Discuter:L'Homme de l'Ouest

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[modifier] Ancien commentaire

Le schéma scénaristique est le même que celui des Affameurs (également d'Anthony Mann, avec James Stewart) à savoir un homme qui s'est racheté une conduite mais qui à l'occasion d'un incident révèle un passé trouble. Les caractères des différents personnages sont toutefois ici singulièrement exacerbés. Les bandits sont radicalement sadiques et quand Link Jones les rejoint, le contraste est saisissant entre ce qu'il est devenu – un personnage simple, candide et de bonne volonté en tout – et ce qu'il a été – une brute sanguinaire.

Si le film dans son entier, non seulement les personnages mais aussi son intrigue, pourrait confiner à une grossière caricature, c'est qu'en vérité, il se situe davantage sur un terrain symbolique et onirique. Les ressorts scénaristiques assez ubuesques, le comportement irrationnel du héros qui va droit dans la gueule du loup, évoque un rêve où le dormeur - de fait, Link Jones est plutôt attentiste - est guidé par son inconscient. Le héros doit se purger de cette cruauté qui est encore une part de lui-même. La mise en scène d'ailleurs renforce l'ambivalence du personnage au point qu'on peut se demander si les actes sauvages accomplis par les bandits ne sont pas en définitive le fait de sa propre cruauté refoulée. C'est donc naturellement qu'il est conduit vers la source de cette personnalité ambivalente : le lieu où il a passé son enfance, sous la houlette d'un criminel.

Orphelin, élevé dans l'apologie du crime, gage de virilité, et de la duplicité, érigée en règle absolue de survie sociale, Link Jones assiste alors, témoin privilégié, à l'impasse (une ville fantôme) dans laquelle l'aurait mené cette éducation. Dans la scène finale, l'inévitable affrontement engage d'abord le personnage à liquider les différents membres du clan barbare, chacun emportant un aspect de sa personnalité, pour aboutir en toute bonne logique œdipienne à tuer le père, mettant là un terme à sa schizophrénie.

Plus largement, on notera que le titre original de l'œuvre est Man of the West, l'homme « produit » de l'Ouest, et non The Man From The West, l'homme qui vient de l'Ouest, subtilité que la traduction française ne retranscrit pas. Il faut peut-être entendre par là qu'Anthony Mann a cherché à dresser un portrait plus général des descendants des pionniers, encore sous l'influence de la violence atavique qui a présidé à la conquête de l'Ouest.

Le film est généralement considéré comme le dernier grand western de Mann (son film suivant, La Ruée vers l'Ouest étant un western « citadin »), dans lequel il réexplore le thème de la recherche de rédemption que recherche un héros au passé trouble et lourd dont il a du mal à se détacher.

[modifier] Commentaire

Les deux plus beaux westerns d'Anthony Mann pourraient être the Far Country et Man of the West (plus The Man from Laramie, qui va au fond de l'"utilisation" de Stewart). Dans le premier, le héros est en devenir, il se cherche, sans le savoir, confine son investissement dans le monde aux limites de son intérêt personnel, apprend d'autres valeurs (en force, il faut la mort de son vieux compagnon d'infortune), et conjugue enfin son combat personnel à l'intérêt collectif...Le film jubile, hausse le mouvement et la couleur, se mesure à l'épique (le Yukon, la montagne)...Le héros, pour faire vite, change, "évolue". La fin semble relever d'une réconciliation, d'une possible adhésion à la communauté. Dans le second, tout est joué au départ. Le passé (héroïque ou sauvage) est derrière soi...et honni. Et on est devenu vieux. Ici, c'est le passé qui revient, comme ça, au tournant...il faut le tuer une deuxième fois, mais là littéralement. Et les mises en scène sont au diapason du propos. S'il n'est pas en scope, the Far Country aborde l'espace comme lieu obligé d'une vie d'aventures choisie: les protagonistes s'y fondent moins qu'ils ne l'affrontent, mais sont en telle symbiose que cela reste "virgilien" (Jean Luc Godard sur Mann). Dans Man of the West, l'espace, vertes prairies ou sols bruts et érodés, est à la fois décor obligé et reflet des impuissances...un reflet "en creux": ce qui se passe ici aurait pu se passer ailleurs. Réussir à la fois cette "mise à distance" du lyrisme et son ré-investissement en fonction du drame est l'un des tours de force d'Anthony Mann dans son dernier "vrai" western: le scope, les champs contre champs, l'avancée vers la caméra, de loin, avec une profondeur de champ aussi intelligente que celles de Welles...de Trout qui hurle en direction du spectateur les seuls sons (mal) articulés qu'il ait pu émettre...dans un décor qui dut inspirer Clint Eastwood bien plus tard, est un tres grand moment de cinema, et de cinéma pur.

Musselshell