Majapahit

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Le royaume de Majapahit (ou Mojopahit) était situé dans la partie orientale de l'île de Java en Indonésie. Sa capitale se trouvait à Trowulan, non loin de la ville actuelle de Mojokerto, à environ 60 km au sud-ouest de Surabaya.

Sommaire

[modifier] Histoire

Majapahit est le plus puissant des royaumes javanais de la période hindou-bouddhique. Il n'est toutefois pas le dernier royaume hindouiste de Java. Le royaume sundanais de Pajajaran, dans l'ouest de Java, ne disparaîtra qu'en 1579. A l'extrême-est de Java, la principauté de Blambangan restera hindouiste jusqu'à la conversion à l'islam en 1770 de ses derniers princes, qui prêteront allégeance à la VOC (Vereenigde Oostindische Compagnie ou "Compagnie hollandaise des Indes orientales").

La porte Wringin Lawang à Trowulan
La porte Wringin Lawang à Trowulan

L’histoire du royaume a pu être reconstituée grâce notamment à des inscriptions en vieux-javanais, à deux poèmes épiques, le Nagarakertagama (écrit en "vieux-javanais" en 1365 par le poète Prapanca sous le règne de Hayam Wuruk) et le Pararaton ou "Livre des Rois" (écrit en "moyen-javanais", donc sans doute au XVIe siècle), et des annales chinoises, dont le Yuan Shi.

Le Kidung Sunda, poème écrit en moyen-javanais, probablement au XVIe siècle et dont une copie a été retrouvée à Bali, raconte une histoire d'amour malheureux entre Hayam Wuruk et la princesse Dyah Pitaloka (encore appelée Citraresmi), fille du roi de Sunda. Ce poème ne peut être considéré comme une source historique, mais il montre qu'à l'époque, le nom de Majapahit était encore vivant dans les esprits.

Le fondateur de Majapahit, Raden Wijaya, est le gendre du roi Kertanegara de Singasari, dont la capitale était située près de la ville actuelle de Singosari, à environ 40 km au sud de Surabaya. En 1292 Jayakatwang, prince de Kediri et vassal de Singasari, s'était révolté et avait assassiné Kertanegara. Wijaya s’allie alors avec un corps expéditionnaire envoyé par l'empereur de Chine Kubilai Khan contre Singasari, dont les ambitions l'inquiétaient. Raden Wijaya vainc Jayakatwang, puis force ses alliés sino-mongols à se retirer dans la confusion.

Le royaume atteint son apogée sous Hayam Wuruk (règne 1350-89). Le nom de Gajah Mada, régent de 1331 à 1364 puis maha patih (premier ministre) de Hayam Wuruk, nous est connu par le Pararaton. C'est sous Hayam Wuruk que Majapahit attaque Palembang dans le sud de Sumatra (c'est-à-dire la cité-Etat qui s'appelait auparavant Sriwijaya) en 1377. Il semble que cet événement soit à l'origine de la fuite de Parameswara, un prince de Palembang, sur la péninsule malaise, où il fondera Malacca. Majapahit continuera d'être une puissance commerciale au XVe siècle.

Le Nâgarakertâgama dresse une liste de près de 100 "contrées tributaires" de Majapahit. Outre Bali, Madura et Sunda, la liste va de Pahang sur la péninsule malaise à "Gurun" dans les Moluques, en passant par Malayu (Jambi) à Sumatra et "Bakulapura" à Bornéo. Mises sur la carte, elles couvrent à peu près le territoire de l'actuelle Indonésie.

En réalité, le territoire directement contrôlé par Majapahit consistait dans la vallée fertile du fleuve Brantas. Un certain nombre de régions de Java étaient données en apanage à des seigneurs apparentés au roi. En s'éloignant vers l'ouest, les principaux lieux cités sont, Daha (l'actuelle Kediri), tenue par un oncle de Hayam Wuruk, Wengker (région des villes actuelles de Madiun et Nagawi), confiée à un autre oncle, Lasem (sur la côte nord), donnée à une fille de Hayam Wuruk, Pajang (région de l'actuelle Surakarta) et Mataram, l'ancienne terre de la dynastie des Sanjaya qui a construit Prambanan. En allant vers le nord puis l'est, on trouve Janggala (l'arrière-pays de Surabaya) et Singasari. Les régions plus au sud ou plus à l'est étaient considérées comme marginales, telles Blambangan et Lumajang. Ces noms continueront d'être mentionnés dans les kidung (chansons de geste) rédigées au XVIe siècle.

A la fin du XVe siècle, des guerres de successions affaiblissent Majapahit. En 1478, son territoire passe sous le contrôle des princes de Kediri. Lorsque les troupes du sultanat de Demak conquièrent la région en 1527, Majapahit n'existe plus, mais son prestige est tel que Demak se proclame son héritier. Blambangan reste indépendante mais ses souverains se mettront sous la protection des rois de Gelgel à Bali.

Le succès de Majapahit comme puissance économique prolonge celui de son prédécesseur Singasari. Les facteurs en sont les mêmes : une agriculture prospère et un commerce dynamique.

Les "contrées tributaires" citées par le Nagarakertagama étaient en fait des comptoirs formant un réseau commercial dont Majapahit était le centre. Le royaume y envoyait des dignitaires de son clergé shivaite, les bhujanga, dont le rôle était de s'assurer que ces comptoirs ne s'adonnaient pas à un commerce privé qui échapperait à Majapahit. Toute infraction était menacée d'une expédition punitive.

Les ports de Majapahit sont Surabaya à l'embouchure du Brantas, Gresik au nord de Surabaya, fondé au début du XIVe siècle par un Chinois et Tuban sur la côte nord. Le Nagarakertagama énumère les contrées d'origine des marchands qui viennent dans ces ports : "Jambudwipa (l'Inde), Khamboja, Cina, Yawana (c'est-à-dire le Vietnam), Cempa, Kharnnatakadi (sud de l'Inde), Goda (Gaur au Bengale) et Muang Syanka (le Siam)". Ce commerce international était vraisemblablement organisé par des fonctionnaires du royaume.

Sous Majapahit, les relations de Java avec la Chine s'intensifient. De 1370 à la fin du XVe siècle, l'Histoire des Ming mentionne 43 ambassades javanaises. De 1405 à 1433, l'amiral Zheng He mène sept grandes expéditions vers l'Inde, le Moyen-Orient et la côte est de l'Afrique, et fait escale à Java. Au début du XVe siècle, la Chine prend le parti de Java contre Malacca, qui revendiquait la suzeraineté sur Palembang.

Enfin, on estime que l'islamisation de Java début à l'époque de Majapahit. On trouve en effet, à Trowulan et dans les environs, des tombes musulmanes. La plus ancienne est datée de 1290 de l'ère Saka (système de datation hindouiste commençant en 78 après J.-C.), soit 1368 après J.-C. La plus récente est datée de Saka 1397 (1475 après J.-C.). Majapahit était d'ailleurs exactement contemporain du sultanat de Pasai dans le nord de Sumatra, premier royaume musulman indonésien attesté.

Royaumes et principautés de Java


[modifier] Les rois de Majapahit

On a pu établir avec une relative certitude les noms et dates de règne des souverains suivants :

  • Kertarajasa Jayawardhana (Raden Wijaya)1294 - 1309
  • Jayanegara 1309 - 1328
  • La reine Tribhuwana Wijayottungadewi 1328 - 1350
  • Rajasanagara (Hayam Wuruk) 1350 - 1389
  • Wikramawardhana 1389 - 1427
  • La reine Suhita 1427- 1447
  • Sri Kertawijaya 1447 - 1451
  • Rajasawardhana 1451 - 1453.

On constate une interruption de 3 ans, peut-être due à une crise de succession. La maison de Majapahit se divise en deux branches rivale. On connaît ensuite les dates de règne suivantes :

  • Girindrawardhana 1456 - 1466
  • Singhawikramawardhana 1466 - 1478.

On pense que Majapahit passe ensuite sous le contrôle de sa vassale Kediri.

La tradition javanaise donne aux derniers souverains de Majapahit le nom de "Brawijaya" avec un numéro d'ordre.

[modifier] Economie

Le réseau commercial de Majapahit consistaient en diverses "contrées tributaires " de l'archipel et de la péninsule malaise. Le Nagarakertagama cite notamment :

On remarquera l'absence du nom Sriwijaya. On peut en déduire que la cité-Etat s'appelait déjà Palembang à l'époque de Hayam Wuruk.

En revanche, on note "Maloko". On attribue à ce nom une étymologie arabe, Jazirat al Muluk, "l'île des rois". On peut en déduire que les Arabes, gros acheteurs d'épices, avaient donné ce nom avant le XIVe siècle, et qu'il avait été adopté par les marchands étrangers qui venaient à Majapahit.

Le Nagarakertagama ne considère pas comme "tributaires" les pays suivants, qui commerçaient avec Majapahit :

  • Khamboja (le Cambodge)
  • Yawana (c'est-à-dire le Vietnam, appelé Yuon en langue khmer)
  • Cempa (le Champa)
  • Muang Syanka (le Siam)
  • Cina (la Chine)
  • Jambudwipa (ou Jambudvipa, nom de l'Inde dans les textes bouddhiques)
  • Kharnnatakadi (le Karnataka dans le sud de l'Inde)
  • Goda (Gaur au Bengale occidental en Inde).

Si la mention de Goda correspond à la réalité, et que ce nom désigne effectivement Gaur, le fait mérite d'être noté. Gaur a été conquise par les Musulmans en 1198. Cela voudrait dire que des marchands indiens musulmans venaient à Majapahit au XIVe siècle.

[modifier] Voir aussi

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[modifier] Bibliographie

  • Cœdès, Georges, Les états hindouisés d'Indochine et d'Indonésie
  • Lombard, Denys, Le carrefour javanais (3 vol.), Editions de l'EHESS, 1990
  • Ricklefs, M. C., A History of Modern Indonesia since c. 1300, Stanford University Press, 1993
  • Wolters, O. W., Early Indonesian commerce, Cornell University Press, 1967