Chinois d'Indonésie

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Sommaire

[modifier] Histoire

Le commerce entre l'ouest de l'archipel indonésien et la Chine est ancien. Des fouilles menées aux alentours de 2000 dans l'estuaire du fleuve Musi dans la province de Sumatra Sud ont révélé des sites portuaires qu'on a datés du Ier siècle après Jésus-Christ et où l'on a trouvé de nombreux tessons de céramique chinoise.

Toutefois, les expéditions commerciales régulières entre l'Indonésie et la Chine ne semblent pas avoir commencé avant le Ve siècle[1]. Des textes chinois des Ve et VIe siècles mentionnent les noms de produits de la forêt de l'ouest de l'archipel comme le camphre du nord de Sumatra ainsi que de deux sortes de résines qu'ils nomment “résines persanes de l'océan du Sud”, suggérant par là que ces résines faisaient partie d'un commerce avec le Moyen-Orient.

Il est fort probable que des marchands "indonésiens" tiraient profit des difficultés économiques que rencontrait à l'époque la Chine du Sud, coupée des anciennes routes commerciales de l'Asie centrale. Des petits royaumes établis dans les estuaires indonésiens de l'ouest commencent à prospérer comme entrepôts internationaux. L'éminence de Sriwijaya au VIIe siècle suggère que les Malais du sud de Sumatra étaient actifs dans ce commerce “persan” avec la Chine du Sud.

Ce sont des sources chinoises qui nous donnent les plus anciennes mentions sur l'île de Java. On sait ainsi qu'un moine bouddhiste chinois du nom de Faxian, rentrant de Ceylan en Chine, séjourne en 413 à "Ye-po-ti" (c'est-à-dire "Yavadvipa", nom sous lequel l'Inde ancienne connaissait Java). Les annales des dynasties de Chine du Sud mentionnent plusieurs ambassades javanaises du Ve au XIIe siècle. Java y est désigné sous le nom de "She-po". Les nombreuses céramiques chinoises trouvées à Java datent de cette longue période, qui couvre une parte des Han, les Tang, les Cinq Dynasties et les Song.

Les Chinois appelaient "Kunlun" les populations maritimes de l'Asie du Sud-Est, c'est-à-dire les actuels Indonésiens. Un passage du Nanzhou yiwu zhi ("Rapport sur les étrangetés des régions méridionales") écrit par un certain Wan Zhen à la fin du IIIe siècle décrit des bateaux "Kunlun" de 60 mètres avec 600 à 700 hommes à bord qu'il appelle "po" (sans doute le mot malais perahu). L'équipage du bateau de Fa Hsien était aussi "Kunlun".

Un inspecteur des douanes du sud de la Chine décrit au milieu du XIIIe siècle la richesse de Java et les nombreux produits qu'elle exporte et leur qualité. Il énumère en outre une liste de noms de lieux qui dépendent de Java et semblent se situer dans l'est de l'archipel. On peut penser que cette richesse de Java est une des causes de l'expédition que l'empereur Kubilai Khan lance en 1292 sur Singasari, le plus puissant royaume javanais à l'époque. En attaquant le royaume de Malayu (Jambi) à Sumatra en 1275, Java perturbait un ordre établi dans les relations avec la Chine depuis l'époque de Sriwijaya, le plus puissant des États de Sumatra.

L'expédition sino-mongole de 1292 coïncide avec la fondation d'un nouveau royaume dans l'est de Java par un prince de Singasari : Majapahit. Pendant les XIVe et XVe siècles, les échanges avec la Chine s'intensifient. Au début du XIVe siècle, un Chinois fonde Gresik au nord de Surabaya, dans l'est de Java. De 1405 à 1433, l'amiral Zheng He mène sept grandes expéditions vers l'Inde, le Moyen-Orient et la côte est de l'Afrique, et fait escale à Java. Au début du XVe siècle, la Chine prend le parti de Java contre Malacca, un État fondé vers 1400 sur la péninsule malaise par un prince de Sriwijaya, qui revendiquait la suzeraineté sur Palembang, nom que porte désormais Sriwijaya.

Quoi qu'il en soit, les textes chinois du XVe siècles nous révèlent l'existence de nombreuses communautés chinoises établies dans la partie est de la côte nord de Java, qu'on appelle Pasisir. Selon Ma Huan, l'interprète qui accompagne Zheng He, la plupart de ces Chinois étaient convertis à l'islam. A la fin du XVe siècle, un Chinois musulman du nom de Cek Ko Po fonde un comptoir à Demak sur le Pasisir. Son fils Cu-cu prend le nom javanais d'Arya Sumangsang et entreprend deux expéditions punitives contre Palembang.

Traditionnellement, les Chinois s’intégraient à la population locale. A la fin du XVIIIe siècle, les Hollandais imposent à chaque communauté ethnique un quartier réservé : Pacinan pour les Chinois, Pakojan pour les Khoja (Indiens musulmans), Kebalen pour les Balinais etc. Avec le développement d’une économie moderne au XIXe siècle, cet apartheid géographique produit une segmentation ethnique des rôles économiques. La grande majorité des indigènes vit à la campagne. Les Chinois vivent dans les villes et sont artisans et commerçants. Les Européens, peu nombreux, tiennent l’administration et les grandes entreprises. Une des composantes du mouvement nationaliste, le Sarekat Islam, est créée par des marchands de batik javanais qui veulent s'unir contre la concurrence des Chinois.

[modifier] L'époque moderne

Pour les Indonésiens, la proclamation de l'indépendance par Soekarno et Hatta le 17 août 1945 constitue l'acte de naissance de la nation indonésienne. Des 79 membres du Badan Penyelidik Usaha Persiapan Kemerdekaan Indonesia ou BPUPKI ("agence d'étude pour les préparatifs de l'indépendance") et du Panitia Persiapan Kemerdekaan Indonesia ou PPKI ("comité préparatoire de l'indépendance de l'Indonésie"), cinq sont Chinois :

  1. Liem Koen Hian
  2. Oey Tiang Tjoei
  3. Oey Tiong Houw
  4. Tan Eng Hoa
  5. Jap Tjwan Bing.

On considère que les membres du BPUPKI et du PPKI sont les "pères fondateurs" de la nation. Des Chinois figurent donc parmi ceux-ci.

Mais l’Indonésie indépendante hérite de la division ethnique du travail apparue à l'époque coloniale. La ferveur nationaliste exacerbe un sentiment de jalousie envers les Chinois, qui tiennent la petite économie moderne alors que la grande est restée aux mains des Européens. Le gouvernement indonésien finit par expulser les Hollandais en 1957. L'écrivain Pramoedya Ananta Toer, qui passe quelque temps en Chine, se prend de sympathie pour les Chinois d'Indonésie et dénonce les persécutions qu'ils subissent en Indonésie. Il publie une série de lettres adressée à un correspondant chinois imaginaire sous le titre de Hoakiau di Indonesia ("Les Chinois d'Outre-Mer en Indonésie"). Cela lui vaudra d'être emprisonné pendant 9 mois par l'armée.

La répression anti-communiste de 1965-1966 frappe les Chinois parce que beaucoup d'entre eux, citoyens de la République Populaire, sont considérés comme communistes. Le nouveau régime de Soeharto met en place un politique sciemment anti-chinoise.

En même temps, souhaitant le développement d'un secteur privé national, et tirant les leçons de l'échec du programme "Banteng" qui, dans les années 1950, avait été lancé par le gouvernement pour tenter de créer une classe d'entrepreneurs "indigènes", le régime de Soeharto favorise la montée d'hommes d'affaires d'origine chinoise.

Cette politique finit par susciter un fort ressentiment anti-chinois et crée une cible de choix. Les Chinois vont être souvent victimes de violences lorsque éclatent des mouvements de protestations aux motifs économiques. Celles-ci culmineront avec les émeutes de Jakarta de mai 1998, dont on a démontré qu'elles avaient été provoquées par des groupes organisés et entraînés.

Le président Abdurrahman Wahid inaugure une aire nouvelle. D'une famille de religieux musulmans, il invoque ses ancêtres chinois. La tradition javanaise veut en effet que les légendaires Wali Songo, les neuf saints propagateurs de l'islam à Java, soient chinois. Il nomme un Chinois, Kwik Kian Gie, ministre des finances.

Le 11 juillet 2006, le DPR (assemblée nationale) a adopté une nouvelle loi qui, entre autres, supprime les éléments résiduels de la discrimination envers des Indonésiens d’origine chinoise, qui sont désormais qualifiés de pribumi ("indigènes")[2]. Les Chinois ont retrouvé leur place dans la communauté indonésienne.

[modifier] Références

  1. Wolters, Oliver W., « Indonesia - The archipelago and its early historical records” in www.britannica.com
  2. Site de l'ambassade d'Indonésie à Paris : "La Chambre des Représentants a adopté la loi sur la Citoyenneté"

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • Lombard, Denys, Le carrefour javanais (3 vol.), EHESS, 1990
  • Lombard, Denys et Claudine Salmon-Lombard, Les Chinois de Jakarta, temples et vie collective, Maison des Sciences de l'Homme, 1980