L'Anneau du Nibelung

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L'Anneau du Nibelung
L’Or du Rhin
La Walkyrie
Siegfried
Le Crépuscule des dieux

L'Anneau du Nibelung est un cycle de quatre drames de Richard Wagner inspiré de la mythologie germanique et nordique et particulièrement le Nibelungenlied ou la Chanson des Nibelungen, un poème épique allemand datant du Moyen Âge. Un film ultérieur portant ce titre a aussi été réalisé. Le mythe fait partie des inspirations de la littérature contemporaine.

L'Anneau du Nibelung, festival scénique en un prologue et trois journées (Der Ring des Nibelungen) est parfois appelé en France la Tétralogie, mais ce titre mal venu est en voie de disparition ; on parle en général aujourd'hui plutôt du Ring.

Avec près de trente ans de gestation, le Ring est une œuvre immense. Selon les interprétations, il peut durer de treize à seize heures. Le poème, rédigé en allemand, compte plus de huit mille lignes et met en scène plus de trente personnages. La musique est construite autour de plus de quatre-vingts leitmotive (ou thèmes conducteurs) musicaux différents (sans compter les dérivés).

Passionné par le théâtre grec antique, Richard Wagner emprunte la structure en quatre parties des spectacles antiques. Il en tire aussi ce qu'il appelle le Gesamtkunstwerk, l'art total où tout est lié : théâtre, musique, poésie, peinture. Il ira jusqu'à construire un théâtre consacré à son œuvre, le Palais des festivals de Bayreuth. « Une œuvre multimédia avant l'heure ! », écrit Bruno Lussato. Partie d'un projet de poème épique (La Mort de Siegfried), cette œuvre s'est transformée au fil des années et de la maturité de l'auteur en une gigantesque allégorie sur la société, la politique, l'économie et le pouvoir.

Sommaire

[modifier] Inspiration

À cause de l'impact énorme qu'aura la Tétralogie et qui inspirera nombre de grands artistes ultérieurement, pour le grand public actuel, l'inspiration semble s'être inversée. Par exemple quelqu'un regardant une lithographie de Franz Stassen pourra croire à une inspiration antérieure à Wagner alors qu'elles datent des années 1910-1920 et sont une illustration du Ring.

Pour ses personnages, Wagner s'inspire librement des légendes de la mythologie nordique dont les poèmes de l’Edda et la Saga des Völsungar.

Certaines situations s'inspirent d'œuvres de Leconte de Lisle comme la Belle au Bois dormant, de La Motte-Fouqué, de Charles Perrault (le Chat Botté), de Hebbel, de Lenström, des contes des frères Grimm ainsi que d'autres inspirations culturelles ou religieuses (son projet non abouti Jésus de Nazareth, la rédemption, Saint François d'Assise parlant aux oiseaux).

Les intrigues et les événements sont largement imaginés ou réinventés par l'auteur.

En retour le Ring aura une grande influence sur les autres arts : peinture (de nombreux tableaux et illustrations s'inspirent du Ring), cinéma, bande-dessinée, littérature romanesque ou épique...

John Ronald Reuel Tolkien précisa qu'il ne s'était pas inspiré du Ring pour écrire sa saga Le Seigneur des Anneaux, mais de la mythologie nordique ayant inspiré Wagner. Pourtant, on présente souvent le Ring comme l'œuvre ayant inspiré Tolkien[1], pour promouvoir les œuvres dérivées du Ring, la série de Tolkien étant devenue encore plus célèbre.

[modifier] Genèse et chronologie de l'Anneau

Comme d'habitude, Wagner écrit le texte avant de composer la musique. Il faut noter que le texte est rédigé en commençant par la dernière journée, tandis que la musique suit l'ordre chronologique de l'œuvre finale.

On remarque une longue période de sept ans durant laquelle Wagner ne touchera plus à l'œuvre. Non que l'auteur se désintéresse du Ring mais la richesse et la complexité du propos l'amènent à une impasse dans la composition musicale. Wagner se lance alors à fond dans Tristan et les Maîtres chanteurs, affine sa technique et revient au Ring avec une expérience plus riche. Il suffit de comparer la musique du Prologue qui accompagne simplement le texte et celle de la dernière journée, extrêmement riche et complexe, qui paraît dépasser le texte pour mieux l'illustrer et enrichir son propos.

  • 1848 : projet d'un opéra : La mort de Siegfried.
  • 1850 : début d'esquisses musicales.
  • 1851 : ébauche du jeune Siegfried.
  • 1851 : plan de l'œuvre arrêté : « dès cette époque (1849-1851) je portais dans ma tête le plan de mon drame des Nibelungen », écrit Wagner (Lettres sur la musique).
  • 1852 : première idée d'un festival pour interpréter le Ring inspiré du théâtre grec antique et de la construction d'un théâtre en bois spécialement dédié à l'œuvre.
  • février 1853 : le texte (livret) est publié à compte d'auteur (50 exemplaires).
  • novembre 1853 : début de l'écriture musicale.
  • 1854 : composition de l'Or du Rhin et ébauche de la composition de la Walkyrie.
  • 1856 : fin de la composition de la Walkyrie, ébauche de la composition de Siegfried.
  • Louis II de Bavière accepte de supporter le Ring.
  • 1869 : reprend la composition acte II et III de Siegfried et débute la composition du Crépuscule.
  • 1869 : création de l'Or du Rhin à l'opéra de Berlin sous injonction de Louis II
  • 1870 : création de La Walkyrie
  • 1874 : termine la composition du Crépuscule, l'œuvre est terminée le 21 novembre
  • 1875 : le théâtre de Bayreuth est terminé en août. L'auteur peut tester l'acoustique.
  • 1876 : l'intégrale du Ring est créée à Bayreuth.

[modifier] Structure

Wagner, qui pour le côté théâtral était passionné par le théâtre grec antique, a voulu construire l'Anneau sur le même schéma de quatre parties. Ainsi le Ring est divisé en un prélude et trois pièces répartis sur trois journées:

  • Prologue : l'Or du Rhin en quatre scènes séparées par des interludes orchestraux.
  • 1re journée : La Walkyrie en trois actes :
    • Acte 1 en 3 scènes
    • Acte 2 en 5 scènes
    • Acte 3 en 3 scènes
  • 2e journée : Siegfried en trois actes:
    • Acte 1 en 3 scènes
    • Acte 2 en 3 scènes
    • Acte 3 en 3 scènes
  • 3e journée : Le Crépuscule des dieux en un prologue et trois actes:
    • Prologue en 2 scènes et 2 interludes musicaux
    • Acte 1 en 3 scènes
    • Acte 2 en 5 scènes
    • Acte 3 en 3 scènes et un interlude orchestral (la célèbre Marche Funèbre)

L'œuvre est aussi structurée musicalement par les thèmes conducteurs ou leitmotive, qui atteignent ici un très haut degré de sophistication : ils évoluent et se transforment au cours de l'œuvre mais, lors de la représentation, ont un impact très important même pour des oreilles non averties.

Il est remarquable que chacune de ces parties a une vie propre. On peut les écouter indépendamment les uns des autres. L'Or du Rhin et la Walkyrie furent d'ailleurs créés dès 1876 au Nationaltheater de Munich, cinq ans avant l'intégrale, contre la volonté de Wagner.


[modifier] Les personnages

Les familles de personnages
Nom Commentaires Personnages
Les dieux En dehors de Wotan tout puissant, ils ont chacun leurs spécialités. Wotan, Fricka, Erda, Donner, Freia, Froh, Loge
Les Walkyries Chargées de guider les héros morts vers le Walhalla pour construire l'armée de Wotan Brünnhilde, Waltraute, Helmwigue, Guerhilde, Ortlinde, Siegrune, Rossweiss, Grimguerde, Schweirtleite
Les Géants Ils ont construit le Walhalla. Fasolt, Fafner
Les Nibelungen Nains vivant dans les entrailles de la Terre, ils maîtrisent la matière et l'art de la travailler. Alberich, Mime
Les Wälsungen Enfants du "loup", ils sont les descendants d'une mortelle et de Wotan (alors appelé Waelse). Ils ont l'instinct sauvage de liberté par lequel Wotan espère libérer le monde de ses propres contraintes. Leurs noms commencent tous par Sieg ("victoire"). Siegmund, Sieglinde, Siegfried (fils des deux premiers)
Les Filles du Rhin (nymphes, ondines ou sirènes) Chargées par leur père (le Rhin) de veiller sur l'or caché au fond du fleuve Wellgunde, Flosshilde, Woglinde
Les Gibichungen (humains) Gunther, Gutrune, Hagen (fils du Nibelung Alberich et d'une mortelle, mère de Gunther et Gutrune)
Autres humains Hunding, mari de Sieglinde
Personnages et leur présence (par ordre d'apparition)
Personnages Voix Description L'Or du Rhin La Walkyrie Siegfried Le Crépuscule

des Dieux

Woglinde Soprano Nymphe ou ondine, une des filles du Rhin, gardienne de l'or, sœur de Wellgunde et Flosshilde. x x
Wellgunde Soprano Nymphe ou ondine, une des filles du Rhin, gardienne de l'or, sœur de Woglinde et Flosshilde. x x
Flosshilde Contralto Nymphe ou ondine, une des filles du Rhin, gardienne de l'or, sœur de Wellgunde et Woglinde. x x
Alberich Baryton Nain, frère de Mime et père de Hagen, il vole l'or aux filles du Rhin et proclamera la malédiction de l'anneau. x x rêve de Hagen
Fricka Mezzo-soprano Déesse, gardienne des liens du mariage, épouse de Wotan. x x
Wotan Baryton, Baryton-basse (Siegfried) Père des dieux, époux de Fricka, père des Walkyries, de Siegmund et Sieglinde, il est le pilier de l'œuvre. D'après certaines interprétations il est plongé dans les contradictions du monde industrialisé du XIXe siècle. x x le voyageur
Freia Soprano Déesse de la jeunesse, sœur de Froh et Donner. x
Fasolt Baryton Un des géants qui construit le Walhalla x
Fafner Baryton Un des géants, frère de Fasolt qu'il tue pour s'emparer de l'or, il se réfugie dans une grotte dans laquelle, grâce au Tarnhelm, il prend la forme d'un dragon. Il sera tué par Siegfried. x dragon
Froh Ténor Frère de Freia et Donner. x
Donner Baryton Dieu du tonnerre, frère de Froh et Freia. x
Loge Ténor Dieu du feu, le plus malin, le plus malicieux, le plus fourbe des dieux, il gardera Brünnhilde sur son rocher et anéantira le Walhalla. x flamme flamme flamme
Mime Ténor Nain, frère d'Alberich, forgeron, il construit l'anneau ainsi que le Tarnhelm. Il sera tué par Siegfried. x x
Erda Contralto Déesse de la sagesse, maîtresse des Nornes et mère de Brünnhilde. x x
Siegmund Ténor l'élu du malheur, fils de Wotan (sous la forme d'un loup), frère jumeau de Sieglinde, père de Siegfried, sera trahi par son père puis tué par Hunding. x
Sieglinde Soprano Fille de Wotan (sous forme de loup), sœur de Siegmund, mère de Siegfried, elle sera sauvée par la Walkyrie. x
Hunding Basse Époux de Sieglinde, tuera Siegmund et sera détruit par Wotan. x
Brünnhilde Soprano Walkyrie, fille de Wotan et d'Erda, demi-sœur de Siegmund, de Sieglinde et des autres walkyries, est avec Wotan l'autre pilier de la tétralogie. Elle a la volonté et la pugnacité de son père, plus la sagesse de sa mère. x x x
Helmwige Soprano Walkyrie, fille de Wotan chargée avec ses sœurs de ramener les héros morts au Walhalla. x
Gerhilde Soprano Walkyrie, fille de Wotan, chargée avec ses sœurs de ramener les héros morts au Walhalla. x
Waltraute Mezzo-soprano Walkyrie, fille de Wotan, chargée avec ses sœurs de ramener les héros morts au Walhalla. Elle essaiera de réconcilier Brünnhilde avec son père et de la faire revenir au Walhalla en lui demandant de se séparer de l'anneau. x x
Ortlinde Soprano Walkyrie, fille de Wotan, chargée avec ses sœurs de ramener les héros morts au Walhalla. x
Siegrune Mezzo-soprano Walkyrie, fille de Wotan chargée avec ses sœurs de ramener les héros morts au Walhalla. x
Rossweisse Contralto Walkyrie, fille de Wotan, chargée avec ses sœurs de ramener les héros morts au Walhalla. x
Grimgerde Contralto Walkyrie, fille de Wotan, chargée avec ses sœurs de ramener les héros morts au Walhalla. x
Schwertleite Contralto Walkyrie, fille de Wotan, chargée avec ses sœurs de ramener les héros morts au Walhalla. x
Siegfried Ténor Fils de Siegmund et Sieglinde, reforge l'épée de son père détruite par Wotan, aimé de Brünnhilde qu'il réveillera sur son rocher, il sera tué par Hagen. Il est à l'origine de l'œuvre initiale. x x
L'Oiseau Soprano Guide Siegfried dans la forêt puis lui montre le chemin jusqu'au rocher de Brünnhilde. x
1re Norne Contralto Fille d'Erda, lit le passé du savoir éternel. x
2e Norne Mezzo-soprano Fille d'Erda, lit le présent du savoir éternel. x
3e Norne Soprano Fille d'Erda, lit le futur du savoir éternel. x
Gunther Baryton Frère de Gutrune, piège Brunnhilde en se faisant passer pour Siegfried grâce au Tarnhelm. x
Hagen Basse Fils d'Alberich, il conçoit le piège de Siegfried puis le tue. x
Gutrune Soprano Sœur de Gunther, séduit Siegfried. x

[modifier] Argument succinct

Pour le détail de chaque journée, on se réfèrera à chaque journée composant le Ring.

[modifier] L'Or du Rhin

Icône de détail Article détaillé : L'Or du Rhin.

Le prologue raconte, en quatre scènes qui se jouent sans interruption, les origines du drame. L'or pur repose au fond du Rhin, gardé par trois ondines, les filles du Rhin. Le Nibelung Alberich, le vole en maudissant l'amour afin d'en forger un anneau qui donne une puissance sans limite et apporte la richesse à celui qui le possède. Cet anneau,ainsi que les richesses accumulées par Alberich, lui sont dérobés par Wotan, sur le conseil de Loge. La raison étant de payer le salaire de Fasolt et Fafner, géants bâtisseurs du Walhalla qui doit devenir la demeure des dieux. Fou de colère et de douleur, Alberich maudit l'anneau, qui causera désormais la perte de quiconque le possédera. Wotan garderait bien l'anneau pour lui mais Erda lui conseille de fuir la malédiction qui y est attachée, car le Crépuscule des dieux est pour bientôt. La malédiction fait son effet: au moment du partage du butin, Fafner tue son frère Fasolt afin de posséder l'anneau. Effrayé mais encore persuadé qu'il pourra agir sur les évènements à venir, Wotan invite les dieux à entrer au Walhalla tandis que les filles du Rhin pleurent la perte de l'or pur et lumineux.

[modifier] La Walkyrie

Icône de détail Article détaillé : La Walkyrie.

La première journée narre les amours tragiques de Siegmund et Sieglinde, les jumeaux incestueux et adultères que Wotan a eu d'une mortelle, ainsi que les tentatives vouées à l'échec de Wotan afin de se protéger de la malédiction de l'anneau. Fricka persuade Wotan que Siegmund n'est pas le héros capable de sauver les dieux et le monde. Wotan décide d'abandonner son fils dans le combat qui doit l'opposer à Hunding, époux légitime de Sieglinde. Il confie cette tâche à sa fille Brünnhilde. Mais, touchée par l'amour passionné des jumeaux et persuadée que profondément Wotan ne peut pas vouloir la mort de son fils, Brünnhilde désobéit et protège Siegmund. Wotan, contraint d'intervenir lui-même dans le combat, décide de punir sa fille. Brünnhilde est condamnée à être abandonnée sur un rocher entouré de flamme: seul un héros pourra franchir ce feu et l'éveiller.

[modifier] Siegfried

Icône de détail Article détaillé : Siegfried (opéra).

La deuxième journée est centrée sur le personnage de Siegfried, fils de Siegmund et Sieglinde mais aussi sur la lutte entre Wotan, devenu le voyageur et Alberich au sujet de l'anneau. Le nain Mime, frère d'Alberich, a élevé Siegfried afin qu'il tue le géant Fafner transformé en dragon et lui conquiert ainsi l'anneau. Grâce à l'épée de son père reforgée, Notung, Siegfried tue Fafner et s'approprie le trésor et l'anneau sans en comprendre la signification. Après s'être débarrassé de Mime qui cherchait à l'empoisonner et instruit par l'oiseau de la forêt, Siegfried part à la recherche de la "vierge qui dort", qui n'est autre que Brünnhilde. En chemin, il se heurte violemment à "Wotan-voyageur" qui prétend lui barrer la route. D'un coup d'épée, Siegfried fait voler en éclat la lance du dieu, symbole de son pouvoir. Wotan quitte la scène. Siegfried éveille Brünnhilde et devient son époux.

[modifier] Le Crépuscule des dieux

Icône de détail Article détaillé : Le Crépuscule des dieux (opéra).

La troisième et dernière journée dénoue les fils du drame, au travers des péripéties vécues par Siegfried et Brünnhilde au royaume de Gibich. Siegfried a perdu la mémoire suite aux manœuvres de Hagen, fils d'Alberich qui est résolu à reconquérir l'anneau. Il tombe amoureux de Gutrune, sœur du roi Gunther. Brünnhilde folle de douleur accuse publiquement Siegfried de trahison. Siegfried se défend et s'engage à être déchiré par la lance de Hagen s'il a menti. À l'occasion d'une partie de chasse, Hagen rend la mémoire à Siegfried. Ce dernier révèle qu'il a connu Brünnhilde. Il a donc été parjure et Hagen le tue. Mais Brünnhilde, qui entre-temps a pris conseil auprès des filles du Rhin, est désormais instruite de l'ensemble des évènements. Elle comprend à la fois son erreur, le sens véritable de l'anneau, ainsi que le désir profond de son père Wotan, qui aspire lui-même au crépuscule des dieux. Brünnhilde fait porter le corps de Siegfried sur un bûcher sur lequel elle-même se précipite, rejoignant son époux dans la mort et lavant ainsi l'anneau de toute malédiction. Le Rhin déborde afin de noyer l'incendie. Les filles du Rhin entraînent Hagen, qui tentait de s'emparer de l'anneau, dans les profondeurs. L'incendie a gagné le ciel. Tandis que les filles du Rhin jouent gaiement avec l'anneau reconquis, Walhalla brûle. Les dieux périssent. Un monde nouveau peut naître sur la terre.

[modifier] Le temps dans l'Anneau du Nibelung

Cette œuvre est immense et gère le temps de manière étonnante et très contrastée. Parfois on est face à l'infini, d'autres fois l'action se déroule comme une journée normale.

Tout commence dès l'introduction. Elle est déjà construite de telle sorte que l'auditeur ne perçoive pas quand la musique commence, nous donnant une profondeur infinie vers les origines du monde. Toute la genèse semble être contenue dans cette introduction, venant du néant, on se retrouve au bord du Rhin.

Entre le Prologue et La Walkyrie, le temps est tout aussi indéfini : il se passe au minimum quinze à vingt années le temps que les Walkyries et les jumeaux soient conçus et grandissent. Entre La Walkyrie et Siegfried, c'est plus concret : Siegfried va naître et grandir. Entre Siegfried et le Crépuscule, il se passe au plus quelques jours. On remarque donc qu'entre chaque pièce du Ring, le temps se réduit et l'action s'accélère.

Durant chaque journée, les actes et les scènes se déroulent sur quelques heures, une journée tout au plus.

Il faut aussi parler du temps psychologique que le spectateur et surtout l'auditeur perçoivent. Comme il est écrit plus haut, l'auteur a su écrire une musique qui parfois sait nous faire changer de temps. Le temps parait très rallongé lors des monologues qui résument et expliquent les actions et évènements passés, comme si l'auteur voulait nous ramener à l'écoute et la compréhension, alors que les moments les plus touchants semblent se dérouler dans un temps très contracté, la musique nous emportant.

Les thèmes conducteurs aident ainsi à nous faire voyager dans le temps en nous ramenant parfois au passé ou bien en nous projetant par intuition dans le futur (par exemple le thème original de l'épée qui apparaît pendant la conclusion de l'Or du Rhin).

[modifier] Les objets symboles

Le Ring est dominé par trois objets principaux à la symbolique bien établie :

  • l'anneau : forgé dans l'or du Rhin par le Nibelung Alberich qui a maudit l'amour, il représente le pouvoir et pour certains commentateurs l'économie capitaliste mais quand il retourne dans le Rhin à la fin de l'œuvre, il symbolise le retour à la case départ (« la boucle est bouclée »). Ceci justifie qu'il soit le titre de l'œuvre. Psychanalytiquement, tout lien durable à autrui associe amour et pouvoir, lumière et ombre, Yang et Yin. Donc, le renoncement d'Alberich à l'Amour le conduit au piège du Pouvoir, lorsque se sentant incapable d'être aimé pour lui-même il veut obliger autrui à l'aimer de force... Derrière ce renoncement, gît la Haine de soi...
  • la lance de Wotan : elle « représente le respect du traité et de l'ordre instauré par les lois humaines et divines », écrit Hans Mayer. Taillée par Wotan dans une branche du Frêne du Monde (Weltesche) qui depuis lors a dépéri, elle est le symbole de la domination, des entraves contractuelles et de la rigidité. Dans une vision psychanalytique, c'est le phallus du Père, le pouvoir que son Fils rebelle va contester.
  • l'épée Notung : elle est le contrepoint de la lance de Wotan. Construite elle aussi par Wotan, elle est brisée par le pouvoir de la lance mais une fois reforgée, ne peut plus être rebrisée par la lance et est employée pour trancher cette dernière. Elle est le symbole de la liberté, de l'action et du talent, et ne se prête ainsi qu'à celui qui a les qualités pour l'utiliser. Psychanalytiquement, c'est le phallus du Fils, l'instrument de sa libération face à l'autorité du Père. L'Epée est une arme plus évoluée que la Lance : la Modernité s'impose à la Tradition. En même temps, le nom de cette épée inspire le malheur (= Not) d'une conscience coupable de ce rejet (ou meurtre symbolique) du Père.

D'autres objets ont un rôle ou une signification particulière.

  • le Tarnhelm : forgé par le nain Mime pour son frère Alberich, il symbolise la faiblesse, la lâcheté, la dissimulation et l'hypocrisie, celui qui le porte peut avancer masqué si ce n'est caché ou sous une autre forme ou un autre visage. Chez C.G. Jung, ce masque s'appelle la Persona; il a repris le masque de l'acteur dans le théâtre romain : “per-suonare”, une espèce de porte-voix. Car, socialement, nous sommes tous des hypocrites: nous avançons masqués parce que certaines vérités sont trop blessantes pour être exprimées crûment.
  • le Frêne du Monde (Weltesche) dans lequel Wotan a taillé sa lance. C'est l'Axe du Monde, qui relie la Terre au Ciel : abattu, tout lien entre ces deux mondes est rompu. Le Fils perd sa dimension divine et devient totalement humain. Wagner parle ainsi de la montée inéluctable de l'athéisme au cours du 19e siècle. Le Crépuscule des dieux, c'est la perte d'une vision sacrée de la Vie et de l'Homme.
  • le feu, incarné par le dieu Loge, dans lequel Wotan trouve un allié mais qui finira par dévorer presque tous les acteurs de la tétralogie. Ce feu des passions incarné par Loge doit être maîtrisé, sinon nous sommes submergés par l'inflation d'un Moi qui se divinise lui-même, par le désir de Toute-Puissance. Ainsi, Wotan est d'abord victime de lui-même et de son ambition avant d'être celui de Loge, et c'est le destin de tout dictateur, qu'il se nomme Napoléon, Hitler, Staline ou Boris Godounov...

[modifier] Le spectacle, l'écoute

Tout le monde connait la Chevauchée des Walkyries ou la Marche Funèbre, souvent dénaturées par leur récupération hors de l'intrigue et de l'ensemble. Un cinéphile qui écoute directement l'ouverture du troisième acte de la Walkyrie risque d'avoir dans sa tête des images d'hélicoptères de la guerre du Vietnam à cause de l'utilisation de cette musique dans le film Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. De même la Marche funèbre est souvent jouée seule en concert ou reprise dans des publicités ; quel néophyte du Ring peut s'imaginer que ce passage est un drame résultant d'intrigues et événements complexes, remarquablement formés de plusieurs thèmes conducteurs de l'œuvre originale ? Seule une écoute intégrale du Ring permet d'en comprendre toute la richesse.

L'œuvre est difficile à appréhender sans un minimum de culture musicale symphonique. Un néophyte pourrait par exemple commencer par se familiariser avec la Neuvième Symphonie de Ludwig van Beethoven, puis aborder Wagner par des opéras plus accessibles comme Le Vaisseau fantôme ou Tannhäuser.

Le Ring est représenté, chaque année au mois d'août, dans le théâtre qui a été construit pour lui, le Festspielhaus de Bayreuth, en général durant trois cycles. Par ailleurs il est régulièrement monté dans son intégralité à travers le monde. Certaines journées, en particulier La Walkyrie, sont parfois montées seules, voire sous forme de concert.

On peut aussi regarder des représentations en vidéo ou en DVD. Il n'existait pas d'enregistrement vidéo d'une représentation intégrale du Ring avant les années 1970 et ce que les amateurs considèrent comme le déclin des voix wagnériennes. On peut conseiller le Ring du Centenaire mis en scène par Patrice Chéreau et dirigé par Pierre Boulez : c'est un Ring musical, théâtral, assez proche de l'esprit original malgré la modernisation de certaines scènes.

Il est préférable de suivre le texte dans un livret pendant l'écoute. Le Ring ne se regarde ni ne s'écoute si on ne comprend pas les textes. On peut conseiller le Ring de Georg Solti enregistré en studio, avec un orchestre splendide et des chanteurs de haut niveau, ou encore celui de Hans Knappertbusch, chef d'orchestre spécialiste de Wagner.

Citons encore l'interprétation originale de Reginald Goodall qui, sur une magnifique orchestration, a choisi des paroles en anglais. Ce choix d'interpréter le texte en anglais peut venir de la faiblesse des voix wagnériennes à cette époque (1973-1977).

[modifier] Filmographie

De nombreuses adaptations filmées du mythe de Siegfried ont été tournées, notamment celles de Fritz Lang et de Harald Reinl, versions différentes du texte de Wagner par la présence de Kriemhild et des Huns.

Parmi ces adaptations, Giacomo Gentilomo a réalisé Sigfrido, un curieux film de costumes, en 1958, qui correspond aux épisodes de Siegfried et du Crépuscule des dieux. Le film est très daté et parfois grotesque. Mais la musique originale se distingue par de nombreux emprunts à la musique de Wagner.

[modifier] Autres adaptations

L'œuvre de Wagner a été adapté en jeux vidéos, transposés dans un univers futuriste dans les jeux vidéos Ring et Ring II de Philippe Druillet.[2] Mais ces jeux furent sévèrement critiqués parce que le scénario, inspiré de l'opéra, était bien trop compliqué pour que le joueur comprenne. Finalement, le joueur est amené à finir le jeu sans avoir compris l'histoire.[3]

On peut voir aussi cette œuvre traitée dans l'animé Saint Seiya dont la saison Asgard est basé sur l'histoire de l'anneau des Nibelungen et de la mythologie nordique en général. Dans la série, Hilda de polaris, prêtresse du royaume d'Asgard, possédée par l'anneau des Nibelungen que lui a traitreusement remis Poséidon, tente de détruire le monde. De nombreux personnages de la série empruntent leurs noms à ceux de la légende, comme Mime, Alberich, Hagen ou Siegfried.

Le mythe du Ring et plus particulièrement le personnage de Siegfried a été repris et adapté en bande dessinée par Alex Alice dans la trilogie Siegfried. Parallèlement aux albums, un film d'animation produit par Pendragon Imageforge.[4] est en cours de réalisation.


Le manga Harlock Saga reprend l'histoire en mettant en scène le capitaine Albator.

[modifier] Voir aussi

  • A 73 ans, Anna Russell se livre à un hilarant commentaire du Ring, en s'accompagnant au piano. Ce Ring cycle analysis a été filmé à l'Université du Maryland en 1984.
  • Wagner a eu des interprètes inattendus :
    • Glenn Gould s'est approprié, à sa manière très personnelle, plusieurs partitions de Wagner comme l'ouverture des Maîtres Chanteurs de Nuremberg ou la Siegfried Idyll, qu'il a aussi enregistrée comme chef d'orchestre.
    • Mario del Monaco a chanté Siegmund dans un concert filmé. Bien que très italianisant, son "Wälse" dure 18 secondes, soit une de plus que Lauritz Melchior.
  • Dans What's opera, Doc? - un autre Bugs Bunny - Chuck Jones fait une hilarante parodie des opéras de Wagner. Il y détourne notamment le thème de la walkyrie. Cet épisode est aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs Bugs Bunny jamais réalisés.

[modifier] Les principales représentations

La Tétralogie est autant l'œuvre d'un chef que d'un metteur en scène ou la performance de grands chanteurs, la cosmogonie wagnérienne se prêtant à des multiples interprétations, tant musicales qu'artistiques ou politiques.

  • 1876, Bayreuth, dir. Hans Richter, mise en scène : Richard Wagner, décors : Josef Hottmann puis Max et Gotthold Brückner.
  • 1892 : Covent Garden programme sa première Tétralogie confiée à la baguette de Gustav Mahler.
  • 1896, Bayreuth, dir. Hans Richter, mise en scène : Cosima Wagner (d'après le spectacle de son époux décédé), avec l'appui d'Anton Fuchs, Ernst Brauschweig, Siegfried Wagner, son fils. Décors : Max et Gotthold Brückner.
  • 1898-1899 : Richard Strauss dirige sa première Tétralogie à Berlin.
  • 1924-1925 : à Bâle, la mise en scène d'Adolphe Appia épure le mythe de sa loudeur germanique. Wieland Wagner saura s'en souvenir en 1951.
  • 1933-1942: Bayreuth, dir. Heinz Tietjen, mise en scène : Heinz Tietjen, décors : Emil Preetorius. Le Ring du Bayreuth "nazifié", avec Winifred Wagner aux commandes.
  • 1938-1942 : New-York, Metropolitan. Dir. : Erich Leinsdorf. Mise en scène : L. Sachse, D. Defrère. Siegrfried et Brünhild avec deux interprètes de légende : Lauritz Melchior et Kirsten Flagstad, qui enflammèrent le Metropolitan.
  • Sur ordre de Staline, Eisenstein met en scène la Walkyrie au Bolchoï pour célébrer dignement le Pacte germano-soviétique.
  • 1950 : Wilhelm Furtwängler dirige un Ring d'anthologie à la Scala de Milan.
  • 1951-1958 : Bayreuth : dir. Herbert von Karajan, 1951, Clemens Krauss, 1953, Josef Keilberth, 1952, 1954-1955, Hans Knappertsbusch, 1951, 1956-1958. Mise en scène et décors : Wieland Wagner. Le renouveau du "neues Bayreuth", avec la mise en scène épurée du petit-fils du compositeur. Second âge d'or de la Colline sacrée, avec des chefs prestigieux et des chanteurs qui entrent dans la légende (Hans Hotter, Wolfgang Windgassen, Josef Greindl, Ludwig Weber, Astrid Varnay, Martha Mödl...
  • 1973 : Salzbourg, direction et mise en scène : Herbert von Karajan, décors : G. Schneider-Simssen et G. Wakhevitch.
  • 1976-1980 : Bayreuth, dir. Pierre Boulez, mise en scène : Patrice Chéreau, décors : Richard Peduzzi. Le Ring du centenaire qui fut aussi celui du scandale avec le Rhin transformée en barrage et des dieux embourgeoisés. Heinz Zednik triomphe en Loge, Gwyneth Jones émeut avec sa Brünhilde profondément humaine. Mais les voix sont fatiguées.
  • 1988-1992 : Bayreuth, dir. Daniel Barenboïm, mise en scène : Harry Kupfer, décors : H. Schavernoch et R. Heinrich. L'irruption des laser à Bayreuth qui change de millénaire.
  • 2003-2006 : Zürich, Paris Théâtre du Châtelet. Les mises en scène de Bob Wilson séduisent ses fans et exaspèrent ses détracteurs : son Ring est ici rendu au mythe, avec les attitudes hiératiques de personnages prisonniers de l'espace et du temps.
  • 2006-2009 : Gand, Opéra des Flandres. La mise en scène d'Ivo van Hove adopte un parti pris résolument moderne où l'or est une superpuce électronique et l'épée brisée une bombe désamorcée.

[modifier] Bibliographie

  • Pour les mélomanes et autres passionnés de l'œuvre :
    • Alfred Lavignac , Le voyage artistique à Bayreuth, Paris, Delagrave, 1896. La "bible" des premiers wagnériens. L'ouvrage comprend une analyse musicologique du Ring, notamment les différents leitmotiv, un résumé du poème et un tableau présentant les apparitions des différents personnages. Indispensable.
    • Boulez, Chéreau, Peduzzi, Schmidt , Histoire d'un Ring, Bayreuth 1976-1980, Pluriel, Laffont, 1980. Témoignages des auteurs du Ring du centenaire, qui commença par un scandale et se conclut par 75 minutes de "standing ovation".
    • Bruno Lussato (collaboration Marina Niggli), Voyage au cœur du Ring, Encyclopédie, Fayard, 2005. (ISBN 2213626995)
    • Bruno Lussato (collaboration Marina Niggli), Voyage au cœur du Ring, Poème commenté,Fayard, 2005. (ISBN 2213611254)
    • George Bernard Shaw , Le parfait Wagnérien, commentaire sur l'anneau du Nibelung, 1898, rééd. Bouquins, Laffont, 1994. Analyse marxiste du Ring. Un classique.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes

  1. Siegfried, T1, Alice, Livres sur Fnac.com
  2. Ring : l'Anneau des Nibelungen : test de Ring : l'Anneau des Nibelungen sur PC - Emu Nova
  3. test ring 2 PC : jouer aux jeux PC et consoles
  4. Pendragon Imageforge: studio d'animation