Madame de Miramion

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Madame de Miramion est née Marie Bonneau le 2 novembre 1629 à Paris, et décédée dans la même ville le 24 mars 1696.

Fille de Jacques Bonneau, seigneur de Rubelles, un contrôleur des gabelles et de Marie d’Ivry, elle devient extrêmement riche à la mort de son père, duquel elle hérite 1 200 000 livres.

Mariée le 26 mars 1645 à Jacques de Beauharnais, seigneur de Miramion, conseiller au Parlement. Son mari est un cousin germain de l’abbé de Choisy. C’est ce lien avec Mme de Miramion qui en fera son biographe.

Les épreuves s’accumulent alors. Grosse de quatre mois et demi, elle perd son mari moins de huit mois après leur mariage, le 2 novembre 1645. Sa fille, Marguerite, future Mme de Nesmond, naît le 7 mars 1646. L’accouchement dure 46 heures. En 1647, Mme de Miramion contracte la petite vérole. Elle n’en garde pas de séquelles, sauf, dit-on, la fraîcheur de son teint. Elle perd ses propres parents et se rapproche de ses beaux-parents.

C’est alors que lui arrive une aventure qui fait le tour de Paris, voire de l’Europe. Bussy-Rabutin, le cousin de Madame de Sévigné, l’auteur quelques années plus tard de l’Histoire des Gaules, apprend qu’il ne serait pas indifférent à cette jeune et riche veuve. Or il crie famine et n’a pas de quoi soutenir son rang. On lui dit, et sur ce point on ne le trompe pas, que la dame vaudrait 400 000 livres. Un curé félon lui fait accroire qu’il agrée à la belle, mais qu’elle ne peut se déclarer sans qu’on lui fasse violence. Bussy-Rabutin investit 1000 livres dans l’enlèvement dans la montée du Mont-Valérien. Il est particulièrement peu attentif aux cris de la belle et l’emmène au château de Launay, un sombre château fort, près de Sens. Il lui faut encore 24 heures pour prendre conscience que les protestations furieuses de la captive ne sont pas des minauderies.

Pendant deux ans, Mme de Miramion et sa famille poursuivent Bussy-Rabutin en justice. Il s’en tire en sacrifiant 4000 autres livres. Et elle lui pardonne.

Mme de Miramion semble avoir véritablement été éprouvée par le rapt. On lui conseille de se retirer dans un couvent pour en éviter un nouveau, ce qui va au devant de sa piété.

Elle fait vœu de chasteté le 2 février 1649 et le renouvelle à Noël. D’abord elle collabore aux œuvres de Vincent de Paul et de Louise de Marillac. Puis développe ses propres institutions. Quoique toujours attirée par le retrait du monde, elle déploie son esprit d’entreprise et son efficacité gestionnaire dans les œuvres qu’elle finance. À ses débuts, elle est proche de la Compagnie du Saint-Sacrement dont elle partage la foi ardente et le goût des œuvres concrètes rondement menées.

Ainsi, Madame de Miramion « fonda plus de cent écoles pour la protection et l'éducation des filles et des femmes pauvres ; elle créa des retraites pour l'édification spirituelle mais aussi pour la santé et le repos de femmes pauvres ou bourgeoises. Elle forma des infirmières qui apprirent à panser et administrer des médicaments et surveilla la mise en place et le fonctionnement de dispensaires de soins médicaux. Elle se chargea de l'administration d'hôpitaux pour les indigents ; elle réforma les règlements de plusieurs institutions de charité ; elle lutta contre la faim et le froid des démunis en organisant des distributions de soupe populaire et de vêtements ; enfin, à travers toutes ces activités, elle veilla à la propagation et à l'homogénéisation de la foi. Madame de Miramion avait, nul ne peut en douter, un don particulier pour tout ce qui relevait de l'administration institutionnelle. Elle le dit elle-même: « Mon esprit aime naturellement à entreprendre et à faire beaucoup. »[1] (…)

Après avoir fondé en 1662 la communauté de la Sainte Famille, composée de sept à huit personnes, vouée aux soins des malades et à l’instruction des petites filles pauvres, elle la réunit à celle des Filles de Sainte Geneviève. Elles essaiment à Amiens, La Ferté-sous-Jouarre (dans le diocèse de Bossuet). Mme de Miramion vit avec les femmes qu’elle recueille, vêtue comme elles, proche d’elles. Elle ne leur impose nulle clôture. Ses hôtes quittent les Miramiones quand elles le veulent. Sa charité est beaucoup plus tolérante et douce que celle que pratiquaient d’autres communautés.

« Dans les dernières années du siècle, elle deviendra quasiment un personnage d'État : c'était la Trésorière des aumônes royales. En 1692, elle sera chargée de rétablir la discipline dans les maisons du Refuge et de Sainte-Pélagie. En 1695, elle fondera, avec l'appui du roi, l'Apothicairerie des pauvres, c'est-à-dire la Pharmacie Centrale. Pendant les années de disette (1694-1695), « elle dépensera son énergie à lutter contre la famine et les épidémies, à stimuler l'œuvre d'assistance des pouvoirs publics et à soutenir financièrement l'Hôpital général ». » Cette pharmacie peut être tenue pour le germe de l’actuelle Assistance publique de Paris. Mme de Miramon a d’ailleurs acheté, l’actuel hôtel de Nesmond, en 1675, sur le quai de la Tournelle face à l’île Saint-Louis. C’est aujourd’hui le musée des hôpitaux de Paris. Ce fut d’ailleurs sa fille relève fielleusement Saint-Simon qui « fut la première femme de son état qui ait fait écrire sur sa porte « Hôtel de Nesmond. » On en rit, on s'en scandalisa, mais l'écriteau demeura et est devenu l'exemple et le père de ceux qui de toute espèce ont peu à peu inondé Paris. »[2]

À la fin du siècle, Mme de Miramion est donc révérée, Madame de Sévigné, dont elle est l’exacte contemporaine (nées et mortes toutes deux la même année) la décrit à la cour : « Le Roi et toute la cour sont charmés de la tragédie d’Esther. Mme de Miramion et huit jésuites, dont le P. Gaillard était, ont honoré de leur présence la dernière représentation ; enfin c’est un chef-d’œuvre de Racine. Si j’étais dévote, j’aspirerais à la voir. » Parmi les huit jésuites : La Chaise, confesseur de Louis XIV, et Bourdaloue, le célèbre prédicateur.

Elle meurt le 24 mars 1696. Un grand concours de peuple visite sa dépouille. Saint-Simon lui consacre une longue nécrologie :

« C'était une femme d'un grand sens et d'une grande douceur, qui de sa tête et de sa bourse eut part à plusieurs établissements très utiles dans Paris; et elle donna la perfection à celui de la communauté de Sainte-Geneviève, sur le quai de la Tournelle, où elle se retira, et qu'elle conduisit avec grande édification, et qui est si utile à l'éducation de tant de jeunes filles et à la retraite de tant d'autres filles et veuves. Le roi eut toujours une grande considération pour elle, dont son humilité ne se servait qu'avec grande réserve et pour le bien des autres, ainsi que de celle que lui témoignèrent toute sa vie les ministres, les supérieurs ecclésiastiques et les magistrats publics. »
    — Saint-Simon[3]

[modifier] Notes et références

  1. Danielle Haase-Dubosc, Ravie et enlevée, De l’enlèvement des femmes comme stratégie matrimoniale au XVIIe siècle, Paris, Albin Michel, 1999, p 222
  2. Ibid. p 223
  3. Mémoires (1691-1701), Tome I, Éditions de la Pléiade-Gallimard, 1983, p 283

[modifier] Bibliographie

  • François-Timoléon de Choisy, Vie de Madame de Miramion, Paris, Ant. Dezallier, 1706, réimpression 1707, Paris
  • Roger de Bussy-Rabutin, Mémoires, Ed Ludovic Lalanne, Paris, Charpentier, 1857, T I., p 163 sq.
  • Danielle Haase-Dubosc,Ravie et enlevée, De l’enlèvement des femmes comme stratégie matrimoniale au XVIIe siècle, Paris, Albin Michel, 1999, p 219-266
  • Tallemant des Réaux, Historiettes, T I, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1960 p 749-750 et notes
  • Jean Orieux, Bussy-Rabutin, Le libertin galant homme (1618-1693), Paris, Flammarion, 1958
  • Jacqueline Duchêne, Bussy Rabutin, Paris, Fayard, 1992
  • René et Suzanne Pillorget, France Baroque, France classique 1589-1715, T I Récit, Paris, Bouquins-Robert Laffont, 1995, p 368-369
  • René et Suzanne Pillorget, France Baroque, France classique 1589-1715, T II Dictionnaire, Paris, Bouquins-Robert Laffont, 1995, p 179