jeunesse. C'est à ce moment seulement que mon écriture est devenue engagée »

« Il existe, dans la société marocaine, une faction plus conservatrice. Ce sont ces personnes qui jugent mes œuvres perverses. Dans mes livres il n'y a rien contre le régime. Je ne parle pas de politique ni de religion. Mais, ce qui agace les conservateurs, c'est de constater que je critique mon père. Le père est sacré dans la société arabo-musulmane »

[modifier] Œuvres

  • Le Pain nu, 1980.
  • La tente, Nouvelles, 1985.
  • Le Temps des erreurs, 1994.
  • Jean Genet et Tennessee Williams à Tanger, 1992.
  • Jean Genet à Tanger, 1993.
  • Jean Genet, suite et fin, 1996.
  • Paul Bowles, le reclus de Tanger, 1997.
  • Zoco Chico, 1996.
  • Visages, 1996.
  • Le fou des roses, Nouvelles 1993.

[modifier] A propos de l'oeuvre de Mohamed Choukri

  • Dictionnaire des écrivains marocains, par Salim Jay, Paris Méditerranée - Eddif, 2005

[modifier] Liens externes

Tangerinos [1]